[Actu] Attaques sur les installations russes en Syrie
Alors que le retrait russe semblait être déjà bien amorcé et après les annonces de « victoire » de la part des forces russes en Syrie; deux évènements récents sont venus rappeler de manière douloureuse à la Russie que la situation en Syrie est loin d’être aussi simple qu’elle peut y paraître.
Il faut également prendre en ligne de compte le fait que les sources sont lacunaires et antagoniques, ce qui vient s’ajouter au silence relatif des sources officielles russes. La Russie ayant depuis le début du conflit pris le pli de minimiser les pertes et de « glorifier » ses succès; il devient particulièrement difficile de faire la part des choses.
Tout d’abord, il faut voir de quoi l’on parle: il s’agit en réalité de deux évènements distincts. Le premier évènement est une attaque dirigée contre la base de Khmeimim et se serait déroulée dans la nuit du 31 décembre au 1er janvier. La deuxième évènement s’est déroulé dans la nuit du 6 au 7 janvier et et concernerait un ensemble d’attaques ciblant la base de Khmeimim et le port de Tartous.
Attardons sur ces deux attaques et les conséquences de ces dernières.
L’attaque de la base de Khmeimim dans la nuit du 31 décembre
Nous en avons déjà parlé auparavant à plusieurs reprises, la base de Khmeimim est la principale installation à disposition de la Russie qui est employée pour effectuer des frappes sur les différents groupes rebelles syriens. Située à côté de la ville de Lattaquié, la base de Khmeimim est située au milieu d’un environnement urbain assez dense, ce qui se révèle être problématique dans la protection de la base.
Si la Russie a débuté dans le courant du mois de décembre le retrait d’une partie de ses troupes sur place, les opérations ne se sont pas arrêtées pour autant. Le gouvernement russe ayant déjà fait savoir que la base de Khmeimim disposerait d’un déploiement permanent d’appareils russes. Sur base des dernières photos disponibles, les appareils déployés sur place sont des Su-24M, des Su-34 et des Su-35S. Le solde des appareils aurait déjà été rapatrié en Russie.
En se basant sur diverses sources russes, la base de Khmeimim aurait subi une attaque durant la nuit du 31 décembre au 1er janvier. Cette attaque n’a – au départ – pas été confirmée par le MoD russe et il faudra attendre plusieurs jours et la publication de photos sur internet pour avoir la confirmation de dommages sur certains appareils. Finalement c’est le journal Kommersant qui en date du 3 janvier va parler le premier d’une attaque à base de roquettes et ayant détruit pas moins de « 6 Su-24M, 2 Su-35S, 1 An-72 et 1 An-30 ».

Par la suite d’autres articles reprenant l’information de Kommersant parlent des mêmes pertes (mais avec des variations relatives aux appareils impactés) sans pour autant pouvoir les illustrer avec des photos et ou des détails plus précis sur les pertes. En outre, on apprend aussi qu’un IL-76 employé comme hôpital volant a été envoyé sur place pour récupérer des blessés mais que ce dernier n’a pas pu se poser et a été dérouté sur un autre aéroport.
Bien que les sources soient largement contradictoires et que presque rien n’a été confirmé malgré la publication de quelques photos, certains points sont déjà connus;
- Un Su-24M (29 Blanc) a été touché au niveau d’un stabilisateur horizontal et présente des impacts de balles (?) sur le flanc
- Le parking où se trouvait le Su-24M présente des dommages superficiels
Les officiels russes ont été obligés de « sortir du bois » et ils ont finit par admettre la perte de deux soldats dans le cadre de cette attaque à base de mortiers tout en réfutant la perte d’appareils. Il est vrai que les dégâts visibles sur le Su-24M « 29 Blanc » ne sont – à première vue – pas raison à entraîner une réforme anticipée de ce dernier.

Cette attaque met en exergue un double problème pour la Russie;
- La vulnérabilité d’une base qui est entourée par un tissus urbain dense
- Le changement dans le type d’attaques qui nécessite pour la Russie de revoir/améliorer la protection de la base de Khmeimim
La Russie a déployé depuis le début des opérations un ensemble de moyens de protection anti-aériens autour des installations avec notamment l’emploi de Pantsir S-1 pour la protection rapprochée et de protection à plus longue portée avec le système S-400.

Il faut s’attendre à voir les moyens de protection déployés être renforcés dans un très proche avenir surtout au vu des déclarations russes concernant le maintien d’une force aérienne conséquente sur place. De plus, il sera intéressant d’assurer un suivi des appareils russes déployés en Syrie pour voir quels appareils ont été endommagés et leur devenir suite à cette attaque; ce sera malheureusement le seul moyen de se faire une idée plus ou moins précise des dommages réels subis lors de cette attaque.
L’attaque de la base de Khmeimim et du port de Tartous dans la nuit du 5 au 6 janvier
Si l’on se base sur les déclarations du MoD Russe, ce sont pas moins de 13 drones de fabrication artisanale qui ont été employés par des groupes rebelles pour attaquer les installations russes de Tartous et de Khmeimim durant la nuit du 5 au 6 janvier. Alors que des premiers rapports parlaient de la destruction du système S-400 déployé à Khmeimim, il s’avère que ce système n’aurait pas été impacté.

Contrairement à la première attaque, le MoD Russe va communiquer in extenso sur ces attaques. Cette communication nous permet d’apprendre notamment:
- 13 drones ont été employés, 10 sur Khmeimim et 3 sur Tartous
- 6 drones ont été leurrés par les équipements de guerre électronique russe: 3 ont été détruits et 3 ont été récupérés
- 7 drones ont été pris en charge par le système de protection rapprochée Pantsir-S1 et par conséquent détruits
- Aucuns dégâts n’ont été constatés sur les deux bases
Les drones récupérés vont ainsi permettre à l’armée russe de déterminer les solutions techniques déployées dans la mise au point et l’emploi des drones avec notamment la constatation de l’emploi de GPS indiquant une zone de tir « éloignée » par rapport aux cibles.
En outre, on apprend que chaque drone (sauf un) portait 10 bombes (les illustrations n’en montrent que 8) pesant environ 400 grammes et dotées d’explosif PETN couplé avec des billes métalliques pour maximiser les dégâts. De plus, les bombes dont le corps est issu d’une imprimante 3D sont équipées de mèches d’origine étrangère; ceci tend à indiquer la présence d’une assistance technique externe dans la mise au point des bombes employées. Il semble impossible, aux yeux des autorités russes, que ces drones soient issus d’une production artisanale locale sans appui étranger.

Il est à noter que la Russie connaissait déjà les risques des attaques de drones de par le fait que ces derniers sont déjà employés régulièrement (et interceptés) pour assurer des missions de renseignements; cependant, il s’agit du premier cas où les drones sont employés à des fins offensives en Syrie contre les installations russes.
En conclusion
La Russie vient donc de découvrir (à ses dépends?) que son intervention en Syrie est très loin d’être achevée. Certes, l’annonce du retrait des troupes était plus une déclaration d’ordre politique que répondant réellement à une réalité opérationnelle mais ces attaques viennent rappeler aux Russes qu’ils peuvent encore essuyer des pertes et surtout dans leurs propres installations. C’est peut-être ça la principale information de ces attaques.
La guerre en Syrie fait toujours rage et le déploiement Russe qui se transforme en un déploiement définitif (tout du moins à Tartous et Khmeimim) va devoir s’adapter aux nouvelles menaces qui émergent ainsi qu’au besoin de repenser/améliorer la défense des installations militaires locales. On peut donc s’attendre à des modifications à court-terme des moyens de protection déployés autour des bases ainsi qu’à un renforcement des mesures de sécurité dans les installations russes.
Il est d’ailleurs intéressant de voir que ces attaques ont créés un certain malaise en Russie; non pas que la perte de soldats soit une nouveauté en soi, mais les rumeurs de pertes importantes de matériels en Syrie viennent tâcher le bilan opérationnel qui est mis en avant par le gouvernement russe. Avec la nette tendance qu’à le MoD Russe à « gonfler » le positif et « minimiser » le négatif; le message envoyé est assez clair: l’échec n’est pas une option. La perte des appareils sur la base de Khmeimim n’a pas été confirmée parce qu’elle serait, si réelle, une solide claque dans la communication très policée et orientée de la Russie.
Enfin, même si la question de la « technicité » des moyens déployés est sujette à cautions, il semble parfaitement plausible que ces attaques soient également le fruit d’une intervention étrangère indirecte apportant une aide technique et logistique à certains groupes insurgés.
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