[Actu] Tir de missiles balistiques Bulava par la Flotte du Pacifique

Annoncé en date du 12 décembre 2020, le sous-marin nucléaire lanceur d’engins K-551 Vladimir Monomakh (Владимир Мономах) appartenant à la Flotte du Pacifique a effectué le tir en salve de quatre missiles 3M30 Bulava au départ de la Mer d’Okhotsk; si le tir de missiles Bulava en salve est loin d’être une première, il s’agit néanmoins d’une première pour un navire appartenant à la Flotte du Pacifique.

Avec ce tir réussi qui intervient pas moins de six ans après le premier tir de Bulava effectué par le Vladimir Monomakh; une étape significative est franchie par la Marine Russe. En effet, malgré la présence de deux Boreï au sein de la Flotte du Pacifique (les K-550 Aleksandr Nevskiy depuis le 30 septembre 2015 ainsi que le K-551 Vladimir Monomakh depuis le 26 septembre 2016) aucun tir de missiles Bulava n’avait été effectué par un des bâtiments affectés à cette flotte. Cette situation devenant pour le moins surprenante eu égard au fait que la Flotte du Nord a continué à tirer « régulièrement » pour s’entraîner, à l’inverse, un silence assourdissant en la matière frappait la Flotte du Pacifique. Seul le K-44 Ryazan (dernier Izd.667BDR Kalmar actif) effectuant encore à intervalles réguliers des tirs d’entraînement de missiles balistiques R-29R.

Ce tir en salve de quatre missiles Bulava vient donc mettre un terme à ces questionnements, tout en validant cette capacité au sein de la Flotte du Pacifique. Il apporte en outre une réponse à la question de l’installation de rechargement des missiles Bulava à bord des Boreï à Vilyuchinsk qui semble avoir été la principale cause de cette absence de tirs antérieurs au 12 décembre.

Le SLBM 3M30 Bulava

L’origine du programme de missile balistique sous-marin (SLBM / Submarine-Launched Ballistic Missile) Bulava se trouve dans le programme de missile balistique R-39UTTKh qui devait équiper la nouvelle génération de Sous-marins Nucléaires Lanceurs d’Engins (SNLE) soviétiques devant assurer la relève de la prolifique famille Izd.667B/BD/BDR/BDRM (Delta I à IV dans la classification OTAN) ainsi que dans une moindre mesure des Izd.941 Akula (Typhoon dans la classification OTAN). Initié dès 1986 au sein du bureau d’études Makeyev, le développement du R-39UTTKh (complexe D-19UTTKh) est, comme son nom l’indique, dérivé du missile balistique R-39 (complexe D-19) équipant les Izd.941 Akula.

Le TK-208 Dmitriy Donskoï, dernier navire actif de la classe Akula (Izd.941U). Image@?

En mai 1987, il fut décidé que les SNLE Akula seraient rééquipés au sein du chantier naval Zvezdochka de Severodvinsk avec le nouveau missile balistique une fois son développement achevé, un calendrier prévisionnel (pour le moins ambitieux) des conversions d’Akula fut établi à cette occasion:

  • TK-208 entre octobre 1988 et 1994
  • TK-202 entre 1992 et 1997
  • TK-12 entre 1996 et 1999,
  • Et enfin les TK-17, TK-20 et TK-210 après 2000

Cependant, le programme va connaître un important retard suite aux restrictions budgétaires touchant l’URSS à la fin de son existence ainsi que la marine russe à partir de 1992; les essais au sol furent achevés en 1991 mais ils vont ensuite traîner en longueur face au besoin de développer des équipements de substitutions (déjà à l’époque…) de certains composants produits en dehors de la nouvelle Russie (cas des propergols solides notamment), cette substitution nécessitant de redessiner le missile qui ne sera prêt qu’en 1996. Les premiers essais de tir vont démarrer dans la foulée mais après trois tirs qui se conclurent tous les trois sur des échecs, le Ministère de la Défense russe sur proposition du commandant en chef de la Marine Russe (V.I. Koroyedov) décida d’arrêter les frais et de tout simplement jeter le programme Bark à la poubelle dans le courant de l’année 1998.

Schéma illustrant les différences principales entre les SLBM R-39 et R-39UTTKh. Image@Военный парад

Voilà donc que la Marine Russe se retrouvait dans la situation délicate d’avoir une nouvelle génération de SNLE en cours de construction mais plus aucun missile balistique pour l’équiper. C’est pourquoi l’institut MIT (Московский Институт Теплотехники) en collaboration avec l’institut Makeyev va être chargé dans le courant de l’année 1998 de développer un nouveau missile balistique sous-marin à propergols solides et disposant de têtes mirvées répondant au nom de Bulava (Булава / « La masse »); l’ingénieur principal du programme est Yu. A. Kaverin.

Le programme Bulava est repris sous différentes références, ceci ayant parfois tendance à brouiller les cartes lorsqu’on parle de ce missile:

  • Index GRAU: 3M30 (missile) / 3K30 (complexe)
  • SNV-III (new START): RSM-56
  • Code OTAN: SS-N-32
  • Marine Russe: R-30 (missile) / D-30 (complexe) / Bulava-30

Produits au sein de l’usine de Votkinsk (Воткинский Завод), les essais des composants du missile Bulava vont démarrer en 2004, le premier SNLE de la classe Akula (Izd.941), le TK-208 Dmitriy Donskoï (Дмитрий Донской) étant rééquipé (standard Izd.941U) pour emporter le Bulava et servant de plate-forme de tests en l’absence du premier Boreï toujours en cours de construction. Néanmoins, malgré l’importance du missile, les premiers tests vont régulièrement déboucher sur des échecs et ces derniers finiront même pas pousser le directeur du MIT, Y.S. Solomonov, à la démission en 2009… mais ce dernier resta quand même l’ingénieur principal du MIT.

Essai de tir daté du 7/10/2010 de Bulava à partir du TK-208 Dmitriy Donskoï. Image@viktor29rus / airbase.ru

Les raisons des échecs connus sont variées mais il semble que plusieurs facteurs soient à prendre en considération: de gros défauts dans la qualité de construction du missile sont une des principales causes ainsi que dans des difficultés rencontrées au niveau de son industrie (d’un point de vue financier et humain) qu’à connu la Russie entre 1992 et 2000. En outre, l’absence de tests du missile au départ d’une plate-forme externe navale (les tests préliminaires ont été effectués au départ de la plate-forme terrestre SM-E336 située à Yelizavetinka près de Saint-Pétersbourg) a joué un rôle non-négligeable dans les échecs à répétition connu par le programme à ses débuts, certains défauts rencontrés étant en fait difficiles à identifier et donc à corriger. L’admission officielle au service du missile va être retardée à plusieurs reprises suites aux difficultés rencontrées et ce n’est que le 10 janvier 2013 que le missile fut accepté au service par la Marine Russe en même temps que le K-535 Yuri Dolgorukiy. La production en série du missile est lancée en 2011 après rééquipement de l’usine de Votkinsk et il semble que cette dernière soit en mesure de produire environ vingt-cinq missiles Bulava annuellement.

Le K-535 Yuri Dolgorukiy. Image@?

Envisagé à l’époque soviétique pour constituer une série de quatorze nouveaux SNLE, c’est à l’époque russe en date du 2 novembre 1996 qu’est mis sur cale le premier sous-marin du projet Izd.955 (09550) Boreï (le K-535 Yuri Dolgorukiy); ce bâtiment étant conçu à l’origine pour emporter douze missiles R-39UTTKh Bark. Cependant, avec l’abandon du projet Bark en 1998, le navire doit être redessiné sur cale pour pouvoir emporter le futur Bulava; à cette occasion son code projet évolua également pour devenir l’Izd.955 (09551). L’avantage principal offert par le missile Bulava étant qu’il présente un gabarit plus petit que le Bark ce qui permit de porter la dotation de 12 à 16 missiles balistiques, réduisant d’autant la différence du nombre de missiles entre les Izd.941 Akula (20 missiles) et les Izd.955 Boreï (16 missiles).

Le nouveau missile 3M30 Bulava présente les caractéristiques générales suivantes:

  • Masse: 36,8 tonnes
  • Longueur: 11,5 m
  • Diamètre: 2 m
  • Autonomie maximale: 9.300 Km
  • Composition: trois étages à propergol solide
  • Missile « Mirvé »: Emport de 6 ou 10 têtes nucléaires (le nombre dépend de la taille et donc de la puissance de la tête embarquée)
  • CEP (Erreur Circulaire Probable) du missile: 350 mètres
  • Peut-être tiré en surface ou jusqu’à une profondeur d’immersion allant jusqu’à 50-55 m

Au moment de rédiger ces lignes et au vu du tableau ci-dessus, on peut voir que le programme Bulava cumule un total de trente-huit missiles tirés après le premier essais en usine le 24 mai 2004 et l’on dénombre huit missiles n’ayant pas atteints leur cible (auxquels s’ajoutent un échec en usine) et trente missiles ayant atteints leur cible. En outre et au regard des chiffres disponibles: les onze missiles tirés depuis 2017 ont tous été des réussites, ce qui indique que le programme semble enfin avoir atteint sa pleine maturité avec un haut taux de fiabilité.

Tir en salve (deux missiles) de Bulava effectué par le Yuri Dolgorukiy et daté du 27 septembre 2016. Image@Andrey Luzik

Il est pour le moins inutile de préciser qu’au vu de l’importance du missile Bulava dans le cadre de la dissuasion nucléaire russe, la nécessité de disposer d’un missile fiable et efficace était d’une importance capitale; ce dernier est l’armement de base que mettra en oeuvre la composante sous-marine de la dissuasion nucléaire russe durant les trente années à venir.

Le K-551 Vladimir Monomakh

Troisième et dernier bâtiment de la classe Boreï (Izd.955/09551) avant le passage à la variante redessinée Boreï-A (Izd.955A/09552); le K-551 Vladimir Monomakh (Владимир Мономах) est un sous-marin nucléaire lanceur d’engins (SNLE / RPKSN dans la classification russe) qui a été mis sur cale le 19 mars 2006 au sein du chantier naval SevMash de Severodvinsk. A l’instar de ses deux prédécesseurs que sont les K-535 Yuri Dolgorukiy (Юрий Долгорукий) et K-550 Aleksandr Nevskiy (Александр Невский) des tronçons de la coque interne du sous-marin K-480 Ak-Bars de la classe Shchuka-B (Izd.971) ont été réemployés pour construire le Vladimir Monomakh.

Lancé en date du 30 décembre 2012, sa sortie du dock flottant et sa mise à quai n’interviendront que le 18 janvier 2013. La première étape des essais constructeur se déroulant principalement en Mer Blanche va s’achever le 8 octobre 2013; la phase finale des essais constructeur se déroulant entre le 11 juin 2014 et le 7 juillet 2014 ouvrant ensuite la voie aux essais étatiques. Ces derniers vont se tenir jusqu’en date du 10 décembre 2014, date à laquelle le certificat d’acceptation du navire va être signé: permettant sa remise à la Marine Russe. La cérémonie de lever du drapeau intervenant le 19 décembre 2014, le navire étant affecté à la Flotte du Pacifique au sein de la 25 DPL basée à Vilyuchinsk (Kraï du Kamtchatka).

Le K-551 Vladimir Monomakh. Image@?

Cependant, le K-551 va rester encore un peu dans le Nord de la Russie (ceci s’expliquant facilement par la proximité avec le constructeur et ses équipes assurant le suivi du navire); la transition vers la base d’attache n’interviendra qu’en 2016, le navire arrivant dans la zone Pacifique le 26 septembre 2016. La présence du navire dans la zone Nord de la Russie a été mise à contribution pour effectuer plusieurs exercices de tirs de missiles Bulava dans le cadre de sa campagne d’essais:

Après son arrivée dans la zone Pacifique, le Vladimir Monomakh a effectué plusieurs campagnes de sortie en mer pour tester le fonctionnement de ses équipements ainsi que pour maintenir les compétences de son équipage sans cependant procéder au tir de missiles Bulava.

Cette vue en 3/4 latéral d’un Boreï permet de mieux appréhender les lignes caractéristiques de cette classe de bâtiments. Image@?

Les Boreï et la Flotte du Pacifique

Parmi les deux flottes principales de la Marine Russe (Flotte du Nord et Flotte du Pacifique), la Flotte du Pacifique est celle qui a – et de loin – connu le repli capacitaire le plus important dans la période post-soviétique; la flotte de surface ainsi la force sous-marine vont voir leurs effectifs se réduire drastiquement avec le retrait rapide de service des principales unités de 1er rang soit par absence de moyens financiers pour les exploiter et les entretenir soit par l’absence de remplacement des navires atteints par la limite d’âge.

Cette vue satellite de la zone de Vilyuchinsk permet de voir: encadré en rouge, la base principale des sous-marins nucléaires russes dans le Pacifique. Encadré en vert: la zone où est implantée le système de rechargement des Boreï. En orange: la zone de stockage des charges nucléaires. En jaune: la zone de stockage des missiles. Image@GEarth / Montage@RS

La composante sous-marine chargée de la dissuasion nucléaire (25 DPL) reposait sur les SNLE de la classe Izd.667BDR Kalmar (code OTAN: Delta III) basés à Vilyuchinsk (plus précisément à Rybachiy), cependant, les retraits de service vont s’enchaîner rapidement: les navires atteignant la fin de leur cycle d’entretien et la Marine Russe n’étant pas en mesure de passer en révisions générales par manques de moyens financiers disponibles, les navires durent être retirés du service. La situation va devenir très tendue puisqu’en 2008 on ne dénombrait plus que deux SNLE de la classe Kalmar en service; ceci poussera la Marine Russe à transférer en urgence le dernier Izd.667 Kalmar en service au sein de la Flotte du Nord, le K-44 Ryazan vers la Flotte du Pacifique. Ce faisant, la Marine faisait d’une pierre deux coups: les Izd.667BDRM Delfin (code OTAN: Delta IV) étant concentrés au sein de la Flotte du Nord tandis que les Izd.667BDR Kalmar survivants l’étant au sein de la Flotte du Pacifique.

Un bossage élevé en aval du massif et une proue étroite? Il s’agit bien d’un Izd.667BDR Kalmar dont l’état général n’est guère reluisant. Image@?

En 2015, la Flotte du Pacifique va recevoir son premier sous-marin nucléaire neuf depuis la fin de l’URSS avec l’arrivée le 30 septembre 2015 du K-550 Aleksandr Nevsky apportant un peu de sang neuf à une flotte qui en avait bien besoin. Lors de son arrivée, la flotte de SNLE était constituée de trois Izd.667BDR Kalmar:

  • K-44 Ryazan (Рязань)
  • K-223 Podolsk (Подольск)
  • K-433 Svyatoy Georgiy Pobedonosets (Святой Георгий Победоносец)

Cette flotte de quatre bâtiments (en incluant l’arrivée du K-551) va ensuite progressivement se réduire avec la mise en réserve du K-223 Podolsk en 2016 faisant suite à l’arrivée du K-551 Vladimir Monomakh le 26 septembre 2016, le K-433 Svyatoy Georgiy Pobedonosets étant quant à lui placé en réserve en 2018 sans remplacement direct.

Vu le paysage à l’arrière-plan, il y a peu de doute possible sur l’emplacement du K-550 Aleksandr Nevsky. Image@?

En 2020, la Flotte du Pacifique dispose des SNLE suivants:

  • K-44 Ryazan (Izd.667BDR)
  • K-550 Aleksandr Nevsky (Izd.955)
  • K-551 Vladimir Monomakh (Izd.955)

En prévision de l’arrivée des Boreï à Vilyuchinsk, un important (mais lent) mouvement de modernisation des installations locales qui étaient loin d’être dans un bon état après plus d’une quinzaine d’années de laisser-aller généralisé et de manque de moyens financiers va être enclenché pour remettre les installations à niveau et accueillir les équipages (ainsi que leurs familles) dans des conditions de confort élevées.

Les six jetées principales (reconstruites) dédiées aux sous-marins nucléaires à Rybachiy: on peut voir deux SNLE (un Izd.955 Boreï et un Izd.667BDR Kalmar), trois SSGN de la classe Antey (Izd.949A) et un SNA Shchuka-B (Izd.971). Image@GEarth / Montage@RS

Les travaux entrepris vont porter sur plusieurs éléments:

  • Reconstruction des six jetées de la base sous-marine et équipement de celles-ci avec les alimentations pneumatiques, hydrauliques et électriques nécessaires
  • Construction d’une installation de rechargement en missiles Bulava pour les Boreï
  • Reconstruction et rééquipement des installations de stockage des missiles balistiques sous-marins

Les travaux, pour le moins important, vont se dérouler sur plusieurs années et vont porter sur l’ensemble des installations existantes ainsi que sur la création des équipements nécessaires pour les Boreï ainsi que pour les missiles Bulava. Sans aborder en détail l’ensemble des travaux, l’élément le plus important ici est très certainement le système de recharge en missiles Bulava qui a été construit au Nord de la base principale.

Le K-551 Vladimir Monomakh. Image@?

Alors que le rechargement en missiles des Izd.667BDR Kalmar se faisait via l’emploi de grues montées sur pontons, cette solution ne pouvait pas être retenue pour le Bulava: ceci nécessita la construction d’une installation dédiée équipée d’une grue de chargement sur un modèle similaire à celle qui est installée dans la Flotte du Nord. Composée d’une jetée principale sur laquelle est installée une grue de grande dimension et complétée par une deuxième jetée parallèle: l’ensemble permettra une fois achevé de créer un sas pouvant accueillir un SNLE Boreï. Sur base d’images satellites (Google Earth) ci-dessous on peut voir l’évolution des travaux entre 2013 et 2020 (ainsi qu’une vue de la zone AVANT le début des travaux, en 2009), et il apparaît que la grue de rechargement est installée depuis 2016. Les travaux sont toujours en cours en 2020 bien qu’en voie d’achèvement, néanmoins au vu du tir effectué, il semble logique de conclure que l’installation est – en partie tout du moins – en service.

Le tir effectué le 12 décembre à partir du Vladimir Monomakh en position immergée dans la mer d’Okhotsk a vu ce dernier lancer une salve de quatre missiles Bulava (deuxième fois qu’une telle salve est tirée dans l’histoire des Boreï), les missiles atteignant tous les quatre le polygone de tir de Chiza / Полигон « Чижа » (Péninsule de Kanine / District autonome de Nénetsie / Oblast d’Arkhangelsk) à une distance d’un peu moins de 6.000 Km. Avec ce tir, il semble que le polygone de tir de Chiza reprenne du service; en effet, l’absence de disponibilité de ce polygone par manque d’équipements de mesure pour le missile Bulava serait également une des raisons pour lesquelles les Boreï de la Flotte du Pacifique n’avaient pas encore procédés à des tirs de Bulava.

La Marine Russe fait usage de deux principaux polygones de tir pour ses essais de SLBM:

  • Polygone de Kura (Ракетный Полигон Кура) dans la péninsule du Kamtchatka pour les tirs provenant de la Flotte du Nord
  • Polygone de Chiza (Полигон Чижа) dans la péninsule de Kanine pour les tirs provenant de la Flotte du Pacifique

Les équipages de la Flotte du Pacifique maintenaient leurs compétences en tirs de missiles balistiques en effectuant des rotations avec leurs homologues de la Flotte du Nord pour faire usage du polygone de tir de Kura mais avec ce tir à destination du polygone de Chiza, on peut donc en conclure que ce polygone de tir est remis en service à destination des équipages de la Flotte du Pacifique notamment. Avec l’arrivée de Boreï-A supplémentaires dans les années à venir, inutile de préciser que ce polygone va avoir du travail dans les années à venir.

Pour l’anecdote, le tir de missiles Bulava par le K-551 le 12 décembre n’est pas passé inaperçu: la base américaine de Ramstein située en Allemagne est passée en alerte quelques minutes suite à la détection du tir des Bulava par les systèmes d’alerte avancée américains avant que la situation ne soit clarifiée. Manifestement les armées occidentales ne s’attendaient pas à voir la Marine Russe procéder à un tir d’Est en Ouest alors que tant qu’à présent il n’y avait eu que des tirs d’Ouest en Est.

En conclusion

Bien que le tir d’un missile Bulava (en salve ou non) ne soit pas une nouveauté en soi, néanmoins il s’agit d’une première en ce qui concerne la Flotte du Pacifique, ceci indiquant directement trois choses importantes pour la Marine Russe:

  • L’installation de rechargement dédiée aux missiles Bulava pour les Boreï est en service à Vilyuchinsk
  • Les équipages de la Flotte du Pacifique sont maintenant en mesure d’assurer le tir de missiles ainsi que de réarmer sur place les SNLE Boreï(-A)
  • Le polygone de tir de Chiza serait enfin remis en service et équipé pour pouvoir effectuer les mesures lors des tests de missiles Bulava

Certes, ces informations peuvent paraître anecdotiques au premier abord mais elles sont pour le moins intéressantes; ces « nouvelles » compétences montrent que la Flotte du Pacifique sera sous peu en mesure d’envoyer à la retraite, après une carrière de plus de quarante ans (mise en service le 31 janvier 1980), le dernier SNLE de la classe Izd.667BDR (le K-44 Ryazan) lors de l’arrivée du deuxième Boreï-A, le Knyaz Oleg attendu à la fin de l’année 2021.

Le premier Boreï-A, le K-549 Knyaz Vladimir, présente une silhouette redessinée par rapport à ses prédécesseurs. Image@Oleg Kuleshov

Très lentement, mais certainement, la composante sous-marine de la Flotte du Pacifique va remonter en puissance; actuellement composée de deux Boreï et de dernier Kalmar, l’arrivée du Knyaz Oleg permettra de disposer de trois Boreï(-A) « standardisant » (en partie vue les différences entre les deux variantes) la flotte tout en permettant à celle-ci de préparer l’avenir puisqu’à terme ce sont au-minimum trois Boreï-A supplémentaires (les Generalissimus Suvorov, Imperator Aleksandr III et Riurik) qui doivent rejoindre les rangs de la 25 DPL d’ici à 2026. Remontant à six navires actifs (deux Boreï et quatre Boreï-A), la composante sous-marine serait donc en mesure d’avoir deux bâtiments à la mer en permanence: lui permettant de retrouver un niveau d’activité pas encore équivalent mais fort proche des niveaux connus à l’époque soviétique.

Enfin, élément important bien que souvent laissé de côté: les travaux de modernisation de la Flotte du Pacifique n’impactent pas que les navires mais également les installations fixes à Vilyuchinsk ainsi que les installations d’entretien. La logistique a toujours été un des gros point noir de la flotte soviétique et la Marine Russe a – enfin – pris la mesure de ce problème, son impact sur la durée de vie des navires ainsi que leur maintien en conditions opérationnelles. La base de Vilyuchinsk passe actuellement par un important programme de modernisation qui est en voie d’achèvement de plus, il est également à noter que le chantier naval Zvezda de Bolshoy Kamen (appartenant à Rosneft) a passé plusieurs appels d’offres récemment en vue d’être rééquipé pour prendre en charge les révisions et modernisations des sous-marins nucléaires de quatrième génération russes; soit les Izd.885(-M) Yasen(-M) et Izd.955(-A) Boreï(-A). On le voit donc, ce premier tir d’un missile Bulava au départ d’un bâtiment de la Flotte du Pacifique est un excellent indicateur des évolutions en cours ainsi qu’à venir au sein de cette Flotte.

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Pour poursuivre la lecture (en russe) sur le missile Bulava: il existe cet article très complet de Military Russia. Vivement recommandé.

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