Attendue de longue date, c’est le 18 décembre 2020 que le ministère de la défense russe a confirmé une première commande de dix avions de ravitaillement en vol Ilyushin IL-78M-90A destinés à équiper les forces aériennes russes (VKS). Cette commande, longuement discutée (et donc attendue), va permettre à la fois de débuter le renouvellement de la (petite) flotte de citernes volantes russes tout en permettant d’ajouter de la charge de travail au sein de l’usine Aviastar-SP d’Ulyanovsk où l’appareil sera produit aux côtés de l’IL-76MD-90A.
Même si il ne s’agit pour l’instant que d’un nombre réduit d’appareils, cette commande indique que la campagne de tests de l’appareil s’achève – enfin – et que l’on peut passer à la production en série de ce dernier. Alors que la Russie tablait à l’origine sur une cible de trente-et-un IL-78M-90A à commander, aucun contrat ferme en ce sens n’avait été conclu tant qu’à présent et certaines rumeurs faisaient état d’une réduction de la commande à onze unités. En outre, l’option de commander une variante de ravitaillement en vol de l’IL-96-400 (l’IL-96-400TZ) plus adaptée aux bombardiers stratégiques russes (de part une capacité de transfert ainsi qu’une autonomie accrue) ayant été abandonnée malgré les avantages indéniables qu’elle offrait par rapport à l’IL-78M-90A, fait que la force aérienne russe est contrainte de passer commande vu qu’il n’y a pas d’autres options possibles pour l’instant.
Il est également fort probable que la hausse d’activité des bombardiers stratégiques russes, le retour d’une capacité de ravitaillement en vol sur le Tu-22M3M ainsi qu’un recours plus intense aux ravitaillement en vol lors des exercices ait fait prendre conscience aux décideurs russes du besoin de renouveler et accroître les capacités de la flotte de ravitailleurs russes. Il est d’ailleurs utile de rappeler que lors de leur dernier record d’endurance en date; les deux Tu-160(M) restés en vol pendant un peu plus de 25 heures ont nécessité la mobilisation de pas moins de six IL-78(M): soit un peu plus d’un tiers de la flotte russe actuellement disponible!
Cette commande est donc l’occasion de passer en revue les citernes volantes actuellement en service en Russie, le programme de modernisation au standard IL-78-2 ainsi que le nouvel IL-78M-90A.
L’Ilyushin IL-78(M): un peu d’histoire
C’est le 14 mars 1968 que débutèrent les travaux préparatoires du premier « vrai » tanker soviétique. Conçu sur base de l’appareil de transport tactique Ilyushin IL-76 (code OTAN: Candid) alors en développement et qui n’avait pas encore effectué son premier vol, les ingénieurs soviétiques furent chargés de créer un ravitailleur moderne capable de prendre la relève des vieillissants et peu performants bombardiers transformés (Tupolev Tu-16N, Tu-16Z, Myasishchev M-4-2, 3MS2 et 3MN2) qui composaient le parc de ravitailleurs soviétiques. En outre, l’arrivée prévue d’une nouvelle génération de bombardiers stratégiques (Tu-160) et de bombardiers régionaux (Tu-22M3) poussa l’URSS à développer un nouveau ravitailleur plus en adéquation avec les besoins des nouvelles plates-formes en cours de développement.
Les avions ravitailleurs en URSS: un développement laborieux et une mission unique
D’un point de vue historique, les prémisses du ravitaillement en vol en URSS remontent aux années 1930 avec des essais de ravitaillement en vol de bombardiers lourds Tupolev TB1 et TB3; ce système fonctionnant par gravité ne donnant guère de résultats, il fut rapidement abandonné. Le premier vol d’un Tupolev Tu-4 Bull (copie du Boeing B-29 Superfortress) le 19 mai 1947 va voir l’URSS enfin disposer d’un véritable bombardier stratégique à long rayon d’action, néanmoins ce dernier présentait une distance franchissable insuffisante que pour effectuer un vol aller-retour lui permettant de frapper certaines cibles situées aux USA avec une arme atomique. En outre, les premiers chasseurs à réaction soviétiques disposaient de turboréacteurs pour le moins gourmands, ils n’étaient donc pas en mesure d’assurer la protection des bombardiers soviétiques.
Les soviétiques dans leur recherche de moyens d’accroissement de la distance franchissable des Tu-4 vont suivre l’exemple des Etats-Unis et développer une version de ravitaillement en vol du Tu-4. C’est l’ingénieur Vladimir Vakhmistrov et son équipe qui vont reprendre l’idée développée en Angleterre du « looped hose » (qui comme son nom l’indique consiste en un système complexe de câbles croisés couplés à des tuyaux et ayant une forme de boucle lorsque accrochés au receveur: les deux avions volant en parallèle durant le ravitaillement), ce système sera d’abord testé sur un Tupolev Tu-2 Bat dès le 16 juin 1949 avant d’être testé par des Tu-4 à partir de 1952. Néanmoins, vu les performances mitigées du système ainsi que sa complexité de mise en oeuvre: ce système sera abandonné.
Essais de ravitaillement en vol d’un Tu-4 par un autre appareil du même modèle. Image@?
Un autre système similaire développé par les pilotes d’essais Shelest et Vasyanin (ces derniers ayant pu voir le fonctionnement du système Vakhmistrov ont vite vu les points faibles de ce dernier) dès 1949: ce système reprenait l’idée du tuyau testé par Vakhmistrov mais en le simplifiant grandement tout en fiabilisant et automatisant son fonctionnement. Ce système va faire ses preuves et plusieurs Tu-4 neufs vont être produits en tant qu’appareils récepteurs et d’autres en tant que ravitailleurs dès 1954 bien que leur nombre sera restreint vu l’arrivée du nouveau bombardier Tu-16 dès 1953. Le système de ravitaillement en vol « d’aile à aile » Shelest/Vasyanin voit les deux avions adopter un profil de vol parallèle durant le ravitaillement va être sélectionné pour le Tu-16Z, ce dernier venant appuyer les Tu-16 en version de bombardement.
Un Tu-16Z ravitaillant un autre Tu-16. Image@?
Enfin, le Tu-4 va également servir de plate-forme de développement d’un troisième système de ravitaillement en vol sur base du système Burlaki. Ce système dont le but était d’assurer une protection rapprochée à longue distance pour les bombardiers stratégiques soviétiques, voyait un Tu-4 servir d’avion-mère emportant deux chasseurs MiG-15bis accrochés et remorqués par le Tu-4 via un tuyau présent sur l’avion-mère et un « harpon » installé sur le chasseur; le système devait permettre de remorquer les deux chasseurs et en cas de besoin, ceux-ci rallumaient leurs moteurs, allaient intercepter les ennemis avant de revenir s’accrocher à l’avion-mère et d’éteindre leur moteur. Le système perfectible notamment au niveau de l’efficacité opérationnelle (difficulté de détection à longue distance et temps de réaction) va néanmoins donner naissance à une variante du Burlaki: la variante « mouillée ».
Au lieu de remorquer les avions, les ingénieurs soviétiques vont se contenter… de ravitailler les chasseurs d’escortes en vol. Pour ce faire, ils vont ajouter une fonction de transfert de carburant au système Burlaki: ce système étant employé pour ravitailler notamment des MiG-15. Vu la complexité du système Burlaki, il va être simplifié (ça devient une habitude) et donnera naissance au système panier et tuyau (probe and drogue). Deux versions de ce système vont être testées par des Tu-4: une version disposant de deux points de ravitaillement implantés aux extrémités des ailes et employé pour des chasseurs (tests dès 1953) et une version disposant d’un seul point de ravitaillement implanté à l’arrière de l’appareil (tests dès 1952), cette dernière servant au ravitaillement des nouveaux bombardiers stratégiques Myasishchev M-4 Bison-A. Au final, la version à deux points de ravitaillement va être abandonnée, tandis que la version à un point va être retenue et employée pour les bombardiers stratégiques. De manière amusante, le bombardier M-4 et sa variante 3M vont également donner naissance à des variantes dédiées au ravitaillement en vol: les M-4-2, 3MS-2 et 3MN-2. Ces trois appareils faisant usage du système panier et tuyau dérivé du Burlaki vont être employés pour assurer le ravitaillement des bombardiers stratégiques soviétiques… dont les M-4 Bison-A et 3M Bison-B en version de bombardement!
Un bombardier qui en ravitaille un autre; le ravitaillement en vol soviétique résumé en une seule image. Avec un Myasishchev 3MS-2 dans le rôle du ravitailleur et un Tupolev Tu-95 dans le rôle du ravitaillé. Image@?
Histoire de complexifier encore un peu les choses, l’aéronavale soviétique va également disposer de ses propres ravitailleurs en vol, présentant un standard spécifique: le Tupolev Tu-16N. En vue d’assurer le ravitaillement des Tu-22 Blinder et Tu-22M Backfire, la Marine a transformé des bombardiers Tu-16 en appareil de ravitaillement en vol faisant usage du même système panier et tuyau que les ravitailleurs en vol Myasishchev, l’équipement étant installé dans l’ancienne soute à bombe, ce standard étant également adopté pour les appareils de la force aérienne. Au final, l’aéronavale soviétique disposera de Tu-16Z pour ravitailler les Tu-16 en version de bombardement et les Tu-16N pour assurer le ravitaillement des Tu-22/Tu-22M.
Pour résumer, deux techniques de ravitaillement en vol vont être employées en URSS:
Le système panier et tuyau employé par l’aéronavale et l’armée de l’air: Tu-16N, M-4-2, 3MS-2 et 3MN-2
Le système aile à aile employé par l’aéronavale et l’armée de l’air: Tu-16Z
Le système de ravitaillement en vol d’aile à aile va progressivement disparaître: les soviétiques ne conservant que le système panier et tuyau et les Tu-16Z convertis en Tu-16N. Malgré des performances disponibles limitées (appareils conçus à l’origine comme bombardiers et non dédiés au ravitaillement en vol), la flotte de ravitailleurs soviétiques va être exploitée jusque à la fin de l’URSS et au-delà: les derniers M-4-2 ne tirant leur révérence qu’en 1994!
Cette vue d’un 3MS-2 permet de voir le réemploi de la soute à bombes pour accueillir l’équipement de ravitaillement en vol. Image@?
Dans tout exposé, il y a ce que l’on dit et il y a également ce que l’on ne dit pas. Depuis le début de ce bref historique, on peut s’apercevoir que la question du ravitaillement en URSS ne répondait qu’à un seul besoin: augmenter l’allonge des bombardiers stratégiques soviétiques. Par conséquent, les ravitailleurs en dotation de la force aérienne étaient rattachés à l’aviation « à long rayon d’action » (Дальней Авиации) et n’étaient employés que pour appuyer ces derniers, les ravitailleurs à disposition de la Marine étant employés pour appuyer les bombardiers et les appareils de lutte anti-navires (Tu-16, Tu-22, Tu-22M). Bien qu’il y ait eu des essais (vite abandonnés), l’URSS ne disposait pas d’appareils tactiques pouvant être ravitaillés, cette situation va commencer à évoluer avec l’arrivée des Su-24M dans le courant des années 1970 puis l’arrivée des MiG-31 et Su-27 qui recevront la capacité à être ravitaillé en vol au début des années 1980.
Cette évolution capacitaire découle d’une évolution doctrinale; à l’aube des années 1980, l’URSS recevant des appareils plus sophistiqués et plus performants estima qu’elle devait être en mesure de pouvoir se déployer plus loin et plus vite: la mise en service d’appareils pouvant être ravitaillés en vol cadrant dans cette optique. En outre, l’arrivée du système « unifié » UPAZ installé sur les IL-78(M) et pouvant être monté sur d’autres appareils tel que le Su-27 (et variantes) faisait que le nombre de plate-forme pouvant remplir le rôle de ravitailleur augmentait drastiquement. Ces évolutions ont été (en partie) interrompues avec la chute de l’URSS et la situation prévalant à l’époque soviétique du rattachement des ravitailleurs en vol à l’aviation à longue portée est toujours en vigueur actuellement bien qu’ils soient de plus en plus employés par l’aviation tactique.
Illustration des possibilités offertes par le pod PAZ-MK: le ravitaillement d’un T-10K par un Su-27UB. Image@?
En ce qui concerne l’aéronavale russe: elle est en mesure de mettre en oeuvre des Su-33 et MiG-29K(UB)R équipés de nacelles PAZ-MK pour assurer le rôle de ravitailleurs dédiés aux appareils tactiques mais elle ne dispose plus de ravitailleurs dédiés depuis le retrait de service des Tu-16N et Tu-16Z; les fonctions de ravitaillement en vol des appareils de lutte ASW (Tu-142MK/MZ) étant du ressort des IL-78(M) des forces aériennes.
Alors que les premiers travaux prirent comme base de travail l’IL-76, les performances insuffisantes (masse maximale au décollage limitée restreignant la capacité en fuel transportable: à peine dix tonnes de carburant transférables) de cet appareil rendirent illusoire sa transformation en un ravitailleur crédible. C’est l’arrivée de l’IL-76MD avec sa structure renforcée, sa masse maximale au décollage portée à 190 tonnes, sa capacité à ravitailler en trois points (deux sous les ailes et un sur le fuselage) et sa capacité en carburant accrue qui va débloquer la situation. Sur base de ce dernier va être développé un ravitailleur dédié: l’Ilyushin IL-78 (code OTAN: Midas) était né.
Bien qu’arborant les couleurs russes et un numéro de registre russe, il s’agit du premier prototype IL-78, l’ex CCCP-76556. Image@Aleksandr Filinvideo
Le vol du premier prototype d’IL-78 produit sur base de la conversion d’un IL-76MD et portant le numéro de registre CCCP-76556, eut lieu le 26 juin 1983. Après une longue période de tests en usine et en unités à partir de 1985, c’est en date du 1er juin 1987 que le l’IL-78 sera admis au service actif. Cependant les ingénieurs soviétiques ne perdirent pas de temps puisqu’ils travaillaient déjà sur une variante avec un emport en carburant plus important: l’IL-78M. C’est en date du 7 mars 1987 que l’IL-78M prototype, codé CCCP-76701, prit l’air pour la première fois. L’IL-78(M) fut produit entre 1984 et 1993 à Tashkent en Ouzbékistan au sein de l’usine TAPOiCh (Ташкентское Авиационное Производственное Объединение имени В. П. Чкалова). A la fin de la production en 1993, le nombre d’appareils produits se répartissait de la manière suivante:
Trente-deux IL-78
Treize IL-78M
Un IL-78(E) (version exportée en Libye)
La disparition de l’URSS va impacter lourdement les programmes militaires en cours et l’IL-78(M) ne fera bien évidemment pas exception: le contexte budgétaire post-1991 ne permettait plus à l’armée russe d’acquérir des citernes volantes (dont elle n’avait guère l’utilité, accessoirement) et le lancement de programmes massifs de réduction des équipements à disposition vont voir la production du Midas s’interrompre très rapidement, les derniers appareils sortant des chaînes de montage en 1993.
Dans le courant des années 1990, les IL-78 ukrainiens servirent d’avions-cargos pour d’éphémères compagnies locales qui exploitèrent le potentiel des avions pour générer des devises avant de renvoyer les avions aux militaires une fois le délai de révision atteint. Image@Chennell
Premier client à l’exportation et seul client à l’époque soviétique: la Libye fit l’acquisition en 1989 d’un IL-78(E) destiné à appuyer la flotte de bombardiers tactiques Su-24M exploités par la force aérienne libyenne. Mis en service le 31 mars 1990 et portant le numéro de registre civil (!) 5A-DLL ainsi que les couleurs de la Libyan Arab Airlines, cet IL-78 était équipé de trois points de ravitaillement disposant de nacelles UPAZ-1: l’avion va d’abord voler avec des équipages soviétiques avant que l’entraînement (se déroulant à Uzin en Ukraine) d’un premier équipage complet libyen ne soit achevé. La chute de l’URSS et le départ des instructeurs soviétiques va voir le 5A-DLL n’être employé que dans des fonctions cargo: sa carrière s’achèvera brutalement le 30 janvier 2015 lorsque l’appareil sera détruit sur la piste de l’aéroport de Tripoli-Mitiga après une attaque à la roquette et aux mortiers qui mettra le feu à l’avion.
Le seul IL-78(E) exporté en Libye: le 5A-DLL. Image@Etienne Zammit
Deuxième client à l’exportation pour des appareils neufs produits à Tashkent: l’Inde passe commande en 2002 de six IL-78M qui seront catalogués sous le standard IL-78MKI. Produits sur base de cellules stockées inachevées au sein de l’usine TAPOiCH, les IL-78MKI diffèrent de leurs homologues russes par le montage de nacelles de ravitaillement Cobham Mk.32B adaptées pour les appareils occidentaux en dotation au sein de l’IAF.
L’IL-78MKI codé KJ3454 est le tout dernier IL-78(M) produit à Tashkent. Image@Aleksandr
Admis au service entre 2003 et 2004, les six IL-78MKI indiens (codés RK3449 à RK3454 et renumérotés depuis KJ3449 à KJ3454) sont rattachés au commandement aérien central au sein de l’escadron 78 et basé à Agra au nord du pays; ils servent au ravitaillement de tous les types d’appareils en dotation au sein de l’IAF et sans aucune discrimination sur l’origine de l’appareil (russe ou occidental).
Portant encore son numéro de registre d’origine, l’IL-78MKI codé RK3452. Image@Carl Brent
Lorsque l’URSS s’effondra à la fin de 1991, la flotte de Midas se retrouva divisée entre deux unités:
409 APSZ stationné sur la base d’Uzin et disposant de vingt-trois IL-78 appuyant les Tu-160 de Prilukiy
1230 GvAPSZ stationné sur la base d’Engels et appuyant les Tu-160 dont l’unité était en cours de création
Le retrait de service des bombardiers stratégiques et régionaux stationnés en Ukraine (dont les Tu-160 du 184 TBAP de Prilukiy) vont enlever toute utilité à la flotte de Midas ukrainiens, en outre, la force aérienne ukrainienne n’avait ni les moyens d’exploiter ni l’utilité de ces citernes volantes. Une partie des appareils vont être convertis en avions-cargos, devenant de facto des IL-76MD ou tout simplement loués à d’éphémères opérateurs nationaux et/ou étrangers (pas très regardant sur la sécurité); ces derniers vont exploiter les avions pour générer des devises en transportant des marchandises (sans être trop regardant sur les zones desservies ainsi que le matériel transporté…) jusqu’à ce que les appareils atteignent la limite de révision après quoi ils étaient rendus aux militaires (les compagnies en question n’ayant pas les moyens techniques et financiers d’assurer la révision des cellules). Vu son inutilité ainsi que le faible nombre d’appareils encore en service: le 409 APSZ d’Uzin finira par être dissous en 2001 et les appareils survivants iront, pour partie, rouiller aux quatre coins de l’Ukraine.
Certains pays étrangers vont regarder avec intérêt les IL-78 ukrainiens, cet intérêt étant renforcé par le fait que les responsables locaux n’étaient guère regardants sur le client et son origine tant que ce dernier payait rubis sur ongle (et si possible en devises). Dans le contexte post-soviétique des années 1990-2000, la situation économique des anciennes républiques était tellement catastrophique que tous les moyens étaient bons pour certains responsables politiques et militaires locaux de gagner de l’argent, il suffisait de ne pas être trop regardant et de ne pas s’encombrer avec des questions d’éthique et de moralité. De fil en aiguille plusieurs appareils vont connaître une seconde vie à l’étranger après avoir bénéficié d’une révision générale en Ukraine… voire en Russie pour certains (oui car quand il s’agit de gagner sa vie, on range les rancoeurs entre voisins au placard)!
Après avoir passé en revue les IL-78 exportés neufs, nous allons donc passer en revue les avions ukrainiens de seconde main exportés après la chute de l’URSS.
Premier client pour des IL-78 ukrainiens: l’Algérie va signer en 1998 un contrat avec l’agence Ukrspetsexport portant sur six IL-78 d’occasion, les appareils étant révisés chez 123 ARZ (en Russie) avant d’être livrés en Algérie à raison d’un avion en 1998 (7T-WIN), deux en 1999 (7T-WIF et 7T-WIS), un en 2002 (7T-WIL) et enfin deux en 2003 (7T-WIH et 7T-WIQ). Les IL-78 algériens sont basés à Boufarik (374ème escadrille) où ils servent d’appareils de transport mais également de citernes volantes pour accroître l’allonge des Su-24M et Su-30MKA.
Le 7T-WIN de l’armée de l’air algérienne, l’ensemble des pylônes pour nacelles UPAZ-1 ont été enlevés. Image@Anatoly Burtsev
A noter que sur base des photos disponibles, la quasi-totalité des IL-78 sont exploités avec leurs équipements de ravitaillement enlevés, un des six appareils acquis à l’origine ayant été retiré du service suite à la découverte d’une corrosion importante des panneaux de l’extrados de la voilure. Caractéristique curieuse des appareils algériens: ces derniers ne disposent que de deux points de ravitaillement dotés de nacelles UPAZ-1: le point situé sur le fuselage n’étant pas installé.
L’IL-78 algérien codé 7T-WIS, on remarquera l’absence du pylône sur le fuselage pour la nacelle UPAZ-1. Image@Vyacheslav Grushnikov
Le frère ennemi de l’Inde, le Pakistan, va également s’intéresser à l’IL-78 et à la fin de 2006 le pays signa un contrat avec l’agence ukrainienne Ukrspetsexport portant sur quatre appareils issus des stocks ukrainiens avec une option pour un cinquième appareil, cette option n’ayant finalement pas été levée. Les avions vont être réparés, révisés et repeints au centre NARP de Nikolayev; dans le cadre de leur exportation, ils vont être reclassifiés sous le standard IL-78MP (à l’origine, les quatre appareils sont des IL-78).
Le premier appareil (R09-001) est livré au Pakistan en décembre 2009, deux autres appareils sont livrés en 2010 (R10-002 et R11-003) tandis que le dernier (R11-004) arrive en à la fin de 2011: les quatre avions sont stationnés sur la base de Nur Khan (Islamabad) et sont regroupés au sein du 10ème escadron.
L’IL-78MP R09-001 de l’armée de l’air du Pakistan. Image@Alexander Mishin
Autre client, qu’on pourrait presque qualifier de « naturel » pour l’IL-78: la Chine. Le pays exploitant des appareils d’origine soviéto-russes de longue date et disposant d’une flotte de ravitailleurs composée de variantes dédiées issues du bombardier Xian H-6 (dérivé du Tupolev Tu-16): employant également le système de panier-tuyaux (hose and drogue), les H-6U disposent de deux nacelles RDC-1 (étroitement dérivées des nacelles Mk.32 de FRL) et, à l’inverse des russes, sont employés pour le ravitaillement des appareils tactiques (la capacité à être ravitaillé en vol n’est apparue que tardivement sur les bombardiers chinois). Le pays étant à la recherche d’un appareil plus capacitaire pour le ravitaillement en vol que les H-6, ces derniers n’étant, en outre, pas en mesure d’assurer le ravitaillement des Su-27SK, Su-30MKK et Su-30MK2 acquis dans le courant des années 1990-2000 par la force aérienne chinoise (nacelles incompatibles avec les avions d’origine russe). C’est pourquoi vers 2003-2004 la Chine va se tourner vers les IL-78 ukrainiens avec comme but d’acquérir la dizaine de ravitailleurs toujours stockés en Ukraine mais cette vente n’aboutira pas pour des raisons politiques: l’arrivée au pouvoir de Viktor Yushenko en 2005, vit ce dernier ne pas vouloir se froisser avec Washington en aidant militairement la Chine.
La Chine va alors se tourner vers la Russie en septembre 2005 passant commande d’un total de trente-quatre IL-76MD et IL-78MKK dont les premières livraisons devaient intervenir en 2008. Cependant, vu l’incapacité de l’usine TAPOiCH de produire les avions dont la production avait été arrêtée depuis 2003-2004: cette commande va être finalement annulée et la décision de transférer la production de l’avion en Russie prise. Ceci donnant naissance par la suite à l’IL-76MD-90A et par truchement à l’IL-78M-90.
Les marquages ne laissent guère de doutes sur l’opérateur de cet IL-78. Il s’agit du 20642 de la PLAAF lors de son retour en Russie pour révision générale. Image@Pavel Shapka
N’ayant guère d’options disponibles, la Chine va de nouveau se tourner vers l’Ukraine, essayant d’acquérir les derniers exemplaires encore disponibles. Ainsi en décembre 2011 (soit peu de temps après le changement de président en Ukraine), l’armée de l’air chinoise (PLAAF) va passer commande auprès d’Ukroboronprom (le successeur de Ukrspetsexport) de trois IL-78 pour un montant de 45 millions d’USD dont la première machine devait être livrée avant fin 2013, le solde devant l’être en 2014. Devant passer en révision chez NARP (Nikolayev), les travaux vont prendre du retard et il faudra attendre le mois de mars 2014 pour assister à la livraison du premier IL-78 chinois (20641), suivi en juin 2015 par le deuxième (20642) et enfin le troisième en avril 2016 (20643): les appareils étant basés à Wuhan au sein du 38ème régiment de transport aérien. La Chine développant actuellement une version de ravitaillement en vol de l’Y-20, il est fort probable que la carrière des IL-78 en Chine sera écourtée une fois le Y-20U produit en série.
L’IL-78(M) a également au cours de sa carrière connu quelques clients qu’on pourrait qualifier de plus exotiques et/ou inattendus.
Premier exemple avec l’Angola qui acquit un IL-76TD (registre D2-FEW) en 2003, cet appareil étant en réalité un ancien IL-78 (SSSR-76721) admis au service à l’époque soviétique et récupéré par l’Ukraine à la chute de l’URSS. L’appareil, exploité par l’armée de l’air ukrainienne en tant qu’appareil cargo jusqu’en 2001, sera par la suite converti en IL-76TD et rééquipé en conséquence avant de partir en Angola en 2003. Finalement, sa carrière s’achèvera vers 2014, lorsqu’il sera découpé à Luanda.
Le D2-FEW sous les couleurs angolaises. Image@Teemu Turi
Autre client encore plus inattendu, la compagnie américaine North American Tactical Aviation signe un contrat en juillet 2005 pour l’acquisition de deux IL-78 issus des stocks ukrainiens; le but de cette société étant de fournir des services de ravitaillement en vol pour les avions de l’US Navy à l’image de la société Omega Aerial Refueling Services qui exploite une flotte de Boeing 707 et de DC-10 dédiés au ravitaillement en vol. Cependant, cette vente va vite devenir problématique puisque malgré la livraison d’un IL-78 dès 2006 aux Etats-Unis (registre N78GF devenu N20NS par la suite) complété par un deuxième appareil (registre N78RX renuméroté ensuite N78MX) arrivé aux Etats-Unis en février 2010; la société ne va pas trouver de clients pour ces derniers. Après plusieurs changements de propriétaires (tous plus nébuleux les uns que les autres), les deux IL-78 vont voir leur autorisation de vol retirée en 2013: depuis lors, les avions sont stockés sans emploi et il est peu probable qu’ils revolent un jour. Certaines sources font état que la revente des deux avions en question pour une somme très « modique » comparativement à d’autres ventes antérieures fut un moyen d’empêcher la Chine de mettre la main sur ces appareils (quelques semaines avant cette vente, l’Ukraine refusa de donner suite à la demande chinoise pour des IL-78); aucune preuve ne permet d’affirmer/infirmer cette théorie néanmoins le « hasard des calendriers » permet d’avoir des doutes sur les motivations concrètes derrière cette vente. Chacun se fera son opinion sur la question.
Le N78GF stocké depuis juillet 2009 sur l’aéroport de Marquette-Sawyer International (Michigan). Image@Ivan Voukadinov
Enfin l’Irak ne va pas acquérir d’IL-78(M) mais jouer à Ikea en transformant directement un IL-76MD en appareil de ravitaillement en vol avec montage d’une nacelle Douglas D-704 sur pylône installé sur la rampe cargo arrière! Ce montage employé notamment pour ravitailler en vol les Mirages F1EQ irakiens, complexifiait le travail des pilotes vu l’implantation de la nacelle: le risque d’endommager celle-ci au décollage et à l’atterrissage étant non-négligeable. Pour l’anecdote, on peut signaler que les ingénieurs irakiens appréciaient bricoler les IL-76MD puisqu’ils ont également développés des versions AWACS de l’IL-76MD: les Baghdad-1, Adnan-1 et Adnan-2, certains de ces appareils finissant même leur carrière en Iran après la première guerre du Golfe.
Et la Russie dans tout ça?
A la fin de l’URSS, la Russie reçoit en dotation un total de vingt-et-un IL-78(M): ces appareils étant flambants neufs puisque livrés à partir de 1989 à l’unité 1230 APSZ stationnée sur la base d’Engels. En 1994, l’unité change de dénomination et devient la 203 GvOAPSZ (203-й отдельный гвардейский авиационный Орловский полк самолётов-заправщиков) tout en restant stationnée au même endroit: ce changement de dénomination voit l’unité acquérir les marquages de la Garde (d’où le Gv) et d’Orel. Le 1er septembre 2000, changement important pour les appareils puisque le 203 GvOAPSZ est transféré de la base d’Engels à la base de Ryazan Dyagilevo (où il se trouve toujours en 2021).
L’IL-78 codé 81 Bleu. Image@Aleksandr Filinvideo
En 2008-2009 lors de l’introduction des reformes structurelles menées par le ministre de la défense A.Serdyukov, le 203 GvOAPSZ est dissous et les IL-78(M) rattachés directement au 43 TsBP PLS DA (c-à-d: le centre d’entraînement et de conversion de l’aviation à longue distance). Les modifications structurelles du ministre Serdyukov ayant été – pour partie – balayées d’un revers de la main après son remplacement, les IL-78(M) vont retourner dans leur structure antérieure: le 203 GvOAPSZ réinstauré dès décembre 2013. Il s’agit toujours de la seule unité de ravitailleurs en vol russes, certains appareils étant temporairement déployés par le centre de formation et d’entraînement des équipages; les estimations les plus fiables font état d’une quinzaine d’IL-78(M) disponibles en permanence, le solde des appareils étant immobilisés soit pour la campagne de modernisation au standard IL-78-2 soit pour suivre les cycles des révisions générales.
L’Ilyushin IL-78(M): la version de base
Construit sur base de l’IL-76MD, l’IL-78(M) reprend la configuration générale de ce dernier, les modifications apportées à la variante de ravitaillement en vol n’étant finalement que minimes. Construit autour d’un fuselage large comprenant une rampe de chargement arrière, les ailes sont en position haute et comportent quatre réacteurs, répartis équitablement, installés sous pylônes, l’empennage est en forme de -T, les stabilisateurs horizontaux étant montés au sommet de la dérive.
L’IL-78 codé RA-78814 présente un état extérieur quasiment identique à son état d’origine: la livrée arborée étant une variante des couleurs d’Aeroflot. Image@Dmitriy Ryazanov
Le poste de pilotage, spacieux, se trouve à l’avant de l’avion en position haute, il abrite l’équipage (pilote, co-pilote, opérateur radio, mécanicien naviguant) tandis que le navigateur dispose d’un poste vitré en position basse dans le nez de l’avion. L’opérateur de ravitaillement en vol prend place dans la queue de l’appareil à la place occupée auparavant par le mitrailleur arrière.
Le poste de l’opérateur de ravitaillement en vol sur un IL-78(M), vivement déconseillé aux claustrophobes. Image@Vitaly Vladimirovich
Dérivé d’un avion-cargo assurant le transport tactique et conçu pouvoir être déployé au départ de tous types de terrains (préparés ou non), l’IL-78(M) repose sur un train d’atterrissage renforcé composé d’une roulette avant comportant quatre roues et de quatre atterrisseurs principaux groupés par groupes de deux) composés chacun de quatre roues, soit un total de vingt roues pour l’ensemble. De manière assez étonnante, l’IL-78(M) hérite donc également de la capacité « tous terrains » de son prédécesseur, l’emport de l’appareil se réduisant environ de moitié en cas d’emploi au départ de pistes non-aménagées (la masse maximale au décollage de l’IL-78 est de 157,7 tonnes au départ de pistes sommairement aménagées). Il apparaît donc très improbable de voir un appareil aussi « précieux » (par son rôle, le nombre réduits d’unités existantes ainsi que les risques induits par un tel emploi) que l’IL-78(M) être un jour réellement déployé au départ de terrains non-aménagés.
Image@ Dr Dan Saranga
D’un point de vue technique les chiffres suivants sont disponibles au sujet de l’IL-78M:
Longueur: 46,6 m
Hauteur: 14,76 m
Envergure: 50,5 m
Surface alaire: 300 m²
Masse à vide: 72 tonnes
Masse maximale au décollage: 210 tonnes (190 tonnes pour l’IL-78)
Motorisation: 4 x Soloviev D-30KP (4 x 118 kN)
Charge utile: 50 tonnes
Vitesse maximale: 850 Km/h
Vitesse de croisière: 750 Km/h
Equipage: 6
Pour assurer ses fonctions de ravitaillement, les IL-78 et IL-78M disposent de trois nacelles UPAZ-1 et/ou UPAZ-1M (Унифицированных Подвесных Агрегатов Заправки); ces dernières faisant usage du système « tuyau-panier » (probe-and-drogue) pour assurer le ravitaillement des receveurs. Sur l’IL-78 on retrouve trois nacelles UPAZ-1: deux sous voilure et une implantée sur le fuselage à l’arrière à hauteur de la dérive. A l’inverse, l’IL-78M dispose de deux nacelles UPAZ-1 sous voilure ainsi que d’une nacelle UPAZ-1M disposée sur le fuselage en lieu et place de l’UPAZ-1 de l’IL-78.
Cette – belle – vue d’un IL-78M ravitaillant deux Su-34 illustre bien la position des trois nacelles UPAZ-1 ainsi que leur « spécialisation ». Image@Aleksandr Pak
Une nacelle UPAZ est composée d’un enrouleur sur lequel est fixé un tuyaux d’une longueur de 26 m, au bout duquel se trouve le panier qui permet un accrochage automatisé à la tête de la perche de l’appareil receveur. L’alimentation électrique du système se fait via une turbine alimentée par de l’air prélevé à la tête de la nacelle. Cette turbine alimente une pompe centrifuge à deux têtes qui assure le déroulement du tuyaux et l’enclenchement des pompes à carburant, une fois le panier verrouillé sur la perche.
Aperçu d’une nacelle UPAZ et de sa structure interne. Image@?
Le système dispose de deux modes de fonctionnement, l’ensemble étant piloté par l’opérateur de ravitaillement en vol:
Automatique: le système interrompt le ravitaillement une fois que la quantité de carburant pré-établie est transférée
Manuel: une fois l’appareil receveur « alimenté », c’est ce dernier qui interrompt le ravitaillement en se déconnectant du panier
Cet angle de vue permet de voir les deux positions possibles des nacelles UPAZ-1 sur un IL-78M: sous voilure ou sur le fuselage. Image@Igor Shirayev
Les nacelles UPAZ ont des fonctions bien spécifiques: celles implantées sous voilure sont prévues pour ravitailler des appareils « légers » (chasseurs, intercepteurs, bombardiers tactiques) tandis que la nacelle installée sur le fuselage – ce qui explique son débit plus important – est prévue pour les appareils « lourds » (bombardiers stratégiques, bombardiers régionaux, appareils de lutte anti-sous-marine). De plus, alors que les premiers IL-78 présentaient une nacelle accolé sur le fuselage, cette configuration a été modifiée par la suite en l’éloignant du fuselage. Des problèmes de trainée induits par l’appareil ravitailleur et empêchant de stabiliser le tuyau une fois celui-ci déployé ayant été constatés: la modification du positionnement a permis de remédier à cette problématique.
Outre les nacelles emportées, la principale différence entre l’IL-78 et l’IL-78M réside dans la capacité en carburant emportée: en effet, l’emport de carburant de l’IL-78(M) se fait via les douze réservoirs internes de l’appareil qui sont situés dans le caisson d’aile central et auxquels viennent s’ajouter des réservoirs supplémentaires installés dans la soute. L’IL-78 dispose de deux réservoirs supplémentaires amovibles, l’avion conservant en outre ses équipements pour la manutention du fret dans sa soute tandis que l’IL-78M voit l’équipement de manutention enlevé et le nombre de réservoirs supplémentaires passe à trois, ces derniers étant désormais fixes. En outre, vu l’impossibilité de le transformer en appareil-cargo: les portes de soutes arrières de l’IL-78M sont supprimées et soudées tandis que la porte d’accès latérale est également supprimée.
Ces différences concernent bien évidemment les appareils lors de leur sortie d’usine, plusieurs IL-78 ont été modifiés en IL-78M durant leur carrière (en Russie notamment): les caractéristiques au niveau du fuselage n’ont pas été entièrement modifiées (portes latérales toujours présentes) malgré le passage à ce standard.
Besoin de la soute pour transporter du fret? Simple, il suffit d’enlever les réservoirs supplémentaires (que l’on voit ici en jaune) d’un IL-78. Image@Vitaly Vladimirovich
Sachant que l’IL-78(M) alimente les appareils receveurs en prélevant le carburant dans ses réservoirs internes ainsi que dans les réservoirs de soute, ceux-ci étant interconnectés. Au final, le volume total en carburant des deux variantes est la suivante:
IL-78: 84,8 tonnes dans les réservoirs de l’avion et 28 tonnes dans les deux réservoirs de soute: 112 tonnes
IL-78M: 84,8 tonnes dans les réservoirs de l’avion et 36 tonnes dans les deux réservoirs de soute: 120 tonnes
Le volume transférable de carburant aux appareils receveurs est de:
IL-78: maximum de 85,7 tonnes (réservoirs internes de l’avion et réservoirs amovibles de soute)
IL-78: maximum de 57,7 tonnes (réservoirs internes de l’avion)
IL-78M: maximum de 105,7 tonnes (réservoirs internes de l’avion et réservoirs fixes de soute)
De part le fait que l’IL-78(M) fait usage de ses réservoirs internes ainsi que des réservoirs de soute pour assurer le ravitaillement: le volume transférable de carburant dépend du rayon d’action de l’avion, la quantité de carburant transférable diminue donc d’autant que la distance à parcourir vers le point de rendez-vous augmente. C’est logique, mais il est toujours utile de le rappeler: ceci étant d’autant plus vrai que les réacteurs D-30KP sont particulièrement gourmands. Enfin, l’augmentation de la quantité de carburant transportée impacte la masse maximale au décollage: un IL-78 décolle avec un maximum de 190 tonnes tandis que l’IL-78M voit celle-ci passer à 210 tonnes, le caisson d’aile central ainsi que le train d’atterrissage sont renforcés pour répondre à l’augmentation de la masse de l’avion. Le ravitaillement d’un avion par un IL-78(M) a lieu à des plages de vitesses allant de 450 à 520 Km/h et à une altitude comprise entre 4.000 et 7.000 m; de jour comme de nuit.
Même si on peut difficilement trouver de l’élégance chez l’IL-78(M), les photographes russes savent comment prendre des photos mettant en valeur les avions en service: cette image du 51 Bleu résumant bien la chose. Image@Alexander Shukhov
En plus de la possibilité de ravitailler en vol, l’IL-78(M) peut également ravitailler des avions et/ou des installations fixes au sol via quatre lignes de ravitaillement pouvant être connectées à un point fixe du fuselage de l’appareil sans passer par les nacelles UPAZ. Un système d’aide à la navigation à courte portée (SHORAN) du type RSBN-7S Vstrecha qui consiste en trois antennes implantées sur la queue de l’avion; cet équipement permet d’assurer le guidage des appareils jusqu’à une distance de 300 Km.
Un point qu’il est utile de souligner (et générant de fréquentes controverses) est la capacité (ou non) des IL-78(M) à ravitailler des avions occidentaux. De base, les nacelles UPAZ-1(M) sont compatibles uniquement avec les têtes de perches aux standards (soviéto-)russes: ceci implique donc qu’un avion d’origine russe ne peut pas ravitailler un appareil OTAN (et/ou compatible OTAN). Ceci n’est aucunement problématique pour la force aérienne russe mais le devient pour les clients à l’export de l’appareil qui ne sont pas nécessairement équipés en avions d’origine russe.
Deux solutions vont donc être développées:
L’équipement des IL-78(M) avec des nacelles Mk.32B de chez Cobham (ex FRL : Flight Refueling Limited) compatibles OTAN
Une tête de perche de production russe (NPP Zvezda) compatible OTAN: la GPT-2E qui peut être installée sur les MiG-29SMT, MiG-29 K(UB)R (et variantes MiG-29M/MiG-35), Su-24, Su-30 (et variantes) et Su-35(S). Celle-ci permet d’assurer le ravitaillement en vol des avions équipés par des ravitailleurs occidentaux et russes.
Chaque solution apporte une certaine flexibilité bien que certaines contraintes subsistent; les IL-78(M) équipés de nacelles Mk.32B de Cobham (cas des IL-78MKI indiens) sont en mesure de ravitailler en vol sans discrimination les appareils exploités par l’IAF qu’ils soient d’origine russe ou occidentale. A l’inverse, les IL-78MKI ne sont pas en mesure de ravitailler des appareils d’origine russe disposant de leur tête de perche d’origine.
Cette vue latérale de l’IL-78MKI (RK3453) permet de mieux voir la différence de taille et de forme des nacelles FRL/Cobham Mk.32B par rapport aux nacelles UPAZ. Image@Ivan Voukadinov
Sur base des photos disponibles, on peut déterminer que les IL-78(M) exportés sont équipés de la manière suivante:
IL-78MKI (Inde): trois nacelles Cobham Mk.32B
IL-78MKA (Algérie): deux nacelles UPAZ-1
IL-78MKK (Chine): trois nacelles UPAZ-1
IL-78(E) (Libye): trois nacelles UPAZ-1
IL-78MP (Pakistan): trois nacelles UPAZ-1
Il en va de même en ce qui concerne les pods PAZ-MK (version de l’UPAZ-1 dont la taille est réduite pour s’adapter aux MiG-29K/MiG-29M/MiG-35): ces derniers ne sont compatibles qu’avec les têtes de perches d’origine russe.
L’Ilyushin IL-78-2: une modernisation longuement attendue
Outre la construction d’avions neufs pour compléter et à plus long-terme remplacer la flotte existante, l’armée russe a décidé de moderniser la flotte d’Ilyushin IL-78(M) en vue d’augmenter la durée de vie des appareils; ce programme repris sous le standard Ilyushin IL-78-2 comprend les travaux suivants:
Remplacement des équipements obsolètes au niveau du cockpit
Révision générale de la cellule avec extension de la durée de vie de l’avion (portée à 40 ans)
Installation de lanceurs de leurres thermiques
Installation de trois nacelles UPAZ-1M présentant un taux de transfert de carburant plus important
Le premier ravitailleur en vol IL-78 modernisé au standard IL-78-2 est sorti des ateliers de l’OKB Ilyushin à Zhukovsky après deux ans de travaux, pour être présenté lors du salon MAKS 2019. L’appareil concerné porte le numéro de Bort 34 Bleu (RF-94272, C/n 1013404138, S/n 79-05) qui fut mis en service à l’origine le 29 juin 1991 sous le standard IL-78 et affecté au 203 OGAP SZ basé à Ryazan-Dyagilevo depuis 2000 (auparavant basé à Engels depuis 1994).
L’IL-78-2 codé 34 Bleu. Image@Egor Shitov
L’avion a effectué son premier vol post-modernisation le 26 septembre 2019, les essais de l’appareil sont actuellement en cours et une fois ces derniers achevés: la force aérienne russe (VKS) envisage de faire passer l’intégralité de sa flotte existante d’IL-78(M) au nouveau standard IL-78-2. Ceci permettant de recapitaliser la flotte actuelle, lui permettant d’assurer la « jonction » avec l’arrivée des appareils neufs à moyen-terme avant que ces derniers ne finissent par les remplacer sur le plus long terme.
Le 34 Bleu vu lors d’un vol d’essais: on remarquera l’absence des nacelles UPAZ-1M. Image@Vyacheslav Grushnikov
Contrairement aux intentions initiales, le remplacement des réacteurs D-30KP d’origine par des PS-90A76 n’a pas été retenu dans les travaux de modernisation: des considérations d’ordre économiques ayant fini par repousser cette option aux oubliettes.
L’Ilyushin IL-78M-90A: la variante moderne
Variante modernisée de l’appareil de transport militaire Ilyushin IL-76MD, l’IL-76MD-90A (Izd.496) est un programme lancé en date du 20 décembre 2006 par le gouvernement russe en vue de répondre à un besoin simple: la mise en place d’une capacité de production nationale de l’IL-76MD (sous une forme modernisée) permettant d’initier le renouvellement de la flotte de transport russe composée principalement autour de cet appareil. Le réemploi de l’IL-76MD fut l’option la plus simple trouvée en vue de limiter les travaux à réaliser et par truchement l’investissement nécessaire, néanmoins les travaux furent loin d’être négligeables puisque la Russie a du créer de toutes pièces une capacité de production de l’IL-76MD au sein de l’usine Aviastar-SP d’Oulyanovsk. Cet appareil était fabriqué depuis sa création au sein de l’usine TAPO de Tashkent qui a produit les derniers appareils vers 2012, ceux-ci étant en réalité l’achèvement de cellules stockées inachevées depuis 1995-1996.
Toujours dépourvu de ses nacelles UPAZ-1M, le prototype IL-78M-90A portant le numéro de registre RF-78741. Image@Valentine Lozovik
Tout en relançant la production de l’IL-76MD, les ingénieurs vont également s’atteler à moderniser le design de base (dans une certaine limite) visant à améliorer les performances de l’appareil sans pour autant le révolutionner en profondeur. Les principales améliorations apportées sont les suivantes:
Une nouvelle aile renforcée dont la structure interne a été retravaillé
Une nouvelle motorisation comprenant quatre réacteurs PS-90A76
Electronique embarquée renouvelée avec un cockpit tout écran (glass cockpit)
Nouveau système de vol Kupol-III
Une distance franchissable accrue (9.700 km à vide)
La charge utile maximale est passée à 60 tonnes (50 tonnes pour l’IL-76MD)
Masse maximale au décollage (MTOW) portée à 220 tonnes
Un système d’auto-défense LSZ-100 / Vitebsk-76
L’enlèvement du poste du mitrailleur de queue
Le cockpit de l’IL-78M-90A. Image@Egor Shikov
La relance de la production de l’IL-76 va être l’occasion rêvée pour le ministère de la défense russe de régler le problème des ravitailleurs: sous le nom de programme PSZ (Перспективный Самолот Заправщик), c’est en date du 19 décembre 2012 que la décision de développer un nouveau ravitailleur en vol russe est prise. Le bureau d’études Ilyushin va se simplifier la vie en repartant de l’IL-76MD-90A comme base de travail pour en dériver une variante de ravitaillement en vol, à l’instar de ce qu’il se passa avec l’IL-78(M).
Repris sous le type Ilyushin IL-78M-90A (Izd.478), la production de cette nouvelle variante se déroule également au sein de l’usine Aviastar-SP d’Oulyanovsk. C’est le onzième IL-76MD-90A (et neuvième appareil de série) produit (S/n 02-01) qui a été sélectionné et prélevé à sa sortie de la chaîne de montage pour être transformé en prototype de ravitailleur. Les travaux de conversion, lancés en décembre 2013, vont durer un peu plus de quatre ans pour disposer d’un appareil achevé et prêt à voler; le premier vol de celui-ci ayant lieu le 19 janvier 2018 (bien qu’annoncé officiellement le 25/01/2018).
D’un point de vue technique, l’IL-78M-90A présente exactement les mêmes dimensions générales que l’IL-76MD-90A, ceci s’expliquant par le fait que la version de ravitaillement en vol ne diffère de la version cargo que sur des détails, aucun travail en profondeur n’a été entrepris sur la cellule de base. A l’inverse de l’IL-78M qui ne pouvait pas être transformé en avion-cargo, l’IL-78M-90A reprend le concept modulaire de l’IL-78 en pouvant être transformé en avion-cargo si nécessaire.
Les chiffres suivants relatifs à l’IL-78M-90A sont disponibles;
Longueur: 46,6 m
Hauteur: 14,76 m
Envergure: 50,5 m
Surface alaire: 300 m²
Masse à vide: 72 tonnes
Masse maximale au décollage: 220 tonnes
Motorisation: 4 x PS-90A-76 (4 x 157 kN)
Charge utile: 52 tonnes (possibilité de passer à 60 tonnes mais au détriment du rayon d’action)
Equipage: 5/6
Bien que fondamentalement similaire à son prédécesseur, l’IL-78M-90A présente plusieurs différences significatives avec l’IL-78M. Première modification et certainement une des plus visibles, l’installation de quatre réacteurs PS-90A-76 en lieu et place des D-30KP. Le PS-90A est un turboréacteur à double flux créé à l’origine par Soloviev (devenu Aviadvigatel ensuite) pour équiper le Tu-204 ainsi que l’IL-96-300: l’emploi de ce moteur permet d’offrir une poussée accrue à l’appareil ainsi que réduire sa consommation en carburant (ceci impactant positivement sa capacité de ravitaillement). La poussée maximale offerte par le PS-90A-76 (le suffixe -76 indique qu’il s’agit d’une version du PS-90A adaptée pour l’IL-76/IL-78) est de 157 kN, sa poussée au décollage étant de 142 kN; en comparaison, un D-30KP dispose d’une poussée maximale de 118 kN.
L’IL-78M-90A vu lors de son décollage pour un vol d’essais. Image@Vyacheslav Grushnikov
L’aile de l’IL-78M-90A est retravaillée (elle est construite sur base de panneaux de grandes dimensions) et sa structure interne est revue: ceci permet notamment d’accroître l’emport en carburant – toujours stocké dans le caisson d’aile central – qui passe à 87,6 tonnes, soit 2,8 tonnes de plus que l’IL-78(M). A l’instar de l’IL-78, l’IL-78M-90A peut également emporter deux réservoirs amovibles (de plus grande dimension) en soute qui peuvent contenir un maximum de 35,1 tonnes de carburant supplémentaire soit un total final de 122,7 tonnes de carburant.
Bien que les sources se contredisent largement en matière d’emports et de distance franchissable, sur base d’une présentation récente de l’avion au premier ministre russe à l’usine Aviastar-SP et partant du principe qu’ils proviennent du constructeur, ils devraient (conditionnel de rigueur) être fiables. L’IL-78M-90A serait donc en mesure de fournir les quantités de carburant à mettre en rapport avec les distances franchissables suivantes:
69,20 tonnes à 1.000 Km
50 tonnes à 2.000 Km
20,70 tonnes à 3.500 Km
En l’absence de consensus sur les données affichées, il est probable qu’elles devront être affinées dans les mois à venir une fois les essais de cette variante achevés et son admission au service effective.
Aperçu des données de l’IL-78M-90A affichées par l’usine Aviastar-SP
L’IL-78M-90A dispose de trois nacelles UPAZ-1M qui offrent un débit accru à 3.000L/min; ces dernières sont implantées de la même manière que sur les variantes antérieures: deux nacelles sous voilure à l’extérieur des réacteurs ainsi qu’une nacelle implantée latéralement sur le fuselage à l’arrière de l’appareil près de la base de la dérive.
Autre modification significative: l’enlèvement du poste de l’opérateur de ravitaillement implanté dans l’ancienne tourelle de queue: l’IL-78M-90A à l’instar de l’IL-76MD-90A ne dispose plus du poste arrière implanté à la base de la dérive (abritant un mitrailleur dans l’IL-76MD et l’opérateur de ravitaillement dans l’IL-78M). Par conséquent, le ravitaillement s’effectue à « distance » avec présence de l’opérateur chargé du ravitaillement dans le poste de pilotage, des caméras implantées à l’arrière de l’avion lui offrant le champ de vision requis pour les opérations de ravitaillement.
Cette vue arrière de l’IL-78M-90A permet de mieux voir l’absence du poste de ravitaillement arrière ainsi que l’implantation identique à ses prédécesseurs des nacelles UPAZ-1M. Image@Vyacheslav Grushnikov
Enfin et contrairement à ses prédécesseurs, l’IL-78M-90A reçoit une suite complète d’autodéfense du type Vitebsk-76 / LSZ-100 qui est composée de: lance-leurres thermiques (leurres de 50 mm), brouilleur laser directionnel installé sous le fuselage, système d’alerte radar, système d’alerte laser et enfin un système de détecteurs de départ de missile. La suite défensive est complétée par une boule opto-électronique implantée sous le nez de l’appareil et servant notamment pour les atterrissages ainsi que pour les vols à basse altitude.
Un aperçu des équipements implantés sur l’IL-78M-90A. En rouge: les deux tourelles abritant les systèmes de brouillage laser (à noter qu’à l’arrière il y a également une des deux caméras pour l’opérateur de ravitaillement en vol). En jaune: les lanceurs de leurres thermiques de 50 mm. En mauve: un système de brouillage. En jaune: les antennes du système de guidage à courte portée. En vert: la boule opto-électronique. Image@Alexander Kopitar / Montage@RS
Repris sous le numéro de registre RF-78741 (S/n 002-01), le prototype IL-78M-90A est présenté officiellement pour la première fois durant le salon MAKS 2019, de plus, l’avion est présenté (c’est également une première) avec les trois nacelles de ravitaillement UPAZ-1M installées. Fort étonnement, le prototype n’est pas dans sa forme « définitive » vu l’absence de la boule optro-électronique sous le nez de l’appareil.
Le prototype IL-78M-90A durant sa présentation au salon MAKS 2019. Image@Oleg Podkladov
Les essais de l’appareil sont toujours en cours mais la commande placée le 18 décembre 2020 dernier indique que l’on se dirige vers une admission au service sous peu de ce dernier; sur base des photos disponibles, l’avion est basé à Zhukovski et est employé très régulièrement pour des vols d’essais. Il est à noter que contrairement aux prévision initiales, le nombre d’IL-78M-90A commandés est inférieur à ce qui était annoncé (dix appareils au lieu de trente-et-un, ces estimations ayant été plusieurs fois revues à la baisse). Au vu des annonces récentes d’augmentation de la production chez Aviastar-SP, il est fort probable que la force aérienne russe attend d’y voir plus clair sur les performances de l’appareil avant d’augmenter progressivement le volume d’appareils en commande; ceci s’inscrivant dans le cadre du GPV 2024-2033 actuellement en cours de discussions.
En conclusion
Avec cette commande, l’armée de l’air russe commence enfin à renouveler sa flotte de « multiplicateurs de force »: en effet, bien qu’ayant largement modernisé sa flotte de première ligne (qui en avait bien besoin) avec l’arrivée massive d’appareils neufs, les appareils « moins exposés » mais tout aussi important que sont les ravitailleurs en vol, avions-radars, avions de brouillage, etc… sont restés largement dans leur état d’origine remontant à l’époque soviétique. Les programmes de modernisation de ces catégories d’appareils étant dans leur grosse majorité soit très fortement retardés, soit inexistants. Avec comme conséquence que sur certains aspects, la flotte aérienne russe a pris un retard flagrant sur certaines capacités bien précises. Il est clair que ce types d’appareils, de part leurs spécificités sont très onéreux à acquérir mais le gain capacitaire qu’ils procurent compense largement le coût d’acquisition.
En ce qui concerne plus spécifiquement les citernes volantes, on ne peut être qu’étonné devant l’abandon du projet IL-96-400TZ par le MoD russe sur base d’une question de coûts: ce dernier offrait un gain de performances substantiel par rapport à l’IL-78M-90A, permettant notamment de fournir des quantités accrues de carburant à plus grande distance pour les bombardiers stratégiques russes. Il est à espérer que l’abandon de ce projet ne soit que temporaire et qu’un appareil basé soit sur l’IL-96-400 (en version quadrimoteur ou bimoteur) soit sur le futur CR929 finisse par être développé; l’aviation stratégique russe a grandement besoin d’un appareil dont la capacité de ravitaillement est plus en adéquation avec les besoins de ses bombardiers stratégiques. Avec le retour de la capacité à être ravitaillé en vol sur le Tu-22M3M, les besoins découlant de l’exploitation des Tu-160(M), Tu-95MS(M) ainsi que dans une moindre mesure des Tu-142MK/MR/MZ: inutile de préciser que les besoins russes en la matière sont énormes et les appareils employés peu adaptés pour ces missions.
L’IL-78(M) dans son environnement « naturel »: le ravitaillement en vol des bombardiers stratégiques russes. Image@?
Au final, même si le différentiel de performances offert par l’IL-78M-90A par rapport à ses prédécesseurs est significativement accru, il n’en reste que ce dernier a été conçu à l’origine comme appareil de transport tactique pouvant être déployé sur tous types de terrains: ceci induisant de recourir à une cellule renforcée qui augmente le devis de masse de l’appareil et donc sa consommation. Bien évidemment, ce n’est pas l’idéal pour un appareil dont la mission première est de fournir du carburant aux autres appareils; il s’agit donc d’une solution efficace mais pas optimale et il est très étonnant que les russes n’aient pas profités de la mise en place de la production de l’IL-96-400M (qui n’intéresse pas les compagnies aériennes russes) pour développer directement une variante de ravitaillement en vol de ce dernier. Néanmoins, cette commande est une première étape importante puisqu’elle marque le début du renouvellement de la flotte de ravitailleurs russes, cette dernière étant de plus en plus sollicitée par l’aviation tactique en plus de sa fonction principale d’appui de l’aviation stratégique.
Ce recours accru aux ravitailleurs en vol est une tendance qui est appelée à poursuivre sa croissance dans les années à venir (vu la mise en service d’appareils neufs disposant tous de la capacité à être ravitaillé en vol); la nécessité de devoir déployer pas moins de six appareils pour appuyer une seule mission (certes atypique et avant tout médiatique) de deux Tu-160M met parfaitement en exergue les lacunes actuelles (en termes de nombre d’appareils ainsi que de capacités) de la flotte de citernes volantes russes. Et bien que la doctrine russe n’ait pas fondamentalement évolué récemment, considérant toujours qu’il n’est pas dans les attributions de la force aérienne de se déployer loin et/ou longtemps (nécessitant donc de disposer de nombreux ravitailleurs en vol), le recours aux ravitaillement en vol est de plus en plus systématique et concerne autant les bombardiers stratégiques que l’aviation tactique: ce qui indique une (r)évolution en cours au niveau doctrinal et opérationnel russe.
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