[Actu] Le salon ARMY-2019 (partie aérienne)
Le salon de l’armement ARMY-2019 qui s’est déroulé entre le 25 et le 30 juin au sein du « Patriot Park » de Moscou (Kubinka) est l’événement à ne pas manquer pour voir les avancées et les nouveautés militaires russes. Ce salon dont la première édition remonte à 2015, est l’occasion rêvée pour les militaires russes ainsi que pour les commerciaux du complexe militaro-industriel de mettre en avant les productions locales ainsi qu’un coup de projecteur médiatique sous lequel s’effectue un ensemble de signatures de contrats de vente dont les négociations ont été achevées au préalable et dont l’annonce est mise en attente en vue de ce salon.
L’édition 2019 du salon de l’armement ARMY reste dans le même cadre que ses éditions précédentes:
- Une avalanche de nouvelles
- Des signatures de contrats
- Des présentations statiques de prototypes
- Des présentations dynamiques de véhicules anciens et nouveaux
Vu l’ampleur du salon, la masse importante d’informations, il nous est nécessaire de subdiviser la revue de ce salon en trois parties: une première partie (celle que vous lisez en ce moment) qui se focalisera sur les domaines aériens une deuxième partie, rédigée par Benoît Cyvoct, qui assure le suivi des matériels terrestres et enfin une troisième partie plus succincte relatives aux actualités navales.
Pour la seconde année consécutive, nous vous proposons une synthèse des nouveautés exposées ainsi que des annonces en provenance du salon ARMY-2019; comme précédemment un choix éditorial a néanmoins du être posé par rapport au traitement de l’information. Vu l’afflux massif d’informations et le côté parfois contradictoires des sources, un tri a été effectué et nous ne parlerons que des annonces les plus pertinentes ainsi que des commandes signées.
Sukhoï Su-57
Assurément LA nouvelle la plus importante de ce salon: la signature le 27 juin du contrat d’acquisition de soixante-seize Sukhoï Su-57 pour les forces aériennes russes. Ce contrat marque donc le début des acquisition de série du dernier-né du constructeur Sukhoï et marque également le début de la transition post-Flanker (et variantes) de la force aérienne russe.
Cette commande dont le montant précis n’a pas été indiqué table sur un début des livraisons à partir de 2021 et une fin des livraisons pour 2028. Le montant de la commande n’a pas été précisé même si certaines sources déjà discutées ici auparavant parlent d’une valeur de 160-170 milliards de Roubles. Gageons que cette commande devrait faire taire définitivement les sources prédisant un abandon rapide du programme…

De manière moins polémique; le nombre d’appareils commandés permettra d’équiper six escadrilles (12 avions / escadrilles) et de disposer de quelques appareils pouvant servir à l’entraînement des pilotes en collaboration avec certains des prototypes T-50 ainsi que des deux avions de pré-série déjà en commande qui doivent être livrés en 2019 et en 2020. Au vu du nombre d’appareils commandés et des délais de livraison annoncés; on peut tabler sur une production annuelle de neuf Su-57 au sein de l’usine KnAAZ, ceci est parfaitement cohérent avec les capacités de production actuelle employée pour les Su-35S. La Russie se réserve donc une partie de la capacité de production – à l’instar de ce qui se fait actuellement avec le Su-35S – en gardant cette réserve pour d’éventuelles commandes à l’export et/ou un éventuel accroissement pour satisfaire ses propres besoins.
Les premiers Su-57 réceptionnés entre 2021 et 2023 seront encore équipés du réacteur Izd.117 tandis que la suite des livraisons se fera avec des appareils directement équipés de l’Izd.30. Ceci dépendra bien évidemment de l’absence de retard dans la mise au point du nouveau réacteur, il n’est pas précisé si les premiers Su-57 seront rééquipés (ou non) avec l’Izd.30 une fois ce dernier au point, mais ceci est plus que plausible au vu de l’augmentation des performances offertes par ce dernier par rapport à l’Izd.117.

Le dossier relatif au Su-57 sera modifié d’ici quelques jours avec ajout des informations récentes.
Kamov Ka-52(M)
Hélicoptère de reconnaissance et d’attaque, le Kamov Ka-52 trouve son origine dans le besoin formulé par l’Union Soviétique de trouver un successeur au Mil Mi-24 Hind et qui donnera également naissance au Mil Mi-28N. Alors que les deux modèles (Ka-52 et Mi-28) seront régulièrement mis en concurrence durant leur période de conception et développement vu les performances similaires offertes, la Russie décidera de ne pas trancher quant au modèle à choisir et finira par passer commande pour les deux modèles mais bien longtemps après la chute de l’URSS.
Le Ka-52 avait été conçu pour être l’appareil devant remplir les missions de reconnaissance et d’attaque en appui du Mi-28N, l’appareil dessiné par les ingénieurs de Kamov et reprenant la configuration classique de ce constructeur du double rotor coaxial permettant de faire l’impasse sur le rotor de queue, il va voir son rôle évoluer pour devenir une plate-forme dédiée spécialisée également dans la lutte anti-chars avec engagement de celui-ci en Syrie où ses performances semblent avoir été appréciées des équipages.

Bien qu’engagé dans les missions de première ligne, le Ka-52 est un appareil globalement moins lourdement « blindé » que le Mi-28N (ce qui permet de limiter sa masse totale) même si sa suite défensive est plus complète que celle de l’appareil de Mil. Les forces armées russes termineront bientôt de recevoir les 146 Ka-52 commandés en 2011 et dont les dernières livraisons auront lieu en 2020.
C’est pourquoi une nouvelle commande est en préparation d’une variante modernisée: le Ka-52M. Les différences se trouveront notamment dans l’intégration de nouveaux armements permettant d’engager les cibles à plus grande distance, ainsi que de nouveaux capteurs offrant une meilleure capacité de détection et de suivi des cibles. Certains de ces capteurs, notamment la nouvelle tourelle opto-électronique, ont déjà été installés sur les appareils vendus en Egypte.

Même si la Russie n’a pas encore communiqué en détail sur les modalités de la nouvelle commande de Ka-52M; un contrat sera signé en 2020 et il y a fort à parier qu’il sera d’un volume similaire à celui du Mi-28NM (certaines sources parlent de 114 hélicoptères à acquérir mais sans confirmation pour l’instant).
MiG-35S/MiG-35UB
L’ultime (?) variante du MiG-29 semble être un peu la mal aimée en Russie, les militaires favorisant très clairement les chasseurs lourds de Sukhoï pour rééquiper et rajeunir le parc d’avions des VKS. Une première commande signée en août 2018 de MiG-35S/MiG-35UB portant sur six appareils est déjà en cours de réalisation avec l’annonce de la livraison d’ici à la fin de l’année des quatre premiers appareils.
La Russie n’a pas caché ses intentions de poursuivre les acquisitions de MiG-35 et ce même si on sent clairement que la force aérienne russe n’est pas très emballée à l’idée de disposer d’un parc important de chasseurs légers. Néanmoins, dans le but de maintenir un niveau d’emploi stable (et donc de conserver les compétences existantes), les commandes de MiG-35 vont se poursuivre avec l’acquisition planifiée (signature en 2020) de quatorze MiG-35S/UB supplémentaires.

Si cette commande se confirme, les VKS disposeront de vingt MiG-35S/UB dont une partie sera employée par la patrouille acrobatique Strizhi (Стрижи) et le solde servira soit à rééquiper une escadrille et/ou pour l’entraînement des pilotes. Si la perspective d’une nouvelle commande pour le MiG-35 est bien évidemment une bonne nouvelle, on ne sent toujours pas un enthousiasme débordant en Russie autour de cet appareil et les commandes actuelle ainsi qu’à venir ressemblent fortement à un moyen de fournir du travail à RSK MiG.
Mil Mi-8AMTSh-VN
Cette énième variante de l’inénarrable Mi-8/Mi-17, reprise sous le type Mi-8AMTSh-VN, est une version modernisée notamment sur base des RetEx syriens du Mi-8AMTSh (version d’attaque et de transport) dont les différences portent sur des modifications relatives à l’équipement embarqué, à une capacité en carburant accrue, à l’intégration de nouveaux armements ainsi que sur une nouvelle suite défensive.

En outre, le cockpit est un mélange d’instruments modernes (écrans LCD) ainsi que d’instruments analogiques ceci étant dicté par la nécessité de pouvoir ramener l’appareil en cas de dommages à ce dernier. De plus, un nouveau blindage en alliage de titane équipe les zones les plus exposées de l’appareil; ce dernier étant complété par un blindage amovible léger en kevlar pour protéger les fenêtres et les portes.
Une première commande de dix appareils a été passée entre « Russian helicopters » et le MoD russe en date du 27 juin avec comme objectif une livraison des appareils entre 2020 et 2021. D’autres commandes suivront si l’appareil répond aux attentes des décideurs militaires.
Mil Mi-28NM
Variante modernisée de l’hélicoptère d’attaque et de lutte anti-chars Mi-28N, le Mil Mi-28NM se différencie de son prédécesseur par: le montage d’une suite électronique modernisée avec ajout d’un radar N025 implanté dans un radôme situé au-dessus du rotor, le redesign du nez de l’appareil, une nouvelle motorisation, un nouveau système de tir, des doubles commandes permettant de piloter l’hélicoptère depuis les deux positions ainsi que par l’emport de nouveaux armements.

L’armée russe a passé commande en décembre 2017 d’un premier lot « expérimental » de huit Mi-28NM servant à évaluer l’appareil avant de passer aux acquisitions de série. Un des premiers appareils produits a été employé pour les tests opérationnels qui sont en cours depuis 2018, en outre, un Mi-28NM a été déployé en Syrie pour des tests dans le courant du mois de mai 2019; même si la Russie n’a pas communiqué sur les constats réalisés durant ce déploiement, il semble que ce dernier ait été globalement positif. Cependant, une petite controverse est apparue dans le courant du mois d’avril/mai concernant un éventuel abandon des acquisition de cette variante suite à un coût d’achat trop élevé (ou estimé comme tel) par le MoD russe.
Pas moins de trois nouvelles intéressantes concernent cette variante, puisque sur la même semaine on a pu apprendre que
- Les deux premiers appareils issus de la commande de 2017 ont été remis à l’armée russe pour des tests et évaluations, le solde sera livré en 2020
- Un nouveau missile air-sol à plus longue portée est actuellement en test (Izd.305)
Mais surtout c’est l’annonce de la passation d’une commande datée du 27 juin et portant sur quatre-vingt-dix-huit Mi-28NM pour la force aérienne russe qui est l’information la plus importante. Cette annonce vient indirectement confirmer que la stratégie déployée par le MoD russe il y a quelques semaines annonçant l’abandon du programme suite à un coût trop élevé a été payante: un accord a pu être trouvé entre le vendeur et l’acheteur avec une forte réduction du prix de l’appareil à l’unité, ce qui expliquerait le nombre important d’appareils concernés par cette commande.

Les appareils sont réceptionnés à partir de 2020, les livraisons devant se poursuivre jusqu’en 2027.
Mil Mi-35P
Dans le cadre de la mise à jour de cet hélicoptère d’attaque, le Mil Mi-35P a été équipé du système de protection Vitebsk ainsi que de la capacité d’emport du missile anti-tanks 9M127-1 Ataka-VM.
De plus, le cockpit a été remodelé avec ajout d’écrans LCD ainsi que de nouveaux moyens électro-optiques permettant à l’hélicoptère d’augmenter sa capacité de détection et son emploi par tous les temps.

En conclusion
Cette édition du salon ARMY-2019 se révèle plus intéressante dans le domaine aéronautique que les éditions antérieures et ceci est très clairement dû à l’annonce de la première commande importante passée pour le Su-57. Salon traditionnellement axé sur les matériels terrestres, la partie aéronautique étant du ressort du salon MAKS (qui se tiendra cette année également): cette commande ou tout du moins sa signature sont assez inattendu, on aurait pu raisonnablement penser que la Russie profiterait de « son » salon aérien pour signer cette commande.
Outre ceci, il est par contre intéressant de constater que les clients à l’export ne se sont pas rués sur le stylo pour signer des contrats. Est-ce la résultante d’une volonté russe de ne pas (trop?) communiquer sur les exportations de manière à limiter l’impact des sanctions occidentales ou est-ce que les signatures sont réservées au salon MAKS, ce dernier étant orienté aéronautique? Nous n’avons pas la réponse à cette question pour l’instant. Il n’empêche que certains appareils dont la fin de production se rapproche rapidement (Su-34/Su-30SM et Su-35S) n’ont pas vu leur situation future s’éclaircir et vu les délais impartis; des décisions devront être actées rapidement. En outre, certaines commandes annoncées ont de quoi laisser dubitatif devant le peu d’engouement que l’appareil semble susciter au sein des forces armées russes, cas du MiG-35 notamment.
A l’inverse des appareils à voilures fixes, les hélicoptères militaires bénéficient d’un avenir garanti d’ici à la fin du GPV 2018-2027: outre le développement en cours d’une version modernisée du Ka-52, le Ka-52M, dont la commande doit être signée l’année prochaine, le Mi-28NM bénéficie d’une commande importante (en volume) qui permettra de moderniser significativement le parc d’hélicoptères russes. Enfin, le littéralement increvable Mil Mi-8 continue sa carrière avec la commande d’un nouveau lot d’appareils modifiés en rapport avec les constats effectués lors de l’engagement des appareils russes en Syrie… ce qui est pour le moins impressionnant surtout lorsque l’on sait que le prototype de ce dernier a effectué son premier vol le 7 juillet 1961!
La suite de la couverture du salon se fera avec les matériels terrestres d’ici quelques jours.
Bonjour,
La commande de 76 SU-57 met un terme aux spéculations diverses et variées sur « l’inévitable arrêt » du programme.
S’il est bien mis en œuvre en 2021, comme c’est probable, son développement aura duré 11 ans, ce qui est court comparé aux derniers développements occidentaux.
Rafale Marine 14,5 ans, Rafale Air 20 ans, Eurofighter Typhoon 10 ans, F-22 15 ans, F-35A 15 ans.
Concernant le moteur 117, dans une vidéo datant de 2011 ou 2012, le constructeur en chef (du moteur) déclare que sa poussée est supérieure de 2 tonnes à celle du 117S. J’ai un écran extrait par mes soins de cette vidéo qui dit textuellement:
« La poussée du dernier moteur 117 est de deux tonnes de plus que celle du moteur précédent 117S »
La question est de savoir si la performance a été maintenue ou si elle a été diminuée suite aux essais.
Des photos prises pendant un salon MAKS (2015 ?) montrent le T-50 en vol soutes ouvertes avec trois R77 dans chaque soute.
Je pars du principe qu’on pourra réellement parler d’appareil « achevé » en 2023 une fois que l’on aura le Su-57 avec Izd.30 installé en service dans les unités de première ligne.
Ne pas oublier que le premier vol a eu lieu en 2010 mais le début du programme remonte à 2002 donc on serait plus sur une 20aine d’années entre le début du projet et son entrée en service définitive: ça reste globalement dans les normes soviéto-russes.