[Actu] Sukhoï Su-57: montée en cadence des livraisons

La livraison en date du 28 décembre 2022 de quatre Sukhoï Su-57 aux forces aériennes russes (VKS) est un évènement en apparence anodin mais qui est néanmoins significatif dans l’histoire du programme PAK FA/Su-57. En effet, alors que tant qu’à présent les livraisons s’effectuaient au compte-goutte avec en général des lots de un ou deux appareils, on passe directement à quatre appareils en une fois.

Certes cette livraison ne va pas révolutionner fondamentalement l’image de la force aérienne russe du jour au lendemain mais elle est significative d’un volume d’appareils produits en cours d’augmentation, ce qui cadre avec les annonces et plans antérieurs et même qui anticipe certaines prévisions! Même si il est toujours difficile d’évaluer avec précision les problématiques que rencontre et/ou va rencontrer l’industrie russe dans le contexte des sanctions occidentales frappant le pays depuis février 2022 et le lancement de l’opération militaire spéciale, il ne semble pas y avoir (en l’état actuel des choses, précisons-le) de ralentissement significatif dans la production militaire russe.

Outre ces livraisons, deux autres informations récentes relatives au Su-57 sont apparues dans la presse russe: l’officialisation que le 23 IAP de Dzyomgi deviendra la première unité opérationnelle des VKS à recevoir en dotation des Su-57, ainsi que l’annonce par UAC Russia que le Su-57 « modernisé » a pris l’air pour la première fois le 25 octobre 2022.

Su-57 et T-50. Qui? Quoi? Combien?

Cette récente livraison de quatre Su-57 aux forces aériennes russes semble avoir soulevé pas mal d’interrogations notamment en ce qui concerne le nombre d’avions déjà livrés et/ou en service. Ces questions qui n’ont rien de complexe en soi nécessitent néanmoins quelques précisions; en effet, il semble que l’on confonde allègrement les prototypes du PAK FA qui sont catalogués en tant que Sukhoï T-50 ainsi que les avions de série qui sont repris sous le type Sukhoï Su-57.

Les prototypes T-50 se répartissent en trois types:

  • Les prototypes du premier stade
  • Les prototypes du deuxième stade
  • Les prototypes statiques

Dans le cadre du développement du programme PAK FA, l’OKB Sukhoï va produire plusieurs prototypes T-50 qui vont présenter des standards de finition différents (d’un point de vue des équipements embarqués), ces derniers étant la résultante des essais à réaliser. De plus, suite à la découverte de faiblesses dans la structure des premiers avions produits, le T-50 va connaître de sérieuses modifications (notamment un renforcement de la structure interne avec emploi de titane pour les pièces structurelles en lieu et place des matériaux composites) ce qui va entraîner l’existence de deux « stades » de prototypes. Les cinq premiers prototypes, classifiées T-50-1 à T-50-5 (et respectivement codés 051 Bleu à 055 Bleu), sont sortis d’usine entre décembre 2009 et octobre 2013: ces cinq appareils peuvent être qualifiés de « prototypes du premier stade ». Un sixième prototype au même stade, le T-50-6, ne sera jamais achevé car ces éléments constitutifs vont être réemployés pour reconstruire le T-50-5 qui prit feu lors d’un vol d’essais le 10 juin 2014; ce dernier devenant à cette occasion T-50-5R.

Malgré son « âge », le T-50-1 (numéro de Bort 051 Bleu) qui n’est autre que le premier prototype est toujours actif. Image@Andrei Shmatko

Dans cette première « salve » de prototypes, il y a deux avions spécifiques: le T-50-2, devenu T-50LL qui sert de laboratoire volant pour le réacteur de deuxième stade Izd.30 ainsi que le T-50-3 qui sert dans le cadre du développement du drone lourd Sukhoï S-70 OKhotnik. Ces deux appareils sont facilement identifiables vu que possédant un camouflage et des marquages adaptés, les quatre autres appareils (T-50-1, T-50-2, T-50-4 et T-50-5R) existent toujours mais ne semblent plus guère employés.

Le T-50-2 alias T-50LL est principalement employé pour tester le réacteur Izd.30. On remarque d’ailleurs les deux lettres L stylisées sur les dérives. Image@Aleksandr Shchipilenko

Un « deuxième » sixième prototype, le T-50-6(-2) codé 056 Bleu va sortir en avril 2016 et ce dernier sera le premier des « prototypes du deuxième stade ». Il va être suivi des T-50-8 à T-50-11 (codés 058 Bleu et 509 à 511 Bleu) qui vont sortir en suite rapide des ateliers entre la fin 2016 et la fin 2017. Certains de ces prototypes sont des avions « complets » qui présentent le standard d’équipements des appareils de série dont la production doit les suivre sur la chaîne de montage de l’usine KnAAZ.

Le T-50-3 (numéro de Bort 053 Bleu) est aisément identifiable (et de loin!) grâce à son camouflage spécifique… ainsi que le drone S-70 Okhotnik dessiné sur ses dérives. Image@Anatoly Burtsev

Il est d’ailleurs à noter que le T-50-11 a été déployé sur la base des VKS de Khmeimim (Syrie) en février 2018 pour tester le comportement et les performances de l’avion dans un environnement désertique, durant ce déploiement il perdit son code 511 Bleu pour recevoir le seul numéro de registre RF-81775. Ces prototypes du « deuxième stade » existent encore tous et sont normalement tous en service. Histoire de complexifier encore un peu plus les choses: le 511 Bleu/RF-81775 est devenu le prototype du Su-57 « modernisé » (premier vol – officiel – le 25 octobre 2022), nous y reviendrons plus loin.

Le 511 Bleu est, en réalité, le T-50-11 soit le dernier prototype T-50 produit et également premier prototype (incomplet) du futur Su-57M. Facile, non? Image@OAK

Enfin et venant compléter les « prototypes actifs », il existe également trois prototypes dédiés aux essais statiques, il s’agit des T-50-0, T-50-KNS et du T-50-7. En ce qui concerne le T-50-7, il s’agit du prototype statique qui est modifié par rapport à ses prédécesseurs pour correspondre aux modifications apportées aux prototypes T-50 entre le premier stade de développement et le deuxième stade de développement. De manière amusante, le Su-57 codé 507 Bleu présenté durant le salon Army 2020 avec un cockpit composé d’un écran unique… n’est rien d’autre que le T-50-7 (prototype statique donc) maquillé en prototype actif du Su-57 doté des réacteurs Izd.30.

Vous ne verrez jamais ce T-50 en vol, le 057 Bleu étant en réalité le T-50-7: un prototype statique « maquillé » en prototype actif. Image@Taras Bazhanskiy

Bref, pour les amateurs d’arithmétique:

  • Cinq prototypes de « premier stade »: T-50-1, T-50-2/T-50LL, T-50-3, T-50-4, T-50-5R
  • Cinq prototypes de « deuxième stade »: T-50-6(-2), T-50-8, T-50-9, T-50-10, T-50-11
  • Trois prototypes statiques: T-50-0, T-50KNS, T-50-7

Passons maintenant aux avions de série.

Tant qu’à présent, deux contrats-cadres couvrent la production du Su-57: un premier contrat portant sur deux appareils de présérie signé le 22 août 2018 et prévoyant la livraison de deux appareils en 2019 et 2020 ainsi qu’un deuxième contrat annoncé le 15 mai 2019 et signé le 27 juin 2019 durant le salon Army 2019 qui porte sur la livraison de septante-six avions à livrer entre 2021 et 2028. Ce deuxième contrat marque véritablement le lancement de la production en série du Su-57 au sein de l’usine KnAAZ, cette dernière ayant besoin d’un volume « certain » d’appareils (et donc par truchement de charge de travail) pour débuter la transition « définitive » des infrastructures de l’usine vers la mise en place de la production du Su-57.

La production du Su-57, que sait-on?

La commande des septante-six Su-57 signée le 27 juin 2019 est couverte par le contrat-cadre étatique référencé 1928187122752412208203564 qui était disponible dans le site des appels d’offres officiels russes (site qui était auparavant accessible au commun des mortels, ce qui n’est plus le cas dorénavant). S’inscrivant dans le cadre de ce contrat-cadre étatique, un contrat de fourniture daté du 01/01/2020 et relatif à la fourniture d’une partie précise du fuselage de l’appareil permet de se faire une idée précise et fiable des plans de production annuels prévisionnels russes en matière de Su-57.

Les chiffres disponibles sont les suivants:

  • 2019: 1
  • 2020: 1
  • 2021: 4
  • 2022: 4
  • 2023: 6
  • 2024: 12
  • 2025: 12
  • 2026: 12
  • 2027: 12
  • 2028: 12

Ces chiffres sont cohérents avec deux éléments précis: la capacité de production au sein de l’usine KnAAZ où la chaîne de montage est implantée et celle-ci ne devrait atteindre sa pleine capacité qu’à partir de 2024 (la superficie de l’usine étant actuellement répartie entre les chaînes de montage du Su-35(S) et du Su-57) ainsi qu’avec l’arrivée envisagée du réacteur définitif Izd.30.

Si on prend la peine de comparer les plans prévisionnels et les livraisons concrètes, on constate que que les prévisions russes ont été globalement respectées au début avant de commencer à se détacher progressivement du calendrier prévisionnel. Même si l’usine KnAAZ ainsi que le holding OAK ne communiquent pas avec précision sur les avions produits et ce encore moins depuis le lancement de « l’opération militaire spéciale » en Ukraine, il n’empêche que plusieurs reportages de TV Zvzeda et d’autres médias russes ont permis d’obtenir plusieurs informations détaillées sur les avions produits. A croire que les censeurs russes sont moins rigoureux que leurs prédécesseurs soviétiques.

Dans le cadre du premier contrat-cadre signé en 2018, deux avions ont été produits:

  • Le T-50S-1, numéro de série 51001, numéro de Bort 01 Bleu, construit en 2019… et perdu dans un crash le 24 décembre 2019 suite à une défaillance des commandes de vol
  • Le T-50-2, numéro de série 51002, numéro de Bort 01 Bleu, registre RF-81774, construit en 2020 et livré le 29 janvier 2021… devenant de la sorte le premier Su-57 de série produit ET livré
Le « deuxième » Su-57 portant le numéro de Bort 01 Bleu et arborant l’emblème du 929 GLITs à proximité du cockpit. Image@Nikolay Enin / Wizarden.ru

Même si KnAAZ n’a pas communiqué sur cette question, l’avion perdu étant couvert par assurances, il sera très certainement remplacé aux frais du constructeur. Mais soit, c’est un autre sujet et ce genre d’informations ne concerne que le producteur et le client du Su-57.

Le « vrai » contrat qui initie la production en série du Su-57 porte donc sur la construction de septante-six avions à livrer entre 2021 et 2028, le premier avion concerné par ce contrat est en réalité le troisième Su-57 « de série » produit, les avions déjà sortis des chaînes sont les suivants (attention au fait que certains numéros de série ne sont pas confirmés):

  • Le T-50S-3, numéro de série 52201, numéro de Bort 51 Bleu, construit en 2021, présumé livré fin 2021 (annoncé dans les actualités mais jamais documenté)
  • Le T-50S-4, numéro de série 52202, numéro de Bort 52 Bleu, construit en 2021, présumé livré fin 2021 (documenté à une seule reprise dans une vidéo tournée chez KnAAZ)
  • Le T-50S-5, numéro de série 52303, numéro de Bort 02 Rouge, construit en 2021, livré en janvier 2022
  • Le T-50S-6, numéro de série 52304, numéro de Bort 52 Rouge, registre RF-81775, construit en 2021, livré en janvier 2022
  • Le T-50S-7, numéro de série 52405, numéro de Bort 53 Rouge, registre RF-81777, construit en 2022, livré fin mai 2022
  • Le T-50S-8, numéro de série 52406, numéro de Bort 54 Rouge, registre RF-81778, construit en 2022, livré fin mai 2022

Les quatre avions qui viennent d’être livrés fin décembre 2022, devraient donc être en toute logique les T-50S-9 à T-50S-12; dis autrement la Russie a perçu onze Su-57 de série sur les douze appareils produits (un exemplaire étant à déduire vu la crash de 2019).

Les deux Su-57 codés 53 et 54 Rouge lors de leur vol de convoyage vers leur base d’attache. Image@Телеграм-канал NskPlanes

Toujours pour les amateurs de chiffres et de calendrier, les forces aériennes russes auront donc réceptionné un total de huit Su-57 en 2022 mais dans ce nombre, il est nécessaire de prendre en ligne de compte le fait que six appareils auront été produits en 2022 (T-50S-7 à T-50S-12) tandis que les solde de deux appareils (T-50S-5 et T-50S-6) sont des Su-57 de la cuvée 2011 mais livrés en 2022. Au final le calendrier prévisionnel est « respecté »: quatre appareils ont été produits en 2021 et six en 2022; ce sont les dates de livraison effectives qui viennent (un peu) brouiller les cartes.

Enfin, à la question « d’où peut-on trouver les Su-57? », il n’y a pas trente-six options: les avions étant toujours en cours de mise en service au sein des VKS, le gros de l’effort actuel porte sur la rédaction du syllabus de formation, de la formation des instructeurs ainsi que de l’exploration du domaine de vol complet de l’avion. Bref, les Su-57 vont d’abord débuter leur carrière par un passage (plus ou moins long) à Akhtubinsk (929 GLITs) où les formations et entraînements vont se dérouler avant d’ensuite venir former (dans un premier) temps une première escadrille du 23 IAP de la base de Dzyomgi.

Le logo à côté du numéro de Bort 02 Rouge de ce Su-57 de série ne laisse aucun doute sur sa destination: le 929 GLITs d’Akhtubinsk. Image@NSK Planes

Jouxtant l’usine KnAAZ de Komsomolsk-sur-l’Amour, il n’y a rien d’étonnant dans le choix de Dzyomgi: les équipes de techniciens du constructeur étant en première ligne pour régler les (inévitables) maladies de jeunesse de l’avion. Reste à voir ce qu’il adviendra de la dotation actuelle de cette unité qui dispose de deux escadrilles de  Su-35S? Remplacement ou renforcement? Et si remplacement où seront envoyés les Su-35S en question? Autant de questions qui sont sans réponses pour l’instant.

Et demain?

Il semble qu’on atteigne (enfin) une sorte de point de bascule dans le programme Su-57, en effet, après avoir connu un timide début de production dès 2019 avec un seul appareil produit cette année-là, on passe à huit appareils livrés en 2022 dont six produits en 2022 et deux issus de la production 2021. Certes, en comparaison avec les volumes de production d’autres production contemporaines, les volumes peuvent paraître faibles mais il est néanmoins nécessaire de prendre en ligne de compte plusieurs facteurs expliquant pour partie ce niveau de production.

Premier élément, et certainement le plus structurant: l’usine KnAAZ et les chaînes de montage dédiées. Comme déjà indiqué auparavant à de nombreuses reprises, la production des Su-35S et Su-57 se déroule au sein de l’usine KnAAZ de Komosomolsk-sur-l’Amour: la production du Su-35S (et variantes à l’export) est devenue la principale production de cette usine depuis la fin des travaux sur les Su-27SM(3). Or, de part le fait que l’usine dispose d’une superficie disponible limitée (et ce malgré des travaux de reconfiguration/modernisation), la mise en place d’une chaîne de production pour le Su-57 se fait au détriment de la place disponible pour le Su-35(-S). Bref, les ingénieurs sont face à la quadrature du cercle: si ils veulent augmenter la capacité de production du Su-57, ils doivent diminuer d’autant celle du Su-35(-S) et par conséquent soit restreindre les possibilités de livrer les VKS ou d’éventuels clients à l’export (même si cette question risque d’être moins importante dans les années à venir) soit limiter leur capacité à produire des Su-57. La seule question pour les russes est de trouver le « juste équilibre » entre les moyens disponibles (humains/matériels/financiers) et les besoins (Su-57 vs Su-35S), or en ce qui concerne cette « opposition » entre Su-35S et Su-57, nous sommes en présence de deux avions à des étapes antagonistes de leur vie. Le Su-35S est un avion abouti et apprécié qui est en demande par les VKS, vu les excellentes performances en Ukraine du tandem Su-35S/R-37M (reconnues indirectement par les ukrainiens, ce qui en dit long sur ce dernier) tandis que le Su-57 est également en demande mais nécessite encore un peu de maturation pour arriver au stade attendu pour les responsables des VKS.

Le 53 Rouge est un Su-57 de série produit en 2022 et livré fin mai 2022. Image@?

Au vu des niveaux de productions 2022, l’usine KnAAZ a donc sorti d’assemblage sept (3+4) Su-35S ainsi que six (2+4) Su-57 soit un total de treize appareils répartis sur deux chaînes d’assemblage différentes. Certes, on est loin des records des années antérieures, mais ce quasi équilibre entre les deux modèles montre que l’on arrive à un point de bascule entre la fin (pas encore définitive du Su-35S sur les chaînes d’assemblage et le passage intégral au Su-57 chez KnAAZ: cette tendance étant appelée à se confirmer dans les années à venir puisque le MoD russe a confirmé l’augmentation de la cadence de production du Su-57.

L’autre élément à considérer, qui est également structurant, c’est le programme de développement continu du Su-57. Il n’est un mystère pour personne (ou presque) qui suit le programme de près que le développement du Su-57 se poursuit dans le cadre du programme de recherches et développement Megapolis signé le 29 octobre 2018 entre le MoD russe et l’OKB Sukhoï. Ce programme intègre notamment une modernisation de l’électronique embarquée, l’intégration de nouveaux armements ainsi que des modifications au niveau des systèmes de contrôles (remplacement de systèmes hydrauliques par des moteurs électriques) et enfin l’installation des nouveaux moteurs Izd.30: la cellule de l’avion, considérée comme performante, ne nécessitant pas de travaux particuliers. Or de ce point de vue les travaux avancent également: un appareil « modernisé » (bien qu’incomplet car ne disposant pas encore des Izd.30), en réalité le prototype T-50-11 modifié en conséquence, a effectué son premier vol le 25 octobre 2022. Aucun détail n’a été communiqué sur le contenu concret des travaux effectués sur ce dernier mais plusieurs différences extérieures sont visibles avec les appareils précédents.

Le 52 Rouge est un Su-57 de série produit en 2021 et livré en 2022. Image@NSK Planes

Soit, il y aura encore bien des choses à écrire sur ce Su-57 « modernisé ». En attendant, il apparaît assez rapidement que le MoD russe bien que poursuivant ses acquisitions de Su-57 se prépare à recevoir également la variante qu’on peut qualifier de « définitive »: ceci expliquerait aussi, en partie, pourquoi les volumes de production sont restreints actuellement. Autre élément à prendre en considération, les capacités industrielles russes: on se focalise sur l’usine KnAAZ mais il est nécessaire de prendre en considération le fait que la base industrielle russe n’est pas aussi étendue que celle d’autres pays (la Chine, par exemple), par conséquent une partie des moyens mobilisés pour produire le Su-57 ne peuvent que peu ou prou être employés pour d’autres appareils dont la production est également en cours (Su-34NVO et Su-30SM2 notamment). Et ce « facteur limitant » va devoir être réévalué dans le cadre des sanctions internationales frappant la Russie: le besoin de trouver de nouvelles sources d’approvisionnement dans plusieurs secteurs technologiques critiques (micro-électronique notamment) va avoir un impact sur la capacité de production russe dans les années à venir, reste à voir quelle sera la portée concrète de cet impact.

Dernier point à aborder et non des moindre, la capacité de formation et d’entraînement des pilotes russes: la mise en service des premiers appareils de série étant toute récente (premier appareil livré début 2021), il est nécessaire d’assurer la formation des instructeurs, la rédaction du manuel d’utilisation ainsi que de tester l’enveloppe de vol « maximale » de l’avion, ce qui nécessite des moyens humains non-négligeables. De plus dans le contexte de « l’opération militaire spéciale » en Ukraine, les VKS ont recours à des pilotes expérimentés pour palier les pertes enregistrées; par conséquent la capacité de formation est (pour partie) réduite suite à la mobilisation des instructeurs pour les opérations en cours.

Soleil levant ou soleil couchant sur le programme Su-57? Seul l’avenir nous le dira. Image@Michael Polyakov

Le programme Su-57 se retrouve confronté à la conjonction de ces différents facteurs (ainsi que d’autres) qui fait que le rythme de production du Su-57 est encore restreint bien que s’accroissant progressivement. Il n’en est pas moins inutile (bien que nombre d’observateurs semblent apprécier la chose) de comparer les rythmes de production chinois (J-20) et russes (Su-57) pour autant, les deux pays ne disposent ni des mêmes moyens (humains, financiers et techniques) ni des mêmes besoins et chacun avance à son rythme. Au final, la seule question qui reste encore en suspens, et à laquelle il est impossible de répondre tant qu’à présent est de savoir si la Russie sera en mesure de poursuivre cette progression dans le volume de production eu égard aux sanctions décrétées contre le pays. Aucun élément ne permet d’apporter une réponse ferme à cette question pour l’instant, il faudra attendre la fin de 2023 et plus encore 2024 pour avoir une vue précise sur cette problématique; ceci découlant en grande partie des délais impartis dans la production d’un appareil, des stocks devant être constitués en amont du début de la construction des appareils. Tout dépendra donc de la capacité des russes à gérer des stocks et/ou à trouver des voies alternatives d’approvisionnement.

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