[Dossier] Les destroyers de la classe Lider (Izd.23560)
Il ne fait aucun mystère que la Russie a actuellement de grosses lacunes au niveau de la capacité de production de navires militaires de surface de grande taille. La chute de l’URSS et l’éclatement territorial qui s’en est suivi ont eu un impact important sur les capacités de production navales ainsi que sur les chaînes d’approvisionnement.
Cependant, si la situation s’améliore progressivement avec la modernisation et l’accroissement de la capacité de production des chantiers navals russes; il reste encore un long chemin à parcourir. En outre, la crise en Crimée a mis en lumière la forte dépendance des Russes vis-à-vis de l’Ukraine dans le domaine des turbines navales. La rupture des échanges commerciaux entre les deux pays a donc eu un impact important nécessitant la mise en place en toute urgence d’un programme de substitution des importations ukrainiennes.
La Marine Russe contemporaine est composé d’une flotte hétéroclite avec une grosse majorité des grandes unités de surface issues de l’époque soviétique et nécessitant soit d’être remplacées soit d’être modernisées et d’une part croissante de nouveaux bâtiments de plus petite taille issus de designs neufs mais multiples et pour la majorité mis en service avec beaucoup de retard par rapport aux programmes d’acquisition.
Si la Marine Russe contemporaine n’est en rien comparable avec la Marine Soviétique telle qu’imaginée par l’Amiral Gorshkov, il semble assez évident que les bâtiments actuellement en service ne dureront pas éternellement: la question de leur remplacement ou de leur non-remplacement se posera donc à terme.

Les quatre bâtiments de la classe Kirov ne sont pas sortis indemnes du début des années 2000; les deux navires survivants de cette classe (Admiral Nakhimov et Piotr Velikiy) sont/seront modernisés en profondeur permettant de les doter de capacités sans commune mesure avec celles qu’ils avaient à leur sortie du chantier naval.
Cependant, deux navires – peu importe leur taille – ne vont pas changer fondamentalement la donne au niveau des capacités offertes par la Marine Russe. D’autant plus que les autres grandes unités de surface existantes (les Slava, Udaloy et Sovremennyy subsistants) ne rajeunissent pas non plus. Une partie des navires de ces trois classes sont/seront modernisés en vue de leur permettre de rester en première ligne jusqu’à l’arrivée d’un remplaçant.

La question du remplacement de ces unités de surface va devenir de plus en plus importante à l’horizon 2025-2030. Certes, la Marine Russe a déjà lancé plusieurs programmes de corvettes et frégates en vue de moderniser la flotte mais ces dernières sont mises en service à un rythme trop faible et à des standards d’équipements multiples (ceci découlant du fait que la Russie « donne » du travail à plusieurs chantiers navals qui viennent chacun avec leur propre design et/ou variante d’un design de base).
Si l’on se réfère à l’actuelle doctrine navale russe datant de 2015 et révisée en 2017; la priorité semble être clairement donnée à l’acquisition de navires de surface de plus petite taille pouvant embarquer des lanceurs universels UKSK permettant de déployer des missiles Oniks, Kalibr et éventuellement Tsirkon. La création de navires de grande taille à caractère océanique n’est pas oublié pour autant; bien que les perspectives budgétaires du GPV 2018-2025 ne soient actuellement pas favorables à la Marine Russe, il est utile de se pencher sur les projets et développements récents en la matière.
Aperçu historique
Si le renouvellement de la flotte de frégates et corvettes est déjà pris en charge, la question des « navires de grande taille » reste par contre ouverte à débat. Il faut retourner en 2009 pour voir l’agence Itar-Tass parler pour la première fois d’un projet de nouveau destroyer pour la Marine Russe. Cette annonce, particulièrement laconique, sera suivie le 29 juin 2011 par l’annonce qu’USC (United Shipbuilding Corporation) a débuté les travaux de design d’une nouvelle génération de destroyers à propulsion nucléaire.
Peu de temps après, en octobre 2011, le journal Izvestia publie un article parlant d’une « nouvelle génération de destroyers amenés à prendre la relève des navires du type 956 (Sovremenny), 1155 (Udaloy) et 1164 (Slava). Il s’agira d’une classe de navires universels capables de remplir les missions remplies par les trois types cités« . C’est le centre de recherche étatique Krylov qui prend en charge la réalisation du design préliminaire de ce nouveau destroyer; se focalisant notamment sur le design de la coque et l’intégration des sous-systèmes envisagés au sein du navire.

En date du 13 février 2013, un premier design préliminaire fut présenté à l’amirauté russe; ce design étant mis au point par le bureau Servernoye qui a rejoint l’équipe de travail du centre Krylov. Ce tandem étant le mieux placé pour assurer le design et la création d’un navire de grande taille vu leurs expériences antérieures en la matière (sur les Izd. 1144/1144.2 Kirov notamment).
Lors du salon Armiya 2015, il fut – enfin – possible d’avoir un premier aperçu sur le design avec la présentation d’une maquette du futur destroyer. Ce dernier, repris sous le nom Lider (Лидер) forme le type Izd.23560.

Après l’étape de la définition du design préliminaire, c’est en juin 2016 qu’a débuté la mise au point du projet technique (et donc la définition des équipements et des caractéristiques dont disposeront ce nouveau navire); cette mise au point étant toujours de la responsabilité du bureau de design Severnoye.
Dans le courant du mois de mai 2017, le projet Lider est revenu sur la table avec une déclaration jetant le doute sur la propulsion embarquée à bord du navire; l’option nucléaire n’étant alors plus reprise comme étant prioritaire.
Il ne faudra pas attendre longtemps pour voir cette affirmation être balayée; en date du 23 août 2017, le MoD Russe a approuvé le projet préliminaire qui lui a été présenté, ceci permettant de continuer à travailler sur le dossier technique et permettant également de passer à l’étape de la création de la documentation nécessaire à la production du navire. Par la même occasion, l’option de la propulsion nucléaire a été confirmée.
Le directeur du chantier naval Severnaya a également fait savoir en 2017 que son chantier naval est prêt à procéder à la première découpe de métal dès 2018 si le MoD Russe se décide à financer et donner la priorité au projet.
Un peu de technique
Il est difficile de parler in extenso du destroyer de la classe Lider puisque les paramètres techniques définitifs n’ont pas encore été rendus publics. Malgré tout, il est déjà possible de se faire une idée de certains équipements et caractéristiques du navire; une partie des paramètres relatifs à ces navires semblant déjà actés et non-soumis à changements.

Passons en revue les éléments déjà connus et ceux soumis à discussions.
Bureau de design et de construction
Le bureau de design dont nous avons parlé ci-dessus est déjà connu: c’est le tandem Krylov-Severnoye qui réalise le design préliminaire et le bureau Severnoye qui prend en charge la réalisation du design technique et la création des documents de production.
La production du navire doit normalement se dérouler au sein du chantier naval Severnaya de Saint-Pétersbourg; cependant, ce dernier devra d’abord passer par une modernisation de ses installations pour pouvoir débuter la production des navires. Cette modernisation prévue de longue date doit débuter sous peu et elle consiste en un réaménagement des installations de production ainsi qu’en l’agrandissement des cales et des bassins en vue de pouvoir produire des navires (peu importe leur fonction) d’une longueur pouvant aller jusque 300 m.

Il reste à voir si le chantier Severnaya est le mieux placé pour assurer cette production: bien que proche du bureau de design Severnoye, les installations du chantier naval de Saint-Pétersbourg ne sont pas de première jeunesse, les travaux de modernisation prévus en sont une preuve. L’autre option, si le choix de la propulsion nucléaire vient à se confirmer est de construire au chantier naval de la Baltique, situé également à Saint-Pétersbourg et disposant de la licence autorisant à construire des navires à propulsion nucléaire: en outre, ce chantier naval dispose des compétences nécessaires, ayant déjà produits les Izd.1144(.2) Orlan/Kirov ainsi que la majorité des brise-glaces nucléaires soviéto-russes.
Il ne serait pas surprenant de voir le chantier naval Zvezda installé sur le Pacifique et achevant actuellement une longue et complète modernisation assurer également tout ou partie de la production des navires. Ou tout du moins de partager la charge de travail avec le chantier Severnaya ou de la Baltique; après tout, ces chantiers navals appartiennent au même groupe (USC).
A l’inverse, assurant déjà la production des frégates du type Admiral Gorshkov et devant produire à terme les frégates du type « Super-Gorshkov« ; le chantier naval Severnaya sera le mieux placé pour produire les Lider vu qu’une partie des solutions techniques envisagées sur ce dernier seront reprises de ces deux classes de frégates. Bref, chacun de ces deux chantiers navals à une carte à jouer.
Missions principales
Au niveau du navire en lui-même, le premier point à regarder ce sont les missions prévues du navire. On l’a dit auparavant, les Lider seront des navires « universels » capables de remplir principalement des missions de quatre types;
- Lutte anti sous-marine
- Lutte anti navires de surface
- Lutte anti-aérienne
- Frappes au sol
En sachant bien évidemment que le but outre ces quatre missions principales est de pouvoir assurer une permanence à la mer, le navire étant conçu en ce sens. Nous y reviendrons.
Si on lit entre les lignes; il est assez clair que ces destroyers sont également envisagés pour assurer l’escorte d’un futur et toujours hypothétique porte-aéronefs russe.
Dimensions générales et propulsion
Les dimensions générales ne sont pas connues mais certaines estimations sont déjà disponibles: les destroyers Lider seront d’un déplacement situé entre celui des Izd 22350 (Admiral Gorshkov), des Izd 22350M (« Super-Gorshkov« ) et Izd 1144.2 (Kirov).

En sachant qu’une frégate Admiral Gorshkov déplace 5.400 tonnes au maximum, qu’un « Super-Gorshkov » est envisagé à 8.000 tonnes et qu’un Kirov déplace 25.000 tonnes: on peut déjà cibler le déplacement du Lider à 15-18.000 tonnes. Les déclarations étant claires sur cette question: plus petit qu’un Kirov et plus grand qu’un « Super-Gorshkov« . Différentes sources corroborent cette estimation donnant le Lider à un déplacement de 17.500 tonnes; ce qui est finalement assez cohérent vu les navires à remplacer et l’armement envisagé.
La longueur du navire est donnée à 200 m avec une largeur maximale de 23 m, le tirant d’eau est de 6,6 m et la vitesse maximale envisagée est de 32 noeuds. La propulsion sera assurée sur base d’un système CONAS (COmbined Nuclear And Steam) couplé à deux lignes d’arbre portant une hélice chacun. Certaines sources indiquent que la chaîne cinématique développée sera réemployée pour l’hypothétique futur porte-aéronefs russe. Ceci dit, il paraît plus que probable que l’on assiste à un emploi des réacteurs du type RITM-400 des futurs brise-glaces Leader (Izd.10510) comme base de la chaîne cinématique.
L’emploi d’une propulsion nucléaire combiné à une importante capacité de stockage doivent permettre au Lider de disposer d’une autonomie en complète indépendance estimée à 90 jours. Vu le but recherché de pouvoir patrouiller de grandes zones et vu les affectations envisagées à la Flotte du Nord et la Flotte du Pacifique; cette endurance se justifie pleinement.

En effet, bien qu’une flotte basée sur des corvettes et frégates remplisse parfaitement les missions à proximité des territoires et des bastions, sa capacité océanique sera fortement limitée sans la mise en place d’une flotte logistique lourde et complexe capable de se projeter loin en mer.
Les estimations parlent d’un équipage allant de 250 à 300 hommes nécessaires pour le bon fonctionnement du navire. La durée de vie envisagée des navires est de 50 ans.
Systèmes offensifs
Passons à l’armement embarqué; bien que ce dernier ne soit pas encore connu de manière définitive certains éléments ont déjà été annoncés.

Premier élément qui se confirme: l’emport de 64 missiles destinés aux frappes sur les unités de surface ou pour les frappes au sol et qui seront emportés dans des lanceurs universels 3S14 UKSK. Sur base de la maquette présentée, on peut voir que les silos UKSK seront implantés en plage avant du navire (6 silos soit 48 missiles) et 2 silos en plage arrière (soit 16 missiles).
Ces lanceurs universels sont à même d’emporter trois types de missiles: les Kalibr (missiles 3M54T et 3M14T), les Oniks (3M55) et enfin les Tsirkon (3M22). L’avantage des silos universels étant que l’emport peut varier en fonction des besoins et des cibles à traiter.

Deuxième élément; l’installation du système anti-aérien S-500 couplé au système Redut-K(repost), ce dernier étant une variante du système Redut, à eux deux ils seront capables d’emporter les missiles 9M100, 9M96M, 9M96M2, 40N6, 48N6M, 48N6DM. De plus, le S-500 pourra emporter le futur missile 77N6 pour le traitement des cibles à très longue distance.
Ces différents types de missiles ont pour mission d’assurer la défense anti-aérienne et sont capables de traiter des cibles aériennes à différents profils d’altitudes et à tous les types de distances. Les informations disponibles indiquent qu’il y aurait 128 missiles emportés, ces derniers étant stockés dans des silos implantés en plage avant et en plage arrière du navire.
La protection anti-aérienne très rapprochée sera assurée par le système Pantsir-M; variante navale du système Pantsir-S1. Ce système est composé de deux canons à 6 tubes GSh-6-30K de 30 mm couplé à 8 tubes lance-missiles alimentés à raison de 32 missiles. Sur base de la maquette présentée, il y aurait 3 systèmes Pantsir-M installée à bord.

Troisième élément; le système de lutte anti sous-marine à distance serait basé autour des missiles 91RTE2 (système Kalibr) qui seraient également stocké dans des silos à raison de 4 missiles dans 4 silos quadruples soit 16 missiles au total. La lutte sous-marine de proximité sera assurée par des lanceurs quadruples Paket-NK qui emploient des torpilles de 330 mm pouvant atteindre des cibles dans un rayon de 10 miles marins, de plus ce système assure également le rôle de lutte anti-torpilles.

Quatrième élément, l’installation d’un canon A-192M de 130 mm en plage avant du navire; ce dernier aura pour mission d’assurer l’engagement des cibles au sol, en mer et dans l’air ne nécessitant pas l’emploi de missiles. Ce canon est installé dans une tourelle légèrement blindée dont les formes ont été étudiées pour réduire la signature radar. Le canon qui est capable de tirer 30 obus à la minute est capable d’engager des cibles de surface et terrestre à maximum 23 Km tandis que les cibles aériennes pourront être atteintes qu’à environ 18 Km.

Enfin, comme tout navire russe qui se respecte, un hangar pouvant abriter deux hélicoptères du gabarit des Kamov Ka-27 (et variantes) est prévu en plage arrière du navire.
Un ensemble de contre-mesures sont prévues dont notamment, outre le Paket-NK déjà détaillé ci-dessus, le système de lance-leurres PK-10. Ce système est capable de tirer des leurres de plusieurs types mais ayant comme mission principale de leurrer les missiles équipés de système de ciblage optique et/ou radar.
Capteurs et senseurs embarqués
On ne peut pas parler des systèmes d’armements sans envisager les radars pour les employer: pour ce faire, la maquette présentée du navire montre une configuration avec deux mâts dont un mât principal très haut et doté de surfaces planes sur lesquelles sont disposés les radars nécessaires à la navigation, à la détection des cibles et pour le bon fonctionnement des systèmes d’armes embarqués.
Le mât principal comprend également deux cheminées de ventilation intégrées et liées à la propulsion du navire; vu les changements et le passage à l’option « nucléaire »: il y a des fortes probabilités pour que cette configuration soit modifiée.

Un deuxième mât de plus petite taille se situe derrière le premier mât et on trouve également certains radars et équipements optroniques disposés dessus. Il y a fort à parier que les Lider disposeront d’équipements radars similaires à ceux embarqués sur les frégates Admiral Gorshkov mais avec plus de capteurs, vu les systèmes d’armement présents.
Si on se base sur l’équipement des frégates Admiral Gorshkov et sur base de la maquette déjà présentée: certains radars et senseurs peuvent déjà être devinés;
- Radar 5P27 « Furke-4 », radar 3D de veille aérienne
- Radar 5P20K, radar AESA en bande S couplé au système Poliment/Redut
- Radar 5P10, radar de tir pour la canon A-192M
- Radar 34K1, radar de recherche de surface pour le guidage des missiles anti-navires
- Radar MR-352, radar de recherche de surface
- Radar MR-231-2, radar de navigation
- Radar PAL-N1, radar de navigation
- Systèmes électro-optiques MTK-201M, comprenant caméras TV et IR ainsi que télémètre laser
- Système électro-optique SP-520 lié au canon A-192M
- Sonar de proue Zorya-M
- Sonar tracté Vinyetka-EM
Voilà dans les grandes lignes les informations disponibles et/ou déductibles sur les navires de la classe Lider. Il est bien entendu évident que toutes ces informations sont à prendre avec les réserves d’usage; les choix techniques définitifs ne sont pas encore connus et sont toujours susceptibles de changer par rapport aux évolutions technologiques et à la capacité d’investissement de la Russie dans ce projet.
La classe Lider, quel intérêt?
Le sujet a déjà été abordé ci-dessus, les destroyers de la classe Lider sont destinés à prendre la relève des Slava, Udaloy et Sovremenny; en outre, ils viendront se positionner entre les « Super-Gorshkov » et les Kirov. Navires océaniques par excellence, les Lider seront des navires « universels » qui doivent être affectés en priorité aux flottes du Nord et du Pacifique. La flotte du Nord sera en première ligne pour prendre en charge la protection de la zone vitale (aux yeux de la Russie) qu’est la zone arctique; l’endurance offerte par ces navires tombant à point nommé pour assurer une permanence sur zone.
La flotte du Pacifique de par la zone qu’elle a à couvrir et les menaces potentielles aura besoin de navires polyvalents pouvant travailler en toute indépendance. L’arrivée à terme des Types 055 Chinois d’un déplacement de 13.000 tonnes vont pousser la Russie à aligner un navire d’un calibre plus important que ce qui est disponible actuellement.

Les chiffres varient entre huit et douze unités mais les estimations les plus crédibles indiquent que la Marine Russe souhaiterait disposer de huit unités de la classe Lider. Vu les travaux de modernisation à réaliser au sein du chantier naval Severnaya, il est peu probable que l’on assiste à un lancement de production avant – au minimum – 2020. Sauf si l’option soulevée auparavant de répartir la charge de travail est prise en ligne de compte. Les arbitrages budgétaires étant toujours en cours pour la définition du plan d’investissement GPV 2018-2025 et avec les annonces relatives à la baisse des budgets alloués à la Marine Russe; la classe Lider est loin d’être une certitude en ce moment.
De plus, avec la production prévue des « Super-Gorshkov« : la classe Lider perd une partie de son utilité à moyen terme. La Russie n’a pas encore communiqué sur le nombre de « Super Gorshkov » dont elle va faire l’acquisition; ce nombre dépendra grandement des budgets qui seront alloués au VMF dans le cadre du prochain plan d’investissement. Fort logiquement, les budgets et les capacités de production employés pour la production de ces nouvelles frégates ne pouvant pas être alloués pour les nouveaux destroyers.
La Russie va à court terme se retrouver à la croisée des chemins d’un point de vue de sa Marine; si il est clair que l’option choisie de construire une marine plus modeste sur base de corvettes et frégates polyvalentes est une option pertinente pour assurer la défense rapprochée du pays et des bastions; cette option présente de sérieuses limites. Et ce ne sont pas deux malheureux Kirov, même complètement refondus ou quelques navires plus que trentenaires modernisés qui pourront faire le poids.

La construction navale Russe revient de loin après la chute de l’URSS et malgré des chantiers navals qui ont beaucoup de difficultés à tenir les délais, on assiste à la création – certes très lente – de nouveaux design de tonnages de plus en plus importants. La problématique de la dépendance Russe aux importations de turbines navales et d’autres équipements spécialisés s’est rapidement atténuée ces derniers années avec l’implémentation d’un programme de substitution mené de manière rapide et correctement financé. La Russie commence seulement à récolter les fruits de ce dernier mais il lui a fait perdre plusieurs années dans le renouvellement de sa flotte de surface.
Cette croissance progressive des tonnages et l’évolution des designs devraient permettre de limiter le risque technologique et les coûts liés au développement « à partir d’une page blanche » d’une nouvelle classe de destroyers. Le saut technologique entre une frégate Admiral Gorshkov et un destroyer Lider sera atténué vu l’existence d’une base technique « commune »; l’ensemble des sous-systèmes employés existant déjà et les difficultés liées à leur bonne intégration sont déjà partiellement solutionnées puisque déjà réalisées sur d’autres classes.

En outre, l’existence des briques technologiques nécessaires pour les destroyers Lider, devrait permettre de limiter les coûts d’acquisition.
Cependant, vu la taille envisagée des navires: on peut espérer un coût d’acquisition « contrôlé » par rapport à un projet qui part d’une feuille blanche néanmoins il ne faut pas se faire d’illusions: leur acquisition, si elle se réalise, demandera quand même un budget conséquent qui est actuellement loin d’être garanti.
En conclusion
Réaliser un dossier sur ce qui n’est en ce moment qu’un projet est un exercice toujours périlleux; sur base de données forcément lacunaires il s’agit d’essayer d’assurer une présentation crédible et objective d’un navire soumis à de nombreux changements à venir. Le projet Lider s’inscrit dans une problématique beaucoup plus large: la création d’une flotte océanique capable d’assurer la permanence à la mer dans des zones qui finiront par devenir des points de friction entre la Russie et ses voisins.
Il a été signalé à plusieurs reprises auparavant que la flotte de surface russe, principalement celle à caractère océanique approche de la croisée des chemins: certes avec les modernisations en cours et à venir, il est possible de reculer les dates limites mais au vu des délais de production et de mises au point des nouveaux designs: les décisions importantes devront être actées à brève échéance. Ou alors on assistera à un enterrement de première classe de la flotte océanique russe; les deux Kirov modernisés devenant des navires de parade accompagnant l’Admiral Kuznetsov lors de rares déploiements.
La Russie est et reste principalement une puissance continentale et ses SNLE forment la partie marine de sa triade nucléaire, cependant vu les enjeux qui se dressent à l’horizon avec les disputes potentielles liées à certaines zones de l’Océan Pacifique ainsi que les routes commerciales au sein de la zone Arctique; la Marine Russe ne pourra pas faire l’impasse sur une flotte à même d’assurer une permanence dans ces zones.
Reste à voir si la capacité économique et la volonté politique se rencontreront sur cet objectif de création d’une flotte océanique moderne et à même de défendre durablement les intérêts russes actuels et à venir. Les actuels prévisions au sein du GPV 2018-2025 ne donnent guère d’espoir mais en Russie rien n’est jamais coulé dans le béton. Qui aurait dit il y a 5 ans que la production du Tu-160 serait relancée?
L’histoire des Lider n’en est donc qu’à ses balbutiements, le sujet aura largement l’occasion d’être abordé à l’avenir.