[Actu] Le futur du T-72

Aujourd’hui, le T-72 (et plus précisément le T-72B) est sans conteste le char le plus représentatif des forces blindées russes avec des chiffres annoncés d’environ 2000 chars de ce type en service au sein des SV (l’armée de terre), dont près de la moitié est composée de variantes modernisées T-72B3 et T-72B3M/T-72B3 obr.2016.

Bien que la carrière du T-72 est amenée à s’achever à long terme avec la mise en service du T-14 dans la décennie à venir, il semble toutefois que le T-72 n’ait en aucun cas dit son dernier mot concernant son avenir dans les SV; en effet, celui-ci pourrait subir divers programmes de modernisations et de profondes modifications.

Plus tôt cette année, Viatcheslav Halitov, directeur adjoint de la société UralVagonZavod (UVZ), avait déclaré que le groupe travaillait sur une nouvelle modernisation du T-72, bien qu’aucun détail relatif à ce projet n’ait été divulgué.

Désormais, il semble que l’on ait une première idée (du moins partielle) des améliorations futures envisagées pour le T-72B3. En effet, un contrat avec UKBTM (filiale d’UVZ) en date du 22 juin dernier indique que des travaux dans le cadre d’un projet désigné « Совершенствование-А » (soit Amélioration-A) en vue d’intégrer un APS (Active Protection System, pour Système de Protection Actif) désigné T09-A6 sur le T-72B3 sont à l’étude.

Les informations contenues dans le contrat ne permettent pas encore d’en savoir plus sur l’APS en question, il est très probable qu’il s’agisse de l’Arena-M. En effet, il a été annoncé en janvier 2017 que l’Arena-M -une version lourdement modifiée du système Arena de base- entamait ses premiers tests et pourrait par la suite équiper aussi bien les T-72 que les T-90 (et probablement les T-80).

L’ancienne configuration de l’Arena, ici monté sur un T-72. Image@KBM.ru.

Il est probable que cette configuration soit semblable à celle qui a pu être observée lors du salon Russian Arms expo de 2013 à Nizhny Tagil sur un T-72B3 doté d’une version modifiée de l’Arena.

Vue générale d’un T-72B3 équipé avec un Arena modifié lors du RAE 2013. Photo@Alexey Khlopotov.
Gros plan sur les lanceurs de l’Arena modifié. Photo@Alexey Khlopotov.

Fiche technique de l’APS Arena/Arena-E:

  • Mode de fonctionnement: automatique et par tout temps, guidage par radar
  • Porté de détection du projectile à intercepter: 50 m
  • Vitesse maximale du projectile intercepté: 700 m/s
  • Zone protégée par l’APS: au maximum 270° en azimut autour du char
  • Réactivité du système: de 0,04 à 0,07 s
  • Nombre de projectile intercepteur: environ 22
  • Consommation en énergie: 1 Kw
  • Poids total du système: de 1 à 1,3 t
  • Distance maximale où l’APS représente un danger pour l’infanterie de couverture: de 20 à 30 m

L’installation de l’Arena-M permettrait d’améliorer sensiblement les chances de survie du T-72B3 face à la plupart des armes anti-char d’infanterie, c’est-à-dire les ATGM (Anti-Tank Guided Missile) et roquettes anti-char qui se sont avérées être redoutables face aux T-72 syriens (certes plus anciens, moins bien protégés et dont les équipages n’étaient pas des plus expérimentés); il n’est toutefois pas connu si l’Arena-M est apte à faire face aux munitions Top-Attack, employées notamment pour le FGM-148 Javelin.

Cependant, si l’installation d’un APS est une amélioration bénéfique pour le T-72B3, il ne s’agit là que d’une modernisation à court/moyen terme et ne changera pas fondamentalement le char et ses performances, qui resteront en deçà des blindés occidentaux les plus récents. Et bien que sa succession sera réalisée à long terme par le T-14 Armata, le T-72B3 devrait pouvoir servir sous une forme radicalement différente.

En effet, la plate-forme du T-72B3 pourrait servir de base au développement de différents projets de blindés robotisés. L’annonce a eu lieu dans un premier temps le 8 août dernier et apportait des précisions sur le développement de certains blindés robotiques dérivés du châssis du T-72B dans le cadre d’un projet désigné Shtorm, parmi lesquels:

  • un char de combat destiné à l’assaut urbain d’une masse de 50 tonnes, doté d’un canon D-414 de 125 mm de 4 mètres de long (un 2A46M de même calibre mesure 6 mètres) et couplé avec un chargeur automatique de 22 coups, une mitrailleuse coaxiale PKTM de 7,62 mm et des éléments de blindage réactif devant améliorer sensiblement la protection du blindé faces aux ATGM et aux roquettes anti-char;
  • un blindé de type BMPT avec deux canons 2A42 de 30 mm, une mitrailleuse PKTM et des lanceurs thermobariques RPO-2 de très courte portée;
  • un lance-roquettes multiple employant des roquettes thermobariques de 220 mm de type TOS-1A.
Vue d’artiste de ce à quoi pourrait ressembler l’hypothétique char robotisé sur base de T-72 (rien de confirmé pour le moment). Image@? (issue du diaporama disponible ici: https://bmpd.livejournal.com/3239351.html

Par ailleurs, selon le même article, un IFV et un véhicule de commandement conçu pour contrôler les blindés robotisés seraient conçus sur cette base.

Vue d’artiste de ce à quoi pourrait ressembler l’hypothétique « BMPT » robotisé sur base de T-72 (là encore, rien d’officiel). Image@? (issue du diaporama disponible ici: https://bmpd.livejournal.com/3239351.html

Toutefois, ces informations sont à prendre avec de grandes précaution: ces blindés, de même que le nom de projet Shtorm, sont apparus dans un diaporama issu d’une conférence présidée par Andreï Pavlovich ANSIMOV (chercheur au 3ème Institut central de recherche scientifique du Ministère de la Défense russe) concernant le développement et les problématiques des robots de combats où il a été fait mention d’un projet Shtorm en tant que travail de recherche et de développement prometteur et où des images de synthèses représentant des blindés robotiques dont le châssis correspond à celui d’un T-72 étaient affichées; autrement dit, rien de concret…

Si il n’est donc pas confirmé quels types d’engins robotisés seraient développés sur la base du T-72B3, il semble tout de même qu’un projet de robotiser le T-72 soit dans les cartons, en commençant avec une illustration de la société Rostec sur des plates-formes blindées aptes à la robotisation… et dont figure celle du T-72. Par ailleurs, le site RBC semble avoir pu obtenir une « confirmation » de la part du PDG d’UVZ Alexandr Potapov concernant un tel programme le 26 septembre dernier.

Illustration indiquant quelques types de plates-formes existantes pouvant être sujettes à robotisation (on passera sur la confusion BMD-2/BMP-2…). Image@Andrei BT.

Cependant à l’heure actuelle il n’y a aucun détail sur les dates clefs du projet et il est peu probable qu’il voit le jour rapidement: en effet, la robotique nécessite encore de nombreux développements et améliorations avant de pouvoir être considérée comme opérationnelle: en se basant entre autres sur les RETEX (RETours d’EXpériences) de l’UCGV (Unmanned Combat Ground Vehicle) Uran-9 en Syrie et sur les technologies actuelles, il a été estimé qu’il faudrait attendre entre 10 et 15 ans avant que de tels engins puissent être réellement considérés comme étant opérationnels.

On pourrait tout de même se demander pourquoi employer la base du T-72 pour un futur programme de blindés de combats robotisés, et-ce d’autant plus que le T-14 est déjà pressenti pour servir de base à une version robotisée. Plusieurs arguments pourraient expliquer ceci:

  • Alors que le T-14 nécessite encore un délai de maturation avant d’être adopté par les forces russes dans un proche avenir, le T-72 est quant à lui déjà disponible en grande quantité et pourra donc plus rapidement servir de base à un tel projet;
  • Dans le même ordre d’idée, si le T-14 doit devenir le nouveau char de combat des forces russes, le T-72 sera donc amené progressivement à disparaître et la création d’UCGV sur sa base pourrait permettre de recycler ces blindés obsolètes, là où l’emploi du châssis du T-14 se ferait au détriment du char lui-même.
  • Enfin, -et seulement si le projet Shtorm et les blindés qui en découleraient sont effectivement dans les cartons- les UCGV développés sur le T-72 seraient des engins principalement destinés aux combats urbains, que ce soient la version « BMPT » ou le char, dont le canon raccourci et l’élévation du canon supérieur (sans compter l’absence d’équipage…) le rend plus adapté à ce type d’engagement, tandis que le T-14, plus véloce et dont l’armement est plus à même de traiter toute la gamme de cibles qu’il pourrait rencontrer dont les MBT, pourra se focaliser sur la manœuvre et l’engagement des forces adverses dans des compartiments de terrains ouverts.

Quoi qu’il en soit, et alors que le T-72 a fêté ses 45 ans le 7 août dernier, l’avenir de ce dernier devrait se prolonger encore dans les années (et même décennies) à venir: si son architecture tend à être obsolète; le char accusant son âge tandis que sa philosophie de conception est issue d’un contexte et de besoins totalement différents d’aujourd’hui, il a tout de même l’avantage d’être disponible en grand nombre et de pouvoir être modernisé (dans une certaine mesure, entendons-nous) relativement rapidement et à des coûts modérés. L’installation d’un APS doit permettre de bonifier la protection du char à moyen terme; tandis qu’un éventuel projet de robotisation du T-72B3 devrait être l’ultime développement de ce blindé sur le long terme avant de tirer sa révérence -bien méritée- au sein des SV russes.