[Actu] Crash d’un Sukhoï Su-33
Dire que le déploiement du porte-aéronefs « Admiral Kuznetsov » vire doucement à la farce sinistre serait un doux euphémisme… après la perte d’un MiG-29KR (le « 49 Bleu ») en date du 13 novembre dernier, c’est au tour d’un Su-33 d’achever son vol dans la mer méditerranée.
La nouvelle, tombée aujourd’hui, parle du Su-33 codé « 67 Rouge »; un des 10 appareils en dotation sur le bateau et un des 8 appareils qui était passé par l’étape « modernisation » avec le système de ciblage Gefest SVP-24.
L’avion concerné par cet accident avait été mis en service en date du 13 juillet 1993 au sein du 279ème OKIAP de Severomorsk-3.

Si cette nouvelle ne va certainement pas redorer le blason, déjà bien terni avouons-le, de ce déploiement; la bonne nouvelle est que le pilote a pu être récupéré sain et sauf.
En ce qui concerne les causes de cet accident, la rupture d’un brin d’arrêt avec remise tardive des gaz par le pilote semble être la cause de ce plongeon bien involontaire. Il est quand même important de préciser que la cause invoquée actuellement n’a pas encore été confirmée/infirmée par une source officielle. Donc les supputations sont à prendre avec les réserves d’usage; on peut rappeler que lors du crash du MiG-29KR plusieurs sources parlaient d’un problème moteur…
Cependant si cette hypothèse de la rupture du brin venait à se confirmer, elle soulèverait des questions particulièrement gênantes pour les VMF.
Il est évident – comme déjà indiqué précédemment – qu’on ne fait pas d’omelettes sans casser des oeufs, cependant même si « l’acquisition » des compétences liées à l’exploitation d’un porte-avions peut se révéler coûteuse à tous niveaux; deux accidents ayant une cause initiale similaire (la rupture d’un brin) ont de quoi laisser perplexe.
L’Admiral Kuznetsov dispose déjà d’un emport en voilure fixe « limité » composé de 4 MiG-29K(UB)R et de 10 Su-33 et avec un tel taux d’attrition; les capacités de projection vont vite se réduire comme une peau de chagrin. Bien que l’arrivée du GAN ne changera pas fondamentalement la face des frappes en Syrie… surtout d’un point de vue aéronautique; c’est avant toute chose la crédibilité des VMF qui est mise à mal.

De plus, la perte d’un Su-33 est plus problématique que celle du MiG-29KR. En effet, la chaîne de production est fermée de longue date, le potentiel de l’appareil se réduit d’années en années au fur et à mesure de son exploitation et une partie de la flotte a été cannibalisée pour permettre de garder certains appareils actifs.
Même si le remplacement de la flotte embarquée est acté et en passe de se réaliser, les VMF comptaient baser les Su-33 à terre en vue de les réemployer pour d’autres missions. La perte d’un appareil sur une flotte aussi réduite, vient donc contrarier un peu plus les plans des VMF; il leur sera presque impossible de former un escadron avec les appareils encore disponibles. Et au vu du rythme de livraison des Su-30SM; ce n’est pas demain la veille que la Marine Russe disposera d’une flotte rajeunie…
Politiquement parlant, en plus de la perte de l’appareil, il s’agit d’un claque supplémentaire dans la crédibilité militaire russe. Entre les fumées d’échappement, la présence du remorqueur, les péripéties du ravitaillement en pleine mer, la perte du MiG-29K(UB)R et maintenant celle d’un Su-33; on en vient à se demander quel sera le chapitre suivant de ce déploiement tragi-comique.
Alors certes il y a beaucoup d’éléments qui prêtent à sourire et ne justifient aucunement l’acharnement médiatique de certains qui seraient mieux inspirés de se renseigner au lieu de critiquer mais force est d’admettre que les russes viennent de tendre une fois de plus la perche pour se faire battre. Il eût été beaucoup plus pertinent de déployer une force crédible, correctement entrainée et disposant de matériels fiabilisés. Les VMF ne semblent pas répondre à ces critères et on a l’impression de se retrouver face à un GAN composé à la va-vite avec tout ce qui est plus ou moins disponible. Il est clair que les budgets alloués à la Marine ces dernières années n’ont pas été aussi « généreux » que ceux attribués aux forces aériennes et stratégiques.
On ne peut aussi s’empêcher de penser que ce déploiement et son lot de couacs peut aussi se transformer en argument puissant pour les militaires qui réclament plus de moyens pour la Marine et ce depuis longtemps. A voir si ces évènements auront des effets politiques ou non.
Nous en reparlerons plus que probablement l’occasion d’en reparler bientôt…