[Actu] Le Kamov Ka-65: prochain hélicoptère embarqué russe?
En matière d’hélicoptères embarqués, le matériel à disposition de l’aéronavale russe se résume de manière assez simple par Kamov Ka-27 (Izd.D2B / Izd.500 Code OTAN: Helix). Cet hélicoptère embarqué et polyvalent, conçu en vue d’assurer le remplacement du Ka-25 dont il dérive fortement, a été décliné en de nombreuses variantes disposant chacune de missions spécifiques et variées.
Le vieillissement de la flotte de Ka-27(M) a poussé les décideurs russes à relancer un projet de nouvel hélicoptère embarqué apte à prendre la relève de ce dernier et pouvant également être dérivé en plusieurs versions; ce projet dont la première image a été publiée il y a quelques mois sur Internet semble être à un stade avancé de développement. Une présentation ainsi qu’un premier vol de ce modèle repris sous le type Kamov Ka-65 (dénomination non officielle) peuvent être attendus pour 2020 ce qui cadrerait avec le planning établi à l’origine.
Bien que les informations au sujet de ce nouvel appareil soient encore lacunaires, attardons-nous un peu sur ce que l’on sait et ce que l’on ne sait pas encore à son sujet.
Le Kamov Ka-27 et le Kamov Ka-40
Ayant été présenté le 8 août 1973, son premier vol eut lieu le 24 décembre 1973; les tests étatiques débutèrent dans la foulée et bien que pas encore achevés, la production en série du Kamov Ka-27 fut lancée au sein de l’usine KumAPP de Kumertau au Bashkortstan en juillet 1979. Admis au service le 14 avril 1981 au sein de la Marine Soviétique, le Ka-27 ainsi que ses variantes ont été produits à raison de 267 exemplaires jusqu’en 2009-2010, les derniers exemplaires étant livrés en Chine.
Le Ka-27 a été décliné sous plusieurs formes et ce que ce soit pour le marché national ainsi que pour l’exportation, les variantes principales étant les suivantes:
- Ka-27PL: Variante spécialisé dans la lutte ASW, c’est la variante de base qui est en général désignée par Ka-27 le suffixe disparaissant à cette occasion.
- Ka-27PS: Variante spécialisée dans la recherche et le secours en mer ainsi que le transport
- Ka-28: Variante export du Ka-27PL
- Ka-29: Variante d’assaut
- Ka-31(R): Variante AWACS basée sur la Ka-29
- Ka-32: Variante civile du Ka-27
Un programme de modernisation du Ka-27 a été lancé en 2013, celui-ci portant notamment sur le traitement des obsolescences des équipements embarqués, aucun travail d’envergure n’étant effectué sur la cellule ainsi que la motorisation. Les travaux ont nécessité beaucoup plus de temps que prévu suite notamment à des raisons techniques mais surtout budgétaires; les premiers appareils portés au nouveau standard Ka-27M ne sortant d’usine qu’en décembre 2016.

La Marine Russe dispose d’environ quatre-vingt Ka-27 en service, à raison de 63 Ka-27PL et 16 Ka-27PS une bonne partie de la flotte de Ka-27PL ayant été porté au standard Ka-27M. La flotte disponible de Ka-27 joue les prolongations par rapport aux projets initiaux remontant à l’époque soviétique qui tablaient sur le développement d’un nouvel hélicoptère embarqué (dont les noms possibles étaient V-50, Ka-40 ou Ka-27MF) qui aurait du assurer dans le cadre du programme TKMV (Тяжельный Корабельный Многоцелевой Вертолет / Litt. Hélicoptère polyvalent pour navires lourds) , lancé en 1990, le remplacement de la flotte de Ka-27 et dérivés. Hélicoptère présentant une configuration similaire au Ka-27, le Kamov Ka-40 (dénomination non officielle puisque l’appareil n’a jamais été admis au service) aurait du disposer de la formule traditionnelle de Kamov avec deux rotors coaxiaux, la propulsion étant assurée par deux turbines Klimov TVA-3000, la suite électronique embarquée étant le Lira développé par Leninets. La chute de l’URSS étant passée par là, le programme TKMV sera abandonné au début des années 1990 alors que le projet de Kamov se trouvait au stade de la planche à dessins; le bureau d’études Kamov continua les travaux sur le design préliminaire à fonds propres pendant quelques temps mais en l’absence d’intérêt pour ce dernier et du manque de moyens: les travaux seront finalement interrompus.

En l’absence de remplaçant, le Ka-27 a donc vu sa carrière s’allonger significativement; le programme de modernisation permet de solutionner une partie des problèmes liés à l’obsolescence des composants embarqués tout en prolongeant la durée de vie de la flotte néanmoins ces derniers approchent doucement de l’âge légal de la retraite. La confirmation du lancement du projet de mise sur cale de deux nouveaux navires de débarquement amphibie a vu le holding Russian Helicopters placer ses pions pour équiper lesdits navires; en mettant en avant le Kamov Ka-52K ainsi que le Kamov Ka-65 pour équiper ces derniers.
Si le Ka-52K sort du cadre de cet article (il sera abordé in extenso dans un dossier à paraître sous peu), le cas du Ka-65 est pour le moins intéressant et mérite que l’on s’attarde sur ce dernier.
Le projet Minoga de Kamov (Ka-65?)
Il faudra attendre le 28 novembre 2014 et le lancement du programme MPVK (Многовариантный Перспективный Вертолетный Комплекс / Litt. Complexe d’hélicoptères à possibilité multifonctions) aussi connu sous le nom de code Minoga (минога / Lamproie, il s’agit d’une classe de poissons sans mâchoires mobiles qui appartient à la classe des Petromyzontidae) pour assister au retour d’une nouvelle plate-forme embarquée apte à assurer le remplacement du Ka-27 et de ses variantes dont la mission principale sera d’assurer la lutte anti-sous-marine. La nouvelle plate-forme bien que son nom ne soit pas encore officialisé vu qu’il est toujours au stade de développement serait reprise sous le type Kamov Ka-65 (le code projet étant Izd.450); le but recherché étant de disposer d’un appareil prêt à débuter ses essais à l’horizon 2020 pour une entrée en production vers 2022.

Les contraintes liées à ce projet sont relativement strictes, en effet, le nouvel appareil doit pouvoir être déployé au départ des mêmes installations que le Ka-27 notamment en ce qui concerne les ascenseurs et hangars des navires amenés à le déployer, ceci implique donc que les dimensions générales du Ka-65 doivent être comprises dans les mêmes valeurs maximales que celles présentées par le Ka-27.

Pour se faire une meilleure idée du gabarit que devrait présenter le Ka-65, on peut déjà se baser sur les dimensions du Ka-27;
- Longueur: 12,25 m
- Largeur: 3,8 m
- Hauteur: 5,4 m
- Diamètre des rotors: 15,9 m
- Masse maximale au décollage: 12 tonnes
- Charge offensive: 2 tonnes
L’emploi de technologies plus modernes ainsi que de matériaux composites permettra au Ka-65 d’offrir des performances sensiblement accrues bien qu’il ne faille pas s’attendre à une révolution en soi. Au niveau des caractéristiques techniques déjà connues sur ce projet, les informations suivantes sont disponibles:
- Diamètre des rotors: 16,3 m
- Masse maximale au décollage: 13 tonnes
- Vitesse maximale: 300 – 400 Km/h
- Altitude maximale: 5.000 m
- Endurance: 2 heures sur station à 250 Km du point de départ
Les rares images disponibles pour l’instant permettent de se faire une première idée sur le Ka-65; ce dernier présente une configuration générale fort similaire au Ka-27 avec un fuselage compact et large mais beaucoup plus effilé¹ disposant d’un train d’atterrissage rétractable, d’une soute à armements ventrale (vu l’absence de points d’emports sur ailettes) qui devra certainement être étanche vu le risque pour l’appareil de devoir amerrir d’urgence et enfin d’un radar de navigation monté dans un radôme placé en avant du cockpit.
L’accès au cockpit se fait via des portes latérales tandis qu’une (deux?) porte(s) coulissante(s) est/sont placée(s) sur le fuselage en arrière du cockpit, permettant d’accéder à l’intérieur de l’appareil, un treuil étant implanté en hauteur près de cette porte, enfin, il semble que l’arrière du fuselage permette d’y installer une rampe d’accès (ceci nécessitera d’être confirmé).
La poutre de queue est de taille réduite (vu l’absence de rotor de queue) mais les surfaces de contrôle diffèrent du Ka-27; en effet, le Ka-65 serait équipé d’une dérive principale sur laquelle serait flanqué des stabilisateurs horizontaux également dotés de petites dérives. A noter que la seule photo disponible d’une maquette permet de voir les deux petites dérives mais pas la dérive principale; vu la taille des dérives observées sur photo, il ne serait pas étonnant que l’option d’une dérive principale flanquée de deux petites dérives ait été abandonné en faveur d’une configuration similaire à celle du Ka-27 avec deux dérives latérales de plus grande dimension.

De manière prévisible, c’est la configuration « type » de Kamov qui est reprise pour la chaîne cinématique avec l’installation de deux turbines Klimov TV7-117VK développant environ 3.000 Cv et entraînant deux rotors coaxiaux tripales. Cette configuration permet de se passer du rotor de queue et permet donc de disposer de plus de puissance disponible pour la charge utile; de plus, l’absence de rotor de queue limite les risques au sol liés à ce dernier ainsi que l’encombrement de l’hélicoptère dans le hangar. A l’inverse, l’existence de deux rotors contrarotatifs complexifie le mécanisme d’entraînement de ces derniers et par conséquent augmente le risque de pannes.
La mission principale étant la lutte anti-sous-marine, le Ka-65 est construit autour d’un système de recherche et de ciblage Kasatka-VB (Вертолёт большой / Litt. Gros Hélicoptères) créé par Radar MMS, ce dernier étant composé de plusieurs composants dont le senseur principal est le radar du type KS-1 qui est un radar AESA en bande X pouvant détecter jusqu’à 30 cibles ayant une SER (Surface Equivalente Radar) d’un m²; le radar est complété d’une suite de communication KS-2 avec système de transmission de données, d’une tourelle opto-électronique KS-3, d’une perche de détection d’anomalies magnétiques KS-8, d’un système de gestion des bouées KS-10 et enfin d’écrans tactiques qui servent pour la centralisation et la gestion des différents capteurs embarqués.
D’un point de vue de l’armement, les informations disponibles tablent sur une charge utile d’environ 2 tonnes dont l’emport serait composé au choix de:
- Deux torpilles
- Deux missiles anti-navires
- Huit charges creuses
- Un nombre indéterminé de bouées
L’équipage devrait être – fort logiquement – constitué de trois membres d’équipage (dans la version lutte anti-sous-marine) avec les deux pilotes ainsi qu’un officier du système d’arme chargé de mettre en oeuvre l’armement via la (les?) console(s) du système Kasatka-VB.

Les projets tablent toujours sur une sortie d’un premier prototype d’ici à 2020 et la seule photo disponible va en ce sens, cependant en l’absence d’informations sur l’état de préparation de la motorisation ainsi que des autres composants; cette date de sortie est à envisager avec les réserves de rigueur.
En conclusion
L’élément structurant dans le projet Kamov Ka-65 étant la nécessité de pouvoir embarquer l’appareil dans les mêmes conditions que le Ka-27 limite fortement les possibilités offertes aux ingénieurs russes, obligés de travailler dans un cadre strict, ils n’ont guère d’amplitude pour révolutionner en profondeur le concept d’hélicoptère embarqué.
Le gros des efforts va donc porter sur les équipements embarqués (la suite Kasatka), la motorisation (les turbines TV7-117VK) et enfin sur la recherche d’une configuration aérodynamique qui permette de maximiser l’endurance ainsi que la charge utile; ce dernier point se voit déjà au niveau des illustrations/photos disponibles, le fuselage présentant un profil beaucoup plus aérodynamique que celui du Ka-27. Le fait que le projet Minoga qui était pour le moins méconnu et discret tant qu’à présent soit revenu sur le devant de la scène récemment n’est certainement pas un hasard: la mise sur cale annoncée des deux premiers UDK (navires d’assaut amphibies) pour la Marine Russe en mai 2020 ainsi que l’annonce faite par Russian Helicopters de leur capacité à équiper lesdits navires avec le Ka-52K ainsi que le Ka-65 laissent à penser que le holding était au courant des intentions de la Marine avec les UDK et a accéléré les travaux avec la « fuite » d’une première photo de ce dernier.
Il est inutile de préciser que l’on ne disposera jamais de la réponse à cette supposition, toujours est-il que le Ka-65, si son entrée en production – fort probablement au sein de l’usine KumAPP – se déroule effectivement en 2022, arrivera à point nommé pour remplacer les Ka-27(M) donc il n’est pas vain de rappeler que les premiers appareils sont en service régulier depuis 1982 et le programme de modernisation bien qu’octroyant un allongement de la durée de vie des cellules ne permet plus d’échapper à l’inéluctable remplacement qui se profile à l’horizon. De plus, conçu comme variante de base dont la mission principale sera la lutte anti-sous-marine, le Ka-65 devrait à terme donner naissance à une famille d’hélicoptères permettant de remplacer les variantes du Ka-27.
Nous aurons donc l’occasion de revenir rapidement sur ce dernier, si le calendrier le concernant ne connaît pas de changements.
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¹ Et contrairement à ce qu’une personne que je ne citerais pas me disait encore aujourd’hui sur Tweeter, non, le Ka-65 n’a pas le look d’un « Super Puma qui aurait une sacrée gueule de bois et mal reboutonné son rotor«
Il était temps que la marine remplace ces hélicoptères
Mais j avais lu que Kamov avait fait une version navale de son KA-60 pour réarmer la marine Russe, je le trouvais bien l idée
Vu la taille du rotor de queue ainsi que la longueur; je doute que le Ka-60/Ka-62 puisse servir de remplacement au Ka-27 😉