[Actu] Premier vol du Beriev A-100 et sortie d’usine de l’Ilyushin IL-78M-90A

La fin de l’année est généralement la saison la plus propice pour les nouveautés en Russie, cette année ne dérogeant pas à la tradition: en effet, c’est en date du 18 novembre que le premier Beriev A-100 a effectué son premier vol au départ de Taganrog (usines Beriev) suivi de peu par la sortie de l’usine Aviastar SP (Ulyanovsk) du premier IL-78M-90A en date du 29 novembre.

Ces deux évènements sont significatifs puisqu’ils s’agit de deux variantes d’appareils spécialisés issus du programme IL-76MD-90A. Ces deux actualités qui ne sont apparemment pas liées puisque gérées par des bureaux d’études et usines de production différentes marquent – enfin! – un concrétisation de ces programmes fortement attendus par les forces aériennes russes.

Beriev A-100

Basé sur l’Ilyushin IL-76MD-90A, le Beriev A-100 est un appareil AWACS de nouvelle génération qui prendra à terme la relève des Beriev A-50 dans un premier temps et des Beriev A-50U dans un deuxième temps.

C’est le 8 juin 2006 qu’est signé un contrat entre le MoD Russe et le groupe Vega portant sur le développement d’un nouvel appareil AWACS. Ce nouveau projet porte le nom d’Izd.PM et Vega est chargé du développement du système embarqué dénommé Premier.

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Le RF-78651 avant sa conversion en A-100. Photo@German Solo

Le nouveau système reprend une configuration similaire à celle de l’A-50/A-50U avec un radôme rotatif monté sur deux pylônes à l’arrière de l’appareil; ce radôme contenant un radar AESA travaillant en Bande S qui effectue 12 rotations par minute (soit le double du système Shmel équipant les A-50/A-50U), ce qui lui permet d’assurer un suivi plus efficace des cibles les plus rapides.

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Infographie montrant l’implantation (non-confirmée) des antennes radars au sein du radôme. Infographie@VK.com

Les premiers chiffres disponibles indiquent que le système Premier sera capable de suivre jusqu’à 300 cibles à une distance de 650 Km (en fonction du type et de la taille  des cibles) ainsi que d’assurer le guidage de 30 appareils. Ces données sont communiquées à titre informatif et nécessitent clairement d’être affinées. Outre le radar qui est son capteur principal, l’A-100 dispose de toutes une batterie de systèmes de guerre électronique, de brouillage, d’interception des signaux électroniques ainsi que de contre-mesures défensives. Ceci se voit d’ailleurs facilement de l’extérieur: l’A-100 est un véritable « hérisson volant » avec des antennes fixées un peu partout sur le fuselage. De manière fort compréhensible, aucun détail n’est disponible actuellement sur les systèmes embarqués et leurs fonctions/capacités précises.

C’est le troisième prototype d’IL-76MD-90A qui sert de base à la création du premier A-100. Sorti d’usine le 3 octobre 2014 en tant qu’IL-76MD-90A, après avoir effectué une rapide campagne d’essais en vol il a été envoyé aux ateliers de Beriev à Taganrog pour débuter sa conversion en A-100.

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Cette vue latérale de l’A-100 permet de mieux voir le nombre d’antennes et de carénages installés sur le fuselage. Photo@UAC Russia

Portant le numéro de construction 001-03, il fut initialement immatriculé RF-78651; il y a fort à parier que son numéro de matricule soit modifié par la suite ainsi qu’il recevra un numéro de Bort une fois mis en service. Aux dernières nouvelles, la campagne de vols d’essais va d’abord débuter avec la vérification des paramètres de base de l’appareil d’un point de vue aérodynamique avant de débuter les essais des systèmes embarqués à partir de mars 2018.

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Le prototype A-100 vu ici peu avant son atterrissage. Photo@Bonsai

En outre, le laboratoire volant A-50LL qui sert à la mise au point des équipements embarqués de l’A-100 réalisera une partie de la campagne d’essais au côté du premier prototype. Les forces aériennes russes espèrent mettre en service les premiers appareils à l’horizon 2020. Aucune commande ferme n’a été signée en ce qui concerne l’acquisition de l’A-100 mais les estimations les plus crédibles indiquent une cible de 20 appareils; ce qui est cohérent avec le nombre d’appareils à remplacer.

Ilyushin IL-78M-90A

Comme son nom l’indique, l’IL-78M-90A est une version de ravitaillement basée sur l’IL-76MD-90A. Devant d’abord venir renforcer le parc d’IL-78(M) Midas avant de les remplacer à plus long-terme.

Ce n’est un secret pour personne que le parc de ravitailleurs disponibles en Russie est des plus réduit. Bien que le ravitaillement en vol ne soit doctrinalement pas prioritaire pour les besoins des militaires russes, la nécessité de disposer d’un parc de ravitailleurs plus modernes et capacitaires s’est imposée avec le temps.

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Le premier IL-78M-90A vu ici à sa sortie d’usine à Ulyanovsk. Photo@Aleksandr Guk

Avec la « temporaire » mise en veilleuse (pour des raisons de coûts) du projet IL-96-400TZ et ce malgré des performances fortement accrues et beaucoup plus crédibles que celle de l’IL-78M-90A; c’est ce dernier qui est actuellement en production et amené à devenir la base de la flotte de ravitailleurs modernes russes.

C’est le onzième prototype d’IL-76MD-90A qui a été sélectionné pour être transformé en prototype de ravitailleur. Portant le numéro de série 002-01, l’appareil est entré en production en décembre 2013 et il faudra donc 4 ans à la Russie pour fournir un appareil achevé et prêt à voler.

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Cette vue arrière de l’IL-78M-90A permet de voir l’implantation des pods Upaz 1M ainsi que des contremesures défensives. Photo@Aleksandr Guk

D’un point de vue technique, l’IL-78M-90A présente exactement les mêmes dimensions générales que l’IL-76MD-90A. La principale modification concerne le montage de trois pods UPAZ 1M (débit 3.000 L/min) implantés à raison de deux pods sous voilure à l’extérieur des réacteurs et un pod installé latéralement sur le fuselage à l’arrière de l’appareil.

La principale nouveauté qu’apporte l’IL-78M-90A comparativement à l’IL-78(M) découle de sa nouvelle motorisation. Grâce aux performances supérieures offertes par les moteurs PS-90A-76, la masse maximale au décollage passe à 220 tonnes (vs 210 tonnes pour l’IL-78M) avec la capacité de livrer 40 tonnes de carburant à 5.000 Km (vs 40 tonnes à 3.000 Km pour l’IL-78M).

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Gros plan sur l’avant de l’IL-78M-90A qui permet de voir l’implantation du système de défense sous le fuselage ainsi que la boule optronique sous le radôme. Photo@UAC Russia

On le voit donc, l’installation d’une nouvelle aile et de nouveaux moteurs permet de corriger – en partie – les deux principaux défauts de l’IL-78M: son manque d’autonomie et sa faible capacité de transfert de carburant. Vu le retour des missions à longue distance des bombardiers stratégiques russes, le besoin d’un ravitailleur plus performant devenait crucial. Cependant, il faut garder à l’esprit que l’IL-78M-90A est toujours basé sur un appareil cargo et donc aucunement optimisé pour des missions de ravitaillement; malgré les changements apportés à l’appareil, il restera toujours inférieur à une cellule conçue en ce sens.

Au niveau du prototype en lui-même, il n’y a pas de grandes surprises si ce n’est la présence d’un système de contremesures LSZ-100 qui est dérivé du système L-370 Vitebsk ainsi que l’installation de lanceurs de leurres. Les IL-78(M), malgré l’importance stratégique de ces appareils, sont dénués de tout système de protection que ce soit passif ou actif; il semble donc que les décideurs russes ont enfin pris conscience de l’importance à accorder à la protection de ce type d’appareils.

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L’IL-78M-90A devant les hangars d’Aviastar-SP à Ulyanovsk. Photo@UAC Russia

La Russie envisage toujours de commander 31 IL-78M-90A bien qu’aucun contrat ferme n’ait été signé pour l’instant. Il reste à voir ce que le GPV 2018-2025 réserve comme financement pour l’acquisition de nouveaux ravitailleurs; cependant au vu des capacités de production et de l’investissement consenti pour sa création, il y a fort à parier que le nombre final sera plus important. Sauf si l’IL-96-400TZ est (enfin) lancé…

Cette sortie d’usine n’est qu’un début, il est assez évident qu’il ne faudra pas attendre longtemps pour assister au premier vol de ce prototype.