[Actu] Fin des essais étatiques du 2S35 Koalitsiya-SV

Après de (très) longues années de développement et mises au point, le groupe Rostec a annoncé le 20 octobre 2023 la fin des essais étatiques du nouveau canon d’artillerie automoteur russe: le 2S35 Koalitsiya-SV (Коалиция-СВ), cette annonce intervient pas moins de neuf ans après le début des essais préliminaires qui débutèrent en 2014 pour s’achever en 2019, les essais étatiques débutant dans la foulée et devant initialement s’achever en 2022.

Au vu des (très) lourdes pertes enregistrées par l’armée russe en Ukraine, les véhicules d’artillerie n’échappant à cette attrition massive, le besoin d’accélérer les travaux de développement d’équipements d’artillerie plus adaptés au combat en matière de mobilité, de portée ainsi que de fonctionnement en réseau poussent les russes à achever les travaux sur plusieurs véhicules d’artillerie en développement depuis plusieurs années. Après la fin des travaux sur l’artillerie à roues 2S43 Malva (qui n’est toujours pas une copie du CAESAR de Nexter), c’est au tour des travaux sur l’artillerie chenillée 2S35 Koalitsiya-SV de s’achever: ce dernier est appelé à prendre la relève du 2S19 Msta-S (et variantes) au niveau divisionnaire et plus précisément au sein des brigades d’artillerie russes. La fin des travaux annonce donc le passage à la production en série chez Ouraltransmash, néanmoins en l’absence de commande(s) ferme(s) (pour l’instant, tout du moins): il est encore impossible de déterminer le volume de production annuel attendu pour ce dernier ainsi que la répartition de la production entre 2S19 Msta-S et 2S43 Koalitsiya-SV.

En outre, de part la conception de son canon et de ses munitions: le 2S35 Koalitsiya-SV représente une rupture pour l’artillerie russe en ayant recours à des charges propulsives d’un nouveau type qui rendent ces dernières « moins » compatibles avec les stocks de munitions existants (enfin, ce qu’il en reste) mais à l’inverse augmentent significativement la souplesse d’emploi du système ainsi que sa portée maximale.

Le 2S35 Koalitsiya-SV: un bref historique

Lors de son admission au service en 1989, le canon automoteur sur châssis chenillé 2S19 Msta-S (doté du canon 2A64 de 152 mm) équipant les unités soviétiques au niveau divisionnaire et dont l’origine du développement remontait au milieu des années 1970, offrait des performances globalement au même niveau que ses homologues de l’OTAN en service à cette époque. L’adoption au début des années 1990 du « Joint Ballistic Memorandum of Understanding » (JBMoU) par plusieurs partenaires de l’OTAN; ce dernier fixant pour l’artillerie de 155 mm / longueur 52 calibres au standard OTAN une portée de 30 Km pour les obus à fragmentation hautement explosifs et de 40 Km pour les munitions avec propulsion additionnelle, va voir le 2S19 Msta-S marquer le pas par rapport à ses homologues occidentaux (portée maximale de 24 Km pour les obus classiques et de 29 Km pour les obus avec propulsion additionnelle). Histoire de ne rien arranger, les nouveaux modèles d’artillerie en cours de développement en Chine (Type 88), Europe (PzH2000/AS-90) et aux USA (XM2001 Crusader) ainsi que les modernisations de systèmes existants risquaient de creuser encore plus l’écart avec le 2S19 Msta-S.

Le prototype XM2001 Crusader vu en pleine action, ce programme ne sera jamais adopté par l’armée américaine. Image@?

Les deux principales problématiques auxquelles étaient confrontés les responsables soviétiques concernaient la portée ainsi que la cadence de tir des systèmes en cours de développement en Occident qui surpassaient (parfois de loin!) celles de l’artillerie soviétique en service avec le risque bien réel de rendre cette dernière ineffective (destruction sans possibilité de réplique); ce qui était tout simplement inacceptable vu l’importance de l’artillerie au sein du dispositif soviétique!

Une première réponse va consister à travailler sur la modernisation du 2S19 Msta-S avec le programme 2S33 Msta-SM devant recevoir le nouveau canon 2A79 (de 152 mm) et permettant de combler l’écart avec les recommandations du JBMoU. L’effondrement de l’URSS à la fin de 1991 va voir le projet être retardé puis finalement mis au frigo par manque de moyens et d’utilité. La problématique du manque de portée du 2S19 Msta-S étant toujours d’actualité à l’aube des années 2000; l’Institut central de recherches « Burevestnik » (TsNII Burevestnik / ЦНИИ Буревестник) spécialisé dans l’artillerie et dirigé par l’ingénieur en chef A.P. Rogov, développe dès 2002 un module prototype équipée de deux tubes d’artillerie. Cette vieille marotte qui trouve son origine dans l’Histoire (avec un grand -H) soviétique part de l’idée que les deux tubes permettront de doubler la cadence de tir par rapport au 2S19 Msta-S et de devenir une sorte d’artillerie automotrice avec des performances proches d’un lance-roquettes multiples (LRM) en terme de masse de feu.

2S19 Msta-S avec son canon en position d’élévation maximale. Image@?

L’idée en apparence un peu farfelue va néanmoins être poursuivie puisque l’usine Motovilikha en collaboration avec le bureau d’études Titan vont produire les composants nécessaire des canons qui seront employés pour tester plus en avant le concept ainsi que vérifier sa viabilité: un premier assemblage de deux canons va être installé par le bureau Burevestnik sur le châssis d’un vieux canon d’artillerie B-4 (203 mm) de 1941, un autre assemblage de deux canons va être monté par l’usine Ouraltransmash sur une tourelle de 2S19 Msta-S modifiée et équipée de deux chargeurs automatiques et placée sur un châssis de T-90, enfin un troisième ensemble sera par la suite monté sur un châssis de T-90 modifié (l’équipage étant placé dans un compartiment à l’avant de ce dernier) et doté d’une nouvelle tourelle avec deux canons et deux chargeurs automatiques mais présentant des formes plus angulaires. Dans le même temps, les ingénieurs vont également travailler sur une option à un seul canon qui sera implantée sur le châssis d’un 2S5 Giatsint-S (Гиацинт-С). Ces bancs d’essais à double canon vont être testés à partir de 2004.

L’idée d’une configuration à double canon bien que séduisante sous certains aspects fera long feu puisque l’accroissement significatif de la complexité d’emploi découlant de la présence de deux chargeurs, couplé aux contraintes mécaniques induites par la présence de deux canons superposés font que la cadence de tir espérée (ainsi que la précision de tir attendue) ne furent jamais atteintes; en outre le coût de l’ensemble, la masse attendue du véhicule ainsi que ses dimensions rendaient l’empreinte logistique de ce dernier pour le moins conséquente… et au final va provoquer le rejet de cette configuration. Ceci n’empêchera pas pour autant le véhicule d’être présenté à la presse le 3 décembre 2006; même si ce sera le chant du cygne de cette variante.

La première version du 2S35 à deux tubes telle qu’envisagée à l’origine

C’est le contrat 62-26 daté du 15 juin 2006 qui voit le bureau d’études Burevestnik être chargé de réaliser le développement du projet Koalitsiya-SV (index GRAU: 2S35) et qui marque donc la date de naissance officielle du projet. Le bureau d’études va en réalité repartir des travaux antérieurs effectués sur les configurations à deux canons ainsi qu’à un seul canon tout en revenant sur des considérations beaucoup plus pragmatiques. Tous les essais effectués vont servir de base de travail pour développer le véhicule « définitif » qui va récupérer en partie les éléments conceptuels des bancs d’essais testés. Les choix techniques qui vont être arrêtés sont les suivants:

  • Tourelle inhabitée disposant d’un seul canon 2A88 de 152 mm alimenté par chargeur automatique
  • Equipage installé dans un compartiment commun positionné à l’avant du véhicule
  • Portée accrue avec emploi de munitions aptes à frapper jusqu’à des portées de 70-80 Km

En outre, bien que conçu sur base d’un châssis chenillé: le programme de développement va également intégrer l’option d’un châssis sur roues, ce dernier donnant naissance au 2S35-1 Koalitsiya-SV-KSh construit sur un châssis KamAZ-6560 et récupérant la même tourelle inhabitée que la version chenillée et enfin, un nouveau véhicule de rechargement universel et adapté pour ces deux ensembles, le 2F66-1 (construit également sur châssis KamAZ-6560). Ce véhicule dispose d’une capacité de 92 obus (calibres allant de 120 à 155 mm) qui stockés dans un système mécanisé de calibres permettant d’accélérer les opérations de rechargement.

Un prototype de 2S35-1 Koalitsiya-SV-KSh lors d’essais. Image@TV Zvezda

Les travaux de développement vont se prolonger jusqu’en 2011, la documentation technique n’étant achevée qu’à ce moment: ceci permettant de passer à la phase de construction des prototypes dont deux unités sur châssis chenillé vont sortir de l’usine Ouraltransmash en 2013 tandis qu’un premier prototype sur châssis à roues sortira d’usine en 2015. La variante sur châssis chenillé fera ses débuts lors de la parade de la victoire du 9 mai 2015 sur la Place Rouge à Moscou.

Le 2S35 Koalitsiya-SV; un peu de technique

Catalogué en tant que « unité d’artillerie automotrice » dans la nomenclature russe (Самоходная Артиллерийская Установка/САУ); le 2S35 Koalitsiya-SV (Коалиция-СВ) est un canon automoteur construit sur un châssis chenillé qui reprend comme base technique le char de combat T-90. Le réemploi du châssis du T-90 comme base de travail permet de mieux appréhender l’architecture générale du 2S35 qui peut se subdiviser en trois éléments:

  • Le compartiment de l’équipage (positionné à l’avant du châssis)
  • Le compartiment de combat (positionné dans la tourelle et partie médiane du châssis)
  • Le compartiment propulsif (positionné à l’arrière du châssis, l’échappement étant à gauche)

Le châssis est surmonté par une tourelle inhabitée mobile aux formes angulaires abritant un canon de 152 mm, d’une longueur de 52 calibres ainsi que la dotation de 70 obus. Le tir peut s’effectuer depuis l’intérieur du véhicule ou alors via l’extérieur. De plus, le 2S35 est conçu pour pouvoir travailler en réseau recevant ses coordonnées de ciblage de l’extérieur (via des drones de reconnaissance – tel que l’Orlan 10 par exemple – ou via d’autres moyens de communication qui permettent d’exploiter le plein potentiel de distance de frappe disponible). Vu la masse ainsi que le gabarit de la tourelle, celle-ci est placée plus en arrière sur le châssis par rapport au char de combat T-90.

Le châssis du 2S35 est directement issu du char T-90 et voit ce dernier être fortement modifié en vue de placer l’équipage composé de trois hommes (commandant, pilote et tireur) assis côte-à-côte (pilote au milieu avec à sa droite le commandant du véhicule et à sa gauche le tireur) dans un compartiment de travail positionné à l’avant du véhicule; l’accès à la caisse se faisant via des trappes situées en toiture. Le concept de compartiment commun pour l’équipage provient de la philosophie adoptée pour la plate-forme Armata et plus spécialement sur le char de combat T-14; le 2S35 Koalitsiya-SV étant envisagé l’origine pour être construit sur base du châssis du T-14 (châssis avec sept galets de roulement).

2S35 Koalitsiya-SV: quelques chiffres

De part le recours au châssis du T-90, on peut déduire (certaines étant à prendre avec les réserves de rigueur en l’absence de chiffres officiels) quelques-unes des mensurations du 2S35;

  • Longueur (caisse): 6,86 m, 7 m étant plus plausible vu le léger allongement arrière du châssis
  • Largeur (caisse): 3,78 m
  • Hauteur: ?
  • Equipage: 3
  • Masse en ordre de marche: 48 tonnes (certaines sources parlent de 55 tonnes)
  • Vitesse maximale: 80 Km/h (sur route)
  • Autonomie: 560 Km (sur route)

Néanmoins, les véhicules produits tant qu’à présent et qui représentent la forme qui vient d’achever ses essais étatiques sont construits sur le châssis du T-90, l’option de le produire (à terme) sur le châssis du T-14 n’est pas écartée mais n’est pas prioritaire en l’état actuel des choses. L’emploi du châssis du T-14 n’apporterait qu’un gain marginal en comparaison avec le châssis du T-90 exception faite au niveau du coût qui serait beaucoup plus élevé… et donc sans intérêt pour le moment. Après, le programme Koalitsiya-SV étant envisagé pour former la base de l’artillerie russe du futur et le châssis du T-90 étant le dernier (?) avatar du châssis du T-72B: il est logique (et pertinent) de se réserver une marge d’évolution pour le futur.

Infographie issue du journal Iz qui illustre les caractéristiques de base du 2S35. Les données sont à envisager avec les réserves de rigueur.

La concentration de l’équipage dans le châssis du 2S35 permet de disposer d’une tourelle inhabitée fonctionnant de manière pleinement automatisée; constituée de plaques d’acier soudés (épaisseur annoncée 20 mm) et recouverte intérieurement d’un revêtement pare-éclats. Celle-ci, abrite l’armement principal qui est un canon 2A88 de 152 mm d’une longueur de 52 calibres avec système d’amortissement de recul hydraulique, équipé d’un frein de bouche à 5 fentes et refroidi par eau, alimenté par un chargeur pneumatique. La dotation totale s’établit à 70 obus stockés dans la nuque de la tourelle. Le ravitaillement en obus du 2S35 s’opère par l’arrière de la tourelle: le stock complet de munitions est annoncé pouvoir être rechargé en 15 minutes avec recours au véhicule logistique 2F66-1.

Cette vue au 3/4 avant d’un 2S35 permet de voir le canon et son frein de bouche ainsi que les radars positionnés de part et d’autre du canon. Image@Vitaly Kuzmin

Le recours à un chargeur pneumatique couplé à un système de refroidissement par eau permet de porter la cadence de tir (théorique) à 16 coups à la minute; ceci se révélant être un accroissement significatif en comparaison avec les 2S19 Msta-S (et variantes) qui disposent d’une capacité de tir s’établissant de 8 à 10 coups à la minute (ceci dépendant de la variante). Certaines sources font état du fait que le canon dispose de deux modes de fonctionnement: un « mode normal » qui offre une cadence de tir de 12 coups à la minute et un « mode de tir maximal » qui permet de porter la cadence à 16 coups à la minute… sans préciser pour autant les différences entre les deux modes de fonctionnement! Au final, les discussions sur les chiffres importent peu vu qu’il est établi que la cadence de tir de base est déjà supérieure à celle du 2S19 Msta-S et c’est d’ailleurs un des buts recherchés avec ce véhicule.

Le rechargement du canon s’effectue via un système de chargement pneumatique qui permet de recharger le canon sans nécessiter le retour du tube à l’horizontale; le débattement vertical du canon est inconnu pour l’instant mais si l’on se base sur les caractéristiques du 2S19 Msta-S (-4/+68°), il est peu probable que celles du 2S35 marquent un recul en comparaison. En ce qui concerne le débattement horizontal, la tourelle étant mobile, le véhicule peut positionner son canon sur un angle de 360° autour du châssis.

Changement important par rapport aux modèles antérieurs, les charges propulsives employées par le 2S35 sont du type modulaire; ces dernières au lieu d’être constitué d’une (ou plusieurs) charge(s) propulsive(s) encartouchées permettant le chargement en une fois dans le canon sont constituées de charges séparées se présentant sous la forme de pellets et pouvant être modulées selon les besoins du tir. Les artilleurs ayant à disposition le choix entre une charge « réduite », une « variable » et une « longue portée » qui correspondent à la portée de tir voulue ainsi qu’au type d’obus employé. Les servants du canon ont donc la possibilité de jouer sur la distance de tir effective de la munition en modulant le nombre et le type de charges employées pour chaque obus tiré; à l’inverse d’une charge encartouchée.

Présentation des charges modulables non-encartouchées qui seront employées sur le 2S35. Image@?

Le type de charges propulsives employées explique donc, en conjonction avec le nouveau canon comment les russes ont pu augmenter de manière aussi significative la portée de leur artillerie mais à l’inverse ce choix technique rend le canon 2A88 tributaire de la création de nouveaux stocks de munitions (et de charges propulsives) adaptées à ce dernier pour permettre d’exploiter in extenso l’accroissement de portée offert par l’ensemble. La mise à feu des charges dans le tube est effectué par un système à micro-ondes, ce qui complexifie également la rétro-compatibilité avec les munitions employées antérieurement. 

Absents sur les premiers prototypes sortis d’usine, les 2S35 de pré-série produits ont été équipés de ce qui ressemble à des radars de contre-batterie positionnés de part et d’autre du canon; le type et le modèle de radars ne sont pas détaillés et il est à parier qu’ils s’intègrent dans le système de tir du véhicule qui est conçu pour fonctionner en réseau en exploitant les données reçues par des moyens de détection déportés (drones, radars, etc…). Les sources russes étant pour le moins silencieuses au sujet du système de tir, il faudra patienter pour obtenir des détails sur ce dernier.

On peut voir sur cette image le commandant du véhicule (débout) qui est à côté du pilote (dont la tête dépasse au-dessus de la caisse). Image@?

Positionné transversalement à l’arrière du 2S35, on retrouve un moteur V-92S2 qui comporte douze cylindres (de 150 mm de diamètre) en V doté d’un turbo: via un système d’injection directe couplé à une suralimentation, la puissance développée s’établit à 1.000 Cv (736 kW) cette valeur étant atteinte à 2.000 tr/min. Le couple maximal du V-92S2 est de 3.920 Nm tandis que la consommation spécifique de carburant s’établit à 212g/kWh. Le refroidissement du moteur se fait par eau tandis que le système de démarrage combine l’air comprimé et l’électricité. Au niveau de ses dimensions, le V-92S2 est un bloc compact qui a une masse de 1,05 tonnes, une longueur de 1,466 m, une largeur de 0,896 m et une hauteur de 0,902 m. La production de ce bloc moteur se déroule au sein de « l’Usine de Tracteurs de Tchéliabinsk » (Челябинский Тракторный Завод/ЧТЗ). Le modèle de transmission employé n’est pas précisé mais il s’agit très certainement du même modèle de transmission automatique que celui employé sur le T-90M.

Le train de roulement est quasiment identique à celui du T-90 et est composé de chenilles comportant chacune six galets de 750 mm de diamètre et entraînées par un barbotin positionné à l’arrière et complété par une poulie tendeuse placée à l’avant. Principale différence avec le T-90, la présence de cinq rouleaux porteurs (seulement trois sur le T-90); la suspension est composée de barres de torsion qui sont complétées par des amortisseurs hydrauliques positionnés sur les galets 1, 2 et 6. Des jupes latérales démontables sont présentes et servent à protéger a minima le train de roulement des éléments extérieurs; elles n’ont par contre aucune efficacité contre les tirs d’armes.

La protection rapprochée du véhicule contre l’infanterie et les cibles aériennes est assurée par une tourelle 6S21 commandée à distance (avec emploi d’un télémètre laser et de caméras) qui intègre une mitrailleuse Kord chambrée en 12,7 x 108 mm et alimentée à raison de 200 coups; cet ensemble dispose d’un axe de débattement vertical allant de -5° à +75° et horizontal de 360°.

On peut voir en position levée la mitrailleuse Kord installée en tourelle sur le toit ainsi que les lance-fumigènes sur les flancs. Image@?

Des lanceurs de grenades fumigènes 902V Tucha sont implantés à la gauche et à la droite de l’avant de la tourelle ainsi que de chaque côté de la toiture; enfin quatre détecteurs d’alerte laser sont positionnés en toiture à chaque extrémités de la tourelle. Fort étonnement, les véhicules produits tant qu’à présent ne disposent pas de systèmes de brouillage actifs… gageons que l’engagement en Ukraine va très certainement entraîner des modifications au niveau des moyens de protection embarqués sur les véhicules de série. A moins que la position adoptée par les décideurs soit celle d’une couverture des véhicules d’artillerie par des drones ou d’autres moyens terrestres lors de leurs déploiements; ces derniers rendant alors caduc l’installation de moyens de brouillage actifs sur des véhicules de ce type. Cette possibilité n’est pas à exclure d’office.

Bientôt en service? 

Au niveau de la production du 2S35, c’est l’usine Ouraltransmash de Iekaterinbourg qui est chargée d’assurer la production de ce dernier; ce qui est pour le moins logique vu que c’est l’usine chargée de produire le 2S19 Msta-S (ainsi que ses variantes). Les deux premiers 2S35 Koalitsiya-SV sont sortis d’usine en 2014, suivis par un lot de dix véhicules supplémentaires en 2015 (ces derniers étant couverts par le contrat étatique З/3/3/82-2014-ДОГОЗ daté du 27/02/2014); les douze véhicules sont destinés à servir aux essais préliminaires et étatiques. Le 2S35 a effectué sa première sortie officielle le 9 mai 2015 dans le cadre du défilé militaire durant la parade de la victoire.

Première sortie officielle du 2S35 Koalitsiya-SV lors de la parade du 9 mai 2015. Image@?

Un troisième lot de 2S35 de présérie a été fabriqué et livré par Ouraltransmash en 2020 avec une livraison annoncée en date du 26 mai 2020; ce lot comprenant huit véhicules a été livré au district militaire central et plus précisément au 400ème Régiment d’artillerie automotrice de la garde (400-й гвардейский самоходный артиллерийский полк / 400 гв. сап) basé à Tchebarkoul et rattaché à la 90ème Division blindée de la Garde  (90-я гвардейская танковая дивизия / 90 гв. тд). A noter que les véhicules livrés sont également employés sur le terrain d’essais d’Alabino pour évaluation et identification des problèmes à corriger; dans ce cadre, un premier essai de tir (à première vue concluant) à la portée maximale de 80 km a été réalisé en 2019.

La fin des essais étatiques du 2S35 permet donc de débuter (en théorie) une nouvelle page importante pour l’artillerie chenillée russe: en ligne de mire, c’est le remplacement des modèles d’artillerie plus anciens que sont les 2S3 Akatsiya (152 mm), 2S5 Giatsint-S (152 mm) et enfin 2S19 Msta-S (152 mm) qui se profile à l’horizon. Ces trois systèmes offrent des performances en matière de portée (ainsi que de précision de tir) qui sont très nettement en retrait des systèmes d’armes employés par les occidentaux; cette problématique déjà identifiée à la fin des années 1980 a été très cruellement mise en lumière depuis le lancement des opérations en Ukraine fin février 2022. De manière intéressante, les responsables russes avaient déjà compris l’utilité de ce véhicule puisqu’en août 2021 (durant le salon Army 2021), le ministère de la défense annonça avoir ordonné à Ouraltransmash de se préparer à lancer la production en série du 2S35 et ce alors même que les essais étatiques étaient toujours en cours. Effet d’annonce? Peut-être. Mais toujours est-il que cette annonce montre l’intérêt porté au 2S35 ceci découlant des performances offertes par ce dernier en comparaison avec les systèmes russes existants.

Destiné à rééquiper d’abord les brigades d’artillerie, le Koalitsiya-SV va permettre à ces dernières de disposer d’une artillerie au niveau divisionnaire capable de frapper dans la profondeur à (très) longue portée (jusqu’à 80 Km de distance) et venant compléter les lance-roquettes multiples lourds russes en service offrant ainsi un ensemble plus cohérent de moyens de frappe à courte/moyenne/longue portée qui font (en partie) défaut actuellement aux forces terrestres russes suite aux retards pris dans la modernisation/remplacement des véhicules en dotation. En outre, le Koalitsiya-SV a été conçu dès l’origine (en 2006 lors du lancement officiel du programme) pour être également implanté sur un châssis à roues: les ingénieurs ont pris cette contrainte en ligne de compte dès les prémisses du projet, ce qui permet d’éviter de répéter certains bricolages hasardeux testés à une autre époque et donnant naissance à des véhicules aux performances médiocres et finissant par voir leur développement être abandonné avant le passage à la production en série. On constate au passage que le dogme du « tout à la chenille » (en matière d’artillerie) cher aux soviéto-russes (qui voulaient une artillerie capable de suivre les brigades mécanisées sur des terrains difficiles) cède la place à une réflexion plus large avec l’intégration de systèmes d’artillerie sur roues qui offrent un accroissement significatif de la mobilité et de la vitesse de déploiement; ceci concerne le 2S35-1 Koalitsiya-SV-KSh mais également le 2S43 Malva ainsi que d’autres véhicules qui sortent du sujet de cet article et déjà pour partie abordé auparavant.

La seule question qui reste en suspens sera de voir quels moyens les russes vont être en mesure d’injecter dans la production en série du 2S35 (et de ses variantes); sachant que le 2S35 est construit sur le châssis du T-90, la production de ce dernier va impacter directement la production du T-90M (la production des moteurs à l’usine ChTZ étant déjà à son maximum, des choix vont devoir être effectués). L’artillerie (à l’image de toute la composante terrestre de l’armée russe) ayant payé un (très) lourd tribut lors de l’attaque sur l’Ukraine, le besoin de reconstituer les effectifs s’impose et le 2S35 va très certainement s’avérer beaucoup plus onéreux à produire que son prédécesseur 2S19 Msta-S… tout en offrant des performances beaucoup plus élevée. Reste donc à voir si les russes vont réussir à dépasser leur « plafond de verre » habituel qu’est le passage à la production en série de nouveaux matériels dits « prometteurs« … rien n’est moins sûr (mais absolument pas impossible non plus) et il semble évident que dans un premier temps, la production du 2S35 Koalitsiya-SV sera établie en parallèle à celle des variantes les plus modernes du 2S19 Msta-S.

2 réflexions sur “ [Actu] Fin des essais étatiques du 2S35 Koalitsiya-SV

  1. Content qu’il y ait un nouvel article, c’est vrai qu’il a de la gueule cet automoteur mais la portée parait quand même un peu faible pour du materiel « neuf »

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