[Actu] Les systèmes de défense côtiers (3): l’A-222 Bereg

Le troisième et dernier système abordé dans cette série d’articles diffère des deux autres décrits antérieurement en n’étant non plus basé sur l’emploi de missiles mais bien par l’emploi d’artillerie; le système A-222 Bereg (Берег) qui est repris par les russes en tant que « Système d’artillerie de défense côtière » (Артиллерийский Комплекс Береговой Обороны) vient donc compléter les systèmes Bal et Bastion (ainsi que leurs prédécesseurs) en leur apportant une capacité importante dont ces derniers sont dépourvus.

En effet, chaque système d’arme dispose d’une plage d’efficacité variable qui dépend de l’armement employé; les soviétiques et par la suite les russes en sont arrivés à la conclusion qu’il est nécessaire de combiner les systèmes déployés vu la présence de zones « d’inefficacités » inhérentes à chacun d’eux. Pour simplifier, un système employant des missiles à une portée maximale accrue par rapport à un autre employant un canon mais à l’inverse, le canon a une portée minimale réduite par rapport à un missile. Ce faisant, en combinant l’emploi de missiles et de canons, on obtient une plage d’efficacité optimale. Accessoirement, élément non-négligeable, l’emploi d’obus est beaucoup plus économe et pertinent pour traiter certaines cibles que celui de missiles.

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Le véhicule automoteur d’artillerie du système A-222 Bereg. Photo@?

Si il semble qu’au vu des temps de développement et mise au point relativement long de ce système, son acquisition ne se fera qu’en nombre limité; le concept n’est pas abandonné pour autant et la Russie travaillerait actuellement (conditionnel de rigueur) à la mise au point d’une plate-forme similaire basée plus moderne.

L’A-222 Bereg, rapide aperçu historique

C’est en décembre 1976 que l’URSS chargea le bureau TsKB Titan de Volgodrad avec la tâche de mettre au point un nouveau système de défense côtier construit sur base d’un nouveau canon d’artillerie. Une fois la documentation technique prête en 1980, c’est l’usine Barrikad qui va être chargée de la construction d’un prototype et de la mise au point de ce nouveau système d’artillerie mobile. Cependant vu la charge de travail importante au sein de ce bureau d’études, il faudra pas moins de huit ans pour assister à la sortie d’un premier prototype (donc en 1988) qui sera employé pour les premiers tests préliminaires avant d’être acheminé près de Feodosiya en Crimée entre 1992 et 1993 pour y subir la suite du processus d’homologation. Repris sous la classification A-222 et portant le nom de Bereg (« Côte »), il sera présenté pour la première fois à l’étranger en 1993 dans le cadre d’un salon de l’armement à Abu Dhabi avant d’être déclaré apte au service en 1996 après l’achèvement des tests d’homologation étatique.

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A main gauche, un véhicule automoteur d’artillerie du système Bereg qui accompagne un système anti-navire plus ancien. Image@Reddit.com

La Marine Ruse ne disposant que de budgets restreints dans le courant des années 1990, il faudra attendre 2003 pour voir les premières unités du système A-222 rejoindre la Marine Russe; il y a actuellement trente-six lanceurs en service permettant de constituer un ensemble de six batteries, le tout étant actif au sein du 40 BRAP basé à Novorossiysk et relevant de la Flotte de la Mer Noire.

Bien que proposé à l’exportation, le système A-222 n’a jamais trouvé de clients autres que la Russie et plus précisément, la Marine Russe; cette dernière semble d’ailleurs prioriser actuellement l’acquisition des systèmes Bal/Bastion pour équiper ses batteries côtières. En outre, l’emploi du canon de 130 mm (54 calibres) a soulevé pas mal de questions en URSS (intérêt du canon de 130 mm alors que les forces terrestres déployaient des véhicules d’artillerie montés en 152 et 203 mm) puis en Russie notamment au niveau de l’efficacité du canon et il semble que les décideurs militaires favorisent maintenant l’emploi d’un canon de 152 mm dérivé du 2A88 équipant le canon automoteur Koalitsiya-SV. Repris sous le type 2S35 Koalitsiya-F, cette variante pour la Marine Russe serait montée sur un châssis à roues 8×8 Kamaz 6560 dérivé du 2S35-1 Koalitsiya-SV-KSh.

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Infographie illustrant la configuration plausible du futur système Koalitsiya-F. Image@ArmyRecognition

Il est vrai que le passage à une artillerie de 152 mm outre les performances cinétiques accrue des munitions serait plus logique vu l’existence d’une certaine « standardisation » au niveau de l’artillerie russe contemporaine autour de cette taille de canon; cependant le canon de 130 mm – et c’est la raison principale du choix de ce dernier – permettait d’offrir une cadence de tir plus importante qu’un canon de calibre supérieur. Il n’empêche qu’en l’état actuel des choses et aux dernières nouvelles; il n’y a pas de batteries du système A-222 Bereg en commande et aucune décision quant à son éventuel successeur n’a (tant qu’à présent) été actée. Au vu des récents événements en Mer d’Azov et le déploiement rapide d’une batterie de 3K60 Bal sur zone, on peut s’attendre à une accélération des travaux relatifs à une nouvelle artillerie navale; le concept conservant toute sa crédibilité au sein de la doctrine russe.

L’A-222 Bereg d’un point de vue technique

A l’instar des systèmes abordés précédemment, l’A-222 est un système modulaire composé de plusieurs véhicules, le but recherché étant fort logiquement de disposer d’un système hautement mobile pouvant être rapidement déployé et/ou déplacé en fonction des besoins. De plus, l’A-222 est également conçu pour pouvoir être aérotransportable facilement à bord d’An-22/An-124/IL-76.

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Les trois types de véhicules composant le système Bereg. Image@Rosoboronexport

Le système A-222 est conçu pour pouvoir remplir plusieurs missions:

  • Destruction de navires de surface de petite et moyenne taille
  • Destruction de navires rapides
  • Destruction de cibles fixes navales ou terrestres
  • Destruction de forces amphibies
  • Capacité de déploiement/redéploiement rapide
  • Grande mobilité et capacité tout-terrain
  • Capacité de permanence sur zone de 7 jours

En vue d’offrir des performances techniques similaires; les véhicules composant une batterie A-222 sont montés sur la même plate-forme; il s’agit d’un châssis biélorusse 8×8 MAZ-543M (devenu Volat Defence) doté d’un moteur diesel V12 D12A-525A de Barnaultransmash développant 525 Cv. L’ensemble dispose de deux réservoirs de 350 L qui lui offrent une autonomie maximale de 850 Km ainsi qu’une vitesse maximale sur route de 60 Km/h, de plus ce châssis dispose d’un système de réglage centralisé de la pression des pneumatiques qui lui permet de s’adapter aux terrains les plus difficiles. Raffinement technique intéressant, le véhicule de soutien logistique est doté d’une unité de puissance auxiliaire (APU) composée de deux génératrices diesel de 30 kW chacune qui permet le fonctionnement de l’ensemble de la batterie (pour une durée limité) sans que les moteurs des véhicules ne tournent.

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Le châssis MAZ-543M (Volat Defence). Image@volatdefence.com

Ce sont pas moins de trois types de véhicules spécialisés qui composent le système A-222 Bereg, il s’agit des:

  • Véhicule de commandement A-222Ц1 (TsP)
  • Véhicule automoteur d’artillerie A-222Б1 (SAU)
  • Véhicule de soutien logistique A-222Д1 (MOBD)

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Une batterie de la Marine Russe se compose de la manière suivante:

  • Un véhicule de commandement (TsP)
  • Un maximum de six véhicules automoteur d’artillerie (SAU)
  • Un véhicule de soutien logistique (MOBD)

Premier véhicule abordé, le véhicule de commandement A-222Ц1. Ce dernier est repris par les russes sous le nom de « Poste Centralisé » (Центральный пост / ЦП / TsP) et il s’agit du coeur du système. Disposant du système de contrôle de tir BR-136 Podatcha (Подача) composé d’un radar Harpoun (Гарпун) rétractable, d’une caméra avec télémètre laser, d’un poste d’observation et d’un système digital de centralisation des données permettant de déterminer les coordonnées corrigées de tir.

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Illustration des différents véhicules composant une batterie A-222 Bereg. Image@?

Le véhicule de commandement est divisé en cinq compartiments;

  • Compartiment moteur
  • Compartiment de l’antenne radar
  • Compartiment des équipements hautes fréquences
  • Compartiment de l’opérateur radio
  • Compartiment des caméras
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Illustration du compartimentage interne du véhicule de commandement. Illustration@?

Pas moins de sept hommes sont embarqués à bord du véhicule de commandement pour gérer la batterie et transmettre les coordonnées des cibles aux lanceurs, ces derniers pouvant être éloignés de maximum 1.000 m ou présenter un différentiel d’altitude de 300 m avec le véhicule de commandement.

Centre du système de contrôle de tir BR-136, le radar Harpoun dispose d’une antenne rétractable qui est stockée durant le transport et déployée dès le début de la mise en place de la batterie: l’antenne est mobile et peut effectuer une rotation complète pour maximiser la capacité de détection. Ceci permet au système de disposer d’une capacité de détection maximale à 35 Km avec une capacité de tir effective à 23 Km, de plus il peut suivre quatre cibles simultanément néanmoins il n’y a que deux cibles qui peuvent être engagées de manière concomitante par la batterie.

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On voit ici l’antenne du radar Harpoun en position déployée. Image@bastion-karpenko.ru

A noter que le véhicule de commandement ainsi que les véhicules d’artillerie ne disposent d’aucun moyen d’auto-défense, seul le véhicule de soutien logistique dispose d’une mitrailleuse PKT de 7,62 mm monté sur la toiture du véhicule pour la défense rapprochée.

D’un point des dimensions générales, le véhicule de commandement présente les caractéristiques suivantes;

  • Longueur: 15,2 m
  • Largeur: 3,24 m
  • Hauteur: 4,415 m
  • Masse: 43,7 t
  • Equipage: 7

Deuxième véhicule abordé et véritable bras armé du système, l’A-222Б1 est repris par les russes en tant que « Véhicule Automoteur d’Artillerie » (Самоходная Артиллерийская Установка / САУ / SAU), il s’agit donc du véhicule qui comprend la capacité offensive de la batterie qui est construit autour d’un canon de 130 mm installé dans une tourelle mobile l’ensemble étant monté sur un châssis MAZ-543M.

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Un véhicule automoteur d’artillerie en position de tir avec les quatre béquilles déployées et le canon en élévation. Image@Rosoboronexport

Le canon de 130 mm de 54 calibres, est équipé d’un frein de bouche et est alimenté à raison de 40 obus de plusieurs types qui sont commun aux canons AK-130 employés par la Marine Russe sur certains navires de gros tonnage. Il s’agit des munitions:

  • A3-UZS-44 (anti-aérien)
  • A3-UZS-44R (anti-aérien)
  • A3-UF-44 (hautement explosif)

Ces obus présentent des caractéristiques similaires avec une charge offensive de 3.56 Kg, une masse totale de 52,8 Kg, une distance franchissable maximale de 23 Km et la vitesse à la sortie du tube est de 850 m/s; enfin la capacité théorique maximale de tir est de 12 coups à la minute.

Le canon dispose d’une capacité de débattement verticale allant de -5° à +50° ainsi qu’une capacité de giration sur 240° grâce au montage sur tourelle mobile; en outre le tube offre une capacité de tir de 1.500 coups avant de devoir être remplacé.

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Trois véhicules automoteurs d’artillerie en cours de déploiement. Image@Minoboron Rossiya

Le véhicule automoteur d’artillerie peut fonctionner de deux manières d’un point de vue de l’acquisition des cibles; soit il va recevoir automatiquement les coordonnées de la cible via le véhicule de commandement soit il pourra fonctionner de manière semi-autonome avec l’acquisition des cibles se faisant directement par chacun des véhicules automoteur d’artillerie. Pour ce faire ces derniers disposent d’un télémètre laser, d’un système de ciblage opto-électronique ainsi que d’un ordinateur balistique permettant de calculer des coordonnées de tir; le tout étant bien évidemment moins précis que l’emploi du radar Harpoun. Chaque véhicule automoteur d’artillerie d’une batterie disposant de cette capacité; ceci permet d’augmenter fortement la survie du système dans son ensemble en cas de destruction du véhicule de commandement.

D’un point de vue des dimensions générales, le véhicule automoteur d’artillerie présente les caractéristiques suivantes;

  • Longueur: 13 m
  • Largeur: 3,1 m
  • Hauteur: 3,9 m
  • Masse: 43,7 tonnes (sans les munitions: 40 tonnes)
  • Equipage: 8

Le troisième – et dernier – véhicule abordé est le véhicule de soutien logistique, l’A-222Д1 est repris par les russes en tant que véhicule de « Maintien en condition opérationnelle » (Машина Обеспечения Боевого Дежурства / МОБД / MOBD); plus simplement il s’agit du véhicule qui offre à la batterie sa capacité de permanence sur zone en apportant à la fois une capacité de génération d’énergie, une réserve de carburant ainsi que les commodités de base pour l’équipage de la batterie lors de ses déploiements.

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Un véhicule de soutien logistique (MOBD) d’une batterie A-22. Photo@russianarms.ru

Ce véhicule permet notamment à une batterie de fonctionner durant un maximum de sept jours en toute indépendance grâce à des réserves de carburant ainsi qu’à la présence de deux générateurs diesel de 30 kW chacun aptes à débiter du courant triphasé à une tension de 380/220 V avec une fréquence de 50 Hz ceci suffisant à alimenter les calculateurs des systèmes de tir.

De plus, les véhicules de soutien logistique permettent à l’équipage de disposer des commodités sanitaires de base ainsi que d’une cantine et d’une cuisine pouvant prendre en charge pas moins de dix personnes sur une période maximale de sept jours. Beaucoup plus important encore la présence d’un équipement de mesure des radiations dans l’espace environnant ainsi que de douches permettant de décontaminer le personnel et les vêtements si le besoin s’en faisait sentir.

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A main gauche le véhicule de commandement avec le radar Harpoun déployé, à main droite un véhicule de soutien logistique. Photo@russianarms.ru

Enfin, pour la défense rapprochée de la batterie lors de ses déploiements, une mitrailleuse PKT de 7,62 mm approvisionnée à raison de 500 balles est installée sur la toiture du véhicule de soutien logistique; cette protection est plus théorique que réellement efficace néanmoins elle permet d’assurer le minimum minimorum de protection que ce type d’équipements requiert.

Enfin, au niveau des dimensions générales, le véhicule de soutien logistique présente les caractéristiques suivantes;

  • Longueur: 15,94 m
  • Largeur: 3.23 m
  • Hauteur: 4.41 m
  • Masse: 43.5 tonnes
  • Equipage: 4

En conclusion

Nous l’avons vu dans le cadre de ce triptyque relatif aux systèmes de défense côtiers; l’URSS et à sa suite la Russie ont mis au point un ensemble de systèmes très mobiles et complémentaires aptes à assurer la protection de ses installations navales et portuaires stratégiques. L’emploi d’une combinaison de systèmes aux technologies différentes (artillerie/missiles) ainsi que l’existence de deux types de missiles aux profils antagonistes (Kh-35/P800) permet à la Marine Russe de pouvoir théoriquement traiter un large ensemble de menaces navales susceptible de menacer les installations qu’elle considère comme stratégique. Que ce soit en Russie et/ou dans les zones où les russes ont des intérêts.

Il est d’ailleurs intéressant de constater que la Marine Russe a rapidement déployé une batterie du système K300P Bastion-P sur le port de Tartus en Syrie une fois les troupes russes déployées sur place. L’emploi de ce système, couplé aux autres éléments présents en Syrie (systèmes anti-aériens et radars avancés) font que la Russie a pu tester in situ son aptitude à intégrer une composante anti-navale efficace dans sa bulle de protection A2/AD. Il en va de même avec les récents événements dans la Mer d’Azov; une des premières réaction russe a été de redéployer une batterie de 3K60 Bal appartenant à la Flotte de la Mer Noire sur le sol de Crimée.

Les systèmes de défenses côtiers ne sont pas une arme révolutionnaire en soi; après tout il s’agit simplement d’installer des systèmes de canons/missiles sur des plate-formes hautement mobiles, facilement déployables et intégrés au sein d’un réseau permettant d’apporter une réponse asymétrique crédible à la menace que forme une flotte d’attaque et/ou de débarquement. Et c’est là tout l’intérêt de ses systèmes, ils sont une réponse peu onéreuse à la menace de proximité/moyenne-distance que peuvent rencontrer des installations côtières et/ou stratégiques. Les esprits chagrins répondront que c’est la seule réponse possible parce que la Russie n’a pas la capacité financière à disposer d’une vaste flotte navale; c’est en partie vrai (ne nous voilons pas la face) mais c’est en partie faux également. La Russie n’a pas vocation à être une puissance navale forte (si on fait abstraction de la période Gorshkov) et bien que le maintien d’une marine moderne et adaptée aux besoins et capacités techniques et financières du pays est un fait établi, il n’empêche que le but de la Russie n’est (plus) de dominer les océans mondiaux mais bien de protéger ses intérêts économiques et ses zones stratégiques. Les développements de la construction navale russe, déjà longuement abordé par ailleurs, vont en ce sens même si le timing d’exécution est beaucoup trop lent.

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A l’instar des autres systèmes de défense côtiers; le système Bereg peut s’intégrer dans un réseau plus vaste en recevant des coordonnées de tir venant de sources externes tout en traitant des cibles différentes. Image@?

Formant une partie de la réponse que peut apporter un état souverain à la défense de ses installations côtières, même en étant intégré au sein d’un système plus large de type A2/AD, les systèmes de défense côtiers ne permettent pas pour autant de faire l’impasse sur une flotte navale crédible et moderne: c’est cette dernière qui en se projetant à longue portée doit permettre de défendre au mieux les installations stratégiques (ou considérées comme telles) russes en restreignant la capacité à approcher à distance de tir de celles-ci.

On le voit donc dans cette série d’articles; les systèmes de défense côtiers sont une réponse aux menaces que la Russie est susceptible de rencontrer en cas de conflits mais que cette réponse doit avant tout être pensée et envisagée dans un cadre plus large et intégré.

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