[Actu] Les systèmes de défense côtiers (2): Le K300P Bastion-P

Deuxième dans cette série de trois articles consacrés aux systèmes de défense côtiers, nous allons maintenant nous pencher sur le système le plus récemment admis au service au sein de la Marine Russe. Basé sur le missile P-800 Oniks; le système Bastion-P est une solution techniquement plus avancée et offrant des performances accrues par rapport au système 3K60 Bal abordé précédemment.

Le système Bastion-P reprend la même philosophie que les systèmes de défense côtiers employés avant lui; il s’agit d’un système hautement mobile pouvant être déployé rapidement tout en étant aisé à mettre en oeuvre avec un équipage réduit. De plus, ce système peut également être commandé à distance et recevoir les informations nécessaires à l’acquisition des cibles via des plate-formes externes ce qui lui permet de ne pas employer ses propres radars et donc de limiter (en partie) sa capacité à être détecté (et donc ciblé).

Fort logiquement, on ne peut pas envisager le système sans d’abord se pencher plus en détails sur l’armement déployé; le missile P-800 Oniks.

Le missile P-800 Oniks

C’est en 1983 que l’URSS lance le développement d’un nouveau missile supersonique anti-navires destiné à prendre la relève des particulièrement massifs et encombrants missiles P-120 Malakhit, P-700 Granit et P-270 Moskit. C’est le bureau NPO Mashinostroeniya (anciennement OKB-52) sous la direction de l’ingénieur G.Efremov qui est chargé de travailler sur ce nouveau missile dont plusieurs caractéristiques sont dès le départ mises sur la table:

  • Missile universel pouvant être emporté par une multitude de plate-formes
  • Missile du type « Fire and Forget« 
  • Profils de vol variés (soit en altitude soit en rase-motte)
  • Vol supersonique
  • Aptitude à fonctionner dans un environnement fortement brouillé

En vue d’atteindre les objectifs – ambitieux – définis pour cette nouvelle arme, le bureau NPO Mashinostroeniya va partir du missile P-70 (SS-N-7 Starbright en classification OTAN) comme base sur lequel les ingénieurs vont revoir fondamentalement son mode de propulsion en l’équipant d’un statoréacteur. Les premiers missiles prototypes vont sortir d’usine en 1987 avant de débuter les essais dans le courant de la même année; c’est dans le courant des années 90 qu’il va être déployé sur le Nakat (Накат), un petit navire lance-missile de la Marine Soviétique appartenant à la classe 1234.7 (Nanuchka IV) et rattaché à la flotte du Nord qui servira de plate-forme de lancement navale pour les essais du missile.

5ce3c5eb3d9e480ce1ee04a8a1e3a4bb
Cette vue du Nakat (Classe 1234.7) permet de voir la maquette des lanceurs pour missiles Oniks. Photo@forums.airbase.ru

A l’inverse du Kh-35 (limité aux navires d’un déplacement maximal de 5.000 tonnes) équipant le système 3K60 Bal, le missile P-800 Oniks est prévu pour traiter un éventail de cibles beaucoup plus important qu’elles soient navales ou terrestres, en outre, il est équipé de base d’une ogive conventionnelle mais peut – selon les besoins – disposer d’une ogive tactique nucléaire.

yakhont-1540x800
Bien que présenté sous le nom de Yakhont, il s’agit également d’un missile Oniks. Photo@?

Le missile P-800 Oniks fait en réalité partie d’une famille de missiles aux caractéristiques de base identiques mais qui diffèrent selon le mode de lancement employé ainsi que sur les opérateurs de ce dernier, les dénominations sont donc nombreuses et il est nécessaire de faire le tri afin d’y voir plus clair:

  • Classification GRAU: 3M55
  • Classification OTAN: SS-N-26 Strobile
  • Classification constructeur: P-800 Oniks
  • Variante export: Yakhont
  • Variante pour emport aérien: Yakhont-M
  • Version commune avec l’Inde: PJ-10 BrahMos

Le missile Oniks est transporté dans un container (sauf la version aérienne) et il présente comme caractéristique intéressante la capacité à offrir des profils de vols variés selon les besoins. En effet, il dispose de deux profils de vols, soit un profil de vol « Haut-Bas » soit un profil de vol « Bas-Bas ».

a. Le profil de vol « Haut-Bas »

Ce sont les capteurs du vecteur qui assurent la détection et l’acquisition de la cible, les données étant transmises au missile avant son lancement; une fois lancé, le missile grimpe rapidement à son altitude de croisière de 14.000 m où il passe en vol stationnaire à la vitesse de 750 m/s (Mach 2,6); une fois en approche de sa cible (la distance d’approche peut être programmée pré-lancement), il redescend au ras des flots pour se stabiliser à une altitude minimale de 10 m avant d’impacter sa cible. Ce profil de vol présente avantage majeur; il offre au missile une autonomie accrue face à l’autre profil de vol en passant de 120 Km à 300 Km d’autonomie.

b. Le profil de vol « Bas-Bas »

Comme son nom l’indique fort logiquement, dans le cas d’espèce, le missile après son éjection pique directement vers une très basse altitude d’environ 10 m où il va se stabiliser en vol de croisière à la vitesse légèrement inférieure de Mach 2, il continue à cette vitesse jusqu’à impact avec la cible. Ce profil de vol présente deux différences majeures avec son opposé; premièrement il limite fortement la capacité du missile à être détecté, ce qui couplé à sa vitesse complexifie sa capacité à être intercepté mais deuxièmement il limite significativement l’autonomie du missile qui se retrouve limitée à 120 Km.

shema_a
Schéma illustrant les différentes phases de vol et modes de vol du missile Oniks.

Histoire de rendre le missile encore plus performant, les ingénieurs ont eu l’idée de coupler les profils de vol du missile; c-à-d que le missile sur base de la distance d’interception peut changer son profil de vol en cours de route mélangeant ainsi de facto les deux profils abordés précédemment.

Au niveau des dimensions générales, les chiffres suivants sont disponibles;

  • Masse au lancement: 3 tonnes (version aérotransportable: 2,5 tonnes)
  • Longueur: 8,6 m (version aérotransportable: 6,1 m)
  • Diamètre: 69 cm
  • Envergure: 1,7 m
  • Charge offensive: 200 kg
  • Carburant: Kérozène T-6

La motorisation du missile repose sur deux éléments; un accélérateur à carburant solide et un statoréacteur¹ à carburant liquide employant du kérozène T-6. Comme indiqué ci-dessus, le missile est propulsé principalement par un statoréacteur, ce type de propulsion ne pouvant pas être employé à vitesse nulle, il nécessite que le missile soit accéléré jusqu’à une certaine vitesse avant que le moteur ne puisse entrer en action, ce qui contraint le montage d’un accélérateur. Ce dernier est monté dans la chambre de combustion du statoréacteur et une fois que la vitesse atteinte est suffisante pour l’allumage du moteur principal, l’accélérateur est éjecté par la pression exercée par le vent; l’allumage du statoréacteur suit directement l’éjection de l’accélérateur permettant au missile d’atteindre sa vitesse de croisière.

0dad2ede849549a19e57dc20e84d1909
Un lanceur du système Bastion attend son prochain ordre de mission. Photot@rosoboronexort

Pour assurer son guidage durant le vol, le missile dispose de trois équipements; un radioaltimètre Detal K313 pouvant être employé entre 1 et 5.000 m, une centrale inertielle pour son guidage en vol de croisière (avec recalage satellite à mi-course) ainsi qu’un radar actif et passif pour le guidage terminal.

Disposant d’une capacité de détection de 50 Km en mode actif, le radar Granit-Elektron employé pour le guidage terminal du missile Oniks est un radar tous temps à saut de fréquences disposant de deux voies de fonctionnement (soit actif soit passif) et ce en vue de limiter sa capacité à être brouillé et contré avec des leurres. Le radar dispose d’une antenne pouvant se débattre sur un angle maximal de 45° et la masse de ce dernier est de 85 Kg; le système de guidage du missile lui permet d’être employé sur des mers allant jusqu’à une Force de 7 sur l’échelle de Beaufort. Alors qu’initialement prévu principalement pour la frappe sur des cibles navales, le software pilotant le radar Granit-Elektron a été modifié de manière à pouvoir traiter également des cibles terrestres; les coordonnées des cibles étant pré-programmées dans le missile avant son lancement.

Granit-SGH-Yakhont-Seeker-1S.jpg
Le radar Granit-Elektron employé par le missile Oniks. Photo@?

Le missile P-800 est entré en service au sein de la Marine Russe en 1998 et plusieurs classes de navires en disposent actuellement; le missile pouvant être embarqué à bord des cellules universelles 3S14 UKSK, il est donc susceptible d’être déployé sur tous les navires qui en disposent; de plus, les SSGN de la classe 949A (Antey/Oscar II) suivent (pour certains) un programme de modernisation qui voit les missiles P-700 Granit embarqués être remplacés par des missiles P-800 Oniks. Les nouveaux sous-marins d’attaque des classes 885/885M Yasen disposent également de la capacité d’emporter le missile Oniks.

H39zx2S.jpg
Le missile Oniks fait partie de l’arsenal des sous-marins d’attaque de la classe 885/885M Yasen. Photo@Wikipedia.com

Enfin, outre le développement d’une variante aérotransportable en commun avec l’Inde sur base du Yakhont-M, mieux connue sous le nom de PJ-10 BrahMos, le missile Yakhont a été exporté au Vietnam, en Indonésie ainsi qu’en Syrie au sein du système Bastion.

Le système K300P Bastion-P

Avant de débuter sur les détails du système Bastion, il est à noter qu’il en existe deux variantes dont les équipements sont identiques mais qui ne diffèrent que par leur implantation;

  • Une variante mobile: le Bastion-P (K300P) (подвижный / Mobile)
  • Une variante fixe montée en silos: le Bastion-S (K300S)

Le système K300P Bastion-P (index GRAU 3K55 / Classification OTAN: SSC-5 Stooge), qui est classifié par les russes en tant que PBRK (Передвижным Береговым Ракетным Комплексом  / Complexe de Missiles Côtiers Mobiles), est conçu pour être hautement mobile et facilement déployable, pour ce faire, le système est monté sur un châssis tout-terrain lourd MZKT-7930 du constructeur biélorusse Volat Defence (ex MZKT). Ce châssis 8×8 est équipé d’un moteur turbodiesel YaMZ-846 développant 500 Cv et dispose d’une boîte de vitesse manuelle à six rapports, de plus, il dispose également d’une régulation centralisée de la pression des pneus, cette dernière pouvant être ajustée en fonction du type de terrain traversé.

793000.bmp

A noter que le véhicule de commandement K-380P est monté sur un châssis MZKT-65723 monté en 6×6 de Volat Défence (ex MZKT); ce dernier dispose d’un moteur turbodiesel YaMZ-7511 développant 400 Cv et présentant des caractéristiques générales fort proches des autres véhicules plus lourds composant la batterie.

652730.bmp

Plusieurs véhicules composent le système Bastion-P, chacun ayant une mission spécifique qui lui attribué, il s’agit des:

  • Véhicule de transport et lancement K340P disposant de deux tubes (SPU)
  • Véhicule de commandement et contrôle K380P (MBU)
  • Véhicule de rechargement K342P (TZM)
  • Véhicule de soutien logistique
  • Véhicule de contrôle automatisé (ASBU)

Une batterie de la Marine Russe dispose de la composition (susceptible d’être modifiée) suivante:

  • Un (ou deux) véhicules de commandement et contrôle
  • Quatre véhicules de transport et lancement
  • Quatre véhicules de rechargement

Le fonctionnement du système diffère en partie de celui du 3K60 Bal, là où ce dernier disposait d’un radar dédié embarqué dans le véhicule de commandement et permettant l’acquisition initiale de la cible, le système Bastion-P ne dispose pas (de base) d’un radar dédié embarqué.

5bab1255dda4c8511c8b465b.png
Tir d’un missile Oniks par le système Bastion-P. Photo@?

En effet, le système reçoit l’image radar et les coordonnées de la cible soit via systèmes aériens (AWACS), soit via système maritimes (navires présents dans la zone) soit via des systèmes terrestres (radars mobiles ou fixes présents dans la zone). Cependant, en vue d’augmenter la mobilité du système, la Russie propose un véhicule de commandement K380P disposant d’un radar de recherche terrestre et navale et d’acquisition des cibles fonctionnant au-delà de l’horizon du type Monolit-B et monté sur le même châssis MZKT-7930 employés par les autres véhicules du système Bastion-P. Ce véhicule assure le rôle de radar dans les zones ne disposant pas d’installations fixes à proximité et permet un déploiement dans les zones les plus reculées du pays.

n6ssj
Le véhicule de commandement K380P équipé du radar Monolit-B et monté sur châssis MZKT-7930. Photo@?

Le coeur du système est le véhicule de commandement et contrôle (MBUМашина боевого управления) du type K380P qui embarque quatre hommes d’équipage et assure la centralisation des informations nécessaires ainsi que le relais entre les batteries de lanceurs à qui il transmet les coordonnées des cibles qu’il aura lui-même obtenu par les radars avancés employés pour l’acquisition des cibles. Les opérateurs vont classifier les cibles et transmettre les données nécessaires aux lanceurs qui se chargent ensuite du traitement de la cible. Il est à noter que le K380P n’est pas nécessairement à proximité des lanceurs puisqu’il peut être éloigné jusqu’à une distance de 25 Km de ceux-ci.

Il existe également le système de contrôle automatisé (ASBUАвтоматизированная система боевого управления) qui va gérer de manière automatisée les lanceurs en relayant directement les informations fournies par les opérateurs radars situés à distance du système sans nécessiter l’intervention d’un véhicule de commandement et contrôle à proximité des lanceurs.

FoK6Y
Schéma d’une implantation « classique » du système Bastion-P. Image@?

Bras armé du système Bastion-P, les véhicules de transport et lancement (SPU / Самоходные пусковые установки) du type K340P (index GRAU: 3S55) disposent de deux tubes de lancement pouvant chacun contenir un missile Oniks. Doté d’un équipage de trois hommes (commandant, opérateur, conducteur), le véhicule de transport et lancement voit ses tubes stockés en position horizontale durant les déplacements avant de se déployer à la verticale avant de procéder au lancement. A l’instar des autres véhicules employés par le système, les véhicules K340P sont conçus pour être déployés rapidement, les estimations les plus fréquemment citées indiquent un délai d’environ 5 minutes après l’arrivée sur site et la capacité à effectuer une frappe; de plus, les deux missiles peuvent être tirés avec un intervalle réduit à entre 2 et 5 secondes entre chaque tir. Les lanceurs K340P sont conçus pour être en veille active de 3 à 5 jours mais une fois qu’ils bénéficient du soutien d’un véhicule de support logistique, ils peuvent rester en veille active durant 30 jours.

C-cpJ3pWAAI91MT.jpg
Le K340P en position de lancement. Photo@Wolfgang Driesler

Fort logiquement, les russes ont également développés un véhicule de rechargement (TZMТранспортно-заряжающие машины) repris sous le type K342P et emportant deux missiles Oniks permettant de recharger les lanceurs K340P. Une grue apte à soulever jusqu’à 5,9 tonnes équipe également chaque véhicule K342P, cette dernière étant employé pour le rechargement des lanceurs.

Enfin, plusieurs véhicules « annexes » peuvent entrer dans la composition d’une batterie Bastion-P; ces derniers servant à l’entraînement des équipages ainsi qu’à l’entretien et au soutien logistique à apporter au système pour son bon fonctionnement.

Le système Bastion-P (et plus précisément le véhicule de lancement K340P) présente les caractéristiques techniques suivantes:

  • Masse du véhicule de lancement: 41 tonnes
  • Longueur du véhicule de lancement: 12,8 m
  • Largeur du véhicule de lancement: 3 m
  • Hauteur du véhicule de lancement: 3,6 m
  • Autonomie sur route: 1.000 Km
  • Vitesse maximale sur route: 80 Km/h
  • Vitesse moyenne hors-route: 20 Km/h
  • Portée du système: 300 Km en profil Hi-Lo
  • Portée du système: 120 Km en profil Lo-Lo
  • Altitude d’emploi du système: de 10 à 14.000 m
  • Eloignement maximum de la côte: 200 Km
  • CEP (Erreur Circulaire Probable): 1,5 m

Premier élément qui frappe sur base des données indiquées ci-dessus, c’est la différence d’un point de vue de l’éloignement de la Côte entre les systèmes Bal et Bastion-P. Là où un Bal est restreint à une distance de 10 Km de la Côte, le Bastion-P peut être implanté à 200 Km de celle-ci ce qui lui permet notamment de se mettre « à l’abri » à l’intérieur des terres près de sites bien défendus d’un point de vue A2/AD.

Autre élément spécifique au système, sa capacité à être exploité en mode purement automatique avec des opérateurs qui se trouvent à distance des lanceurs, ces derniers pouvant rester en veille active environ un mois. De plus, les lanceurs ont été conçus en employant – en partie – des matériaux composites limitant la capacité à être détecté de ceux-ci et par truchement le risque qu’ils se fassent détruire dans une frappe préventive.

bastion
Vue d’ensemble des différents véhicules pouvant être rencontrés au sein d’une batterie de Bastion-P.

De plus, le missile Oniks grâce à sa plus grande résistance au brouillage et ses profils de vol spécifiques couplés à sa capacité d’emport d’une tête nucléaire est un missile dont la portée (au sens large) est beaucoup plus vaste et l’efficacité potentielle que ce soit au sein d’une batterie mobile ou fixe en silos font du Bastion un système présentant une efficacité grandement accrue via une capacité d’interdiction sans commune mesure avec celle offerte par le 3K60 Bal.

100RostovonDon5May2018-47-L.jpg
K-340P en déplacement. Difficile de savoir qu’il y a des missiles dans son compartiment fermé. Photo@Vitaly V.Kuzmin

Même si la Russie ne communique jamais précisément sur les nombres et positions des batteries à disposition, on peut obtenir par recoupement les chiffres suivants: 48 lanceurs mis en service progressivement depuis 2010 au sein des unités suivantes:

  • 11ème brigade d’artillerie de la Flotte de la Mer Noire à Anapa
  • 15ème brigade d’artillerie de la Flotte de la Mer Noire à Sevastopol
  • 18ème division d’artillerie de la Flotte du Pacifique à Iturup
  • 520ème brigade de missiles et d’artillerie de la Flotte du Pacifique au Kamchatka
  • Une division basée à Novaya Zemlya au sein de la Flotte du Nord
  • Une division basée à Kaliningrad au sein de la Flotte de la Baltique
  • Une division de la Flotte de la Mer Noire est basée temporairement en Syrie depuis octobre 2016

De plus, la première implantation de la version en silo (Bastion-S) devrait être achevée en 2020 et concernerait un site non précisé quelque part en Crimée. A noter que le Vietnam ainsi que la Syrie ont fait l’acquisition du système Bastion-P; chacun à raison de deux systèmes avec un total de huit lanceurs.

En conclusion

Le système Bastion-P peut se définir comme étant une alternative plus performante (et donc plus onéreuse) au système Bal notamment vu le missile mis en oeuvre pour armer les batteries concernées; il serait cependant plus juste d’envisager les deux systèmes comme étant complémentaires au lieu de les voir en opposition.

Evidemment, si on raisonne en termes d’arithmétique « pure »; une batterie complète de Bal peut lancer en moins de deux minutes une salve maximale de trente-deux missiles subsoniques Kh-35, là où dans le même espace de temps une batterie complète de Bastion-P peut lancer une salve de huit missiles supersoniques P-800 Oniks. Les systèmes d’auto-défense des cibles potentielles vont donc se retrouver avec la tâche de devoir assurer l’interception d’une salve de missiles subsoniques ou une salve de missiles supersoniques, la situation la plus complexe étant bien évidemment un mix des deux options (Bal/Bastion) qui rendrait quasiment impossible une telle interception face à une attaque de saturation.

Cependant, on ne peut pas jouer aux théoriciens de la guerre en ne prenant qu’un seul élément des capacités d’un système sans l’intégrer dans l’ensemble plus large au sein duquel ce système s’intègre; et c’est là que réside l’intérêt du système Bastion-P. Pouvant travailler en collaboration avec les autres systèmes de défense côtiers, pouvant recevoir les informations de désignation des cibles par des systèmes externes (AWACS/radars/autres) et surtout disposant d’une très grande capacité à se déplacer rapidement et sur des terrains peu praticables, le système en devient une menace sérieuse et crédible difficile à détecter surtout si il est combiné aux autres systèmes de défense côtiers.

En outre, il est bon de se rappeler que le missile Oniks est également apte à recevoir une tête nucléaire tactique en lieu et place de sa tête conventionnelle; si cette option venait à être employée par la Marine Russe (la possibilité existe, ceci n’implique pas pour autant qu’elle est exploitée), la capacité du système Bastion-P serait significativement accrue… ainsi que les conséquences de son emploi également.

Au final et bien avant d’envisager les scénarios dignes de la fin du monde, il faut envisager le système Bastion-P comme étant avant toute chose un moyen efficace d’assurer une défense crédible des points stratégiques et surtout moins onéreuse à déployer qu’une large flotte de navires de guerre. Le système a bien entendu des limitations intrinsèques mais c’est une réponse asymétrique crédible au problème d’une attaque navale sur des sites stratégiques, ce dernier devant traiter avant toute chose les vecteurs avant qu’ils ne lancent leur attaque et si il est combiné avec le système Bal l’efficacité de l’ensemble ne serait que fortement accru. Il reste donc à voir maintenant comment les Russes vont traiter les cibles de plus petite taille ne pouvant pas être prises en charge par les systèmes Bal et Bastion qui déploient des missiles, c’est là que rentrera en jeu le troisième système: l’A-222 Bereg.

_______________________________

¹ Certes Wikipedia n’est pas la source la plus scientifique disponible, mais c’est un bon résumé de vulgarisation sur les principes de base du statoréacteur.

2 réflexions sur “ [Actu] Les systèmes de défense côtiers (2): Le K300P Bastion-P

  1. Merci pour cet article, bravo une nouvelle fois.
    Je me demandais si vous alliez aborder la séquence de lancement, mais c’est vrai que ce sont des détails techniques. Je crois toutefois que c’est la plus complexe de l’histoire, absolument étonnant à regarder en vidéo.

Laisser un commentaire

error: Content is protected !!

En savoir plus sur Red Samovar

Abonnez-vous pour poursuivre la lecture et avoir accès à l’ensemble des archives.

Continue reading