[Analyse] La flotte hauturière russe, des évolutions positives?

Les questions en rapport avec la flotte océanique russe ne prêtent en général guère à l’optimisme béat: navires vieillissants, programmes de modernisation lents à se concrétiser, mises sur cale de nouvelles unités trop espacées, bref celle-ci est dans une situation que l’on peut qualifier de délicate. Néanmoins, et bien que les difficultés rencontrées par celle-ci soient vérifiables et concrètes: plusieurs annonces récentes permettent de voir que la situation générale de la flotte océanique russe même si elle sera encore sous pression dans les années à venir est en passe de s’améliorer significativement (mais lentement).

Après de très longues années de construction (pour des raisons économiques, techniques et en partie doctrinale) de navires de petite taille (principalement des corvettes) adaptés à une doctrine d’emploi de la Marine ciblant en priorité les zones côtières ainsi que la protection des « bastions » d’où partent les sous-marins nucléaires lanceurs d’engins assurant la composante navale de la triade nucléaire russe; l’intervention russe en Syrie a mis en avant les difficultés rencontrées par la Marine Russe pour se projeter longuement, rapidement et loin de ses bases. Sachant qu’à l’inverse de l’US Navy, la Russie ne peut pas se reposer sur un ensemble de bases navales à l’étranger où elle peut faire relâche, on appréhende mieux le besoin qu’à cette dernière de disposer de navires pouvant intervenir au loin en toute autonomie. Il est également vrai que la Marine Russe a opéré un (timide) retour à de plus grandes ambitions océaniques par rapport à l’époque ayant suivi l’effondrement de l’URSS: pour ce faire, il lui est donc nécessaire de disposer d’unités modernes (ou modernisées) adaptées à ces missions.

L’amirauté russe n’ayant pas toujours fait preuve d’une grande rationalité dans ses projets et plans de rééquipement; cette dernière semble enfin avoir tracé les grandes lignes (toujours susceptibles d’évoluer) de son rééquipement océanique, les projets étant rendus possibles par l’achèvement (pour partie) de la reconstruction des principaux chantiers navals ainsi que de la concrétisation (pour partie également) du programme de substitution des équipements importés (les turbines à gaz notamment).

Dotée de financements réguliers, disposant d’une base industrielle en partie modernisée ainsi que d’une approche de croissance incrémentale (« on » ne construit pas un porte-avions sans disposer au préalable des navires d’escorte): l’horizon semble enfin se dégager (toujours lentement, on parle quand même de la construction navale russe) pour le futur de la flotte océanique russe.

Tour d’horizon… par ordre algébrique.

Izd.885M Yasen-M

Premier navire de série et deuxième sous-marin de la classe Yasen-M (Izd.885M/08851), le K-573 Novosibirsk (Новосибирск) est admis au service le 21 décembre 2021 après avoir passé moins d’une année aux essais, son lancement ayant eu lieu le 25 décembre 2019 et sa première sortie en mer en juillet 2021. Contrairement à ses prédécesseurs dont les temps de construction et d’essais se sont prolongés bien au-delà des délais raisonnables: il se sera écoulé un peu moins de huit années entre la mise sur cale et l’admission au service du navire.

Le K-573 Novosibirsk lors d’essais en mer. Image@CrazyMK/Airbase.ru

Outre des délais de construction plus en phase avec les standards occidentaux, c’est la Flotte d’attache du Novosibirk qui est une nouveauté. Comme son nom le laisse à penser, c’est au sein de la Flotte du Pacifique (base de Vilyuchinsk) que le K-573 va être affecté: ce faisant, il s’agira du premier modèle de ce type admis au service dans cette Flotte mais également le premier sous-marin « multifonctions » neufs livré depuis l’admission au service du K-150 Tomsk (Izd.949A Antey) le 30 décembre 1996…soit il y a exactement 25 ans! On comprend mieux pourquoi la Flotte du Pacifique est souvent considérée comme le « parent pauvre » de la flotte sous-marine russe…

L’année 2021 sera donc une année unique pour la classe de Yasen(-M) puisque il s’agira très certainement de la seule année où deux navires de cette classe auront été admis au service: le navire tête de série de la classe Yasen-M, le K-561 Kazan (Казань), ayant rejoint la Flotte du Nord le 7 mai 2021.

Le K-561 Kazan lors de ses essais en mer. Image@CrazyMK/Airbase.ru

Izd.949A(M)

La modernisation et refonte des sous-marins de la classe Antey (Izd.949A Oscar II) est un programme qui aura fait couler énormément d’encre et dont la mise en place a été des plus laborieuse: le contrat de modernisation d’un premier bâtiment, le K-132 Irkutsk (Иркутск), qui est arrêté depuis 2001, a été signé en 2013 et les travaux se déroulant au chantier naval Zvezda sont toujours en cours.

Visant à refondre le navire pour lui permettre d’emporter les missiles Oniks/Kalibr/Tsirkon en lieu et place des missiles anti-navires de surface 3M45 (P-700) Granit et au passage moderniser l’ensemble des capteurs et équipements embarqués: les travaux de très grande ampleur ont pris un important retard pour des raisons budgétaires, techniques et organisationnelles. Les contrats liés à la modernisation du navire sont d’ailleurs remis à jour annuellement pour s’adapter aux fluctuations des coûts des équipements ainsi qu’au contenu des travaux.

Un SSGN de la classe Antey (Izd.949A) Image@?

Cependant, il y a de la lumière au bout du tunnel puisque l’annonce récente de l’entrée en modernisation du K-442 Chelyabinsk (Челябинск) après la sortie du K-132 Irkutsk permet donc d’apprendre que la sortie de ce dernier après travaux aura lieu en 2022. Il se sera donc écoulé vingt-et-une années entre l’arrêt du navire et sa sortie de travaux, on doit très probablement battre un record en la matière. Précision qui a toute son importance, on parle de sortie des travaux: vu la campagne d’essais qui débutera après, on peut s’attendre à revoir le navire en service en 2023 et ce dans l’hypothèse où il n’y aurait pas de problèmes importants détectés sur ce dernier.

Le K-442 Chelyabinsk à l’époque où il était encore actif. Image@?

De manière pour le moins curieuse, la presse russe fait mention qu’une décision vient seulement d’être prise en ce qui concerne la modernisation du K-442 Chelyabinsk: celle-ci étant « confirmée »… Or les premières annonces relatives à cette modernisation remontent à 2013! Ces dernières font suite à un contrat (Р/1/2/0317/ГК-13-ДГОЗ) couvrant les travaux qui fut signé le 05 juillet 2013 par le chantier naval Zvezda et le Ministère de la Défense; ceci étant indirectement confirmé par ce contrat daté de 2014 (où l’on retrouve la référence « 638 », c-à-d: le numéro d’usine du K-442 Chelyabinsk) qui couvre la création de la documentation technique relative à la modernisation du navire. Vu l’ampleur des travaux à effectuer, il est illusoire de voir le K-442 Chelyabinsk revenir au service avant, au bas mot, 2025.

Izd.955A Boreï-A

Nouveau fer de lance de la composante navale de la triade nucléaire russe, la classe de SNLE Boreï-A (Izd.955A/09552) voit également une certaine rythmique « vertueuse » s’installer avec l’admission au service le 21 décembre 2021 du K-552 Knyaz Oleg (Князь Олег) au sein de la Flotte du Pacifique. Outre le fait qu’il s’agit du premier Boreï-A admis au service au sein de cette Flotte, il s’agit également de la deuxième année consécutive où le chantier naval SevMash livre un Boreï-A à la Marine Russe et enfin – détail important – il s’agit de la première fois qu’un Boreï-A effectue ses essais constructeurs et étatiques en moins d’une année (et sans pour autant que le navire ne soit admis au service avec des « équipements manquants », comme cela se passait régulièrement auparavant).

Le K-552 Knyaz Oleg lors d’une sortie en mer durant ses essais. Image@Oleg Kuleshov

Certes, ceci peut paraître anecdotique mais il s’agit d’un bon indicateur du niveau de maturité atteint par le chantier naval dans sa maîtrise du programme Boreï(-A) ainsi que de sa capacité à – enfin – tenir (en bonne partie) les délais annoncés. Signe qu’il ne s’agit pas d’un « heureux hasard » et si l’on en croît la presse russe: on se dirige vers la répétition de cette rythmique dans les années à venir puisque le Generalissimus Suvorov (Генералиссимус Суворов) vient d’être lancé le 25 décembre 2021 et il sera admis au service en 2022 tandis que l’Imperator Aleksandr III (Император Александр III) en fera de même en 2023. Enfin, une fois le Generalissimus Suvorov admis au service en 2022, la classe Boreï-(A) deviendra la classe majoritaire d’un point de vue des effectifs dans le parc de SNLE russes.

Les bonnes nouvelles se succèdent pour cette classe puisque le Ministère de la Défense prépare la signature d’un contrat (à signer en 2022) pour deux unités supplémentaires qui seront à mettre sur cale en 2023 au chantier naval SevMash: la série passerait donc à douze bâtiments et permettrait de disposer de six navires dans les deux Flottes principales.

Izd.971(M)

Autre programme de modernisation souvent décrié pour ses délais anormalement longs, la modernisation des SNA de la classe Shchuka-B (Izd.971 Akula) qui se déroule concomitamment au sein des chantiers navals Zvezda (Bolshoy Kamen) et Zvezdochka (Severodvinsk) a rencontré de sérieuses difficultés mais un premier navire revalorisé, le K-328 Leopard (Леопард) appartenant à la Flotte du Nord, est sorti de travaux le 26 décembre 2020. Curieusement, les essais à la mer du navire n’ont pas encore débuté, ces derniers étant prévus pour 2022 selon les informations les plus récentes.

Par contre, en ce qui concerne le K-295 Samara (Самара), appartenant à la Flotte du Pacifique, les nouvelles sont moins réjouissantes: le navire qui a été transféré au chantier naval Zvezdochka en 2014 (!) en compagnie du K-391 Bratsk (Братск), n’est toujours pas entré dans la phase active des travaux, le démontage des anciens équipements a été effectué mais aucune installation de nouveaux matériels ne s’est déroulé tant qu’à présent. Inutile de préciser qu’il ne faut pas s’attendre à le voir reprendre la mer dans un proche futur…

Et enfin, il y a également le K-461 Volk (Волк), appartenant à la Flotte du Nord, dont les travaux de modernisation sont en cours chez Zvezdochka et qui devrait – en toute théorie – sortir en 2023: aucune information ne filtre au sujet de ce dernier donc il reste à voir si les délais annoncés seront respectés, ce qui est peu probable vu que le K-328 Leopard n’a pas encore débuté ses essais à la mer et que ceux-ci vont mobiliser du personnel de ce chantier naval.

Le K-295 en compagnie du K-391 lors de leur transfert vers le chantier naval Zvezdochka (Severodvinsk). Image@Zvezdochka

Izd.1144.2M Orlan

La fin des travaux du croiseur de la classe Orlan (Izd.1144.2 Kirov) l’Admiral Nakhimov (Адмирал Нахимов) modernisé (reconstruit, serait un terme plus adéquat) au standard Izd.1144.2M se profile à l’horizon avec un retour au service dans le courant de l’année 2023. Programme souvent décrié pour son ampleur ainsi que son coût: la construction navale russe n’ayant pas vraiment brillé par son efficacité durant les travaux qui sont en cours depuis huit longues années… A la décharge du chantier naval, les décideurs de la Marine Russe n’ont pas toujours su ce qu’ils voulaient faire concrètement avec le bâtiment: ceci n’aidant pas à accélérer le calendrier des travaux.

L’Admiral Nakhimov lors de sa sortie du bassin de SevMash. Image@?

Arrêté depuis 1999 et présent au chantier naval SevMash depuis 2013, les premiers travaux sur l’Admiral Nakhimov ont réellement débuté en 2014 avec le démontage des équipements existants. Il faudra néanmoins attendre le mois d’août 2020 pour assister à la remise à l’eau du navire au sein du bassin de SevMash avant son transfert au quai de parachèvement où il se trouve toujours actuellement. Des difficultés (récurrentes) rencontrées avec le fournisseur des turbines vapeurs, Kirov-Energomash, font que la remise en service du navire est maintenant attendue pour 2023. Sur base des vidéos et images disponibles de ce dernier, il est possible de voir que le chantier tourne à plein régime et que l’on peut s’attendre à obtenir des informations plus précises sur l’achèvement des travaux dans le courant de l’année 2022.

L’Admiral Nakhimov vu à quai où se déroulent les travaux de parachèvement. Image@?

A l’inverse, il est « intéressant » (?) de voir que l’Amirauté est devenue très silencieuse sur le projet de modernisation (selon le même modèle) du Piotr Velikiy (Пётр Великий). Enterrement de première classe ou prudence de rigueur dans l’attente des résultats concrets des travaux sur l’Admiral Nakhimov? Impossible de répondre pour l’instant, néanmoins, il serait absurde de conserver deux navires à deux standards différents et avec des armements totalement incompatibles: sans même parler de la complexité logistique induite par une telle différence. Même si la modernisation est une opération très onéreuse et complexe, s’apparentant à une reconstruction complète du navire, la Marine Russe ne pourra faire l’impasse sur ces deux croiseurs dans un futur proche et moins-proche, vu l’absence de navires en mesure de les remplacer. Sachant que le Piotr Velikiy doit passer en carénage une fois que l’Admiral Nakhimov sera remis en service, il y a fort à parier que le navire passe par la case modernisation par la même occasion: il restera alors à voir si il s’agira d’un même standard de travaux ou une version plus « light » (et par conséquent moins onéreuse).

Le Piotr Velikiy dans son actuel. La question de sa modernisation (ou non) ne semble pas encore tranchée. Image@?

Izd.1155M Fregat

Les « grands navires de lutte anti-sous-marine » (BPK dans la classification russe) de la classe Izd.1155(.1) Fregat(-M) (code OTAN: Udaloy) forment actuellement le cœur de la flotte océanique russe. En service à raison de huit bâtiments répartis entre les Flottes du Nord (trois Izd.1155 et un Izd.1155.1) et du Pacifique (quatre Izd.1155), leur propulsion basée sur des turbines à gaz fait d’eux des navires appréciés et fiables sur lesquels se repose la Marine Russe pour ses opérations en zones océaniques.

La frégate Marshal Shaposhnikov lors d’une sortie en mer dans le cadre de ses essais post-modernisation. Image@Vl.ru

Disposant d’un armement spécialisé (lutte anti-sous-marine) et d’équipements embarqués vieillissants, la Marine Russe a lancé un programme de modernisation des unités affectées à la Flotte du Pacifique: une première unité, le Marshal Shaposhnikov, ayant repris du service fin 2020 après avoir été rééquipée avec seize cellules verticales 3S-14-1155 UKSK permettant l’emport de missiles de croisière Kalibr et Oniks et à terme Tsirkon ainsi que de huit lanceurs du système 3K24 Uran (missiles anti-navires de surface Kh-35). Outre l’installation des cellules verticales et de l’Uran, le navire a bénéficié d’une refonte d’une partie de ses capteurs ainsi que de ses équipements de combat; à cette occasion le navire est reclassifié en frégate. Bien que remis au service fin 2020, le navire poursuit ses tests avec notamment le tir le 15 décembre 2021 du missile anti-sous-marins 91R/RT/RTE2 Otvet faisant partie de la famille des Kalibr.

Malgré des travaux conséquents, la modernisation du Marshal Shaposhnikov peut-être considérée comme « incomplète »: si l’ajout des cellules verticales et des lanceurs Uran apportent un punch offensif indéniable ainsi qu’une polyvalence dont le navire ne disposait pas précédemment, le système de défense aérienne est resté intact et repose toujours sur le vieillissant 3K95 Kinzhal déployant le missile 9M330. D’une portée limitée (maximum douze Km) ainsi qu’offrant des temps de réaction peu pertinents suite à son mode de fonctionnement (silos rotatifs situés sous la plage avant du navire: tout tir nécessite un repositionnement du silo rotatif avant d’être effectif), il s’agit du gros point « faible » des travaux effectués sur le Marshal Shaposhnikov. En outre, le nombre de cellules verticales embarquées (seize UKSK) est pour le moins « faible » par rapport au déplacement du navire (7.570 tonnes au maximum); à titre de comparaison, une corvette Gremyashchiy emporte huit cellules verticales UKSK malgré un déplacement de 2.500 tonnes (mais pas avec la même endurance, c’est un fait).

Manifestement satisfaite (et n’ayant guère d’autres options dans un premier temps), la Flotte du Pacifique a décidé de traiter une deuxième unité de la sorte, l’Admiral Vinogradov, mais dans une forme revue et améliorée. Le navire déjà pris en charge par le centre de réparations Dalzavod (Vladivostok) va bénéficier de travaux beaucoup plus complet, le chantier naval indiquant dans son communiqué que « presque 100% des armements sont remplacés à l’exception des CIWS AK630M » avec notamment:

  • Remplacement du système 3K95 Kinzhal par le 3S90.1 Shtil-1 (4 x 12 VLS)
  • Installation du système Paket-NK en remplacement des affûts de 533 mm
  • Augmentation du nombre de lanceurs 3K24 Uran
  • Augmentation du nombre de cellules verticales UKSK (24 ou 32? Le chiffre n’est pas détaillé)
  • Remplacement de l’ensemble des radars embarqués et refonte des structures internes
Affiche réalisée par le chantier naval Dalzavod illustrant l’évolution des Udaloy avant et après modernisation ainsi que des options « supplémentaires » sur l’Admiral Vinogradov. Image@?

Le navire une fois achevé présentera un visage largement remis aux goûts du jour et sera une option des plus pertinente pour assurer la « soudure » avec l’arrivée sur le plus long terme de grandes unités hauturières. Il est vrai que, reposant sur une base technique solide et éprouvée, les Fregat sont fort probablement les navires les plus « équilibrés » en terme de coûts de fonctionnement/performances hérités de l’époque soviétique: leur seul – et principal – défaut étant leur hyper-spécialisation dans la lutte anti-sous-marine (ASW). Restera donc deux questions en rapport avec ces travaux: le délai de réalisation (espérons qu’il soit dans le « raisonnable », vu que le navire ne rajeunit pas) ainsi que l’éventuelle remise au même type (ou non) du Marshal Shaposhnikov.

Alors que le programme de modernisation des Fregat ne concernait que les navires en dotation au sein de la Flotte du Pacifique, la Flotte du Nord a revu sa position sur la question puisque le seul Fregat-M (Izd.1151.1) existant, l’Admiral Chabanenko, qui est arrêté depuis 2014 pour révision générale va également passer par la case modernisation. Les travaux ont longtemps été au point mort, le navire étant stationné à quai au chantier naval 35 SRZ de Mourmansk sans montrer la moindre trace d’activité. Les résultats obtenus avec la modernisation du Marshal Shaposhnikov ont poussé les responsables de la Flotte du Nord à associer un programme de modernisation à la révision générale du navire. En outre, élément non-négligeable pesant dans la balance décisionnelle: l’armement principal de l’Admiral Chabanenko, le missile anti-navires de surface 3M82 Moskit-M est un missile massif et encombrant qui approche de la fin de carrière, son remplacement s’imposait donc.

Après une première « confirmation » (manière de dire) de la modernisation du navire intervenue via un article publié dans le journal Izvestiya en juillet 2021, c’est une vidéo publiée le 24 décembre (cadeau de Noël?) par la chaîne TV Zvezda qui a confirmé les travaux en cours sur le navire: ce dernier étant actuellement au centre de réparations Nerpa où s’achèvent les travaux de réparation de la coque et des parties immergées du navire, après quoi le navire sera transféré pour la modernisation à proprement parler.

Aucun détail technique précis ne filtre pour l’instant sur le contenu des travaux à effectuer sur l’Admiral Chabanenko, mais il ne fait aucun doute qu’un minimum de seize cellules verticales UKSK seront installées (espérons qu’ils fassent de même que sur l’Admiral Vinogradov et augmentent le nombre final d’UKSK) à celles-ci viendront s’ajouter seize tubes pour le système 3K24 Uran (les supports sont déjà visibles) tandis que le Pantsir-M prendra la relève des systèmes Kortik. En ce qui concerne le reste des travaux, il faudra attendre le début des travaux de modernisation à proprement dit pour en savoir plus sur l’étendue de la modernisation. Le délai annoncé pour le retour au service du bâtiment étant de deux ans soit à la fin de 2023.

L’Admiral Chabanenko dans son état d’origine. Image@?

On s’oriente donc dans les années à venir (horizon 2024-2025) sur une flotte de Fregat revalorisée à hauteur de trois unités (deux au Pacifique et une au Nord) sur un total de huit navires actifs avec éventuellement une ou deux unités supplémentaires qui pourraient suivre dans la foulée: ceci dépendant largement du temps nécessaire à la réalisation des travaux de modernisation. Si la Flotte du Nord est moins dans « l’urgence » vu l’arrivée de frégates Admiral Gorshkov, la Flotte du Pacifique n’a guère le choix pour recapitaliser sa flotte de surface en l’attente de l’arrivée d’unités neuves.

Izd.11711 Ivan Gren

La classe de « grands navires de débarquement » (BDK dans la classification russe) Ivan Gren (Izd.11711) comporte deux navires actifs: l’Ivan Gren ainsi que le Piotr Morgunov qui sont tous les deux affectés à la Flotte du Nord. Ayant connu une genèse longue et délicate, les deux navires vont être suivis par deux autres mis sur cale le 23 avril 2019 au sein du chantier naval Yantar de Kaliningrad et devant être admis au service en 2023 et 2024 respectivement.

L’Ivan Gren, tête de série de la classe éponyme. Image@Tass

Baptisés des noms de Vladimir Andreyev et Vasily Trushin, ces deux navires présenteront un visage différent de leurs prédécesseurs avec un déplacement accru, des superstructures refondues ainsi que des capacités offensives améliorées (capacité de transport augmentée, meilleure tenue à la mer); les travaux ont pris du retard des suites de difficultés à obtenir la documentation technique définitive du bureau d’études. Cependant, évolution positive dans ce projet et bon indicateur du niveau d’avancement des travaux: la publication dans le journal d’entreprise (juillet 2021) ainsi que sur le compte Instagram du chantier naval d’images illustrant l’état d’avancement des travaux sur les premiers blocs de structures qui, une fois assemblés, formeront la coque du premier navire, le Vladimir Andreyev dont la formation de la coque sera achevée dans le courant de l’année 2022.

Aperçu de l’aspect que présentera le Vladimir Andreyev une fois achevé, l’esthétique générale est complètement transformée par rapport à ses prédécesseurs. Image@OSK

Vu le vieillissement de la flotte de transport et débarquement russe ainsi que l’accroissement des besoins, il est très probable (le chantier naval Yantar plaide d’ailleurs en ce sens) que la construction en série soit poursuivie après la sortie des deux navires en construction; si ces derniers viennent à donner satisfaction à l’amirauté.

Izd.22350(M) Admiral Gorshkov

Nouvelles unités de « base » de la flotte océanique russe, les frégates Admiral Gorshkov (Izd.22350) ont vu leur construction sérieusement impactée par la rupture des relations ukraino-russes découlant des évènements de 2014: ayant vu leur temps de production s’allonger au-delà du raisonnable, la situation actuelle est loin d’être parfaite. Deux unités sont en service au sein de la Flotte du Nord (Admiral Gorshkov et Admiral Kasatonov), une troisième unité, l’Admiral Golovko, est aux essais et devrait entrer en service en 2022 tandis qu’une quatrième unité, l’Admiral Isakov, est à un stade de construction avancé. Quatre unités supplémentaires (destinées à la Flotte du Pacifique) sont en construction au chantier naval Severnaya Verf (Saint-Pétersbourg) et enfin deux unités ont été commandées en 2020 sans être mises sur cale pour l’instant; on parle d’un total (en l’état actuel des choses) de dix bâtiments dans cette série.

L’Admiral Kasatonov, deuxième frégate et premier navire de série de la classe Admiral Gorshkov. Image@Severnaya Verf

Malgré l’importance de cette classe de navires pour la flotte russe, le rythme de construction reste beaucoup trop long et ce bien que la question de la substitution des turbines à gaz et des réducteurs liés ait été résolue. Le chantier naval Severnaya Verf ne brille pas par son efficacité et le récent incendie (voir plus bas) de la corvette Provornyy n’améliore pas la réputation de cette entreprise souvent critiquée; en outre et fort curieusement le Ministère de la Défense n’est toujours pas décidé (pour d’obscures raisons politiques?) à répartir la charge de travail générée par cette classe de frégates sur plusieurs chantiers navals et ce bien que le chantier naval Yantar ait manifesté son intérêt et sa disponibilité pour produire celle-ci. Il reste à voir si le récent incendie au chantier naval aura un impact à court-terme sur le chantier naval et sa charge de travail ou non.

L’autre projet important mené par le chantier naval Severnaya Verf est la construction de la future frégate (destroyer?) de la classe « Super-Gorshkov » (Izd.22350M) dont l’unité tête de série doit être mise sur cale une fois les travaux de construction de la nouvelle halle de production achevés, soit en 2023 si tout se déroule sans retards. Reprenant comme base les frégates Admiral Gorshkov (Izd.22350), le déplacement est accru à 7.000-8.000 tonnes (valeurs variant selon les sources) tandis que le nombre d’UKSK (cellules verticales) serait accru à 48 voire 64 (varie également selon les sources). Le nombre d’unités à produire n’est pas encore communiqué mais il y a fort à parier que des données plus précises seront communiquées lors de la mise sur cale de l’unité tête de série. Vu la nouveauté, la complexité ainsi que les délais de production coutumiers chez Severnaya Verf, il ne faut pas s’attendre à une sortie de construction du premier navire avant 2027-2028 et ce à condition que la mise sur cale annoncée en 2023 soit respectée.

Maquette illustrant ce qui pourrait (conditionnel de rigueur) être l’aspect de la frégate (destroyer?) « Super-Gorshkov » (Izd.22350M). Image@?

Izd.23560 Lider

Sorte d’éternelle arlésienne de la Marine Russe, le futur – et toujours hypothétique – destroyer (croiseur?) de la classe Lider (Izd.23560) est revenu récemment à l’avant dans la presse russe; avec l’annonce par A.Rakhmanov (CEO du holding OSK) du début des travaux sur le design technique du navire. Bien que la Marine Russe ne se soit pas encore officiellement prononcée au sujet de cette classe de navires, le développement d’un design technique indique que la Marine Russe a fait son choix dans les différentes propositions de design qui lui ont été faite par le holding OSK.

Image « classique » employée pour illustrer la classe Lider, vu que le design technique est seulement en cours: inutile de préciser que le navire final n’aura certainement pas cet aspect. Image@?

Evidemment, cette annonce doit se concevoir dans le cadre plus large des discussions qui vont se prolonger durant l’année 2022 sur les arbitrages budgétaires à effectuer pour le GPV 2024-2033: le holding poussant bien évidemment à la construction de cette classe de navires vu la charge de travail qu’ils peuvent fournir aux entreprises du groupe. Les plus optimistes auront tendance à penser que la création d’un design technique est un feu vert « tacite » en attendant d’avoir le feu vert définitif de la part du Ministère de la Défense, les plus pessimistes penseront qu’il s’agit simplement d’occuper l’espace médiatique… chacun se fera son opinion sur la question.

Bien que les chiffres avancés varient selon les sources, on s’oriente vers une classe de navires affichant un déplacement de 14.000 tonnes, disposant de soixante-quatre cellules UKSK (pour missiles Oniks, Kalibr et Tsirkon), d’un système anti-aérien à longue portée (dérivé du S-400 ou du S-500) et doté d’une propulsion nucléaire (ce qui se comprend vu l’absence, dans un proche avenir, de turbines à gaz indigènes développant de fortes puissances). Si (et seulement si) cette classe vient à recevoir le feu vert de la part du Ministère de la Défense, la mise à l’eau du navire tête de série est à envisager à l’horizon 2030: le chantier naval de la Baltique devant d’abord achever la construction des brise-glaces de la classe LK-60Ya (Izd.22220 Arktika) et moderniser ses installations pour mener à bien un projet de cette ampleur. Vu l’âge des croiseurs de la classe Atlant (Izd.1164 Slava) ainsi que le retrait de service des derniers Sarych (Izd.956 Sovremenny), une nouvelle classe de navires va s’imposer à moyen/long-terme, à voir l’équilibrage qui sera effectué au niveau de la répartition entre les Izd.23560 Lider et Izd.22350M « Super-Gorshkov« .

La Russie sait faire de belles maquettes, c’est un fait. Néanmoins il est peu probable que le Lider, si il se concrétise présente cet aspect. Image@?

Izd.23900 Ivan Rogov

« L’appétit vient en mangeant » selon l’adage populaire et il semble qu’en ce qui concerne les deux « navires de débarquement universels » (UDK dans la classification russe) de la classe Ivan Rogov (Izd.23900) actuellement en cours de construction au sein du chantier naval Zaliv (Kerch) il en aille de même. Alors que les premières informations communiquées au sujet de ces derniers parlaient d’un déplacement de 25.000 tonnes, on s’oriente maintenant vers un sérieux accroissement de masse, le déplacement des navires étant passé progressivement à 30.000 puis enfin 40.000 tonnes et la longueur se situant aux alentours des 220 mètres! On se rapproche donc de plus en plus à des navires qui présenteront un gabarit similaire (mais pas identique pour autant) aux anciens Krechet (Izd.1143 Kiev) et qui ne sont plus très éloignés de l’Admiral Kuznetsov (en termes de gabarit, pas en termes de missions): de là à y voir un « tremplin » vers une classe de navires d’une taille supérieure à plus long-terme, il n’y a qu’un pas… Mais soit, c’est un autre sujet.

Le premier « porte-aéronefs » soviétique, le Kiev (Izd.1143 Krechet). Image@?

Evidemment, les informations communiquées sont à prendre avec les réserves de rigueur mais il apparaît que durant le développement du projet, les responsables de la Marine aient décidé d’accroître les capacités des navires pour leur adjoindre notamment la possibilité d’emporter des drones pour des missions d’attaque ou de reconnaissance; certaines sources parlant même de la capacité de mettre en œuvre seize hélicoptères mais également quatre drones lourds S-70 Okhotnik. Si l’ajout de drones dans la dotation des UDK prend tout son sens vu les capacités apportées par ces derniers, il reste à voir si cette information est crédible. En effet, le drone S-70 est un appareil massif présentant de grandes dimensions et son embarquement dans un UDK va nécessiter de sérieuses adaptation sur le modèle pour en dériver une version « navale ».

Image de synthèse illustrant ce qui ne sera – certainement pas – l’aspect définitif des navires de la classe Ivan Rogov. Image@?

Outre l’emport du S-70, les UDK vont également recevoir deux systèmes automatisés de lutte anti-mines composés de drones de surface ainsi que de drones sous-marins qui seront couplés au sonar des navires. Le but recherché avec l’installation de cet équipement est de disposer d’une capacité de lutte anti-mines sans devoir disposer d’une escorte composée des navires de la classe Aleksandrit (Izd.12700); sachant qu’en outre ces derniers sont réservés à des usages côtiers et littoraux. Il est fort probable au vu des annonces faites durant l’année 2021 relatives au début de la formation des blocs de coques que les premiers éléments des navires seront visibles dans le courant de l’année 2022, ce qui serait logique vu que le premier bâtiment est attendu pour 2025.

Le Georgiy Kurbatov, premier navire de série de la classe Aleksandrit. Image@?

En conclusion

Evolutions sans pour autant être une révolution, on peut néanmoins constater des évolutions positives (ainsi que dans une moindre mesure négatives) en ce qui concerne la flotte océanique russe. Il ne faut pas s’attendre à des changements rapides et massifs dans les mois à venir bien que l’on peut voir qu’une certaine rythmique plus rigoureuse et « vertueuse » qui s’installe avec notamment des livraisons à intervalles réguliers de sous-marins nucléaires, l’élaboration de projets réalistes plus en phase avec la réalité économique du pays et enfin une revalorisation des infrastructures d’entretien et de production.

Il semble que l’arrivée du missile 3M22 Tsirkon couplé aux limitations capacitaires intrinsèques des plates-formes côtières du type corvettes poussent la Marine Russe vers un nécessaire accroissement de ses capacités océaniques à court/moyen-terme avec réinvestissement dans ses navires hauturiers d’origine soviétique (1144.2M/1155M) dans un premier temps suivi par la mise sur cale d’un premier destroyer « Super-Gorshkov » dans un deuxième temps ainsi qu’éventuellement d’un premier destroyer Lider (Izd.23560) par la suite. En outre l’accroissement de la présence de la Flotte russe sur les mers et océans ainsi que la mise en service à terme des deux premiers UDK de la classe Ivan Rogov vont de facto pousser la Marine Russe à aligner des grandes unités océaniques pour assurer la protection de ces bâtiments.

L’incendie de la corvette Provorny (Izd.20385): comme un air de déjà vu?

Etrange tradition au sein des chantiers navals russes: une très nette propension à voir se déclencher des incendies sur des navires en cours de révision et/ou construction. Sans entrer dans les détails, on peut voir que l’histoire contemporaine de la construction navale russe est jalonnée par une longue liste (non exhaustive) d’incendies avec notamment:

  • Admiral Kuznetsov (35 SRZ, 12/12/2019)
  • Viktor Tchernomyrdin (Chantier naval de l’Amirauté, 27/11/2018)
  • Georgy Kurbatov (Sredne-Nevsky, 07/06/2016)
  • K-266 Orel (Zvezdochka, 07/04/2015)

Bref, même si la construction navale est un domaine où le risque de départ de feu est excessivement important (volumes fermés et cloisonnés qui sont – pour certains – difficilement accessibles, présence de produits inflammables, présence de volumes importants de carburants, etc…), on constate cependant que les chantiers navals russes (par rapport à leurs homologues occidentaux) semblent avoir les pire peines du monde à éviter les départs d’incendies et surtout à éviter que ces derniers finissent par prendre rapidement une grande ampleur (« heureusement », ces derniers sont en général dramatiques d’un point de vue matériel mais pas humain).

La corvette Gremyashchiy, tête de série de la classe éponyme. Image@?

La corvette Provornyy (Izd.20385 Gremyashchiy), deuxième unité et premier navire de série est la dernière victime en date de cette (trop) longue liste d’incendies. En soirée, le 17 décembre 2021 la corvette qui était en cours de peinture à l’extérieur du chantier naval Severnaya Verf (Saint-Pétersbourg) a pris feu au niveau de sa passerelle de commandement (dans la superstructure du navire composée en matériaux composites). Le feu a fait rage pendant de très longues heures, mobilisant plus de 170 pompiers et fort heureusement ne faisant que trois blessés (deux légers et un grave) sans ôter la vie à personne. Les dégâts matériels sont à première vue énorme puisque l’ensemble de la superstructure en matériaux composites s’est effondrée sur les ponts inférieurs: l’ampleur des dégâts doit encore être évaluée en détail par la commission d’enquête mais il ne faut pas se faire d’illusions, SI (et seulement si) le navire peut être sauvé, la facture finale sera très lourde et le délai de construction frisera le sommet du ridicule.

La corvette Provornyy en feu le soir du 17 décembre 2021. Image@?

Mise sur cale le 25 juillet 2013, la corvette Provornyy a été lancée en septembre 2019 et son admission au service était envisagée pour la fin de 2022: soit plus de neuf ans (!) pour une « simple » corvette d’un déplacement de 2.500 tonnes. Avec cet incendie et l’allongement des délais qui en découleront ainsi que l’explosion attendue de la facture finale: on en vient à se demander si il est encore utile de persévérer avec ce bâtiment et si il ne serait pas plus pertinent de transférer la construction de cette classe de navires à d’autres chantiers navals dont l’efficacité et la construction dans des délais raisonnables ne sont plus à démontrer.

Si la tendance générale se confirme et vient à se poursuivre dans les années à venir, tout dépendant des arbitrages budgétaires du GPV 2024-2033 dont les discussions sont actuellement en cours, la flotte océanique russe devrait être en bonne partie rajeunie à l’horizon 2027-2030. La question du futur des grandes unités de surface héritées de l’époque soviétique n’étant qu’en partie résolue à cet horizon; les grandes lignes directrices semblent assez clairement tracées bien que la situation ne soit pas parfaite pour autant. Le taux de renouvellement actuel de la flotte ne permet pas (encore) de compenser le vieillissement des unités héritées de l’époque soviétique, en outre, les retards (nombreux) connus par les programmes de modernisation des Shchuka-B (Izd.971), Antey (Izd.949A) et Orlan (Izd.1144.2) mettent en lumière les difficultés rencontrées par la construction navale russe (et l’exemple récent de l’incendie de la corvette Provornyy ne fait que renforcer cette impression) ainsi que l’inconsistance décisionnelle qui caractérise régulièrement la Marine Russe et le Ministère de la Défense sur les questions navales.

Par contre, et il s’agit certainement de l’évolution la plus positive et tangible des travaux en cours, la Flotte du Pacifique va recevoir en très peu de temps un très sérieux coup de jeune avec l’arrivée de:

  • 2021: K-552 Knyaz Oleg (Izd.955A) et K-573 Novosibirsk (Izd.885M)
  • 2022: K-132 Irkutsk (Izd.949AM), K-5xx Generalissimus Suvorov (Izd.955A) et K-571 Krasnoyarsk (Izd.885M)
  • 2023: K-5xx Imperator Aleksandr III (Izd.955A)

A ces derniers viendront s’ajouter une frégate Fregat (Admiral Vinogradov) refondue, au-moins un Antey modernisé (K-442 Chelyabinsk) supplémentaire, ainsi qu’à moyen-terme un Ivan Gren (Izd.11711) et un Ivan Rogov (Izd.23900). Evolutions positives bien qu’imparfaites, notamment suite au manque d’unités de surface océaniques neuves (l’arrivée de frégates Admiral Gorshkov n’aura pas lieu avant 2025), la Flotte du Pacifique va voir ses moyens (quantitatifs et qualitatifs) disponibles s’accroître très significativement et – cerise sur le gâteau – elle disposera du plus grand et plus moderne chantier naval du pays à proximité (Zvezda à Bolshoy Kamen) pour assurer l’entretien et les refontes des navires en service.

La Flotte du Nord n’est pas en reste non plus, puisque l’on peut s’attendre dans les mois et années à venir au retour des:

  • Admiral Nakhimov (Izd.1144.2M) en 2023
  • Admiral Kuznetsov (Izd.1143.5) en 2023
  • Admiral Chabanenko (Izd.1155.1M) en 2023
  • K-328 Leopard (Izd.971M) en 2022-2023

En plus de ces retours au service, la Flotte du Nord va également recevoir deux frégates Admiral Gorshkov supplémentaires (Admiral Golovko en 2022 et Admiral Isakov en 2023), bref et à considérer qu’il n’y ait pas de retards supplémentaires (ce qui est toujours du domaine du possible), la Flotte du Nord recevra un sérieux coup de jeune au niveau de sa flotte océanique à l’horizon 2023. Autre problématique qui sera -enfin! – solutionnée; la question d’une cale sèche dédiée aux carénages des navires de grandes dimensions, depuis la perte, très médiatisée, du dock flottant PD-50, la Flotte du Nord ne dispose plus de la capacité à mettre en carénage ses navires de grande taille. Les travaux d’une « nouvelle » cale sèche au chantier naval 35 SRZ de Mourmansk ont connu des débuts laborieux (changement d’entrepreneur durant les travaux) mais ont bénéficié d’un très sérieux coup d’accélérateur après un coup de sang du Ministre de la Défense en avril 2021. En théorie, les travaux devraient être achevés à la fin de 2022: permettant l’entrée en carénage de l’Admiral Kuznetsov et par la suite la prise en charge (plus) régulière et dans de meilleures conditions des navires de la Flotte du Nord.

Doit-on pour autant sortir le champagne (c’est de saison) et considérer que l’avenir de la flotte océanique russe est radieux? Comme indiqué plus haut, il y a des évolutions mais il ne s’agit pas encore d’une révolution. La Russie commence – enfin! – à récolter les fruits des programmes de modernisation enclenchés à l’aube des années 2010 ainsi que de la mise sur cales de nouvelles unités mais il n’empêche que les délais de production (exception notable des sous-marins) sont encore beaucoup trop longs en matière de construction navale russe (sans même parler de l’incendie de la corvette Provornyy) tout comme les incertitudes décisionnelles en matière de construction de nouveaux navires ont un sérieux impact sur la flotte océanique et son vieillissement.

Il reste maintenant à voir ce que le Ministère de la Défense va décider en ce qui concerne le sort des deux futures classes de surface principales que sont les « Super-Gorshkov » (Izd.22350M) et Lider (Izd.23560): si les Izd.22350M sont acquis avec la mise sur cale d’une première unité en 2023-2024, il reste à voir si les Lider recevront le feu vert dans l’immédiat et/ou un proche avenir. Après tout, ne pouvant pas se reposer sur un réseau de bases navales disséminées sur toutes les mers et océans: la Marine Russe, dans l’hypothèse où elle veut disposer d’une capacité d’intervention globale doit avoir dans ses effectifs des navires disposant d’une grande endurance, la modernisation des navires hérités de l’époque soviétique ne permet pas de régler le principal problème qui est l’âge des navires. De facto, la Russie sera donc condamnée à trancher dans le sens de la construction de nouvelles unités hauturières, sous peine de perdre sa capacité à intervenir/escorter ses navires sur les mers et océans du globe.

Souvent qualifiée de « puissance terrestre dotée d’une marine », la Russie recapitalise à petits pas sa flotte océanique, et bien qu’elle n’atteint pas (et n’atteindra probablement jamais) les rythmes de production de la construction navale chinoise (avant tout pour des raisons organisationnelles et politiques): les tendances générales qui se dessinent sont globalement positives (mais pas parfaites pour autant) et on ne peut que constater une lente (mais réelle) montée en puissance de la construction navale (surtout au niveau de la construction des sous-marins). Même si il est souvent tentant de se moquer (ou « troller ») la construction navale russe vu sa propension à se mettre dans des situations d’apparence inextricables (la perte du dock flottant PD-50 en est une) mais il est surtout utile de voir que le raisonnement dominant jusque récemment d’une flotte russe spécialisée dans les zones côtières et littorales est en train d’évoluer vers une marine aux ambitions océaniques qui sans pour autant être une marine « à la Gorshkov » va retrouver dans les mois et années à venir une capacité d’intervention océanique qu’elle n’avait plus connu depuis la fin de l’URSS, soit il y a exactement trente ans.

La seule question qui reste réellement en suspens étant de voir quelle enveloppe budgétaire sera allouée à la Marine dans le cadre du GPV 2024-2033 et l’impact de celle-ci sur les projets futurs de la Marine Russe et qui de facto déterminera le niveau de présence et la liberté d’action en zones océaniques dont la Russie souhaitera disposer à moyen/long-terme.   

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Et c’est avec cet article, qui sera le dernier publié en 2021, que toute l’équipe du blog tient à vous souhaiter un Joyeux Noël (que vous le fêtiez ou non) ainsi que nos meilleurs vœux pour l’année 2022!

С Рождеством!
С Новым годом!

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