[Dossier] La flotte hauturière russe
La situation de la flotte hauturière (en anglais: « Blue-water Navy« ) russe est loin d’être simple; composée de navires issus de la flotte soviétique et disponibles en nombre restreint, elle est vieillissante et bien que des projets de renouvellement soient sur la table, il n’y a actuellement aucune unité neuve capable de débuter le remplacement de cette flotte en cours de construction.
Ayant fait le choix dans le cadre du plan d’investissement GPV 2018-2027 de favoriser les armées de terre et de l’air au détriment de la marine, on ne peut guère s’attendre à voir la flotte hauturière russe se renouveler à court et moyen-terme. Au mieux, on peut espérer assister à la mise sur cales de la tête de série d’une nouvelle classe de destroyers à propulsion nucléaire (le Lider) mais vu que le design de ce dernier ne semble pas encore définitivement figé; la Marine Russe devra se reposer sur des frégates polyvalentes et sa flotte de haute mer vieillissante jusqu’à l’horizon 2030 – au bas mot – avec le risque réel de se retrouver face à un trou capacitaire vu le temps nécessaire pour construire des navires en Russie.
Ayant fait le choix – discutable – de moderniser, en partie, sa flotte hauturière actuelle; la Russie espérait limiter l’impact financier de la construction de nouvelles « grandes » unités de surface en se ménageant du temps pour moderniser radicalement sa capacité de production navale qui en avait bien besoin, et ce, tout en conservant des moyens pour renouveler sa flotte de taille moyenne (frégates et corvettes). Si l’objectif de la modernisation des chantiers navals atteint progressivement son but, le renouvellement de la flotte moyenne est touché par un retard chronique tandis que les programmes de modernisations de la flotte hauturière sont tous retardés et bien au-delà des budgets.
Certes, l’URSS et la Russie n’ont jamais été (sauf durant de brèves périodes historiques) des puissances maritimes et l’existence de solutions techniques terrestres et navales permettent d’assurer une protection accrue des bastions où sont basés les SNLE assurant la branche navale de la dissuasion stratégique russe; certains régions (et routes économiques) stratégiques pour la Russie vont nécessiter à terme de disposer d’une flotte apte à assurer la présence et la protection des zones concernées.
Hors ce n’est pas avec des frégates à l’endurance limitée et des navires du type « littoral » que la Russie sera à même d’assurer ces missions importantes pour le pays.
Penchons-nous sur la flotte hauturière russe contemporaine et les programmes de modernisations en cours.
Croiseur lourd porte-aéronefs Admiral Kuznetsov (Izd 1143.5)
Le croiseur lourd porte-aéronefs Admiral Kuznetsov (TAVKR Izd 1143.5) est le seul porte-avions actuellement en dotation au sein de la Marine Russe. Doté d’une configuration dite STOBAR (Short Take-Off But Arrested Recovery); il ne dispose pas de catapultes pour lancer les avions mais dispose d’un tremplin en lieu et place. La récupération des appareils se faisant grâce à quatre brins d’arrêts.

D’un déplacement en pleine charge de 59.100 tonnes, la propulsion du navire est conventionnelle et elle repose sur un ensemble de huit chaudières KVG-4 couplées à quatre turbines vapeur GTZA TV-12-4 de 50.000 Cv chacune, le tout propulsant quatre hélices. Cet ensemble propulsif lui offre une endurance maximale de 45 jours en mer, une autonomie maximale de 8.500 milles marins (variant en fonction de la vitesse) et une vitesse plafond de 29 noeuds.
Outre sa fonction de porte-avions, l’Admiral Kuznetsov se caractérise par la présence d’un ensemble de 12 tubes de lancement pour missiles P-700 Granit. Ces tubes étant implantés sous le pont du navire dans le « tremplin ».

L’Admiral Kuznetsov a été admis au service au sein de la Flotte du Nord en date du 25 décembre 1990 soit peu avant la disparition de l’URSS et il ne fut que peu employé entre 1990 et 2000. Une fois que la situation budgétaire de l’armée russe s’est améliorée, le navire fut déployé à plusieurs reprises lors d’importants exercices navals. Une première campagne de rénovation avait été planifiée pour 2015 mais cette dernière se limita à une révision générale du navire; les travaux qui vont débuter seront beaucoup plus conséquents, même si les ambitions initiales semblent avoir été fortement revues à la baisse vu la diminution des moyens alloués à la Marine Russe.
La modernisation du navire, abordée à plusieurs reprises sur le blog, a enfin été signée en date du 23 avril. Les travaux, prévus pour durer deux ans, seront réalisés par 35 SRZ de Murmansk. Cette immobilisation de trois ans aura un certain impact sur les capacités de l’aviation embarquée russe; les appareils et leurs pilotes seront basés durant cette période à Severomorsk-3, les entraînements aux appontages/décollages sur tremplin se déroulant à Saki et Yeysk.

Une fois la rénovation de l’Admiral Kuznetsov achevée, la dotation aérienne se limitera aux MiG-29KR/KUBR; les Su-33 étant cantonnés à terre sur la base de Severomorsk-3 d’où ils serviront à la couverture aérienne aux côtés des Su-30SM. En outre, les Ka-52K devraient rejoindre également la dotation du navire.
Si l’on en croit le journal Kommersant, ce sont entre 55 et 62 milliards de Roubles (soit entre 730 et 824 millions d’Euros) qui sont prévus pour la modernisation du navire; ce montant permettra de traiter les problèmes de la propulsion du navire, de remplacer l’équipement radio, d’installer le système de défense Pantsir-M en lieu et place des Kashtan, et de remplacer les équipements électroniques embarqués. Contrairement à ce qui avait été envisagé, les missiles P-700 Granit ne seront pas remplacés par des lanceurs universels UKSK permettant de déployer des missiles Oniks et Kalibr: ceci pour des raisons de coûts et de délai des travaux. Ceci étant, on peut se poser la question de l’utilité de conserver les P-700 vu que ces derniers n’ont semble-t-il jamais été employé par le navire; leur retrait permettrait par contre de libérer de l’espace à bord.
On peut également discuter de la chaîne cinématique de l’Admiral Kuznetsov; en effet, l’article du journal Kommersant soulève un point intéressant en signalant que l’éventualité d’un remplacement des chaudières problématiques par des turbines à gaz serait pertinent sur le navire. Cependant, la Russie est actuellement incapable de fournir de telles chaudières obligeant de facto à se tourner vers les USA (ce qui est politiquement à exclure d’office) ou vers la Chine voire l’Allemagne. Dans le cadre des sanctions actuelles frappant la Russie, l’hypothèse de l’Allemagne est à exclure, par contre au vu du rapprochement entre la Chine et la Russie: la pertinence de l’idée n’est pas négligeable. Au vu du cadre budgétaire « restreint » et du timing serré alloué au projet, la modernisation se limitera à un remplacement à l’identique et/ou une remise en état des chaudières du navire.

La sortie du navire de modernisation est prévue pour 2020 avec un retour au service en 2021, cependant il est de notoriété publique que les chantiers navals russes tiennent rarement le timing pré-établi; c’est pourquoi vu l’étendue (même réduite) des travaux et l’état général du navire, ces délais semblent peu crédibles.
Selon les estimations les plus fréquemment lues, la carrière de ce porte-aéronefs devrait donc se prolonger jusqu’à l’aube des années 2040 sauf si la construction d’un remplaçant devait être accélérée; ce qui n’est pas envisagé avant 2027 au bas mot.
Croiseurs de bataille de la classe Kirov (Izd 1144.2)
Issus d’une série de quatre navires, les croiseurs de bataille de la classe Kirov (TARKR Izd 1144 et 1144.2 classe Orlan en Russie) sont – et de loin – les plus gros navires de la Marine Russe, hors porte-aéronefs évidemment. Leurs missions principales étant d’offrir une bulle anti-aérienne puissante grâce au système S-300F(M) et d’assurer la lutte anti navires de surfaces avec les missiles P-700 Granit.

Disposant d’un déplacement en charge de 25.860 tonnes, la propulsion est assurée par un ensemble dit CONAS (COmbined Nuclear And Steam) basé sur deux réacteurs nucléaires à eau pressurisée KN-3 couplés à deux turbines vapeur GTZ-653 et de deux chaudières diesel d’appoint KVG-2, le tout entraînant deux hélices. Cet ensemble peut développer pas moins de 140.000 Cv ce qui offre une endurance à la mer de 60 jours, une autonomie théorique illimitée (sur propulsion nucléaire) et une vitesse maximale de 31 noeuds.

La Marine Russe a hérité des quatre Kirov lors de la chute de l’URSS, cet héritage étant très théorique au vu de l’état opérationnel réel des navires;
- L’Admiral Ushakov (ex Kirov), navire tête de série et admis au service en 1980, présentait un état général passablement mauvais et il sera arrêté dès 1990 suite à un incident sur son réacteur nucléaire; la Marine Russe envisagea sa remise en service avant de se raviser et d’acter le démantèlement de ce dernier.
- L’Admiral Lazarev (ex Frunze), deuxième navire de cette classe et admis au service en 1984 est mis hors service en 1997 vu l’absence de fonds pour l’exploiter. Il est déchargé de son combustible nucléaire en 2004-2005. Assez étonnement, le navire est préservé et maintenu en étant en attente d’une décision sur son sort.
- L’Admiral Nakhimov (ex Kalinin), troisième navire de cette classe et admis au service en 1988 est placé en réserve à Severodvinsk en 1999 suite à l’absence de fonds pour l’exploiter. En 2006 est prise la décision de le réactiver non sans le faire passer en modernisation au préalable. Nous y reviendrons.
- Le Piotr Velikiy (ex Youri Andropov) est le quatrième et dernier navire produit de cette classe. Sa construction fut entamée à l’époque soviétique et il fut achevé par la Russie après de longues tergiversations en 1998 (alors qu’à la même époque la Marine Russe désactivait ses frères par manque de moyens, comprenne qui pourra…). Il est actuellement le seul navire de cette classe actif.
Après de nombreuses hésitations, la Russie a pris la décision de moderniser l’Admiral Nakhimov avant sa remise en service et dans la foulée de le faire suivre par le Piotr Velikiy permettant ainsi de disposer des deux navires dans une forme largement plus polyvalente et moderne à l’horizon 2020.
Mais comme toujours en Russie, au niveau de la Marine tout du moins, les intentions et les réalisations se situent sur deux plans distincts qui ne se rejoignent que difficilement voire rarement. L’étendue des travaux à réaliser sur l’Admiral Nakhimov a été largement sous-estimée et notamment l’état général réel de ce dernier lors de son entrée au chantier naval Sevmash de Severodvinsk. Il est noter également que la Marine Russe semble avoir longuement hésité sur le contenu des travaux ce qui a d’autant retardé la réalisation de ceux-ci.

Il faudra attendre 2014 pour assister au début effectif des travaux sur l’Admiral Nakhimov; l’enlèvement des anciens équipements ayant été complété en 2015: la remise en service du navire annoncée à l’origine pour 2018 est maintenant annoncée pour 2021. A décharge, il faut reconnaître que les travaux en cours consistent en une reconstruction quasi-intégrale du navire; nouveaux systèmes mer-mer et mer-sol (remplacement des P-700 Granit par des cellules universelles UKSK), nouveaux systèmes mer-air longue et courte-portée, nouveaux systèmes de protection rapprochée du navire, nouveaux équipements de détection air/mer/sous-marins, nouveaux équipements de guerre électronique, recharge des réacteurs nucléaires, forte automatisation du navire qui doit permettre de diminuer la taille de l’équipage.
Bref, l’Admiral Nakhimov et le Piotr Velikiy n’auront – à terme – plus grand chose en commun avec ce qu’ils furent. Le gros bémol de ces modernisations, outre le temps nécessaire, concerne le coût de celles-ci: les travaux de l’Admiral Nakhimov sont évalués – en l’état actuel des choses – à environ 90 milliards de Roubles (environ 1,19 milliard d’Euros). A ce prix-là, la Russie pourrait lancer la construction concomitante de plusieurs frégates Izd 22350 Admiral Gorshkov et accélérer d’autant le renouvellement de sa flotte… cependant, il y a très certainement une question de prestige et une symbolique forte liées à l’exploitation des Kirov par la Marine Russe qui ne sont pas à sous-estimer.

Qui a dit que le domaine militaire était toujours rationnel?
La Russie étant consciente que les travaux trainent en longueur et qu’elle ne pourra se passer ad vitam de ses deux plus gros navires, a pris la décision de ne pas attendre la fin des travaux de l’Admiral Nakhimov pour faire entrer le Piotr Velikiy en modernisation. Les deux navires seront donc en modernisation de manière simultanée (en partie tout du moins) chez Sevmash.

On peut donc espérer une sortie de modernisation de l’Admiral Nakhimov à l’horizon 2021-2022 tandis que la sortie du Piotr Velikiy est à espérer pour 2024-2025; ceci dépendant grandement de son état général et de sa date d’entrée en modernisation. Cependant, il est vrai qu’à cette date la Marine Russe disposera de deux navires aux performances tout simplement inégalées.
Croiseurs lance-missiles Slava (Izd 1164)
Conçus pour compléter tout en étant moins onéreux à exploiter les Kirov, les croiseurs lance-missiles de la classe Slava (RKR Izd 1164 Classe Atlant en Russie) ont été mis en service à partir de 1982 et la Marine Russe dispose actuellement de trois navires de cette classe;
- Le Moskva (ex Slava); admis au service en 1982
- Le Marshal Ustinov (ex Admiral Flota Lobov); admis au service en 1986
- Le Varyag (ex Chervona Ukraïna); admis au service en 1989

Equipés d’un armement principal composé de 16 missiles anti-navires P-500 Bazalt/P-1000 Vulkan, du système de défense anti-aérienne à longue-portée S-300F (64 missiles) et du système anti-aérien à courte portée Osa-M (40 missiles) auxquels viennent s’ajouter le système anti-sous-marins URPK-6 Vodopad-NK ainsi que 10 tubes lance-torpilles de 533 mm et enfin d’un canon double AK-130 de 130 mm implanté en plage avant du navire. Les navires de la classe Slava ont une silhouette caractéristique avec les lanceurs de missiles P-500/P-1000 inclinés selon un angle de 8° et implantés en plage avant de part et d’autre de la passerelle à raison de quatre rangées de deux lanceurs.

En outre, à l’inverse des Kirov, la propulsion des navires est conventionnelle et repose sur le principe du COGOG (COmbined Gas Or Gas) c-à-d un système composé d’une partie dite « de croisière » et d’une partie dite « haute vitesse » mais toujours sur base de turbines à gaz. Pour ce faire, les Slava embarquent quatre turbines à gaz M-8KF (pour la haute vitesse) développant au total 110.000 Cv ainsi que deux turbines à gaz M-70 (pour la croisière) qui entraînent deux hélices. La vitesse maximale du navire est de 32 noeuds, l’endurance maximale est de 30 jours et l’autonomie est de 8.070 milles marins (variant en fonction de la vitesse).

La Marine soviétique prévoyait l’acquisition de 10 croiseurs de la classe Slava; cependant lors de la chute de l’URSS ce ne sont que 3 navires qui rejoignirent les rangs de la Marine Russe. Un 4ème exemplaire était en construction en Ukraine et achevé à 95% mais aucun accord n’ayant pu être trouvé entre les deux pays (principalement pour des questions financières et par la suite politiques); l’Ukraine décidera de le ferrailler en 2017 et de recycler le métal récupéré. Cette décision politique n’a pas encore été suivie d’effets puisque la holding étatique Ukroboronprom (propriétaire du navire) chercherait d’autres options pour ce dernier.
Par conséquent, la Marine Russe dispose actuellement des trois navires actifs et ces derniers sont en service à raison d’une unité au sein de la flotte du Nord, une unité au sein de la flotte de la mer noire et une unité au sein de la flotte du Pacifique. Un programme de modernisation fut un temps envisagé mais il semble que la Russie se contente d’assurer les révisions générales tout en remplaçant certains équipements, notamment les radars et systèmes de tirs employés. En outre, le Moskva et le Marshal Ustinov ont vu leurs missiles P-500 remplacés par une version plus moderne: le P-1000.
Destroyers anti-sous-marins Udaloy (Izd 1155/1155.1)
Les destroyers anti-sous-marin de la classe des Udaloy (BPK Izd 1155 et 1155.1) sont, comme leur nom l’indique, des navires spécialisés dans la lutte anti-sous-marine. Conçus dans le courant des années 70 lorsque la doctrine soviétique considérait qu’il était plus pertinent de disposer d’une flotte plus nombreuse de navires de plus petite taille spécialisés que de grandes unités (plus onéreuses) polyvalentes.

Envisagés pour travailler de concert avec les destroyers anti-navires Izd 956 Sovremenny; l’URSS a mis en service pas moins de 12 Udaloy (Izd 1155) ainsi qu’un Udaloy II (Izd 1155.1), ce dernier se différenciant au niveau de l’armement embarqué, entre 1980 et 1999. La Russie dispose actuellement de huit Udaloy et d’un Udaloy II en service qui sont répartis entre la Flotte du Nord et la Flotte du Pacifique; quatre navires de cette classe ont été retirés du service actif entre 1994 et 2007.
Déplaçant en charge 7.570 tonnes; l’armement principal des destroyers Udaloy (Izd 1155) est composé de huit missiles 85RU anti-sous-marins du système Rastrub-B (variante du système Metel) déployés sur deux lanceurs quadruples implantés de part et d’autre de la passerelle sur la plage avant du navire. En outre, le système de défense anti-aérienne Kinzhal est installé à bord et approvisionné à raison de 64 missiles; l’ensemble est complété par deux canons AK-100 implantés en plage avant ainsi que par huit tubes lance-torpilles de 533 mm. Divers systèmes de protection rapprochée sont également présents à bord mais ils sortent du cadre de cet article. On le voit donc, l’armement présent à bord est clairement optimisé pour la lutte anti-sous-marine.

Le destroyer Udaloy II (Izd 1155.1) est une variante légèrement agrandie et modernisée de l’Udaloy (déplacement de 8.320 tonnes en charge); il diffère notamment au niveau de l’armement puisqu’il dispose de huit missile 3M82 Moskit-M (implantés selon la même configuration) en remplacement des Rastrub-B. De plus, le système URPK-6 Vodopad-NK de lutte anti-sous-marine est installé en remplacement des tubes lance-torpilles de 533mm et enfin signalons le montage d’un canon double AK-130 (toujours installé en plage avant) en remplacement des deux AK-100. L’armement est toujours optimisé pour la lutte anti-sous-marine mais dans une version plus moderne.
Pour être complet, on peut ajouter que deux autres Udaloy II étaient en construction lors de la chute de l’URSS mais leur construction ne sera pas menée à terme par manque de moyens et ils seront détruits en 1993-1994.

La propulsion des navires est du type COGAG (COmbined Gas And Gas) avec deux turbines GAT M-9 de 31.000 Cv chacune (36.000 Cv sur l’Udaloy II) qui entrainent deux hélices et permettent aux navires d’atteindre une vitesse plafond de 30 noeuds. L’endurance est de 30 jours tandis que l’autonomie maximale est de 3.327 milles nautiques.

Navires appréciés et efficaces; la Russie a débuté un processus de modernisations progressives de sa flotte d’Udaloy au gré des passages en révisions générales notamment via un remplacement des radars embarqués et du système de contrôle de tir. Ceci est amené à évoluer plus fondamentalement avec le passage du Marshal Shaposhnikov qui est entré en modernisation en 2016 au sein du chantier naval Dal’zavod de Vladivostok avec de grosses modifications en cours;
- Installation de missiles Kh-35 en remplacement des Rastrub-B
- Montage de cellules universelles UKSK en lieu et place d’un canon AK-100 permettant de déployer des missiles Oniks et Kalibr
- Remplacement du radar MR-760 Fregat-MA par le radar MR-710 Fregat-M
- Installation du radar 5P-30N2 Fregat-N2
- Installation du système de guerre électronique et de brouillage TK-25-2
- Installation du système de communication R-779-28
On le voit, l’étendue des travaux est conséquente et permettra de disposer d’un navire aux performances fortement accrues. La Marine Russe a déjà fait savoir qu’elle souhaite moderniser selon ce modèle pas moins de 5 Udaloy d’ici à 2022. Ce bel optimisme doit quand même être temporisé au vu des retards habituels des chantiers navals russes et du fait que la modernisation de le Marshal Shaposhnikov est encore loin d’être achevée… Un incendie récent, heureusement sans gravité, sur ce dernier en dit long sur l’achèvement et le retour en mer prochain du navire.
Destroyers Sovremennyy (Izd 956)
Mis au point pour compléter les destroyers anti-sous-marins de la classe Udaloy, les destroyers de la Classe Sovremennyy (EM Izd 956 classe Sarych en russe) sont des navires conçus pour assurer la lutte contre les navires de surface et assurer la protection des navires amphibies.

Admis au service par la Marine Soviétique à partir de la fin de 1980; ce sont pas moins de 17 navires qui seront construits entre 1980 et 1993 et reversés à la Marine Russe tandis que quatre autres navires en construction seront abandonnés et ferraillés en 1995. De plus, deux navires au standard Izd 956E ainsi que deux autres au standard Izd 956EM seront livrés à la PLAN (Marine Chinoise) entre 1999 et 2006.
D’un déplacement en charge de 7.940 tonnes, les Sovremennyy disposent d’un armement principal composé de 8 missiles anti-navires P-270 Moskit installés dans des lanceurs quadruples implantés de part et d’autre de la passerelle auxquels s’ajoutent deux canons doubles AK-130 de 130 mm implanté à raison d’une unité en plage avant et une unité en plage arrière ainsi que quatre tubes à torpilles de 533 mm. En plus de cet armement, les Sovremenny disposent de système de défense anti-aérienne à moyenne portée 3S90 Uragan alimenté à raison de 44 missiles enfin, des systèmes de protection rapprochée AK-630 sont également installés.

La propulsion des Sovremennyy est des plus classiques puisque reposant sur quatre chaudières KVN alimentant deux turbines vapeur GTZA-674 de 50.000 Cv, le tout étant couplé à deux hélices. Il est d’ailleurs intéressant de constater que bien qu’ayant été mis au point en même temps que les Udaloy (Izd 1155/1155.1), la solution de la turbine à gaz n’a pas été retenue et ce pour des raisons de capacité de production de ces dernières en URSS. Les Sovremenny disposent d’une vitesse de pointe de 32,7 noeuds, d’une endurance théorique de 30 jours et d’une autonomie maximale de 3.920 milles nautiques.

Contrairement aux Udaloy qui semblent satisfaire pleinement la Marine Russe, les Sovremennyy ne semblent pas donner satisfaction puisque ce sont pas moins de treize navires qui ont été retirés du service actif depuis la chute de l’URSS et aucun des navires encore actifs ne semblent avoir connus de programmes de modernisation et/ou de remplacement des radars embarqués. Alors que la Chine s’est lancée dans un programme de modernisation de ses propres unités, la Russie se dirige inexorablement vers le retrait de service des Sovremennyy puisqu’il ne reste que trois unités actives et une en cours de révision générale depuis 13 ans (le Burniy) chez Dal’Zavod.
Et après?
Écrire que la situation de la flotte hauturière russe est peu enviable serait un doux euphémisme. Vieillissante bien que bénéficiant de programmes de modernisations (pas nécessairement très cohérents), son âge moyen ne va pas en diminuant et l’absence de lignes claires en matière de remplacement (outre les habituelles déclarations grandiloquentes visant à rassurer le public) ne prête pas à un optimisme débordant.
Certes, les projets de frégates Izd 22350 Admiral Gorshkov et Izd 22350M « Super-Gorshkov » rebattent les cartes en matière de structure et de programmes d’acquisition pour la Marine Russe tout en permettant à la Russie de « se faire la main » sur des architectures navales entièrement neuves ne descendant pas de design soviétiques. Mais, bien que les briques technologiques acquises à cette occasion soient un pas dans la bonne direction, il reste encore beaucoup de travail à effectuer en vue de lancer la construction d’une (des ?) classe(s) de navire(s) apte(s) à prendre la relève de la flotte hauturière russe. L’avancée des technologies permet quand même d’envisager le remplacement d’une partie de la flotte hauturière russe sur base des frégates 22350 et 22350M mais il est illusoire de croire que ces dernières seront à même de remplacer l’intégralité de la flotte existante: la solution passera nécessairement par la mise au point d’un navire de taille supérieure et à l’endurance accrue tout en étant adapté aux conditions environnementales les plus rigoureuses.
On ne peut pas nier que la Russie revient de loin au niveau de ses capacités de production navale et les lourds investissements consentis dans ce secteur devraient finir par porter leurs fruits, néanmoins il est parfaitement clair que les performances de ce secteur ne sont absolument pas à la hauteur des efforts réalisés et le pouvoir politique commence à prendre la pleine mesure de la chose.
Nous l’avons vu ci-dessus, les programmes de modernisation en cours sont coûteux et très long à se concrétiser ; bien entendu, ils permettent à la Russie de dégager du temps pour mettre au point le design des futurs navires, malgré tout certains programmes de modernisation sont tellement onéreux qu’on en vient à se poser la question de leur bien fondé.
Et même si les capacités offertes par les navires modernisés sont sans commune mesure avec leurs performances antérieures, il n’empêche que le vieillissement de la flotte hauturière est une réalité et le trou capacitaire à l’horizon 2030 semble clairement inévitable. Évidemment, il est illusoire d’espérer voir un jour le retour d’une « Flotte à la Gorshkov » dispendieuse à l’échelle de l’économie russe mais si la Marine Russe veut être à même de conserver et protéger les intérêts économique du pays: la question d’une flotte hauturière et de son renouvellement ne pourront plus être éludées pendant longtemps.
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Pour continuer la lecture sur l’avenir de la flotte russe, nous vous conseillons vivement cet article d’Igor Delanoë.