[Dossier] Le croiseur lourd porte-aéronefs Admiral Kuznetsov (Izd.1143.5)

Seul et unique porte-avions – pardon – « croiseur lourd porte-aéronefs » en service au sein de la Marine Soviétique (VMF), l’Admiral Kuznetsov (surnommé affectueusement « Kuzya » par les russes) est le dernier rescapé d’une longue série de bâtiments mis en service par la Marine Soviétique et bénéficiant à chaque nouvelle unité de modifications incrémentales tendant à obtenir un porte-avions complet apte à rivaliser avec les porte-avions nucléaires américains.

Si, pour des raisons doctrinales, légales et historiques: l’URSS et par truchement la Russie n’ont jamais eu de « véritables » porte-avions, il n’empêche que l’Admiral Kuznetsov embarque des avions, les transporte, peut les lancer tout comme il peut les récupérer: il devient difficile de nier l’évidence et de ne pas classer ce dernier dans la catégorie des porte-avions.

A l’heure où le bâtiment est immobilisé depuis le début de 2018 pour bénéficier d’une modernisation lourde amplement méritée et alors que son retour au service actif n’est pas attendu avant 2021; l’occasion est idéale pour se pencher plus en avant sur ce bâtiment tout en passant en revue les informations déjà connues sur la modernisation en cours.

Le porte-avions en URSS, un bref aperçu historique

L’histoire du porte-avions en URSS est longue et complexe car soumise aux nombreux atermoiements des responsables politiques qui pendant longtemps furent incapables de prendre une décision ferme, de s’y tenir et de mener le projet à terme. Il est vrai que ce type de bâtiments sont en général très onéreux et l’URSS n’était pas – avant l’arrivée de l’Amiral Gorshkov tout du moins – une puissance militaire navale au sens propre.

Contrairement à ce que l’on croit souvent, l’histoire des porte-avions (ou porte-aéronefs pour suivre la nomenclature soviéto-russe) en URSS remonte au milieu des années 30.

Suite à la révolution Russe, le programme de modernisation et de rééquipement de la Marine Soviétique prit beaucoup de retards et force est d’admettre que le pays n’était pas en état pas plus qu’il n’avait la capacité durant les années 20 de construire des navires de grands tonnages et répondants aux critères les plus modernes. La priorité étant la stabilisation politique du pays ainsi que l’équipement des industries aux besoins de productions modernes. Une fois le pays stabilisé au début des années 30 et Staline fermement arrimé au pouvoir; l’URSS se lança dans un programme d’équipement en industries lourdes et débuta le réarmement massif de l’Armée Rouge. Le réarmement étant bien évidemment un moyen de donner du travail aux usines et à la population.

Le plan de réarmement de la Marine Soviétique fut approuvé en 1926 (bien qu’il évolua dans le temps au niveau du contenu) et ce dernier jeta les bases des acquisitions à venir de la Marine Soviétique. Le coeur de ce programme de réarmement était basé sur 15 cuirassés de la classe Sovietsky Soyouz / Советский Союз (Izd.23), ces derniers ne furent finalement jamais réalisés notamment suite à l’incapacité technique des industries lourdes Soviétiques de fabriquer des aciers blindés répondant aux exigences du cahier des charges. L’invasion Allemande n’a bien évidemment rien fait pour arranger cette situation; les moyens énormes requis par ce genre de projets devant être employés ailleurs.

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Dessin de l’aspect qu’auraient du avoir les cuirassés de la classe Sovietsky Soyouz (Izd.23). Illustration@?

En 1938 dans le cadre du troisième plan quinquennal, Staline et ses Maréchaux voyant l’arrivée et l’utilité du porte-avions en tant que nouveau « Capital Ship » en remplacement du cuirassé introduisirent dans le plan de réarmement l’idée de construire des porte-avions. Ce premier projet répondait au nom de Izd.71; il s’agissait d’un porte-avions léger d’un déplacement de 13.000 tonnes dont la coque et la propulsion étaient basées sur celles des croiseurs légers de la classe Chapaev / Чапаев (Izd.68). Le projet sera abandonné au début de la guerre.

Le premier « vrai » porte-avions étudié fut l’Izd.72 dont les lignes générales ressemblaient fortement au projet Allemand KMS Graf Zeppelin qui fut envisagé durant la seconde guerre mondiale avant d’être abandonné à la fin de celle-ci. Le navire envisagé aurait eu un déplacement de 30.000 tonnes et une dotation d’une soixantaine d’appareils.

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Le KMS Graf Zeppelin lors de son lancement. Le navire ne fut jamais achevé. Photo@Wikipedia.com

A la fin de la guerre, deux projets apparaissent et disparaissent aussi vite: un premier projet trouvant son origine dans une idée du Lieutenant Kostromitinov reprenant les grandes lignes du KMS Graf Zeppelin mais avec des dimensions beaucoup plus conséquentes. La longueur du navire étant portée à 300 m et le déplacement passant à 50.000 tonnes. Le deuxième projet envisagé était la transformation du croiseur inachevé Izd.69 Kronshtadt / Кронштадт en porte-avions (Izd.69AV). Cette idée fut abandonnée également et le navire fut ferraillé en 1947-1948.

La période d’après-guerre vit les moyens disponibles être affectés en priorité à la reconstruction du pays et de ses infrastructures tandis que les moyens alloués aux militaires furent affectés en priorité à d’autres projets. C’est pourquoi les projets de porte-avions disparurent des plans d’équipements durant plusieurs années.

Mais pas uniquement, il faut savoir que les grandes décisions d’équipement en URSS ont souvent été liées aux décideurs et à leurs conceptions. Citons notamment le cas de Krouchtchev qui pensait que les missiles balistiques étaient la solution idéale pour la dissuasion et les frappes nucléaires; mettant ainsi un terme et/ou retardant les investissements dans la flotte de bombardiers stratégiques et autres projets liés.

Il en alla de même au sein de la Marine Soviétique. C’est l’Amiral Nikolaï Gerasimovich Kuznetsov (Николай Герасимович Кузнецов) qui fut un des premiers principaux avocats du porte-avions au sein de la Marine Soviétique. Cependant, l’espérance de vie et de carrière à l’époque Stalinienne étant toujours très aléatoire: sa carrière fut une succession de hauts et de bas. Fervent défenseur des porte-avions Kuznetsov mit en place une commission en janvier 1945 chargée d’examiner les potentialités et la pertinence de l’équipement en porte-avions pour la Marine Russe. La commission rédigea un rapport dénommé; « Considérations sur la sélection de porte-avions pour la Marine Soviétique« , ce rapport présentait pas moins de 33 projets de design de porte-avions de 4 classes différentes! Le but étant de disposer à terme de navires pouvant couvrir les besoins des différentes flottes de la Marine Soviétique.

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L’Amiral Nikolaï Kuznetsov

Entre 1946 et 1947 il fut nommé commandant en chef des forces navales; et avec lui les projets de porte-avions furent mis sur la table. En 1947, il fut relevé de son commandement et les projets en question ainsi que les conclusions de l’étude sus-mentionnée disparurent promptement. Les vicissitudes de la vie dans l’URSS stalinienne…

En 1951, Kuznetsov fut réhabilité et remis à la tête de la Marine Soviétique. Dans son sillage il apporta avec lui un nouveau projet de porte-avions. Ce projet concernait une classe de 5 navires (Izd.85) de gabarit moyen dont le design débuta en 1954 et qui aurait du déplacer 30.000 tonnes, disposer de deux catapultes et 40 appareils. L’entrée en service était prévue pour la période 1960-1965.

En 1955, il fut de nouveau démis de ses fonctions (notamment pour des raisons de conflits personnels entre lui et le Maréchal Joukov) et avec lui disparut le principal soutien au projet de porte-avions… Signalons également que le décès de Staline en 1953 et l’arrivée au pouvoir de Krouchtchev entraîna une réduction drastique des budgets alloués à la Marine Soviétique (à partir de 1959) ces derniers étant réorientés vers la marotte du nouveau SecGen: les ICBM. Bien évidemment, les projets de porte-avions générateurs de coûts importants (à la construction et à l’exploitation) passèrent naturellement à la trappe.

Le successeur au poste de commandant-en-chef de la Marine Soviétique sera l’Amiral Sergey Georgiyevich Gorshkov (Сергей Георгиевич Горшков) nommé sur le poste en 1956 il restera en place jusqu’en 1985. L’exceptionnelle longévité du personnage sur le poste (par rapport à ses prédécesseurs) fait qu’il deviendra l’architecte de la forte croissance et de la transformation fondamentale de la Marine Soviétique transformant cette dernière en Marine de premier rang. Nous y reviendrons.

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L’Amiral Sergey Gorshkov. Photo@Sputnik news

La Marine Soviétique semblant avoir – partiellement – fait son deuil des porte-avions, une première ébauche de solution sera apportée avec les deux premiers porte-hélicoptères de la classe Moskva (Izd. 1123 KondorКондор).

Le premier navire de cette classe, le Moskva / Москва sera mis en service le 25 décembre 1968 et le deuxième, le Leningrad / Ленинград rejoindra le service le 2 juin 1969. Capables d’emporter jusqu’à 14 hélicoptères il s’agissait d’une solution hybride: ces navires étant le résultat d’un compromis. Leur mission principale étant la lutte anti sous-marine pour protéger les « bastions » soviétiques où étaient abrités les SNLE, l’emport d’hélicoptères venant s’ajouter à la mission principale.

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Cette prise de vue au 3/4 arrière du Moskva permet de mieux voir l’implantation des ascenseurs à hélicoptères et du hangar supérieur. Photo@militarynavalhistory.net

Initialement prévu à raison de 3 exemplaires, cette classe sera limitée à deux navires notamment suite à la mauvaise tenue des bateaux par mer houleuse. Les deux navires furent réformés en 1991 après avoir passé le plus clair de leur vie active au sein de la Flotte de la Mer Noire.

Il faudra attendre la fin des années soixante pour voir apparaître le premier projet de porte-avions moderne en URSS. Repris sous le type Izd.1160 Orel / Орёл, il s’agissait d’un porte-avions d’un déplacement de 80.000 tonnes avec propulsion nucléaire, deux catapultes à vapeur et capable d’embarquer environ 70 appareils.

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Maquette du projet 1160 Orel. Photo@secretprojects.co.uk

La dotation en appareils aurait du être constituée de: MiG-23K (variante navalisée du MiG-23), de Su-24K (variante navalisée du Su-24) et de Beriev P-42 (un appareil AWACS embarqué). L’OKB Sukhoï ayant signifié qu’une variante navalisée du Su-24 était inenvisageable, le Su-27 alors en cours de développement aurait du prendre sa place.

Ce projet était poussé par le Ministre de la Défense d’URSS, le Maréchal Grechko (Андрей Антонович Гречко): ce dernier étant convaincu et persuadé que l’URSS avait besoin d’une capacité de projection à la mer, le porte-avions étant le meilleur moyen de disposer d’une capacité de frappes nucléaires sur l’OTAN en cas de troisième guerre mondiale. Il est bien entendu que le commandant-en-chef de la Marine Soviétique, l’Amiral Gorshkov n’allait pas le contredire…

Le projet sera révisé une première fois dans le courant des années 70 pour donner naissance à une version un peu plus « light »: l’Izd.1153 Orel / Орёл (les deux navires portaient le même nom, en effet). Le navire aurait eu un déplacement de 70.000 tonnes, et une dotation en appareils un peu réduite (50 appareils). En plus de la dotation en appareils, les navires auraient du disposer de silos permettant d’emporter des missiles anti-navires.

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Maquette du projet 1153 Orel. Photo@secretprojects.co.uk

Mais l’histoire allait encore en décider autrement… En effet, le Maréchal Grechko étant décédé en 1976, c’est le Maréchal Ustinov (Дмитрий Фёдорович Устинов) qui prit sa place en tant que Ministre de la Défense d’URSS. Ce dernier, ainsi que des membres de la Marine, doutaient de l’efficacité de si grandes plate-formes et pensaient que des plate-formes plus petites disposant d’appareils à décollage vertical (VSTOL) seraient plus utiles et pertinentes. Finalement, ces deux projets furent abandonnés en octobre 1978.

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Un Maréchal Soviétique sans une ribambelle de médailles; c’est tout simplement inconcevable. Le Maréchal Dimitry Ustinov. Photo@Pinterest

Les Soviétiques vont donc aborder le problème autrement; au lieu de se concentrer sur les porte-avions « lourds », ils vont se concentrer sur des bâtiments de plus petite taille capable d’emporter des avions VSTOL. C’est ainsi qu’au début des années 70, alors que les discussions sur le projet Orel / Орёл sont en cours, une version plus légère est développée. Ces nouveaux navires au nombre de 4, reprennent pour partie les dessins de la classe Orel / Орёл, sont mis sur cale aux Chantiers Navals de la Mer Noire (actuellement en Ukraine) et ils sont repris au sein de la classe Kiev (Izd.1143 Kreshet / Кречет).

Le premier navire de cette classe est le Kiev, qui est mis sur cale le 21 juillet 1970 pour une entrée en service le 28 décembre 1975. Il sera suivi par le Minsk (Izd.1143.2), le Novorossiysk (Izd.1143.3) et enfin le Baku (Izd.1143.4) dont les mises en service s’échelonnent entre 1978 et 1987. Ces navires ont un déplacement moyen de 42.000 tonnes et mesurent 273 m de long, leur propulsion est assurée par 8 chaudières qui alimentent 4 turbines vapeur de 200.000 Cv ces dernières entraînant 4 hélices. Ils peuvent embarquer 12 Yak-38 VSTOL et entre 14 et 17 hélicoptères Ka-25/27/29.

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Belle vue du Novorossiysk (Izd 1143.3). Photo@sas1946.com

Le pont d’envol est latéral et désaxé tandis que la plage avant des navires embarque un ensemble de lanceurs de missiles mer-air et mer-mer. Envisagés en tant que navires « transitoires » avant le développement d’une classe de navires plus conséquentes, les 4 navires de la classe Kiev ont servis de tremplin à la mise au point de navires de plus grande taille. Un cinquième navire dans cette classe était initialement prévu mais dans une configuration modifiée. La partie avant aurait été dégagée de tous missiles et employée pour les décollages également, de plus une catapulte devait être installée (pour permettre de déployer des avions d’un gabarit plus important) mais ce navire fut annulé au vu des performances globales moyennes obtenues par les navires de la classe Kiev.

Les militaires Soviétiques ont vite compris que le Yak-38 malgré ses qualités, restait – à l’instar du Hawker Siddeley Harrier – un appareil aux performances limitées et bien qu’un remplaçant plus moderne soit en cours de mise au point (le Yak-141), ce dernier ne serait jamais apte à offrir des performances comparables à celles des Su-27 et MiG-29.

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Un Yak-38 vu sur le pont d’un des navires de la classe Kiev. Photo@Wikipedia.com

C’est pourquoi les deux navires suivants, dont la construction est décidée en 1979, repartent sur la même base que les Kiev mais sont plus grands de manière à pouvoir déployer des chasseurs à décollage « classique ». Le premier navire de cette série, plus connu sous son nom contemporain d’Admiral Kuznetsov (ex Riga, ex Leonid Brejnev et ex Tbilissi), est repris sous le type Izd.1143.5. Le deuxième navire, identique au premier, est le Varyag (ex Riga); ce dernier étant repris sous le type Izd.1143.6.

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Le « Leonid Brezhnev » en construction au chantier naval Nikolaev. Photo@russianarms.ru

Les deux navires de la classe Kuznetsov sont des porte-avions STOBAR (Short Take-Off But Arrested Recovery), concrètement il s’agit de navires n’ayant pas de catapultes mais disposant d’un tremplin pour assister les avions au décollage ainsi qu’ils disposent de brins d’arrêt pour la récupération des appareils.

Le raisonnement des ingénieurs soviétiques derrière ce choix découle de trois facteurs;

  • Les appareils envisagés pour équiper ces navires disposaient d’un rapport masse/puissance élevé diminuant d’autant le côté « impérieux » du besoin d’une catapulte à bord
  • L’absence de catapulte permet de dessiner un navire globalement plus petit et plus simple: ce qui devrait réduire d’autant la facture finale
  • L’évolution incrémentale des porte-avions soviétiques fait que le passage d’un navire à pont plat qui embarque des appareils à décollage court vers un porte-avions complet à propulsion atomique et catapultes aurait créé un choc opérationnel important qui aurait mis de très longues années à se résorber

Bref, les ingénieurs soviétiques ont choisis une option intermédiaire dans l’évolution des bâtiments, ce faisant ils étaient également un peu soumis à la force des choses: la catapulte soviétique en cours de développement n’étant tout simplement pas prête.

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Une photo historique: le Tbilissi (1143.5) et le Varyag (1143.6) en cours d’achèvement vus ensemble au chantier naval Nikolaev. Photo@russianarms.ru

L’Admiral Kuznetsov a été mis sur cale le 1er avril 1982 pour une mise en service le 25 décembre 1990, lors de la chute de l’URSS il fut récupéré par la Marine Russe au sein de laquelle il est toujours en service actuellement. Son frère-jumeau, le Riga (futur Varyag), a été mis sur cale le 4 décembre 1985 pour un lancement le 25 novembre 1988. Le navire n’était pas entièrement terminé (l’achèvement était estimé à 68%) lors de la chute de l’URSS et de plus il se trouvait en Ukraine (lieu de construction du navire). Ce pays n’ayant aucune utilité d’un porte-avions, il fut donc mis en vente. La Chine se montra intéressée mais le contexte diplomatique de l’époque (ainsi que le prix très élevé demandé) ne permirent pas de conclure une vente.

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L’ex Varyag et futur Liaoning lors de son transfert vers la Chine. Photo@Reuters

Aucun autre pays n’étant intéressé, il fut mis aux enchères et vendu (ainsi que toute la documentation liée aux portes-avions en construction) en 1998 pour 20 millions d’USD à un homme d’affaires chinois qui était en fait une couverture pour la marine chinoise. Il est actuellement en service au sein de celle-ci sous le nom de Liaoning. Nous y reviendrons dans un autre article.

Finalement, le 11 juin 1986 l’Etat Soviétique commanda un autre porte-avions. Ce dernier représentait le « stade ultime » du développement des porte-avions soviétiques. D’un déplacement à pleine charge de 75.000 tonnes, d’une longueur de 321 m, pouvant embarquer 68 appareils, doté de deux catapultes à vapeur et disposant d’une propulsion nucléaire; le nouveau navire portait le nom d’Ulyanovsk (Izd 1143.7).

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L’Ulyanovsk en cours de construction. Photo@forums.airbase.ru

Mis sur cales le 25 novembre 1988 au chantier naval 444 (Nikolaïev), le lancement du navire était prévu pour 1995. En 1991, l’URSS cédait la place à la Russie avec toutes les conséquences que ceci allait impliquer dont notamment le ferraillage de l’Ulyanovsk dans sa cale de construction alors que ce dernier était achevé à environ 40%. L’Admiral Kuznetsov poursuivra donc sa carrière à partir de ce moment au sein de la nouvelle Marine Russe.

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L’Admiral Kuznetsov, présentation technique

L’Amiral de la flotte de l’Union soviétique Kouznetsov¹ mais identifié plus simplement sous le nom Admiral Kuznetsov (Izd 1143.5) est un TAVKR² c’est-à-dire un croiseur lourd porte-aéronefs; ce porte-avions qui n’en porte donc pas le nom présente une configuration dite STOBAR (Short Take-Off But Arrested Recovery) soit un porte-avions qui ne dispose pas de catapultes mais emploie un tremplin pour assister les appareils au décollage.

L’Admiral Kuznetsov présente une configuration « classique » avec un îlot unique implanté à tribord dans lequel sont concentrés la passerelle ainsi que les salles opérationnelles et c’est sur cet îlot que sont implantés les principaux radars embarqués.

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L’Admiral Kuznetsov ne dispose pas de catapultes mais il a une rampe de lancement également dénommée « saut à ski ». Le navire dispose d’un pont d’envol d’une superficie de 14.700 m² comprenant deux pistes:

  • une piste oblique plate d’une longueur de 205 m et d’une largeur de 26 m dédiée aux atterrissages
  • une piste axiale d’une longueur disponible maximale de 195 m qui se termine par un tremplin de 60 m incliné à 14° dédiée aux décollages
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Cette photo permet de mieux voir les deux points fixes « courts » de décollage sur le Kuzya, on remarquera que les boucliers thermiques ne sont pas levés. Photo@?

Il existe trois points de décollage sur le navire;

  • Deux points situés près du tremplin et d’une longueur utile de 105 m
  • Un point situé sur la piste d’atterrissage et d’une longueur utile de 195 m

En sachant que chacun de ces points est équipés de butées de calage rétractables pour point fixe ainsi que d’un bouclier thermique de protection pour protéger le pont et le personnel lorsque les avions sont au point fixe avant envol.

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Le montage ci-dessus permet de mieux illustrer les trois points de décollage: en rouge, les deux points courts avec en encadré les points fixes avec bouclier de protection et en bleu le point long avec en encadré le point fixe avec le bouclier de protection. Illustration@Apalkov / Montage@RS

La récupération des appareils se fait via le système Svetlana-2; c-à-d par un ensemble de quatre brins d’arrêt espacés de 14 m chacun qui sont complétés par le système Nadejda; c-à-d: une barrière de sécurité implantée juste après le quatrième brin.

Dimensions générales

Au niveau des dimensions générales, l’Admiral Kuznetsov est de navire de gabarit « moyen » comparativement aux porte-avions américains; ce dernier n’étant au final qu’une évolution incrémentale des projets 1143.1/.2/.3/.4 Kreshet.

  • Déplacement standard: 46.540 tonnes
  • Déplacement normal: 53.050 tonnes
  • Déplacement en pleine charge: 59.100 tonnes
  • Longueur: 306,45 m / 270 m (à la ligne de flottaison)
  • Largeur: 71,96 m (au point le plus large) / 33,41 m (à la ligne de flottaison)
  • Hauteur: 64,49 m
  • Tirant d’eau: 8,05 m / 8,97 m / 9,76 m (Déplacement normal => maximal)

L’équipage embarqué est de 1.960 personnes, avec une répartition d’environ 1.300 personnes pour la gestion du navire et environ 650 personnes pour la gestion et la mise en oeuvre de la flotte aérienne.

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Difficile de rater le numéro de coque 063 de l’Admiral Kuznetsov. Photo@DoD

Propulsion

La propulsion de ce navire est du type conventionnelle et réside sur un système composé de:

  • Huit chaudières KVG-4
  • Quatre turbines vapeur TV-12-4
  • Quatre lignes d’arbre
  • Quatre hélices

L’ensemble du système développe pas moins de 200.000 Cv qui sont transmis à quatre lignes d’arbres qui disposent chacun d’une hélice à pas fixe qui assurent donc la mise en mouvement du navire.

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Tout le monde a encore en tête cette image de l’Admiral Kuznetsov et de ses désormais « célèbres » gaz d’échappement. Photo@?

Les chaudières du type KVG-4 sont alimentées en fioul lourd (combustible à haut taux de viscosité) et ceci pour deux raisons: une raison de coût (ce produit est moins onéreux qu’un carburant plus raffiné) et une raison technique, en employant ce type de carburant, la quantité de vapeur produite est plus importante donc vu la présence de turbines vapeur, la recherche d’une production accrue de vapeur est le but poursuivi.

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Néanmoins, l’emploi de fioul lourd a comme net désavantage de produire une quantité de gaz d’échappements beaucoup plus importante (les nombreuses photos du dernier déploiement en date attestent de la chose) de plus, le fioul lourd a tendance a avoir une teneur en souffre plus élevée ce qui augmente son pouvoir corrosif sur les chaudières.

La vapeur produite par les huit chaudières KVG-4 est ensuite envoyée sous haute pression dans les quatre turbines vapeur TV-12-4 qui sont couplées aux lignes d’arbres entraînant les hélices assurant la propulsion du navire.

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Schéma illustrant la chaîne cinématique de l’Admiral Kuznetsov; les « K » faisant référence aux chaudières KVG-4 et les « GTEA » faisant référence aux turbines vapeurs TV-12-4. Illustration@?

La chaîne cinématique de l’Admiral Kuznetsov lui permet de parcourir:

  • 3850 noeuds marins à une vitesse de 29 noeuds
  • 7680 noeuds marins à une vitesse de 18 noeuds
  • 8417 noeuds marins à une vitesse de 15 noeuds

La vitesse de 18 noeuds étant la marche « économique » du navire tandis que la vitesse de 29 noeuds est la vitesse maximale que ce dernier peut atteindre.

Groupe embarqué

Le groupe aéronaval embarqué est stocké dans un vaste hangar d’une superficie de 3.980 m² situé sous le pont au centre du navire et dont les dimensions sont les suivantes:

  • Longueur: 153 m
  • Largeur: 26 m
  • Hauteur: 7,2 m

Deux ascenseurs hydrauliques de 20 m de long sur 15 m de large et d’une capacité de 40 tonnes sont implantés de part et d’autres de l’îlot à tribord et permettent aux appareils de rejoindre le hangar depuis le pont.

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En bleu on peut voir l’emplacement du hangar et en rouge la position des deux ascenseurs. Illustration@Apalkov / Montage@RS

L’Admiral Kuznetsov embarque un groupe aérien fluctuant au niveau du nombre mais constitué sur base de:

  • 10 Su-33 pour la couverture aérienne
  • 2 Su-25UTG pour l’entraînement des pilotes
  • 4 MiG-29K(UB)R pour la couverture aérienne et l’attaque au sol/mer
  • 4 Ka-27PS/PL pour les missions de lutte ASW et de secours en mer
  • 2 Ka-29 pour les missions d’assaut
  • 2 Ka-31R pour les missions AWACS
  • (?) Ka-52K pour les missions d’attaque
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Un des prototypes de Ka-52K en tests sur le Kuzya. Photo@?

La dotation moyenne durant les déploiements tournant autour de 21-23 appareils embarqués; ceci évoluant en fonction du ratio entre « voilures fixes » et « voilures tournantes ». Les sources datant de l’époque soviétique parlent d’une capacité d’emport maximale de 26 Su-33 ou de 34 MiG-29K; ces chiffres semblent fort ambitieux par rapport à la taille du hangar et il ne semble pas que des scénarios aussi « vastes » aient été testés à bord du navire.

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Schéma de rangement mise en place le 31/08/1998 avec la présence de pas moins de vingt Su-33 dans le hangar. Soit la quasi-totalité de la flotte disponible! Image@?

Un groupe aérien composé de 21 à 23 appareils embarqués semble relativement cohérent et est en adéquation avec les observations réalisées durant les différents déploiements du bâtiment. Evidemment, ces nombres ne sont pas une règle absolue, en ce sens que le groupe embarqué va évoluer selon les besoins du déploiement et des missions à couvrir par le groupe, enfin, la disparition à terme du Su-33 (et par truchement du Su-25UTG) fait que les appareils embarqués à voilure fixe seront standardisés sur les MiG-29K(UB)R.

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Deux générations se croisent sur le pont du Kuzya; Su-33 et MiG-29KUBR. Photo@ruaviation.com

Les appareils formant le groupe aéronaval de l’Admiral Kuznetsov sont répartis au sein des escadrons suivants:

  • 279 OKIAP de Severomorsk-3 avec deux escadrilles de Su-33 et de Su-25UTG en complément
  • 100 OKIAP de Severomorsk-3 avec deux escadrilles de MiG-29K(UB)R
  • 7050 AB de Severomorsk-1 avec deux (?) escadrilles reprenant les Ka-27PS/PL, Ka-29, Ka-31R et Ka-52K

Pour l’anecdote et sans rentrer dans les détails; le Su-33 bien qu’étant un appareil de plus gros gabarit que le MiG-29K(UB)R, il dispose d’une envergure avec les ailes repliées moins importante que celle de l’appareil MiG (7,8m vs 7,4 m).

Armements embarqués et systèmes de défense

On dénombre deux types d’armements embarqués à bord de l’Admiral Kuznetsov; les armements offensifs et les armements défensifs, l’ensemble de ces armements étant gérés et mis en oeuvre par la système de combat tactique Lesouroub-434.

  1. L’armement offensif

Chose étonnante pour un navire de cette taille: l’Admiral Kuznetsov est doté de missiles anti-navires P700 (code GRAU: 3M45) Granit à raison de douze rampes de lancement SM-233 implantés sous le pont dans le « tremplin ». La présence de cet armement à bord ressort de la doctrine soviétique qui considère que les navires du type « porte-avions » en URSS sont des bâtiments à usage défensif qui doivent assurer la couverture des SNLE et SSGN soviétiques lors de leurs approches des cibles à engager; l’Admiral Kuznetsov doit donc être apte à engager les cibles ennemies devant lutter contre les sous-marins en question en déployant un armement anti-navires. Ceci explique notamment le classement du navire dans la catégorie de « croiseur lourd » plus en phase avec la mission prioritaire que celle de porte-avions.

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Missile P-700 Granit. Photo@?

A titre de précision, signalons quand même que l’URSS a toujours farouchement défendu l’idée que la mise en place d’une flotte de porte-avions répondait à un besoin défensif et non à un besoin offensif: c’est également une des raisons plus politique/communicationnelle que doctrinale du refus de l’idée d’envisager le porte-avions comme une arme offensive (à l’instar des USA) mais bien comme une arme défensive. Libre à chacun de se faire son idée sur la question.

Pour l’anecdote, signalons que les missiles Granit embarqués à bord de l’Admiral Kuznetsov semblent n’avoir été employés que lors de très rares essais (ceci reste d’ailleurs à confirmer) et on peut aisément comprendre la chose: vu la température à la sortie de la tuyère de ce dernier, les conséquences d’un tir de missiles doivent être des plus dévastateurs pour le revêtement du pont d’envol…

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Les douze tubes SM-233 sont clairement visibles sur cette photo. Photo@russianarms.ru

Au niveau des équipements défensifs, l’Admiral Kuznetsov dispose d’un ensemble d’équipements lui permettant d’assurer sa défense anti-aérienne et anti-sous-marine à courte et moyenne distance. Toujours dans la doctrine soviétique, ce sont les appareils embarqués (en l’occurrence les Su-33) qui assurent la couverture aérienne à longue distance.

2. L’armement défensif

Premier armement défensif embarqué; le système anti-aérien en silo 3K95 Kinzhal qui est une version navalisée du 9K330 Tor. Avec pas moins de vingt-quatre lanceurs rotatifs contenant chacun huit missiles pouvant être tirés en salve ou à l’unité, le navire emporte pas moins de cent nonante-deux missiles aptes à intercepter des cibles sur des plages d’engagement allant de 1,5 à 12 Km et à des altitudes allant de 10 à 6.000 m. Le système est capable de traiter quatre cibles simultanément et d’assurer le guidage de huit missiles; ces derniers ont une masse de 165 kg et une charge offensive de 15 kg.

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Silos du système 3K95 Kinzhal (illustrés ici sur un Izd.1155 Udaloy). Photo@Wikipedia.com

Le fonctionnement du système est automatisé mais les opérateurs peuvent reprendre la gestion du système en mode manuel pour assurer le suivi et le choix des cibles permettant ainsi de prioriser les cibles différemment par rapport aux automatismes.

Deuxième armement défensif embarqué; le 3M87 Kashtan/Kortik de protection rapprochée qui est un système hybride comportant sur un même support deux canons AO-18K à 6 tubes de 30 mm (même canons que ceux employés par l’AK-630) complétés par deux rampes quadruples de lancement pour missiles 9M311. Le système est conçu pour assurer l’interception à très courte distance des cibles aériennes approchant à basse altitude ainsi que des cibles maritimes de petite taille. L’Admiral Kuznetsov dispose de huit lanceurs 3M87 alimentés à raison de 256 missiles.

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Tourelle du système 3M87 Kortik/Kashtan. Photo@Pinterest

Le système Kortik est capable d’engager des cibles sur des distances allant de 1.500 à 8.000 m (missiles) ou de 500 à 4.000 m (canon) tandis que les altitudes d’engagement vont de 5 à 3.500 m.

Troisième armement défensif embarqué; le système de protection rapprochée AK-630M présent à raison de six unités qui viennent compléter le 3M87 Kortik. Le système AK-630M est composé d’une tourelle qui pèse 9,11 tonnes et qui dispose d’un canon AO-18K à 6 tubes de 30 mm offrant une cadence de tir de 5.000 obus/minute et approvisionné à raison de 2.000 obus. La portée effective du système est estimée à 4 Km et le canon peut s’élever de -12° à +88°. Le système dispose de son propre radar et système de tir ce qui lui permet de fonctionner de manière entièrement automatisée.

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Tourelle du système AK-630M. Photo@Wikipedia.com

Quatrième armement défensif embarqué et spécialisé pour les missions anti-sous-marines: le système RBU-12000 (Udav-1) est implanté à raison de deux lanceurs KT-153 de dix tubes dotés de 60 munitions. Aptes à engager les bâtiments sous-marins mais également les torpilles ainsi que les plongeurs, l’Udav-1 dispose de plusieurs types de roquettes (111SG/SZ/SO) de 300 mm aptes à traiter des cibles à une distance maximale de 3 Km.

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Un schéma vaut mieux qu’un long discours. Illustration@Apalkov / Montage@RS

3. Les contre-mesures

La protection du navire est également assurée par des systèmes de contre-mesures dont notamment deux lance-leurres du type PK-2M qui est un lance-leurres à deux tubes basé sur un lanceur ZIF 121-02 et approvisionné à raison de 200 leurres ainsi que par 12 lance-leurres à courte portée du type PK-10 constitués de dix tubes l’ensemble étant contrôlé par le système de mise à feu Terciya.

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Deux lanceurs de leurres PK-10. Photo@Rosoboronexport

En outre, le navire dispose d’un système de guerre électronique dénommé Kantata-11435 qui consiste dans les capteurs suivants:

  • 2 « Bell Push« 
  • 8 « Foot Ball« 
  • 2 « Wine Flask« 
  • 2 « Flat Track« 

Ces noms de code cachant un ensemble de capteurs chargés d’assurer des missions de brouillage; le tout formant l’ensemble plus connu sous le nom de Sozvezdie-BR / Созвездие-БР

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L’ensemble des capteurs formant le système Sozvezdie-BR se trouvent dans l’encadré orange. Photo@TASS

Capteurs et radars

Vu les différents systèmes défensifs et offensifs présents à bord du navire; ce dernier déploie une batterie importante de capteurs et radars permettant d’employer les différents systèmes d’armes, d’assurer le guidage des avions ainsi que les déplacements du bâtiments.

Le radar MARS-PASSAT (Code OTAN: « Sky Watch« ) est constitué de quatre antennes plates réparties tout autour de l’îlot: il s’agit d’un radar du type PESA (Passive Electronic Scanned Array) de veille aérienne tridimensionnelle qui semble-t-il fut excessivement difficile à mettre au point (pour des questions de software) et dont il semble qu’une partie des composants n’ont jamais été installés; ces derniers étant remplacés par des lests en béton. Pour le peu qu’on en sait à son sujet, le système développé par NPO Kvant de Kiev, dispose d’une capacité de détection minimale de 0,2 Km, d’une capacité de détection maximale de 320 Km (variant en fonction de la taille et de l’altitude de vol) et il inclut également une capacité d’identification IFF (Identification Friend or Foe).

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Le MR-750 Fregat-MA (code OTAN: « Top Plate« ) est un radar tridimensionnel de recherche aérienne disposant d’une large antenne plate implantée au sommet de l’îlot. Assurant une couverture à 360°, ce radar qui fonctionne en bande E est conçu pour assurer le suivi des cibles aériennes ou maritimes à une distance d’engagement maximale de 250 Km (selon la taille de la cible évidemment); il dispose également d’une fonction IFF. Le système est entièrement automatisé et est conçu pour pouvoir fonctionner dans un environnement connaissant un brouillage intense.

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Difficile de rater l’emplacement du radar MR-750 Fregat-MA sur l’Admiral Kuznetsov. Photo@?

Les deux radars bidimensionnels MR-320 Topaz-M (nom de code OTAN: « Strut Pair« ) implantées de part et d’autre de l’îlot sont employés pour la recherche et le suivi des cibles aériennes et de surface. Ils disposent d’une capacité d’engagement minimale de 0,6 km et d’une distance maximale de 278 Km (variant selon la taille de la cible), l’altitude maximale étant de 18.300 m.

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Emplacement des deux radars MR-320M. Photo@TASS

La navigation du navire est assurée par trois radars Vaygach 1143 (variante du MR-212 Vaygach) (nom de code OTAN: « Palm Frond« ); ces derniers sont des radars travaillant en bande I d’une puissance de 9,4 GHz, d’une portée maximale de 46,3 Km et d’une portée minimale de 0,4 Km.

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Radar de navigation MR-212 Vaygach. Photo@forums.airbase.ru

Pour assurer le guidage des appareils en approche le navire dispose du système Rezistor K-4 qui consiste en une grande antenne circulaire installée en haut de l’îlot et sur lequel je ne peux malheureusement pas communiquer plus d’informations. Les seules informations disponibles indiquent que le système joue le rôle de contrôleur aérien pour l’approche des appareils en fournissant les données d’approche et assurant le guidage des appareils qui appontent.

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Probablement le radar le plus visible de l’Admiral Kuznetsov: le Rezistor K-4 et son antenne circulaire. Photo@?

La mise en oeuvre des armements embarqués nécessite fort logiquement de disposer des conduites de tir et donc des radars liés pour être capables de les déployer efficacement.

Ce sont les quatre radars de conduite de tir 3R95 MR-360 Podkat (nom de code OTAN: « Cross Sword« ) qui assurent le suivi et l’acquisition des cibles pour le système 3K95 Kinzhal. Ce radar est assez complexe dans son fonctionnement car composé d’une antenne principale fonctionnant en bande G et assurant l’acquisition des cibles jusqu’à 45 Km à laquelle s’ajoute une petite antenne supplémentaire fonctionnant en bande H assurant le suivi des cibles jusqu’à 15 Km.  Le système est capable d’assurer le suivi de quatre cibles et dispose d’un temps de réaction variant de 8 à 24 secondes. Les radars MR-360 Podkat sont implantés à chaque coin de l’îlot de l’Admiral Kuznetsov.

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Radar 3R95 / MR-360 employé par le système 3K95 Kinzhal. Photo@Wikipedia

Pour la mise en oeuvre des missiles P-700 Granit, il est nécessaire de disposer de deux radars de conduite de tir Korall-BN (code OTAN: » Punch Bowl« ) couplé au système MRSTS Uspekh et qui sont facilement reconnaissable à leur implantation sous dôme.

La mise en oeuvre et la détection des cibles pour les systèmes de protection rapprochée 3M87 Kortik et AK-630M (outre les radars intégrés au sein des tourelles) est du ressort de quatre radars de conduite de tir 3R86 (nom de code OTAN: « Hot Flash« ) qui disposent d’une distance de détection maximale de 22 Km et d’une distance minimale de 0.2 Km. En outre, les tourelles AK-630M disposent de leur radar de conduite de tir dédié le MR-123 Vympel qui est chargé d’assurer la détection, le suivi et la désignation des cibles pour le système; ces derniers étant implantés à proximité immédiate des tourelles.

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Radar de conduite de tir MR-123 du système AK-630M. Photo@Wikipedia
  • D’autres systèmes sont également présents sur le navire, citons notamment:
  • Le sonar MGK-355TA Polinom qui est implanté dans le bulbe d’étrave et dispose également d’une antenne tractée
  • Un système de transmission d’informations Bourane-2
  • Deux récepteurs satellites Kristall-LK (Code OTAN: »Low Ball« )
  • Des détecteurs d’alerte laser Spektr-F répartis sur les flancs du navire couvrant une surface de 360° autour de ce dernier

Elément important pour assurer la mission principale du navire: le système Luna-3 qui est composé d’un ensemble de miroirs colorées assurant le guidage des avions dans la phase finale d’appontage. Ce système donne des indications aux pilotes sur leur approche et ce d’un point de vue horizontal ainsi que vertical.

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Le système de miroirs colorés du Luna-3. Photo@Krasnaya Zvezda

Bien évidemment l’ensemble des capteurs cités ci-dessus est amené à évoluer dans le cadre de la modernisation en cours du bâtiment. Il faudra attendre la fin des travaux pour voir l’étendue des changements réalisés sur les systèmes embarqués.

La modernisation de l’Admiral Kuznetsov

Admis au service au sein de la Flotte du Nord en date du 25 décembre 1990 soit peu avant la disparition de l’URSS l’Admiral Kuznetsov ne fut que peu employé entre 1990 et 2000. Une fois que la situation budgétaire de l’armée russe s’améliora, le navire fut déployé à plusieurs reprises lors d’importants exercices navals. Une première campagne de rénovation avait été planifiée pour 2015 mais cette dernière se limita à une révision générale du navire; les travaux qui viennent de débuter sont beaucoup plus conséquents, même si les ambitions initiales semblent avoir été revues à la baisse vu la diminution des moyens alloués à la Marine Russe.

La modernisation du navire, abordée à plusieurs reprises sur le blog, a enfin été signée en date du 23 avril. Les travaux, prévus pour durer deux ans, seront réalisés par 35 SRZ de Murmansk qui effectuera le gros des travaux à quai et le traitement des parties sous-marines se fera dans le dock flottant PD-50 de Roslyakovo. Cette immobilisation de trois ans aura un certain impact sur les capacités de l’aviation embarquée russe; les appareils et leurs pilotes sont basés durant cette période à Severomorsk-3, les entraînements aux appontages/décollages sur tremplin se déroulant à Saki et Yeysk.

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L’Admiral Kuznetsov lors d’un carénage précédent au dock PD-50 de Roslyakovo. Photo@navsource.narod.ru

Une fois la rénovation de l’Admiral Kuznetsov achevée, la dotation aérienne se limitera normalement aux MiG-29KR/KUBR; les Su-33 étant cantonnés à terre sur la base de Severomorsk-3 d’où ils serviront à la couverture aérienne aux côtés des Su-30SM. En outre, les Ka-52K devraient rejoindre également la dotation du navire; ceci reste encore à démontrer vu qu’il n’y a toujours aucune commande actée par la Marine Russe pour ce modèle.

Selon le journal Kommersant, ce sont entre 55 et 62 milliards de Roubles (soit entre 730 et 824 millions d’Euros) qui sont prévus pour la modernisation du navire; la sortie du navire de modernisation est prévue pour 2020 avec un retour au service en 2021, cependant il est de notoriété publique que les chantiers navals russes tiennent rarement le timing pré-établi; c’est pourquoi vu l’étendue des travaux et l’état général du navire, ces délais semblent tendus et seront certainement difficiles à tenir. Néanmoins, plusieurs sources concernées par les travaux font grand cas des délais et de leur aspect contraignant; il ne serait donc pas improbable que pour une fois les chantiers navals russes tiennent les délais prescrits.

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Le bâtiment est stocké en attente du début des travaux de modernisation. Photo@russiadefence.net

Selon les estimations les plus fréquemment lues, la carrière de ce porte-aéronefs devrait donc se prolonger jusqu’à l’aube des années 2040 sauf si la construction d’un remplaçant devait être accélérée; ce qui n’est pas envisagé avant 2027 au bas mot.

Les travaux vont porter sur trois points principaux:

  • Le remplacement de la propulsion (d’une partie de celle-ci)
  • Le remplacement de certains systèmes défensifs
  • La remise en état du navire

On se retrouve donc face à une « rénovation/modernisation » l’ensemble des travaux à réaliser visant à la fois à rendre son plein potentiel technique au navire tout en le dotant de capacités supplémentaires via le remplacement de systèmes anciens et/ou obsolètes.

Le remplacement de la propulsion

Il n’est guère un secret que la grande faiblesse depuis très longtemps du bâtiment réside dans sa chaîne cinématique défectueuse; les émissions de gaz d’échappement ne sont que la face visible de l’iceberg. Evidemment, l’emploi de fioul lourd n’arrange rien à cette situation mais plusieurs sources ont mis régulièrement en avant un « problème au niveau du turbo » des chaudières KVG-4. Si aucun détail technique précis ne peut être obtenu sur ces problèmes, il est par contre confirmé qu’une partie des chaudières KVG-4 ont été enlevés du navire et remplacées par des exemplaires neufs.

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Chaudière KVG-4 après sa sortie du navire. Sans commentaires. Photo@花落成蚀

Ces travaux relativement lourds ont nécessité le montage de grues sur le pont du bâtiment ainsi que le découpage préalable d’un puits d’accès à travers la structure interne du navire. Sur base de photos, on sait déjà qu’il y a au moins trois nouvelles chaudières KVG-4 installées; les annonces initiales faisaient état de quatre nouvelles chaudières KVG-4 et de quatre autres à rénover. En toute logique ces travaux permettront au navire de retrouver une chaîne cinématique à 100% de ses capacités. Toujours sur base de photos et même si il est difficile de se faire une idée de l’étendue des dommages encourus, il est vrai que certaines des chaudières enlevée du navire étaient dans un mauvais état général apparent.

Autre point relatif à la propulsion, l’isolant thermique employé autour des chaudières: la Russie n’a jamais caché le fait qu’elle emploie de l’amiante (elle en est à l’heure actuelle la principale productrice de part le monde) pour assurer l’isolation de ses chaudières industrielles. Ceci avait d’ailleurs poussé l’Inde à demander le remplacement de l’isolant des chaudières de l’INS Vikramaditya par un autre isolant de la même classe offrant des performances comparables sans pour autant avoir le même degré de toxicité. Vu les problèmes rencontrés lors des premiers essais de mise en chauffe (trois chaudières mises hors service sur les huit au total); le retour à l’amiante s’est imposé.

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Si vous agrandissez la photo, vous verrez trois nouvelles chaudières KVG-4 sur le pont en attente d’installation. Photo@vk.com/bolshayaigra_war

L’institut Krylov qui a en charge une partie des études relatives aux travaux de modernisation a fait savoir qu’il dispose d’un polymère résistant aux hautes températures et non dangereux à employer apte à remplacer l’amiante; vu les intérêts russes en la matière et le timing serré des travaux, l’emploi de ce dernier est plus que douteux mais il est quand même intéressant de voir que le pays travaille sur ces questions. A l’inverse, l’idée soulevée de remplacer la chaîne cinématique par des turbines à gaz a été balayée d’un revers de la main pour une raison toute simple: la Russie ne dispose pas (encore?) de la capacité à produire de telles turbines donc l’importation de ce type d’équipements pour du matériel militaire étant exclue suite aux sanctions en vigueur, l’idée est irréalisable.

Le remplacement des systèmes défensifs

Nous l’avons vu dans la présentation technique du bâtiment, ce dernier dispose de systèmes de protection rapproché (AK-630M et 3M87) ainsi que d’un système anti-aérien de moyenne portée (le 3K95), néanmoins certains de ces systèmes sont vieillissants et il manque cruellement une couverture anti-aérienne à longue distance sur le bâtiment (les Su-33 ne peuvent pas tout intercepter).

Plusieurs informations sont confirmées en ce qui concerne la modernisation :

  • Le montage du système de protection anti-aérienne Poliment-Redut
  • Le montage de système de protection rapprochée Pantsir-M

Dérivé du système sol-air terrestre S-350 Vityaz (code GRAU: 50R6), le système 9K96 Poliment-Redut est un système anti-aérien à longue portée (distances d’engagement allant jusqu’à 150 Km) établi en silos et pouvant emporter trois types de missiles différents (le 9M96E, le 9M96MD et le 9M100) chacun de ces missiles offrant des distances d’engagement différentes ainsi que disposant de divers types de moyen de guidage terminal. Ce système dont le développement a été délicat existe déjà sur les frégates Izd. 22350 Admiral Gorshkov et son installation nécessitera le montage de radars AESA 5P-20K (fonctionnant en bande S) spécifiques sur l’îlot du navire; il restera à voir comment le système sera implanté sur le navire et si il prendra (ou non) la place employée actuellement par le 3K95 Kinzhal.

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Aperçu des radars 5P-20K du système « Poliment » (en bleu foncé) tels que présents sur les frégates 22350 Admiral Gorshkov. Photo@Charly015

Conçus pour supplanter et remplacer le 3M87 Kortik, le Pantsir-M est la variante navale du système de protection rapprochée Pantsir qui combine également un système de canons et de lance-missiles. Composé de huit tubes lance-missiles auxquels viennent s’ajouter deux canons rapide à six tubes de 30 x 165 mm AO-18KD; différence importante avec le 3M87 c’est qu’outre le radar intégré directement au sein du système, un autre radar d’une portée plus lointaine est également installé permettant un temps de réaction plus court et une distance d’engagement accrue. Son installation à bord du navire est confirmée et il sera installé en remplacement des 3M87 Kortik.

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Tourelle du système Pantsir-M, on voit bien les huit tubes et deux canons du système. Photo@?

Ouvrons une parenthèse avant de la refermer: nous avons passé en revue les systèmes défensifs qui seront remplacés, la question qu’on peut légitimement se poser est celle de l’avenir des armements offensifs. En fait la réponse est simple: il n’y aura aucun travail effectué sur les rampes SM-233 pour les missiles P700 Granit. Alors qu’au départ l’idée de leur remplacement par des cellules UKSK fut mise sur la table, cette option a été abandonnée pour des raisons budgétaires, pour des raisons de calendrier (le délai d’immobilisation est restreint) ainsi que pour des raisons opérationnelles. Les Granit n’ayant semble-t-il jamais été employé au départ de l’Admiral Kuznetsov, la question de leur remplacement n’a jamais été une véritable priorité.

La question qui découle de ceci est donc:  pourquoi ne pas récupérer l’espace inutilisé des missiles Granit pour augmenter la taille du hangar? Comme on le voit sur l’illustration ci-dessous, l’espace employé pour les missiles Granit est proche du hangar mais il y a du « chemin à parcourir » au sein de la structure du navire et donc de gros travaux à prévoir pour effectuer cette modification. Vu les délais (encore une fois) impartis et le budget limité cette option n’a pas été prise en ligne de compte par la Russie. Alors que ce fut le cas pour la Chine avec le Liaoning.

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Encadré en bleu, le hangar et en rouge la zone dédiée aux missiles Granit. Illustration@Apalkov / Montage@RS 

La remise en état du navire

Outre les deux points abordés précédemment, la modernisation sera également l’occasion de procéder à un grand carénage permettant un traitement complet de la coque et la remise en peinture du navire et de ses parties sous-marines. Le transfert du navire dans le dock flottant de Roslyakovo est prévu pour se dérouler entre le 14 et le 17 septembre.

De plus, la Russie va en profiter pour remplacer les zones de câblages qui sont endommagées, installer de nouveaux moyens de communication à bord, remplacer le système d’appontage des avions (le Louna-3), installer de nouveaux systèmes de surveillance (Ndtr: radars) ainsi qu’un nouveau système opérationnel pour le contrôle de l’espace et des armements.

Certes ce catalogue est loin d’être précis mais il est clair qu’une bonne partie des systèmes d’armes et les capteurs sont loin d’être modernes; leur remplacement s’impose donc et celui-ci découle en partie du montage de nouveaux armements à bord. Il restera à voir au fur et à mesure de l’avancement des travaux, l’étendue réelle de ceux-ci. Contrairement à ce qui fut exprimé initialement par plusieurs sources, on s’oriente vers une étendue plus importante des travaux de modernisation; tout en restant quand même dans une enveloppe budgétaire moins ambitieuse qu’envisagée au départ.

L’Admiral Kuznetsov; engagements opérationnels

C’est le 31 août 1998 que le Su-33 a été admis officiellement en service par la Marine Russe. Cependant, cette mise en service n’est qu’un acte purement administratif, il faut savoir que l’appareil était déjà employé au sein des escadrons depuis plusieurs années que ce soit pour la formation des pilotes, la mise au point des tactiques d’emploi ainsi que pour les missions du quotidien.

On compte, à l’heure d’écrire ces lignes, pas moins de 8 déploiements opérationnels du Su-33 à bord de l’Admiral Kuznetsov. Certes, le dernier déploiement en date, en 2016-2017 fut le plus symbolique puisque marquant le premier déploiement offensif de l’appareil mais il est intéressant de voir que contrairement à ce que la presse indiquait: l’appareil n’en est pas à ses débuts en mer.

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A l’époque où il portait encore le nom Tbilissi et le numéro de coque 111. Photo@russianarms.ru

C’est le 23 décembre 1995 que l’Admiral Kuznetsov réalisa son premier déploiement d’une durée de 90 jours en mer méditerranée avec à son bord pas moins de 13 Su-33; ce qui reste toujours à l’heure actuelle un record absolu en la matière!

Le navire disposait à son bord des Su-33; 60, 64, 65, 67, 76, 81, 82, 83, 84, 85, 86, 87 Rouge ainsi que du 109 Bleu qui n’est autre que le prototype T10K-9. En outre, deux Su-25UTG d’entrainement (08 et 11 Rouge) étaient également embarqués.

Ce déploiement qui dura jusqu’au 22 mars 1996 devait permettre de tester le navire dans les conditions climatiques locales et de tester les appareils jusqu’à des heures plus tardives (en effet, la base d’attache située au nord de la Russie n’offrait que des périodes d’ensoleillement limitées). Il donna officiellement pleine satisfaction si ce n’est quelques soucis d’eau potable à bord.

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Photo prise durant le premier déploiement du navire; on voit notamment le prototype T10K-9 codé 109 Bleu. Photo@Paralay.com

Après son retour à sa base d’attache, le navire fut immobilisé durant l’année 1997 car nécessitant un carénage et l’armée Russe ne disposait pas des fonds pour financer l’achèvement de celui-ci. Le navire ne sera remis en service qu’en 1998. Le déploiement suivant était prévu pour couvrir la période fin 2000, début 2001 mais suite à la catastrophe du sous-marin Kursk le 12 août 2000: ce déploiement fut annulé.

Le deuxième déploiement le sera dans le cadre d’un exercice de la flotte qui se déroula du 22 septembre 2004 au 22 octobre 2004 et eut lieu dans le nord de l’Atlantique. Il comprenait les Su-33 suivants: 60, 67, 68, 80, 82, 85, 88 Rouge ainsi que les Su-25UTG 07 et 14 Rouge.

C’est durant le troisième déploiement, qui eut également lieu en Atlantique nord entre le 23 août et le 14 septembre qu’aura lieu en date du 5 septembre 2005 le crash d’un Su-33 (le 82 Rouge) qui sera perdu suite à la rupture du brin d’arrêt lors d’un atterrissage à haute vitesse.

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Une des rares images du Su-33 codé 82 Rouge avant sa perte en mer. Photo@Paralay.com

Le quatrième déploiement couvre la période allant du 5 décembre 2007 au 3 février 2008 et se déroula à nouveau en mer méditerranée en compagnie de pas moins de 11 autres navires de surface russes et de 47 avions. L’Admiral Kuznetsov emportait à son bord les Su-33 suivants; 60, 61, 66, 72, 79, 80, 81, 86, 87, 88 Rouge ainsi que les Su-25UTG 08 et 11 Rouge.

Le cinquième déploiement débute le 5 décembre 2008 et dure jusqu’au 2 mars 2009 et se déroule en mer méditerranée. Ce dernier déploiement ne sera pas sans difficultés, un marin perdant la vie lors d’un incendie à bord. Durant ce déploiement, l’Admiral Kuznetsov embarquait les Su-33 suivants: 60, 61, 64, 68, 72, 76, 81, 88 Rouge ainsi que le Su-25UTG 08 Rouge. A la fin de ce déploiement, le bâtiment est passé en carénage avant de revenir au service actif en septembre 2010.

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Le Su-25UTG codé 08 Rouge est un habitué des déploiements. Photo@russianplanes.net

Il faudra attendre le 6 décembre 2011 pour assister au sixième déploiement du porte-aéronefs; ce déploiement à destination de Tartus en Syrie portait sur un ensemble d’exercices à réaliser en mer méditerranée. En route, le navire et son groupe passèrent près des côtés de l’Ecosse et de l’Irlande et ils furent sous la surveillance de la Royal Navy durant une semaine. La fin du déploiement eu lieu le 17 février 2012 avec le retour du navire à sa base d’attache de Severomorsk. Le porte-aéronefs embarquait les Su-33 suivants: 62, 66, 68, 76, 77, 78, 80, 81, 86 et 87 Rouge.

Le septième déploiement du navire est également un des plus long, débutant le 17 décembre 2013 et se prolongeant jusqu’en mai 2014; il vit le porte-aéronefs être accompagné d’un remorqueur, de trois ravitailleurs et du Piotr Velikiy (Izd 1144.2). Ce déploiement eu de nouveau lieu en mer méditerranée et l’Admiral Kuznetsov subit plusieurs problèmes techniques qui limitèrent la portée des exercices tels qu’envisagés initialement. Lors de ce déploiement, les Su-33 suivants furent embarqués: 62, 66, 68, 76, 77, 78, 79, 80 Rouge.

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Les lecteurs les plus observateurs auront remarqués la présence des Su-33 ainsi que de Su-25UTG lors de ce déploiement du Kuzya. Photo@?

Et c’est en octobre 2016, soit presque 22 ans après l’acceptation de l’appareil au service actif que ce dernier va connaître son huitième déploiement et surtout son premier déploiement opérationnel offensif. Les déploiements précédents n’étaient que des exercices et même si les appareils embarquaient des munitions « bonnes de guerre », le but n’était pas d’effectuer des frappes sur un ennemi.

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Les deux font la paire: le Kuznetsov accompagné du Piotr Velikiy. On remarque le Su-33 au décollage et les trois Ka-27 prêts à intervenir en cas d’accident. Photo@Imgur

Le déploiement d’octobre 2016 fait suite à une décision personnelle du président russe et nécessita la sortie de carénage de l’Admiral Kuznetsov et l’assemblage de son groupe aérien. La Marine Russe du travailler en toute hâte car cette décision éminement politique fut assez inattendue par les amiraux.

C’est en date du 15 octobre 2016 que le porte-aéronefs Admiral Kuznetsov appareilla de sa base d’attache de Severomorsk avec à son bord pas moins de 10 Su-33 et 4 MiG-29K(UB)R. Le but de la mission étant de mouiller au large des côtes de la Syrie et de fournir un appui aérien supplémentaire aux opérations russes sur place.

Les 10 Su-33 se décomposaient en deux groupes avec 6 appareils ayant reçu la mise à jour Gefest-24 permettant un emploi avec une plus grande précision de munitions air-sol non-guidées assurant des missions de frappes au sol tandis que 4 Su-33 sans la mise à jour étaient chargés de la couverture aérienne du groupe aéronaval.

Le déploiement – pour le moins rocambolesque à beaucoup d’égards – vit l’Admiral Kuznetsov être accompagné d’un remorqueur, à l’instar du déploiement précédent, ainsi que du Piotr Velikiy et de 7 autres navires russes. Ce déploiement qui fut suivi de près par les marines européennes souleva beaucoup de questions et laissa perplexe plus d’un expert.

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Impossible de se tromper: il s’agit bien du dernier déploiement (en date) de l’Admiral Kuznetsov. La présence de Su-33 et de MiG-29K(UB)R atteste de la chose. Photo@?

C’est en date du 15 novembre 2016 que le Su-33 effectua les premières frappes offensives de son histoire. En effet, plusieurs frappes furent effectuées sur des zones tenues par les « rebelles » syriens dans les provinces d’Idlib et de Homs à l’aide de bombes de 500 Kg lancées par des Su-33.

Ce déploiement fut également marqué par la perte en date du 3 décembre 2016 du Su-33 67 Rouge qui fait suite à une rupture du brin d’arrêt lors de la deuxième tentative d’atterrissage de l’appareil. Le pilote fut récupéré sain et sauf.

L’Admiral Kuznetsov rentra à la base de Severomorsk en date du 9 février 2017 après un déploiement « mi-figue mi-raisin » (et encore, c’est un doux euphémisme) qui se solda par la perte d’un Su-33 et d’un MiG-29KR. Durant ce déploiement, le navire embarquait les Su-33 suivants: 62, 66, 67 (perdu), 71, 76, 77, 78, 84, 85, 88 Rouge ainsi que les MiG-29K(UB)R: 41, 47, 49, 52 Bleu.

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Le Su-33 codé 67 Rouge en des temps meilleurs… Photo@Russianplanes.net

Le navire bâtiment est stocké près de Severomorsk (son port d’attache) depuis le retour de son dernier déploiement et il faudra attendre le début de l’année 2018 pour voir les travaux de modernisation débuter sur le navire.

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En conclusion

Il peut paraître assez anachronique pour la Marine Russe de disposer en 2018 d’un porte-avions; cette dernière n’ayant au final que peu d’utilité pour un tel bâtiment. Conçu à l’époque de la Marine « Gorshkovienne » et dans une optique doctrinale où ce type de bâtiments est envisagé comme une arme défensive apte à couvrir les SNLE/SSGN dans leur approche des cibles à attaquer.

La Russie – dont les problèmes rencontrés par la Marine sont nombreux et documentés – n’a au final et dans le contexte actuel que peu d’utilité pour un tel bâtiment. Certes son existence permet de maintenir un ensemble complexe de compétences dont l’acquisition est longue et délicate (le nombre d’accidents qu’ont connu les Su-33 durant la phase d’apprentissage en atteste) mais vu les coûts d’exploitation et de déploiement d’un tel bâtiment il n’est pas étonnant de voir qu’il a passé une bonne partie de sa carrière au port et pas en pleine mer. On ne peux pas passer outre l’impact dévastateur qu’ont eu les années 1990 sur la Marine Russe mais ceci n’explique pas tout.

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C’est ici que tout a commencé: premier appontage d’un avion soviétique (le T10K-2) sur le Tbilissi en date du 1er novembre 1989. Photo@russianarms.ru

Néanmoins, malgré les problèmes rencontrés par le bâtiment, la Russie semble fermement attachée à la conservation de son porte-avions; outre l’aspect médiatique de cet attachement, il y a un point qui est intéressant bien que peu abordé lorsqu’on parle de ce dernier: le changement dogmatique quant à son emploi. Nous l’avons vu à plusieurs reprises, le porte-avions soviéto-russe est un navire défensif or dans le cadre du dernier déploiement de ce dernier en Syrie, on a assisté à un changement de paradigme: le porte-avions devient un instrument de projection avec une capacité clairement offensive.

Certes, ce déploiement nécessiterait à lui seul un dossier vu les péripéties rencontrées par le navire (on peut notamment penser à la perte de deux appareils ainsi que les gaz d’échappement massifs et « fort peu discrets » émis par le navire durant la traversée de la Manche), il n’est d’ailleurs un secret pour personne que le bâtiment est loin d’être dans un état technique optimal et le retard connu dans son entrée en modernisation n’a pas aidé à améliorer son image dans les médias. Mais il est quand même intéressant de constater que la mise en service des MiG-29K(UB)R en remplacement des Su-33 ainsi que l’arrivée à terme des Ka-52K vont permettre au navire de disposer d’une réelle capacité de frappes au sol et à la mer dont ne disposent pas les Su-33 transformant le navire en outil offensif et non plus défensif.

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Un exemple de l’impact médiatique du dernier déploiement du Kuznetsov. Difficile de ne pas esquisser au moins un sourire devant ce genre de comparaison. Montage@?

Enfin, avec un seul navire de cette classe disponible; la Russie se retrouve face au même problème que d’autres utilisateurs ne disposant que d’un seul porte-avions: la permanence à la mer et la disponibilité opérationnelle. Les perspectives budgétaires russes contemporaines ne permettent pas au pays de prioriser la mise sur cale d’un nouveau porte-avions; certes, les idées ne manquent pas (projet Shtorm, Shtorm-KM, appareils VSTOL de nouvelle génération, etc…) mais les besoins de renouvellement de la Marine vont d’abord se concentrer sur le remplacement des navires de surface et il ne faut pas s’attendre à l’arrivée d’un nouveau porte-avions en Russie avant au minimum 2030-2035 surtout si on table sur le délai d’une dizaine d’années s’écoulant entre la mise sur cale et l’admission au service d’un tel navire. Des projets ambitieux parlent même de la nécessité pour la Russie de construire quatre porte-avions à propulsion nucléaire d’un déplacement minimum de 70.000 tonnes à répartir entre les deux flottes principales (Pacifique et du Nord). Soyons clairs, la Russie n’a ni les moyens ni les capacités techniques (au niveau de la construction navale) pour mettre sur cales de tels navires, il s’agit juste de rêves sans lendemain en l’état actuel des choses. L’Admiral Kuznetsov va donc rester le « Flagship » de la Marine Russe pour de longues années et sa modernisation va lui rendre une nouvelle jeunesse amplement méritée.

Des MiG-15 sur porte-avions?

Cette question peut paraître absurde à l’heure actuelle, mais il y a bien des MiG-15 (ou presque) employés sur l’Admiral Kuznetsov.

Improbable? Impossible? Surtout vu que le petit chasseur soviétique est retiré du service actif depuis plus de 50 ans? En fait les Soviétiques ne manquaient jamais d’idées lorsqu’il s’agissait de faire de la récupération et du bricolage.

Le besoin de disposer d’un pont exempt de tous objets étrangers fait qu’il est nécessaire d’assurer une inspection approfondie du pont avant les décollages en vue d’éviter les ingestions moteurs qui sont catastrophiques lors d’un décollage en mer (la pleine puissance étant une condition sine qua non sur un porte-avions STOBAR).

Outre l’emploi d’une reconnaissance visuelle approfondie réalisée par l’équipage avec un balayage méticuleux du pont, les russes disposent également d’un véhicule baptisé TM-59 qui est une sorte de « souffle-feuilles » géant adapté pour l’emploi sur le pont du bâtiment. Ce dernier est composé d’un tracteur sur lequel est monté… un réacteur Klimov VK-1 de MiG-15!

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Voilà pourquoi, on peut donc écrire qu’en 2018: il y a du MiG-15 (ou presque) embarqué sur l’Admiral Kuznetsov!

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¹Адмирал флота Советского Союза Кузнецов
²Тяжёлый авианесущий крейсер (TAVKR)

2 réflexions sur “ [Dossier] Le croiseur lourd porte-aéronefs Admiral Kuznetsov (Izd.1143.5)

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