[Actu] Perspectives d’évolutions de la Marine Russe
Dans un entretien récent accordé au journal TASS, le président d’USC (United Shipbuilding Corporation) Alexei Rakhmanov a détaillé assez longuement les perspectives de constructions navales et d’évolution des projets en cours actuellement en Russie.
Que pouvons-nous apprendre de cette interview? Pas mal d’informations utiles en réalité.
Admiral Kuznetsov (Izd. 1143.5)
Contrairement à ce qui avait déjà été annoncé, les travaux de réparation et de modernisation du porte-aéronefs Russe ne débuteront qu’en 2018 et sont prévus pour durer 2 ans.
Au niveau du coût, aucun détail ne filtre. Ceci dit, les travaux étaient d’abord estimés à environ 20 milliard de Roubles avant de passer à 40 voire même 50 milliard de Roubles!

Ces informations n’ayant pas été confirmés, elles doivent être prises avec la réserve d’usage mais il y a fort à parier que le montant des travaux est beaucoup plus important que prévu.
Il ne serait pas étonnant, vu le contexte économique, que la Russie limite donc le champ des travaux de modernisation envisagés au strict minimum pour rester dans une enveloppe budgétaire raisonnable…
Admiral Gorshkov (Izd. 22350)
Les frégates de la classe Admiral Gorshkov ont une histoire longue et chaotique puisque leur design est finalisé depuis 2003 et la mise sur cale de la tête de série eu lieu le 1er février 2006. Cependant la frégate n’a rejoint les VMF qu’en date du 22 novembre 2016!
Les travaux de construction ont été beaucoup plus long que prévu, la crise ukrainienne n’ayant pas arrangé les choses vu que les turbines au gaz employées devaient être fournies par Zorya-Mashproekt. Il y a actuellement 4 frégates de cette classe en cours de construction/finition au chantier naval Severnaya Verf de Saint-Pétersbourg; la pierre d’achoppement étant l’approvisionnement en turbines à gaz de construction locale en remplacement des équivalents ukrainiens.

Dixit le patron de USC, l’Admiral Gorshkov effectue actuellement les tests d’homologation étatique, ces derniers devant se terminer durant l’été. De plus, l’Admiral Golovko, troisième frégate de la série qui devrait à terme compter huit navires (voire plus) va sortir du chantier naval cette année.
Ces frégates polyvalentes d’un déplacement standard de 4.500 tonnes sont les premiers navires russes à recevoir des turbines à gaz de production nationale (provenant de NPO Saturn) et elles vont être amenées à évoluer.

C’est Sergeï Shoïgu, le MoD Russe qui a fait savoir récemment que les frégates de la classe Admiral Gorshkov serviraient de base à de nouvelles frégates de plus grande taille. Le design de ces « frégates de nouvelle génération » est déjà en cours de définition et le but est de disposer de « Super Gorshkov » pouvant embarquer plus d’armements et de capteurs sans pour autant atteindre une taille de destroyer.
Cependant, la réalisation de ces nouvelles frégates aura un impact sur d’autres navires.
Lider (Izd. 23560)
Ces nouveaux destroyers appelés à remplacer les Sovremennyy, Slava et Udaloy devaient être d’un déplacement de 17.500 tonnes et être à propulsion nucléaire.
Premiers véritables « grands navires militaires océaniques » construit en Russie depuis la chute de l’URSS, ces 12 destroyers auraient du emporter des missiles Kalibr, Oniks et Zircon ainsi que des S-500, Poliment-Redut et un canon A-192M.

Il est apparu récemment que le projet qui est en cours de design/discussions depuis plusieurs années est mis en attente pendant la définition du nouveau GVP 2018-2025 (plan étatique d’armement); ceci étant une manière diplomatique de masquer une réalité budgétaire complexe pour la Russie.
Avec l’arrivée prévue de « frégates de nouvelle génération », le projet de destroyers de la classe Lider va être révisé. Le projet n’est pas abandonné, les travaux de design se poursuivant mais les choix techniques déjà posés vont être amendés pour ne pas faire double emploi avec les nouvelles frégates.

Ce n’est pas un abandon du projet mais ça ressemble quand même furieusement à un enterrement de 1ère classe pour ces destroyers.
Il est vrai que la Marine Russe doit d’abord renouveler une vaste panoplie de bâtiments avant d’envisager la construction de grandes unités océaniques…
Porte-aéronefs classe Shtorm (Izd. 23000E)
Ce sous ce nom que se cache le porte-avions qui doit remplacer un jour – peut-être – l’Admiral Kuznetsov.
Le projet a déjà été repoussé à plusieurs reprises et si l’on se fie aux déclarations du patron d’USC, le projet est dans les mains du gouvernement et c’est à ce dernier que revient la décision de lancer (ou non) le projet.

Cette déclaration du patron d’USC est quand même à prendre avec les réserves d’usage vu qu’il n’y a actuellement aucun chantier naval en Russie capable de produire un navire de cette taille et de ce déplacement…
L’Admiral Kuznetsov a encore une longue et belle carrière devant lui.
Croiseur à propulsion nucléaire classe Kirov (Izd. 1144/1144.2)
Bien qu’absent de cette interview, nous profitons de ce sujet pour montrer une photo récente de l’Admiral Nakhimov (Izd. 1144.2) qui permet de mieux voir l’installation en cours des lanceurs universels UKSK 3S14 qui pourront contenir des missiles Oniks, Kalibr et Zircon.

En théorie la modernisation de l’Admiral Nakhimov devrait s’achever à l’horizon 2019-2020. C’est son frère jumeau le Piotr Velikiy qui passera en rénovation ensuite pour une durée d’au minimum deux ans.
En conclusion
On peut voir que les programmes sont à la fois ambitieux mais beaucoup plus réalistes que précédemment. Est-ce que la réalité économique a rattrapé la Russie ou est-ce que le patron d’USC joue la carte de la « sécurité » en mettant en avant ses forces tout en minimisant/éludant les faiblesses de ses entreprises?
L’exercice de l’interview est périlleux en soi car il entraîne souvent plus que questions qu’il n’en apporte, cependant on voit quand même que les déclarations et les projets du patron d’USC sont prudents et raisonnables sans basculer dans l’emphatique comme c’est souvent le cas dans d’autres secteurs.
Il est clair que la Russie connaît actuellement un changement progressif de paradigme avec un retour forcé à plus de pragmatisme en matière d’investissements militaires; et même si les besoins de la Marine sont conséquents, l’adoption de la nouvelle doctrine en 2015 ainsi que le besoin d’être « auto-suffisants » en matière de propulsion marine, font que le renouvellement va être plus long et coûteux que prévu.
Après tout, avant d’envisager la construction d’un porte-avions: il est préférable de disposer des installations capables de le construire et de l’entretenir ainsi que de l’escadre pouvant l’accompagner.
Les années à venir s’annoncent très intéressantes dans ce domaine.
L’article se basait sur l’interview du patron USC, je n’ai pas abordé la problématique dans son intégralité parce que ce n’est pas en grosso-modo 1.000 mots qu’on peut la résumer.
Les points que tu soulèves sont bien évidemment à creuser et analyser mais ceci nécessitera beaucoup plus de temps et de recherche. Ce qui est dans les cartons, bien entendu 😉
Mais j’ai d’autres sujets à aborder avant. Plus « aériens » et plus « terrestres »…
Très intéressant. L’introduction du Zircon va-t-elle jouer sur la composition de la flotte, en augmentant les capacité offensives de certaines plateformes?
Il faut partir d’un premier postulat: on ne sait rien ou presque du Zircon en ce moment.
On sait que le premier tir a eu lieu fin mai, mais on ne sait rien de bien « défini » sur les caractéristiques réelles de la bête.
Cependant il est clairement défini que les nouveaux lanceurs universels UKSK 3S14 pourront emporter au choix: des Oniks, Kaibr ou Zircon.
Par conséquent, tout navire disposant de ce type de lanceurs universels disposera d’une panoplie d’armement beaucoup plus vaste et polyvalente qu’un « simple » lanceur de P-700 Granit.
Le deux Kirov une fois sortis de refonte seront des navires redoutables si les emports annoncés sont « respectés »…
Je pense que le Zircon ne va pas à lui seul révolutionner les choses mais il sera une réponse asymétrique à une/des menace(s) qui s’intègrera au sein d’un arsenal 😉