[Actu] Le dock flottant PD-50 et les installations d’entretien pour navires de gros tonnages en Russie

La nouvelle a rapidement fait le tour des médias spécialisés, le dock flottant PD-50 de Roslyakovo employé – notamment – pour les opérations de carénage des navires militaires russes de grande taille a coulé durant la nuit du 29 au 30 octobre alors que l’Admiral Kuznetsov (Izd 1143.5) était à son bord.

Cette énième péripétie de la construction navale russe en serait presque amusante si les implications de cet accident n’étaient pas aussi lourdes de conséquences. En effet, malgré les dégâts qui sont, si l’on en croit les médias, relativement limités au navire, la perte de ce dock flottant de grande taille – le seul de son genre en Russie – va avoir des répercussions sur le long terme et il est plus que probable que la modernisation du Kuznetsov (en ce qui concerne les parties normalement immergées) risque de prendre un sérieux retard.

Cet accident met d’ailleurs en lumière une question régulièrement éludée par les décideurs russes; les installations d’entretien des navires militaires de gros tonnage en Russie. Plusieurs voix se sont déjà élevées pour que la Russie règle cette question sans avoir eu de suite pour autant, il est fort probable que cet accident apporte de l’eau au moulin des avocats de la construction de nouvelles installations de ce type. A l’heure où la Marine Russe rêve (?) de construire à nouveau des navires de gros tonnages et/ou la mise sur cales de nouveau porte-avions se précise doucement; cette question devra trouver une/des solution(s) avant le lancement de tout projet de grande ampleur pour la marine locale.

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Le Kuzya avec une des deux grues du dock PD-50 sur son pont… Photo@Павел Львов

Néanmoins la situation si elle est actuellement critique devrait voir son horizon s’éclaircir à moyen-terme; en effet, plusieurs projets en cours de réalisation permettront à la Russie de disposer à terme d’installations de production et d’entretien de grandes tailles aptes à prendre en charge les navires militaires de gros tonnage. Ce type de projets nécessitant du temps et des moyens conséquents en vue de leur réalisation et la Russie s’étant lancée tardivement dans ces projets; quelques années s’écouleront encore avant de voir l’ensemble des installations aptes à être employées.

En outre, la Marine Russe ne disposant pas en son sein d’installations aptes à assurer l’entretien de ses propres navires; il est fait usage de centres de réparations et de chantiers navals mixtes prenant en charge aussi bien les navires militaires que civils… et l’armée étant connues pour son habitude à négocier des contrats ne dégageant que de très faibles marges financières pour les chantiers navals, la priorité est donnée aux navires civils. Si on rajoute à ceci l’inefficacité – qui est de notoriété publique – des chantiers navals locaux, il est plus facile de comprendre pourquoi la Russie se retrouve dans cette situation délicate des suites de la perte – temporaire – du dock PD-50.

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Les points rouges sur cette carte de la Russie permettent de voir l’emplacement des futures installations d’entretien à disposition des russes. Carte@Worlmap1.com / Montage@RS

Avant d’entrer dans les détails des chantiers navals abordés, il est nécessaire d’expliquer rapidement les paramètres qui rentrent en ligne de compte pour évaluer les installations concernées. Deux éléments principaux doivent d’abord être pris en ligne de compte:

  1. Les dimensions de l’Admiral Kuznetsov
  2. Les dimensions de l’installation évaluée

Les dimensions du porte-aéronefs Admiral Kuznetsov sont les suivantes;

  • Déplacement standard: 46.540 tonnes
  • Déplacement normal: 53.050 tonnes
  • Déplacement en pleine charge: 59.100 tonnes
  • Longueur: 306,45 m / 270 m (à la ligne de flottaison)
  • Largeur: 71,96 m (au point le plus large) / 33,41 m (à la ligne de flottaison)
  • Hauteur: 64,49 m
  • Tirant d’eau: 8,05 m / 8,97 m / 9,76 m (Déplacement normal => maximal)

Au vu des dimensions nécessaires pour accueillir le navire, les infrastructures dont la longueur est inférieure à 300 m et le tonnage inférieur à 40.000 tonnes ne seront pas prises en ligne de compte.

Passons en revue les installations disponibles actuellement en Russie et celles qui le seront à terme.

Baltiyskiy Zavod

Le chantier naval Baltiyskiy Zavod (Балтийский завод / Chantier de la Baltique) situé à Saint-Pétersbourg a été fondé en 1856 ce qui fait de lui un des plus anciens chantiers navals toujours actif en Russie. Membre de la holding OSK (Объединённая судостроительная корпорация / United Shipyard Corporation), il dispose de vastes installations implantées sur l’embouchure de la Neva à côté du Golfe de Finlande (et donc avec accès direct à la mer Baltique d’où son nom). Grâce à son implantation idéale et sa proximité avec Saint-Pétersbourg (l’ancienne capitale Impériale); ce chantier naval a toujours eu des liens étroits avec la Marine soviéto-russe.

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Vue aérienne du chantier de la Baltique. Photo@?

Au niveau des installations disponibles, le chantier naval de la Baltique dispose de deux cales sèches (la cale A et la cale B) ainsi qu’un hangar de construction; si le hangar de construction et la cale B présentent des dimensions trop restreintes que pour être employées pour un porte-avions, la cale A pourrait se révéler intéressante. En effet, elle présente les dimensions suivantes:

  • Longueur:  350 m / 263 m (partie de surface)
  • Largeur: 36 m
  • Tonnage maximal: 40.000 tonnes
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La cale sèche qui moyennant modernisation et agrandissement serait théoriquement apte à recevoir un navire de très gros tonnage. Image@GMaps / Montage@RS

Cette cale bien qu’ancienne et nécessitant des travaux de modernisation ne peut pas être employée en l’état par le Kuznetsov (tonnage et largeur insuffisants) cependant moyennant des travaux modérés et malgré un bâti environnant des plus dense, il serait possible d’adapter cette cale pour traiter le Kuznetsov; des travaux de modernisation sont prévus dans ce chantier naval sans pour autant que leur contenu ne soit déjà annoncé.

Kola Shipyard / CSKMS

Ce nouveau chantier naval répondait au nom Kola Shipyard avant de devenir le CSKMS (Центра строительства крупнотоннажных морских сооружений) est actuellement en cours de construction à Belokamenka juste en face (moins de 2 kilomètres les séparent) du centre de réparation 82 SRZ (propriétaire du dock PD-50) où est traité le Kuznetsov en ce moment.

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Cette carte permet de mieux appréhender la faible distance séparant le futur chantier naval de Kola et le dock PD-50. Image@GMaps / Montage@RS

Les travaux de construction de ce chantier naval, financé par le groupe PAO Novatek spécialisé dans le secteur du gaz, visent à créer une vaste infrastructure apte à produire des équipements spécifiques pour l’extraction du gaz en pleine mer. S’inscrivant dans le cadre du projet Artic LNG 2, les travaux qui ont débuté en 2017 sont d’une valeur estimée d’environ 120 milliards de Roubles. Si à proprement parler la construction et l’entretien de navires militaires n’est pas envisagé – dans un premier temps – au sein de ce chantier naval qui ne relèvera pas du domaine public mais bien « privé », il n’en disposera pas moins de deux cales sèches aux dimensions imposantes:

  • Longueur: 400 m
  • Largeur: 185 m (cale 1) / 205 m (cale 2)
  • Profondeur: 15,7 m

Vu les dimensions des deux cales sèches en question; il est clair que la place ne manquera pas pour assurer l’entretien ainsi que la construction de navires militaires de gros tonnage et si on compare avec les installations pour le moins anciennes à disposition des chantiers navals 35 SRZ et 82 SRZ, il ne serait absolument pas étonnant de voir la Marine Russe faire usage des installations en question pour ses bâtiments. Restera à voir si le prix demandé par Novatek pour un tel emploi sera acceptable pour la Marine russe, cependant vu le positionnement idéal du chantier naval près de Mourmansk (et donc de la Flotte du Nord) ainsi que l’accès aisé à la Mer de Barents: il est clair que ce chantier naval dispose d’un vaste potentiel à exploiter.

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Le chantier naval Kola Shipyard tel qu’il sera à la fin des travaux. Image@sdelanounas

Néanmoins, il faudra attendre au bas mot encore trois à quatre ans avant de disposer d’installations exploitables; il est donc impossible que ce dernier puisse être employé pour la modernisation du Kuznetsov.

SevMash

Certainement le plus grand chantier naval de Russie et l’un des plus connu; le chantier naval SevMash (Северное Машиностроительное Предприятие) de Severodvinsk travaille majoritairement pour la Marine Russe, il s’agit notamment du spécialiste et seul centre de production de sous-marins à propulsion nucléaire en Russie. Cependant, cette spécialisation ne l’a pas empêché d’assurer la transformation du porte-aéronefs Admiral Gorshkov (ex Baku / Izd. 1143.4) en porte-avions STOBAR sous le nom d’INS Vikramaditya pour la Marine Indienne ainsi qu’il procède actuellement à la modernisation du croiseur lance-missiles Admiral Nakhimov (Izd 1144.2).

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L’Admiral Gorshkov, futur INS Vikramaditya en cours de transformation au chantier naval SevMash. Photo@Reddit

Disposant de vastes installations et d’un carnet de commandes bien rempli, le chantier naval SevMash – qui fait partie également du holding OSK – dispose de vastes hall de production couverts qui sont déjà bien occupés avec la production des sous-marins à propulsion nucléaire des classes 885(M) Yasen(-M) et 955(A) Boreï(-A). En outre, une grand bassin est à disposition pour la prise en charge des unités de grande taille, les dimensions de ce dernier sont les suivantes:

  • Longueur: 330 m
  • Largeur: 275 m
  • Profondeur: 10 m

Cependant, deux problèmes se posent par rapport à l’emploi de ce bassin; premièrement la présence d’un sas d’accès d’une largeur limitée à 42 m et d’une profondeur maximale de 10 m et deuxièmement, l’occupation de l’espace disponible par l’Admiral Nakhimov en cours de modernisation. La profondeur disponible n’est pas une difficulté insurmontable mais la largeur de la porte du sas d’accès au bassin est beaucoup plus problématique et nécessitera des travaux pour y faire passer le Kuznetsov sans même parler de l’absence de place disponible en ce moment.

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Trois éléments sont visibles sur cette vue du bassin de SevMash: en orange, le sas d’entrée; en rouge, l’espace du bassin utilisable pour les navires de grande taille et en vert l’Admiral Nakhimov. Image@GMaps / Montage@RS

Bref, cette option est inemployable en l’état actuel des choses et des travaux (certains sont en cours, semble-t-il) de modernisation/agrandissement du bassin seront nécessaires pour pouvoir accueillir le Kuznetsov et/ou tout futur porte-avions russe. A l’inverse, éléments plaidants pour l’emploi de ce chantier naval: l’expérience dont dispose cette entreprise dans le traitement des navires de grande taille ainsi que son positionnement idéal près de la Mer Blanche et de la Flotte du Nord qui dispose des « plus grandes » unités de la Marine Russe.

Zaliv

Le chantier naval Zaliv (Судостроительный завод «Залив») fut récupéré par la Russie lors de l’annexion de la Crimée et il est situé à Kerch à côté du détroit éponyme qui relie la Mer d’Azov à la Mer Noire. Passé sous propriété de deux sociétés russes (Vesta et Enkor) de manière assez peu orthodoxe, le chantier naval dispose d’une cale sèche (pouvant être divisée selon les besoins) de très grande taille présentant les dimensions suivantes:

  • Longueur: 360 m
  • Largeur: 60 m
  • Hauteur: 13,2 m
  • Tonnage: 70.000 T
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La cale sèche du chantier Zaliv. Image@GMaps / Montage@RS

Au vu des chiffres, cette installation serait idéale pour pouvoir y assurer l’entretien et la modernisation du Kuzya ou d’autres navires de grande taille néanmoins un problème se pose à la Russie; les porte-avions ne sont pas autorisés à croiser en Mer Noire pas plus que la Turquie n’autorise le passage du Bosphore et des Dardanelles aux porte-aéronefs (les péripéties de l’ex Varyag actuel Liaoning sont encore dans toutes les mémoires).

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Vue de la cale principale du chantier naval Zaliv. Photo@?

A moins que la Russie ne réussisse à négocier avec le gouvernement turc (ce qui n’est pas tout à fait à exclure vu la relative bonne entente actuelle entre les deux pays); il est peu probable de voir les travaux du Kuznetsov se poursuivre là-bas. N’appartenant pas au holding OSK, excentré (et nécessitant un long trajet avec des interdits légaux d’application) tout en ayant aucune expérience (ce qui rallongerait d’autant la durée des travaux) de ce type de travaux; le chantier naval Zaliv n’est pas non plus une solution optimale; bien qu’elle ne soit pas à rejeter d’office pour autant.

Zvezda

Implanté à Bolshoy Kamen (Kraï du Primorié; Extrême-Orient Russe) et faisant partie de la holding OSK; le chantier naval Zvezda a d’abord été chargé de la réparation et de la production de sous-marins à propulsion nucléaire durant la période soviétique avant de ne devoir sa survie durant les années 1990 que grâce à sa capacité à démanteler les mêmes sous-marins qu’il avait produit et entretenu auparavant. A l’aube des années 2000, le chantier va se diversifier en assurant la production de navires civils et en recommençant à prendre en charge les entretiens des sous-marins nucléaires affectés à la Flotte du Pacifique.

Un vaste projet de modernisation du chantier naval a été lancé en 2010 et doit s’achever en 2024; il s’agit ni plus ni moins que de reconstruire intégralement l’ensemble des installations à disposition en accroissant les capacités de production et de réparation sur place. Divisé en deux phases, la première phase du projet qui est en voie d’achèvement porte notamment sur la construction d’une nouvelle cale de production de 485 m de long et 230 m de large disposant de grues Goliath pouvant soulever jusqu’à 1.200 tonnes ainsi que d’un nouveau hall de production.

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Le projet de la future cale sèche du chantier naval Zvezda. Photo@DCSS.ru

La deuxième phase qui a débuté en 2016 et devrait s’achever en 2024 comprend notamment par la construction d’une nouvelle cale sèche aux dimensions suivantes:

  • Longueur: 485 m
  • Largeur: 114 m
  • Profondeur: 14 m

Cette cale sera également dotée d’une grue Goliath disposant d’une capacité de levage maximale de 1.200 tonnes. En outre, l’ensemble des bâtiments disponibles et halls de production sont rénovés et rééquipés au fur et à mesure de l’avancement des travaux. Les travaux actuellement en sont au stade des travaux de terrassements liés à la cale sèche et son achèvement est envisagé à l’horizon 2024.

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Cette vue aérienne du chantier naval Zvezda permet de voir en bordeaux la nouvelle zone de construction achevée et en service et en vert l’emplacement de la future nouvelle cale sèche. Image@GMaps / Montage@RS

Une fois ces travaux achevés, la Russie disposera sur la façade Pacifique (avec un accès direct à la Mer du Japon) d’installations modernes aptes à prendre en charge des navires civils et militaires de gros tonnage et ce que ce soit au niveau de la construction ainsi que de l’entretien. La priorité du chantier naval est de se positionner sur le marché de la construction civile en obtenant des contrats à l’exportation générateurs de devises mais il est parfaitement évident que la Marine Russe exploitera les capacités à disposition pour ses propres besoins.

PD-50 (82 SRZ)

C’est dans le milieu des années 1970 que la Marine Soviétique passa commande du dock flottant de grande taille PD-50 au chantier naval Gotaverken d’Arendal (Göteborg) en Suède; il fut livré en URSS en 1980 et affecté directement à la Flotte du Nord et ce notamment pour pouvoir assurer l’entretien des porte-aéronefs en cours de construction et qui devaient équiper – à terme – ladite flotte.

Suite aux aléas de l’histoire, le dock flottant PD-50 appartient actuellement au centre de réparation 82 SRZ (судоремонтный завод) basé à Roslyakovo (région de Murmansk); bien que travaillant principalement sur des navires militaires, le centre 82 SRZ ne relève pas de la holding OSK mais bien de Rosneft (la holding étatique qui gère la production de pétrole en Russie).

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Illustration qui permet de se faire une meilleure idée de l’architecture et des dimensions du dock PD-50. Image@?

Le dock PD-50 présente les dimensions suivantes:

  • Longueur totale: 330 m
  • Longueur exploitable: 300 m
  • Largeur totale: 88 m
  • Largeur exploitable: 79 m
  • Hauteur: 6,12 m
  • Tonnage maximal: 80.000 T

Au vu de ces chiffres, il est clair qu’il s’agit de l’infrastructure idéale pour effectuer les carénages du Kuznetsov ou, lorsqu’il n’est pas employé pour des navires de gros gabarit, pour le traitement simultané de plusieurs navires de plus petite taille. Cependant, il semble que le dock PD-50 n’ait pas bénéficié de l’entretien et du suivi nécessaire à son maintien en condition technique pour assurer les travaux de modernisation du Kuznetsov.

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Le Kuzya lors d’un carénage antérieur au sein du dock PD-50. Photo@?

Problèmes au niveau des pompes, des générateurs, problèmes structurels réparés à la va-vite: bref, il semble que Rosneft a investi le minimum nécessaire dans le dock ne permettant pas de réagir efficacement à ce qui semble-t-il n’est à la base qu’un problème anodin d’alimentation électrique. Vrai ou pas, et même si on peut se faire une idée sur base de l’aspect général de l’infrastructure avant sa perte, le dock si il venait à être renfloué a déjà dépassé les trente-sept années de service et son remplacement devient des plus urgent. On peut donc légitimement s’attendre à une non-remise en état de ce dernier vu le peu de vie résiduelle restant à cette plate-forme.

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Ce SNLE de la classe 667BDRM semble tout petit dans le dock PD-50. Photo@?

Il restera donc à voir quelle solution ce chantier naval déploiera pour remplacer le PD-50; faire usage du nouveau chantier en construction (Kola Shipyards) et situé de l’autre côté de la rive est actuellement l’option la plus cohérente.

En conclusion

On a pu le voir ci-dessus, les russes ne manquent pas de projets et certains sont pour le moins bien avancé, malgré tout la situation est actuellement critique: les points abordés ci-dessus donnent une idée de la situation et de certaines possibilités même si il est évident que d’autres solutions techniquement plus complexes (et donc plus chronophages) pourraient être mises en place. Si il est vrai que l’on ne sent guère d’enthousiasme en Russie sur et autour la modernisation de l’Admiral Kuznetsov et alors que les perspectives budgétaires ont de quoi laisser perplexe devant les intentions affichées de construire de nouveaux porte-avions; il semble que les responsables locaux ont fait preuve d’une naïveté flagrante ainsi que d’un solide dilettantisme. La « rupture » avec l’Ukraine suite aux événements de 2014 n’explique pas tout et même si ce pays concentrait des installations de très grand gabarit, la Russie n’en faisait aucun emploi et ce depuis plus de dix ans.

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C’est de ces cales (Nikolaev) que sortirent tous les porte-aéronefs soviétiques. Dommage pour la Russie, ces installations appartiennent à l’Ukraine maintenant. Image@GMaps / Montage@RS

Dire que le secteur de la construction navale russe se porte mal est un doux euphémisme, certes les chantiers ont tous des plans de charge bien remplis mais pour une grosse majorité d’entre-eux il s’agit de produire des design simples (et même basiques) pour la Marine Russe; ces designs n’apportant aucun renouvellement technologique et accroissement de compétences aux chantiers navals; de plus, outre l’état de la majorité des installations employées, le secteur est notoirement inefficace et pour ne rien arranger fortement corrompu. Bien que le GPV 2011-2020 consacrait une part importante de ses financements à l’amélioration de la situation de la construction navale russe; il apparaît clairement que l’investissement consenti s’est (en partie tout du moins) perdu dans les méandres des structures locales et les objectifs de modernisation fixés ne se sont pas réalisés tel qu’il était espéré à la base.

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Le dock PD-50 est exemplatif de cette situation; si l’entretien de ce dernier semble avoir été clairement négligé (quelques photos extérieures du dock permettent de se faire une première idée sur son état opérationnel) et si les rumeurs (toujours non-confirmées… mais également non-réfutées) sur son état technique déplorable et le fait qu’une partie de ses équipements étaient hors-service se confirment: ça en dirait long sur le niveau de compétence et de gestion des installations pouvant être considérées comme stratégiques pour la Russie.

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Le Kuzya à bord du dock PD-50, on ne peut pas dire que l’état d’entretien de celui-ci soit « optimal ». Photo@?

Alors qu’il semble de plus en plus improbable de récupérer un dock (dans un mauvais état qui plus est) âgé de 37 ans qui a été endommagé et dont le remplacement nécessitera du temps à mettre en place; on prend alors la pleine mesure du retard russe en la matière et l’absence d’anticipation face à cette situation (largement prévisible) avec encore de longues années à attendre pour voir le pays disposer d’installations modernes et efficaces aptes à prendre en charge les entretiens et modernisation de navires militaires de gros tonnage dans des conditions de travail modernes et efficaces. Certes, des projets sont en cours et devraient à terme permettre de modifier sensiblement la donne en ce qui concerne la capacité de construction/d’entretien pour navires de gros tonnage mais il y a une nette sensation de « Too little, Too late » dans la gestion de la situation par la Russie.

Si les promoteurs des projets russes en matière de construction de navires militaires de gros tonnage (Super-Gorshkov/Lider/Shtorm) veulent réussir à concrétiser ces nouvelles classes de bâtiments pour une flotte de haute-mer; il est parfaitement clair qu’un travail en profondeur sur les installations à disposition doit être entrepris au plus vite (tout du moins au niveau de la planification et des décisions) sous peine de voir les projets envisagés ne jamais voir le jour. Il semble quand même assez évident que l’on n’achète pas un véhicule de gros gabarit lorsqu’on ne dispose pas du garage pour en assurer l’entretien; pourtant c’est ce que la Marine Russe croît pouvoir faire depuis longtemps…

Un aspect qui est en général soigneusement évité sur ce blog concerne l’aspect politique; proche allié du Président Poutine et parfois considéré comme le « deuxième personnage le plus puissant en Russie après le Président » Igor Sechin (Игорь Иванович Сечин) est à l’instar de ce dernier issu de Saint-Pétersbourg et proche des systèmes de sûreté de l’état. En outre, il est le président de Rosneft et fut également président du comité de direction d’OSK, il ne fait guère de doutes et une interview récente du CEO d’OSK, Alexeï Rakhmanov laisse sous-entendre que c’est la direction suivie: les installations navales dans et autour de Saint-Pétersbourg seront favorisées au sein de la construction navale. Ceci sent le jeu du soutien politique à plein nez avec un positionnement ferme en faveur des chantiers navals locaux (grâce au soutien apporté par Igor Sechin) face aux ambitions de Rosneft (Kola Shipyards) et Zvezda à Bolshoy Kamen. Certes, la Politique n’est jamais loin lorsqu’on parle de secteurs stratégiques tels que la construction navale mais il est à espérer qu’une once de bon sens prévaudra lors de la planification des travaux à engager pour la modernisation/construction des installations nécessaires. Rien n’est moins sûr.

Et le Kuznetsov dans tout ça? Au final, si les travaux à l’intérieur du bâtiment peuvent se poursuivre sur le navire à quai; une solution devra rapidement être dégagée pour traiter les parties immergées qui n’ont pas encore été prise en main. De là à dire que la modernisation sera certainement retardée; il n’y a qu’un pas que l’on peut aisément franchir sans trop risquer d’y laisser des plumes. Il est à espérer qu’une solution pourra rapidement être mise en place (même si nous en doutons franchement) et que ce regrettable accident permettra aux décideurs russes d’enfin (!) prendre conscience de la nécessité de disposer d’installations d’entretien correctement dimensionnées et maintenues en bon état général. C’est également sur ce qui peut paraître aussi anecdotique que « des cales sèches » que se joue l’avenir à long terme de la Marine Russe.

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