[Actu] Bilan 2017 des exportations militaires russes
Dans un article publié le 5 mars, le journal Kommersant passe en revue le bilan 2017 des exportations russes de matériel militaire. Bien que ce bilan ne sera officialisé la semaine prochaine lors d’une réunion impliquant le président russe et la commission de coopération militaro-technique, il est déjà possible d’avoir un aperçu précis et détaillé sur le contenu des livraisons ainsi que les clients concernés.
Le bilan annuel permet de voir que les exportations militaires russes 2017 se chiffrent à environ 16 milliards d’USD (13,7 milliards d’€) tandis que la valeur totale du carnet de commandes est évalué à environ 50 milliards d’USD (42,9 milliards d’€); ces chiffres sont dans la droite ligne des chiffres des années antérieures faisant ainsi de la Russie le deuxième plus gros exportateur mondial d’armements, derrière les USA.
Passage en revue des livraisons 2017
Premier client abordé et un des plus important habituellement pour la Russie: l’Inde. L’année écoulée déroge à la règle, puisqu’il n’y a pas eu de livraisons de matériels neufs mais des fournitures de pièces de rechanges, de munitions ainsi que des réparations et des modernisations pour ce pays.
Il s’agit notamment de:
- Pièces de rechange pour les chars de bataille T-72 Ajeya,
- Réacteurs AL-31FP pour les Su-30MKI de l’IAF
- Munitions de 125mm 3BM44 Mango pour les chars de bataille T-72/T-90
En outre, l’Inde a reçu des MiG-29 modernisés au standard MiG-29UPG (nombre indéterminé) ainsi que 10 hélicoptères Mi-17-1V passés en révision générale en Russie. Aucun nouveau contrat n’a été conclu entre l’Inde et la Russie en 2017 cependant une commande de 48 Mi-17V-5 est actuellement au stade des discussions finales.

Deuxième client régulier et avec un volume de commande important: la Chine. Les livraisons de l’année n’ont concernées qu’un seul secteur; le secteur aérien. La Chine étant parfaitement à même de subvenir à la presque totalité de ses besoins par elle-même. Le besoin et l’utilité des produits russes pour la Chine diminue drastiquement avec les années et il est plus que probable qu’à terme ce soit un « client perdu » définitivement.
Seul le secteur de la motorisation reste intéressant – actuellement – pour la Russie: la Chine semblant avoir encore besoins des moteurs russes pendant la mise au point, plus laborieuse que prévue, de ses propres moteurs.
Les livraisons de l’année portent sur:
- 10 Sukhoï Su-35
- 6 Kamov Ka-32A11BC
- Un nombre indéterminé de réacteurs D-30KP2 (pour équiper le Y-20)
- Un nombre indéterminé de réacteurs RD-93
Avec ces livraisons, il restera encore 10 Sukhoï Su-35 à livrer en 2018 pour achever la commande portant sur 24 appareils signée en 2015. En l’état actuel des choses, rien n’indique que la Chine passera d’autres commandes pour le Su-35.

Autre client régulier des productions russes; le Vietnam. Faisant suite à un contrat signé en 2012 portant sur des frégates de la classe 11661E (Gepard), ce sont deux frégates de cette classe qui ont rejoint la marine vietnamienne en 2017 pour une mise en service en février 2018. En outre, deux corvettes lance-missiles de la classe 12418 (Tarantul) ont rejoint la marine locale en octobre 2017. Ces corvettes étant construites en collaboration avec la Russie sur base d’un design de Almaz.

Le contrat entre la Russie et le Vietnam signé au début 2017 porte sur l’acquisition de 64 T-90S/SC dont les premières livraisons ont débuté en novembre de la même année; il s’agit du premier contrat de renouvellement du parc de chars de bataille passé par le Vietnam. Vu la composition de la flotte locale composée encore majoritairement de T-54/T-55 et T-62; il y a fort à parier que d’autres contrats suivront si les responsables militaires locaux trouvent les financements et sont satisfaits des véhicules.
Fidèle parmi les fidèles, l’Algérie est un client historique et régulier des productions russes. Nouvelle la plus intéressante dans l’article de Kommersant: la confirmation (même si ce n’était plus vraiment un secret) de la livraison de 4 systèmes Iskander-E en Algérie. Ce faisant, il s’agit du deuxième client (après l’Arménie en 2016) pour la variante export du système balistique à courte portée russe.
Les livraisons de Sukhoï Su-30MKA se sont achevées avec la livraison des 6 derniers appareils d’une commande de 14 exemplaires passée en 2015. La flotte aérienne algérienne dispose donc maintenant de 58 Su-30MKA. Au niveau des voilures tournantes, ce sont pas moins de 6 Mil Mi-28NE qui ont été livrés en Algérie; ils font partie d’une commande passée en 2013 et portant sur 42 appareils.

Enfin, le renouvellement du parc de véhicules blindés locaux se poursuit avec un contrat en cours relatif à la livraison de pas moins de 200 T-90SA. Le parc de T-90 en Algérie approchera donc les 600 unités une fois ces livraisons complétées.
L’année 2017 est synonyme de livraisons en Egypte. C’est la concrétisation du contrat signé en décembre 2015 portant sur la livraison de 46 MiG-29M/M2 et 46 Kamov Ka-52. Pas moins de 15 MiG-29M/M2 ainsi que 19 Kamov Ka-52 ont rejoint les forces aériennes égyptiennes. Des négociations sont toujours en cours pour l’achat de Ka-52K destinés à équiper les deux LHD de la classe Mistral équipant la Marine Egyptienne.

En ce qui concerne les pays proches de la Russie et/ou membre de la CEI, signalons la livraison de véhicules de transports de troupes BTR-70M au Kirghizistan, la livraison gratuite (!) d’hélicoptères Mi-8 et Mi-24 ainsi que de chars T-72B1 au Tadjikistan, la livraison de systèmes Tor-M2K ainsi que d’hélicoptères Mi-8MTV-5 en Biélorussie et enfin de 4 hélicoptères Mi-35M, 2 Mi-171Sh et de 2 Sukhoï Su-30SM au Kazakhstan.
A noter que le Kazakhstan ainsi que la Biélorussie ont signés pour 12 Sukhoï Su-30SM chacun en 2017. En ce qui concerne la Biélorussie, il s’agit donc d’un nouveau client pour l’appareil, le Kazakhstan se contentant de poursuivre le renouvellement de sa flotte en complément des 11 Su-30SM déjà commandés auparavant.

Au niveau des opérateurs plus « exotiques »; on peut signaler la livraison d’un Mi-17V-5 ainsi que de deux Mi-35M au Nigeria, de deux Mi-35M au Mali, des premiers Su-30K reconditionnés en Angola (avec la confirmation que la totalité des 18 appareils récupérés en Inde iront bien en Angola), de chars T-72B1 d’occasion au Nicaragua et enfin de 10 véhicules blindés GAZ Tigr et 3 SPM-3 en Uruguay.

Malgré les relations des plus tendues entre la Russie et l’OTAN, quelques contrats ont été signés avec cette région du monde. Ces contrats ne concernent que des pièces de rechanges et/ou des remises en état, ils ne concernent pas de gros montants ni de gros équipements.
Il s’agit notamment de:
- Réparations de 4 hélicoptères Mi-8 pour la Hongrie
- Pièces détachées pour les systèmes SAM « Osa », « Tor-M1 » et S-300PMU-1 appartenant à la Grèce
- Systèmes de ciblage optique pour la République Tchèque
Le seul contrat significatif en Europe concerne la Serbie; la Russie a fourni gratuitement 6 MiG-29/MiG-29UB d’occasion prélevés sur les stocks russes et livrés les 2 et 20 octobre (2 puis 4 appareils respectivement). Ces appareils devront être modernisés avant de rejoindre la flotte serbe. En outre, la Russie s’est engagée à livrer gratuitement également 30 chars T-72 et 30 véhicules de patrouille BRDM-2, en outre, la Serbie envisage l’acquisition de systèmes S-300.

Quelles perspectives pour 2018?
Plusieurs contrats importants ont été conclus en 2017, le premier et un des plus médiatisés concerne la vente de 4 batteries de S-400 à la Turquie. Estimé à 2,5 milliards d’USD (2,15 milliards d’€), ce contrat soulève beaucoup de questions vu l’appartenance de la Turquie à l’OTAN et la livraison prévue de F-35A à ce pays d’ici quelques années. Les USA ont fait savoir le désapprobation sur cette question durant les négociations ne souhaitant pas voir les deux systèmes être employés côte à côte. La Turquie est restée ferme dans ses choix, poursuivant les négociations et validant l’achat fin décembre 2017. Les livraisons sont attendues pour la fin de 2019.
Deuxième contrat régulièrement abordé et très médiatisé: la vente de 11 Sukhoï Su-35 à l’Indonésie. Ce contrat dont les négociations durent depuis plus de trois ans et bouclé fin 2017 avant signature en février 2018 va permettre à Jakarta de remplacer ses F-5 Tiger-II toujours actifs et de renforcer fortement ses capacités aériennes. Basé sur un mécanisme de financement mélangeant contrat de barter et financement direct; cette vente inclus également la mise en place de toute une chaîne logistique locale permettant de suivre l’appareil et ouvrant la porte à des acquisitions ultérieures. Nous y reviendrons dans un article plus détaillé sous peu.

Autre contrat important en vue et nouveau client des produits russes: l’Arabie Saoudite. Dans le cadre d’un contrat – toujours en cours de discussion – d’une valeur estimée de 2,5 milliards d’USD (2,15 milliards d’€) le pays souhaite acquérir la licence de production de systèmes MLRS TOS-1A, de missiles ATGM Kornet-EM, de lance-grenades AGS-30, de fusils automatiques AK-103 et enfin acheter un nombre indéterminé de batteries de S-400. Le pays n’étant pas avare en déclarations, il reste à voir les débouchés concrets de ces discussions mais celles-ci semblent des plus crédibles.
L’Irak redevient un client de premier plan pour les production russes, en atteste ce contrat signé en 2017 concernant la livraison de 73 chars T-90S/SC. Les 36 premiers chars ont été livrés en février 2018 par bateau et le solde doit arriver à la fin avril; il se confirme que l’Irak semble déçue des performances de ses M1A1M Abrams et si les performances des T-90S/SC satisfont aux irakiens, d’autres commandes pour ce dernier suivront. En outre, l’Irak a marqué son intérêt pour le système S-400 également: il ne s’agit pour l’instant que de déclarations n’ayant pas donné suite à des négociations.

Dans le domaine des commandes inattendues, signalons l’acquisition de deux Pantsir-S1 par la Guinée équatoriale ainsi que la commande (une première pour cette variante) de 6 Sukhoï Su-30SME pour le Myanmar.
Les négociations vont se poursuivre entre Rosoboronexport et l’Inde, le Qatar ainsi que l’Arabie Saoudite au sujet de la vente de systèmes S-400 à ces pays en outre, le Liban serait également intéressé par l’acquisition de missiles ATGM Kornet-E et de chars T-72.
En conclusion
L’exportation d’armements est un domaine dont les fournisseurs n’aiment guère parler et qui est soumis à une forte concurrence; les productions russes semblent cependant continuer à disposer d’un socle de clients fidèles et fiables qui maintiennent une collaboration de longue date avec la Russie.
Les sanctions décrétées à l’égard de la Russie et renforcées récemment ont et auront un impact sur les exportations russes présentes et à venir et les responsables de ce secteur en sont parfaitement conscient. Cependant, ils ne semblent pas s’attendre à un fort ralentissement dans les mois à venir vu la politique commerciale agressive et médiatique entretenue par le gouvernement russe. Le déploiement de la quasi totalité des productions russes modernes en Syrie servant bien évidemment de vitrine médiatique de premier plan pour la Russie.
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