[Dossier] Le T-14 Armata; l’avenir du char de bataille russe?

Dire que le parc de blindés russes est vieillissant est un doux euphémisme; encore basé principalement sur le T-72 et ses variantes – même lourdement modernisées – il n’en reste pas moins que la plate-forme de base qui constitue l’ossature des forces blindées russes est toujours la même et que ce modèle contient des défauts et points faibles « historiques » qui ne peuvent que difficilement être éliminés.

Le T-72 est un véhicule largement fiabilisé et ayant évolué pour donner naissance entre-autre au tank russe le plus moderne du moment: le T-90MS. Cependant, cette plate-forme est arrivée au bout de sa vie et la mise au point d’un nouveau char de combat s’imposait pour permettre aux forces russes de faire face aux nouvelles menaces potentielles rencontrées sur le champ de bataille. Après les tentatives infructueuses que furent les T-95 et le prototype Izd.640 Aigle Noir, la Russie décida de repartir d’une plage blanche pour mettre au point son nouveau char de combat; c’est ainsi qu’est né le T-14 Armata.

Alors que la mise au point de ce dernier arrive à son terme et avec l’achèvement des travaux de la chaîne de production du véhicules chez UralVagonZavod; il est temps de faire le point sur le projet T-14 sur base des informations disponibles à son sujet.

Historique

Au milieu des années 90, l’armée de terre russe se retrouve à la tête d’un parc de chars de combat constitué quasi exclusivement de T-72 et de ses variantes (dont le T-90) ainsi que de T-80 qui sont pour leur part progressivement placés en réserve.

Consciente que les véhicules occidentaux les plus modernes surclassent largement le parc de blindés russes en service, ce dernier n’ayant pas bénéficié des investissements permettant de le mettre à niveau et de lui apporter les améliorations techniques nécessaires, les russes entamèrent les réflexions relatives à la mise au point d’un nouveau char de bataille apte à prendre progressivement la relève des véhicules existants tout en offrant une protection largement accrue face aux menaces les plus modernes pouvant être rencontrées sur le champ de bataille.

La première guerre de Tchétchénie et les lourdes pertes subies par les blindés russes ont mis en exergue trois choses;

  • Sans un soutien d’infanterie, l’emploi de véhicules blindés engagés seuls face à des combattants bien équipés et déterminés est d’une absurdité sans nom
  • Les équipages des chars de combat manquaient cruellement d’expérience
  • Les grosses lacunes techniques au niveau des systèmes de protections et de blindage des chars russes face aux menaces des missiles anti-chars (ATM/ATGM/ATGW)

La douloureuse leçon de la doctrine d’emploi des blindés en Tchétchénie ayant été bien apprise par l’état-major russe, la question des systèmes de protection des chars de bataille restait à solutionner.

Cependant, les années 90 virent le budget consacré à l’armée russe se réduire comme peau de chagrin et aucun grand programme de modernisation ne fut lancé pas plus que la mise au point de nouveaux véhicules ne fut financé. Tout au plus, des programmes de modernisation très limités touchant les T-72 furent-ils lancés. Pour ne rien arranger, les T-80BV pourtant considérés comme un des chars de combat les plus modernes dans l’arsenal russe furent retirés des premières lignes au vu de leurs performances décevantes notamment lors de la bataille de Grozny; l’état-major préférant retirer progressivement le véhicule des premières lignes et ce au profit des T-72/T-90. En outre, le T-80 (et variantes) dispose d’une turbine à gaz très gourmande et fragile d’emploi qui pénalise la durée de vie du véhicule.

Mais revenons un peu en arrière. Dans le courant des années 80 alors que les T-72 et T-80 entraient en service, l’URSS lança les études d’un nouveau char de combat apte à prendre la relève du T-64. Répondant au nom de Объект 490, il s’agissait d’un projet mis au point par Yevgeny Morozov au sein du bureau KMDB (Kharkiv Morozov Design Bureau); cependant ce projet était trop ambitieux (équipage de deux hommes et système de tir automatisé) par rapport aux capacités techniques de l’URSS (notamment au niveau de la mise au point d’un système de contrôle de tir entièrement automatisé) et il sera abandonné. Un projet concurrent à l’Объект 490 sera créé sur base d’un canon de 130mm à âme lisse disposant d’un équipage de deux hommes: l’Объект 490A Buntar. Un prototype sera d’ailleurs produit même si il ne fut pas doté du chargeur automatique et de son système de tir.

Autre évolution du projet Объект 490A; l’Объект 477 Boxer / Объект 477A Molot (même projet mais changement de dénomination pour leurrer les analystes occidentaux) qui dispose cette fois-ci d’un canon de 152mm avec un nouveau chargeur automatique et une disposition des munitions différente par rapport à l’Объект 490A. Ces projets ne déboucheront sur aucune production en série bien que les Объект 477/477A continueront à être développés après la chute de l’URSS avec les prototypes Объект 477A1 et Объект 477A2 Nota disposant également d’un canon de 152mm. Les travaux sur ces prototypes seront définitivement abandonnés vers 2001.

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Résumé d’une partie des projets KMDB pour un nouveau char de combat soviétique. Infographie@Paralay

C’est lors du salon d’Omsk en 1997 que sera présentée la maquette d’un nouveau char de combat qui répond au nom d’Объект 640 Чёрный орёл (Aigle Noir). Mis au point par le bureau KBTM d’Omsk sur base d’une idée originale du bureau de design de l’usine LKZ (Leningrad Kirov Zavod –  Кировский Завод), ce modèle est basé sur la caisse rallongée d’un T-80U (passant donc de 6 à 7 galets de roulement). La tourelle marque une rupture technologique importante avec les chars soviétiques antérieurs, en effet le stockage des munitions dans un carrousel situé dans le « fond de panier » est abandonné au profit d’un nouveau stockage des munitions dans un compartiment blindé dans la nuque de la tourelle où il rejoint le chargeur automatique.

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L’Объект 640 Чёрный орёл. Photo@Russian Army.

La protection de l’équipage composé de trois hommes est assuré dans l’arc frontal par un blindage composite auquel vient se rajouter les systèmes de protection Drozd-2, Shtora-6, Shtora-8B ainsi que le blindage réactif Kaktus disposé en arc-de-cercle sur la tourelle et le blindage réactif Kontakt-5 sur les flancs du char. La construction d’un prototype est lancée en 1998 et ce dernier sort d’usine au début de 1999.

D’un point de vue de l’armement, le prototype dispose d’un canon -probablement modernisé- 2A46M de 125 mm à âme lisse avec une dotation de 32 obus et une capacité de tir théorique de 10 à 12 coups/minute mais la version de série pourrait emporter un canon de 135 mm, de 140 mm voire de 152 mm disposant d’une portée effective de 10 Km.

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Schéma montrant les principaux composants de l’Объект 640. Image@Alexpl.Rama.

Le prototype dispose d’une turbine à gaz d’un modèle non-précisé mais disposant d’une puissance de 1.500 Cv celle-ci permettant de propulser la masse des 48 tonnes du véhicule sur 500 Km (sans réservoirs externes) à une vitesse maximale (sur route) de 80 Km/h. Ces données sont bien évidemment théoriques, le véhicule n’étant qu’au stade de prototype. Malgré des essais entrepris avec le prototype et l’intérêt présenté par le concept et le démonstrateur; les travaux sont arrêtés par manque de budget à l’aube des années 2000.

Cependant, les recherches effectuées dans le cadre de ce projet ne seront pas perdues pour tout le monde… En effet, le bureau d’études de KBTM d’Omsk fit faillite à l’aube des années 2000 après l’arrêt de la production des T-80 et l’investissement exclusif de la Russie dans les T-72/T-90. C’est l’usine concurrente d’UralVagonZavod (UVZ) produisant les T-72/T-90 qui reprendra en 2004 les actifs militaires et par conséquent les technologies développées dans le cadre du T-80 et de l’Объект 640 Aigle Noir.

Du côté d’UVZ, outre la mise au point de modernisations du T-72 et du T-90, un projet neuf fut lancé sous l’égide du bureau d’études UKBTM au milieu des années 90. Répondant au nom d’Объект 195 (on parle parfois de T-95 bien que cette dénomination n’ait rien d’officiel puisqu’il n’a pas été admis au service), le véhicule offrait également une rupture technologique complète avec ses illustres prédécesseurs en disposant d’une tourelle inhabitée.

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L’Объект 195. Photo@Military Today.

L’équipage de trois hommes devait prendre place dans une capsule blindée, la tourelle ne comportant que le canon, le chargeur automatique et les munitions. Cette configuration envisagée permettant de concentrer le blindage dans la caisse pour assurer un maximum de protection à l’équipage en plus de la capsule blindée tout en réduisant le profil de la tourelle, la rendant plus difficile à toucher.

Au niveau de l’armement, c’est le canon 2A83 de 152 mm à âme lisse qui doit équiper le véhicule, la dotation en munitions étant évaluée à 40 obus. Un canon secondaire 2A42 de 30mm est également monté sur le côté gauche de la tourelle. La protection du véhicule repose sur un blindage composite auquel est ajouté le blindage réactif Kaktus ainsi que les systèmes de protection Drozd-2, Shtandard et Shtora-2.

La propulsion de ce nouveau char de combat était assurée par le nouveau moteur diesel 12N360 avec architecture en X mis au point et produit par l’usine de tracteur de Chelyabinsk et pouvant développer une puissance de 1.650 Cv ce qui suffisait largement à offrir des performances respectables eu égard à la masse de 55 tonnes du T-95. Une autonomie de 500 Km ainsi qu’une vitesse de pointe sur route de 80 Km/h était attendue pour le véhicule.

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Une vue d’artiste de l’Объект 195. Image@Konstantin Soloviev.

Finalement après plusieurs reports et annonces contradictoires relatives à la mise au point d’un prototype; le projet sera abandonné en 2009 suite à des restrictions budgétaires et devant le fait que le T-95 serait déjà obsolète à son entrée en service.

Retour donc à la case départ pour la Russie, le besoin de disposer d’un nouveau modèle capable de prendre la relève des T-72/T-80/T-90 restait important; c’est pourquoi dès la fin du programme T-95, la Russie décide de lancer de nouveaux projets de blindés dont un nouveau char de combat. Assez logiquement, c’est UVZ qui est chargée de la mise au point du nouveau véhicule et les travaux réalisés auparavant sur l’Объект 640 et l’Объект 195 ne seront pas perdus et serviront de base à la mise au point du T-14. Certains concepts tel que la tourelle inhabitée, la cellule de survie de l’équipage ainsi que le moteur 12N360 seront repris et formeront la base de ce qui deviendra le T-14 Armata (Объект 148).

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La première image (tirée d’une vidéo) du T-14 prise près des locaux d’UVZ en mars 2015. Image@Alexander Smirnov.

En septembre 2013, le programme Armata connait une nouvelle étape: en effet, les premiers prototypes du nouveau char ont été « présentés » – exclusivement à des officiels – lors du salon Russian Expo Arm. Il faudra attendre moins de 2 ans, lors du traditionnel défilé militaire de la Victoire du 9 mai 2015, pour assister à la présentation officielle du T-14 au grand public.

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Un T-14 Armata peu après le défilé militaire de la Victoire du 9 mai 2015. Photo@Vitaly.V.Kuzmin.

Caractéristiques techniques du T-14

Pour commencer, il semble important de préciser que toutes les caractéristiques relatives au T-14 ne sont pas connues avec précision : par conséquent, les informations contenues dans cette section pourront être sujettes à modification au fur et à mesure que les caractéristiques du T-14 sont progressivement officialisées et/ou détaillées.

Agencement, dimensions et aspect général du T-14

La caractéristique fondamentale du T-14 est son architecture novatrice pour un véhicule de sa catégorie; en effet, il s’agit du premier char de combat produit en série qui est doté d’une tourelle inhabitée. Cette tourelle contient:

  • Les optiques de ciblage,
  • Les systèmes de conduite de tir,
  • Les systèmes de protection actif,
  • La mitrailleuse télé-opérée,
  • L’armement principal et le chargeur automatique (qui se trouve sous la tourelle).

La tourelle qui présente des dimensions réduites est recouverte par un carénage destiné à offrir une protection aux éléments extérieurs implantés sur celle-ci face aux aléas du champ de bataille – bien que la protection apportée soit toute relative au vu de la finesse du carénage – l’intégration de cette protection sur la tourelle montre que les ingénieurs ont travaillé en vue de limiter la détection du char par les radars.

A l’arrière de la tourelle et plus précisément à la base de celle-ci se trouve une petite trappe qui est probablement destinée à faciliter le ravitaillement en munitions du char.

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Une vision d’artiste de ce à quoi pourrait ressembler la tourelle du T-14 une fois ses équipements démontés. Image@AbsoluteMilitaryChannel.

Un certain nombre d’observateurs ont laissé entendre que le carénage actuel ne serait qu’une solution temporaire en attendant que le design définitif de celui-ci, pouvant se révéler plus protecteur pour la tourelle et surtout pour les systèmes externes – comme ce que l’on peut observer sur l’Объект 195 – ne soit révélé. Si cette hypothèse est crédible, le char n’ayant pas encore achevé les tests étatiques, certains composants peuvent encore être modifiés avant l’entrée de production en série. Il est cependant difficile de se prononcer avec certitude sur cette hypothèse, au vu du fait qu’aucune source officielle n’a fait mention d’une éventuelle modification de l’architecture/configuration du T-14.

Afin d’améliorer la vision de l’équipage sur leur environnement immédiat, celui-ci est assisté par des caméras infrarouges, une montée à l’avant de la caisse et 6 autres disposées sur la tourelle, permettant ainsi d’obtenir une vision d’ensemble à 360° autour du char. Par ailleurs, les traditionnels phares montés à l’avant du char sont remplacés par des spots LED.

L’équipage a également à sa disposition des épiscopes à l’avant de la caisse leur permettant d’avoir des moyens d’observations alternatifs aux caméras, notamment si ces dernières viennent à être endommagées.

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Un T-14 lors d’une répétition au défilé militaire de la Victoire de 2016. On peut voir la caméra à l’avant du blindé et les spots LED. Deux caméras infrarouges sont également visibles sur la tourelle. Photo@Vitaly.V.Kuzmin.

Le T-14 est également doté de nouveaux composants pour les communications radios et les systèmes de cryptage de celles-ci ainsi que pour l’assistance à la conduite: une antenne GPS/GLONASS est également implanté – sous toute réserve – à l’arrière de la tourelle. Bien que ces systèmes ne soient pas tous connus avec précision, on sait en revanche que la NPO Elektromashina est en charge du développement d’une partie de ces composants.

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Des composants produits par NPO Elektromashina destinés aux blindés de nouvelle génération, y compris le T-14. Photo@Yuri Pasholok.

Pour améliorer le confort de l’équipage à l’intérieur du blindé, le T-14 va être doté d’une nouvelle climatisation, désignée KTE-VT. Egalement développée pour le T-90M, cette climatisation fonctionne grâce un phénomène thermoélectrique appelé effet Peltier: lorsqu’un courant électrique passe à travers deux matériaux conducteurs liés par des jonctions, l’une de ces jonctions se refroidira, tandis que l’autre se réchauffera.

Ce type de climatisation se révèle plus adaptée dans un blindé : elle est en effet moins encombrante, plus résistante et fiable vis à vis des chocs et des secousses, du fait qu’il y ait réduction des composants mobiles.

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La climatisation KTE-VT. Photo@UralVagonZavod.

L’équipage de 3 hommes est composé du chef de char qui est situé à la droite du char, du tireur qui se trouve au centre et du conducteur placé quant à lui à la gauche du véhicule. Ces trois hommes prennent place dans une cellule fortement blindée implantée à l’avant du véhicule pour augmenter leur survivabilité, nous y reviendront plus en détail dans la partie consacré à la protection du blindé.

Les informations à destination des trois membres d’équipage sont affichées sur des écrans tactiles modernes. Ainsi, le chef de char et le tireur ont à leur disposition deux écrans tactiles chacun affichant leur viseur respectif, un accès aux caméras intégrées dans la tourelle, une carte numérique du champ de bataille pour le chef de char et les informations concernant le chargeur automatique pour le tireur.

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Une vue de l’intérieur du T-14. L’ingénieur, au centre, se trouve à la place du tireur, tandis que le journaliste à droite se situe au poste du chef d’engin. Image@TV Zvezda.

Le conducteur a accès aux informations relatives à la motorisation telle que la vitesse du char ainsi que le nombre de tours par minute du moteur; la conduite est réalisée grâce à un volant tandis qu’un autre écran se trouvant à sa droite lui permet d’accéder aux caméras extérieures.

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Le poste du conducteur. Photo@btvt.info.

Le T-14 est doté d’un interphone à l’arrière du véhicule, permettant de faciliter la communication entre l’infanterie de couverture et le char, plus particulièrement lors des combats urbains.

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L’interphone, ici sur un T-15 Armata. Le T-14 possède également cet interphone à l’arrière. Image@TV Zvezda.

Pour ce qui est des dimensions, les chiffres existants indiquent les valeurs suivantes:

  • une longueur totale de 10,8m, dont 8,9m pour la caisse,
  • une hauteur de 3,3m en comprenant l’installation de la mitrailleuse et du viseur du commandant
  • et une largeur évaluée entre 3,5 et 4m

Il apparaît donc clairement comme étant plus grand que ses prédécesseurs soviétiques et russes comme le T-72 et le T-90.

En ce qui concerne la masse, deux valeurs différentes sont annoncées selon les sources, avec une première s’établissant aux environs de 48-49 tonnes, soit le poids d’un T-90M et la seconde annonçant aux alentours de 55 tonnes, équivalant alors à un certain nombre de chars contemporains ; il est cependant difficile de trancher entre ces deux masses du fait du manque d’information à l’heure actuelle.

Le train de roulement est composé de 4 rouleaux porteurs, de 7 galets de roulement de 700 mm de diamètre contre 6 pour les chars russes antérieurs et le barbotin entraînant la chenille est implanté à l’arrière du char. Le passage à 7 galets de roulement pourrait laisser présager masse plus importante du blindé et/ou la possibilité d’une augmentation ultérieure de la masse de ce dernier.

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Un T-14 dépourvu de ses protections latérales lors d’une répétition du défilé de la Victoire de 2016, où l’on peut observer le train de roulement du char. Photo@Vitaly.V.Kuzmin.

Par ailleurs, la suspension de type barres à torsion est partiellement active, ce qui améliorerait les performances en tout-terrain tout en augmentant la précision des tirs en mouvement : certains galets de roulement du T-14 -les deux premiers et le dernier- peuvent être contrôlés par ordinateur permettant de faire varier leur hauteur, notamment lorsque le char réalise une rotation ou un virage pour réduire la résistance au sol et donc réduire le rayon de braquage.

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Sur cette photographie, on peut remarquer que la chenille de gauche (à droite sur l’image) est surélevée par rapport à celle de droite, ce qui serait du à la suspension semi-active en action lors d’une rotation ou un virage. Photo@bastion-karpenko.ru.

De manière conventionnelle sur les chars de combats soviétiques puis russes depuis le T-64, la partie inférieure de la caisse du T-14 voit l’installation de deux lames d’enfouissement, permettant au char de pouvoir aménager une position défensive en toute autonomie.

Enfin, le compartiment moteur se trouve de manière conventionnelle à l’arrière du blindé, mais désormais et contrairement aux chars soviétiques et russes plus anciens, le GMP (Groupe Moto-Propulseur) peut être démonté du char d’un seul tenant, facilitant les opérations de réparation et de maintenance.

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Un schéma d’artiste représentant la configuration générale du T-14. Image@?

Armement et système de tir

L’armement principal du T-14 Armata est le canon à âme lisse 2A82-1M de 125mm conçu par l’Usine d’artillerie n°9, une version remise au goût du jour du premier projet du 2A82 testé sur l’Объект 785 à la fin des années 70.

Le 2A82-1M doit permettre un bond important de la puissance de feu par rapport aux versions du 2A46M, y compris le 2A46M-5 et d’accorder au T-14 un avantage face à ses adversaires sur le plan de l’armement.

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Le 2A82-1M lors d’une batterie de tests. Image@TV Zvezda.

Dépourvu d’extracteur de fumée du fait de la tourelle inhabitée, le 2A82-1M serait en effet doté d’une énergie initiale supérieure de 17% à celle du canon Rheinmetall de 120mm L/55, équipant entre-autre le Leopard 2A6 et les projectiles APFSDS tirés par ce canon seraient plus rapide d’environ 14% que les munitions APFSDS tirées par le M256 (la version américaine du Rheinmetall de 120mm L/44) monté sur le M1A2 Abrams : en se basant sur l’obus M829A3 qui possède une vitesse initiale de 1.555m/s, les obus APFSDS du 2A82-1M devrait alors atteindre une vitesse initiale d’environ 1.770m/s, bien qu’il s’agisse d’une supposition.

Le 2A82-1M voit aussi sa résistance amélioré vis à vis des variantes du 2A46M par un renforcement de l’âme du canon avec du chrome, ce qui permet au canon de tirer plus de munitions, notamment les obus APFSDS à la vélocité plus élevée, avant de devoir être changé. En outre, la base du canon voit la pose d’un système devant mesurer l’arcure du canon pour que la conduite de tir en tienne compte lors du tir, dénommé UUI-2.

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Une autre vue du T-14. Sur la base du canon se trouve le système UUI-2. Photo@btvt.info.

Ce nouveau canon, bien que pouvant employer les munitions de 125mm actuellement disponibles, est accompagné par une gamme de munition de dernière génération devant améliorer les performances du T-14 face aux différentes cibles qu’il sera amené à rencontrer.

C’est ainsi que de nouveaux projectiles APFSDS sont en cours de développement et notamment une munition avec un pénétrateur à uranium appauvri dont les travaux seraient réalisés par Rosatom. A l’heure actuelle, Rosatom travaille toujours sur le développement de ces obus, et le premier lot de munitions a été livré au cours de février 2017 pour passer des tests.

Bien que peu, voire aucune informations concrète ne soient disponibles sur cette munition APFSDS, certaines sources évoquent un obus qui pourrait être désigné sous toute réserve Vacuum et dont la longueur de la flèche serait portée à près de 900mm de long, correspondant alors aux munitions APFSDS disponible pour les M1A2 Abrams américain, ce qui devrait permettre d’améliorer significativement les performances anti-chars du fait d’une densité supérieure de la munition.

Si les sources avançant une capacité de pénétration comprise entre 850mm et 1000mm en équivalant RHA (Rolled Homogeneous Armour) sont pour le moins prématurées, les performances anti-chars de cet obus devraient être en revanche très élevées et le T-14 devrait pouvoir alors lutter efficacement contre les autres chars contemporains.

Pour faire face aux cibles faiblement protégées et aux fortifications, le T-14 possède un obus hautement explosif, désigné 3VOF128 Telnik. Egalement disponible pour les chars de la génération antérieure, il s’agit d’un obus explosif dont le déclenchement est programmable de manière à pouvoir lutter plus efficacement contre l’infanterie retranchée, en explosant – par exemple – au-dessus d’une tranchée, ou en combat urbain où l’obus explosera à l’intérieur d’un bâtiment pour neutraliser les combattants s’y trouvant.

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Une présentation  d’un obus 3VOF128 Telnik. Photo@Andrei-bt.

Enfin, un nouveau missile anti-char pourra être employé, désigné 3UBK21 Sprinter. A l’heure actuelle, très peu d’information sont disponibles sur ce missile.

La dotation du T-14 serait composée de 32 munitions disposées à la verticale dans le chargeur automatique de type carrousel – à titre de comparaison, un T-90A possède un chargeur automatique comprenant 22 munitions – et pourrait offrir une cadence de tir de l’ordre de 10 à 12 coups/min, là où un T-90A peut tirer 6 à 8 coups/min.

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Une vue d’artiste de la tourelle et du chargeur automatique du T-14. Image@TankNutDave.

Bien que certaines sources avancent un emport de 40 à 45 projectiles au total, les munitions supplémentaires seraient alors logées dans un compartiment situé dans la nuque de la tourelle, cet emport supplémentaire ne pourrait pas être utilisable sans devoir retraiter ou attendre que le char ne soit plus en situation de combat : l’équipage devant alors sortir du char pour pouvoir prendre les munitions dans le compartiment et les installer dans le chargeur automatique. Au final, un hypothétique emport supplémentaire de munitions ne serait pas forcément avantageux pour le T-14.

Une fois la munition employée, le culot de l’obus est éjecté via une trappe située sur le flanc gauche de la tourelle.

La possibilité d’installer un canon 2A83 de 152mm, modernisé pour l’occasion, déjà prévu pour les projets antérieurs de MBT de nouvelle génération a été fortement pressentie du fait de la puissance de feu offerte par un canon d’un tel calibre aussi bien dans un rôle anti-char, avec des chiffres annoncés de plus d’un mètre de blindage perforé à 2000m de distance, ainsi que dans un rôle d’appui-feu.

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Un démonstrateur basé sur un T-72 avec une tourelle inhabitée doté du canon 2A83. Photo@?

Cependant, si l’installation du canon est techniquement possible, l’augmentation de la taille des projectiles entraînerait un plus faible nombre de munitions embarquées dans le char et donc une moins bonne résilience sur le champ de bataille.

En outre, la plus-value que pourrait apporter le canon de 152mm n’est pas forcément justifiée pour le moment, d’autant plus que le T-14 est équipé d’un canon de 125mm de dernière génération : le 2A83 pourrait alors être installé dans un cadre de modernisation du char dans le futur si un renforcement de la puissance de feu est jugé nécessaire face aux futurs chars de combat que pourrait rencontrer le T-14.

Enfin, en ce qui concerne l’armement secondaire, le T-14 est équipé d’une mitrailleuse télé-opérée PKTM de 7,62mm accolée au viseur du commandant; la mitrailleuse peut toutefois être manœuvrée indépendamment de celui-ci. Cette arme peut potentiellement être remplacée par une mitrailleuse 6P49MT Kord de 12,7mm équipant le T-90M, une version de la 6P49 qui voit sa cadence de tir réduite à 600-650 coups/min au profit d’une meilleure précision. Il ne semble pas y avoir de mitrailleuse coaxiale sur le T-14.

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Vue de la tourelle du T-14, avec à l’arrière la mitrailleuse PKTM accolé au viseur du commandant. Photo@Vitaly.V.Kuzmin.

Pour pouvoir tirer la plus grande efficacité possible de ce nouvel armement, une conduite de tir moderne est installée pour le T-14.

Tout d’abord, le T-14 est doté de nouveaux optiques, dont un nouveau viseur thermique, devant aussi être doté d’un télémètre laser. Conçu par l’OJSC NPO GIPO à Kazan, rattachée à la Shvabe Holding, ce viseur thermique doit être monté aussi bien pour le viseur du tireur, encastré dans l’avant de la tourelle, que pour le viseur du chef de char, se trouvant à l’arrière de la tourelle.

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A droite : le viseur thermique destiné aux appareils d’observations du tireur et du commandant du T-14. Photo@Prokazan.ru

Le nouvel optique est donné pour être un analogue des viseurs thermiques français conçu par Thalès et produits sous licence en Russie, bien que l’on ne connaisse pas les caractéristiques techniques de cet optique. D’ailleurs, on peut remarquer que le nouveau viseur devant équiper le T-14 est assez similaire au viseur Catherine-XP de Thalès.

Pour donner à l’ordinateur balistique les données météos de l’environnement, comme la vitesse du vent et la température, en vue d’améliorer la précision par tous temps, un mât météo, similaire à celui monté sur les MBT russes depuis le T-72BA – il pourrait alors s’agir du mât DVE-BS ou d’une version modernisée – est monté sur l’avant de la tourelle.

L’interface du système de contrôle de tir est matérialisée par des écrans digitaux PMF-5.0, au nombre de deux pour le tireur et deux autres pour le chef de char, ce dernier ayant la possibilité de mettre en oeuvre l’armement à la place du tireur si le besoin s’en fait ressentir.

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Ecrans PMF-5.0 pour le poste du tireur du T-14. Photo@btvt.info.

Une version plus récente, l’écran PMF-5.1, est également disponible.

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Ecrans PMF-5.1. Photo@btvt.info

La conduite de tir du T-14, qui serait la dernière version du système Kalina, permet notamment via ces écrans un suivi automatique de la cible, améliorant alors la précision et réduisant le temps de visée et d’acquisition de la cible.

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Une partie des systèmes de la conduite de tir Kalina équipant le T-90MS. Une version plus récente doit équiper le T-14 Armata. Image@Alexey Khlopotov.

L’armement doit voir l’installation d’un nouveau stabilisateur. Si le stabilisateur en question n’a pas été mentionné, des informations sont apparues sur le fait que les stabilisateurs de l’armement et des optiques pourraient inclure un gyroscope à résonateur hémisphérique, ou HRG en anglais, bien que l’information soit à prendre avec des pincettes pour le moment.

Dépourvu de pièces mobiles et de petite dimension, il s’agit d’un gyroscope doté d’une pièce monobloc en quartz fondu et dont le fonctionnement est basé sur les ondes stationnaires. Ce type de gyroscope possède des avantages en ce qui concerne la fiabilité, du fait de l’absence de pièces mobiles, et possède une bonne précision tout en étant peu sensible aux perturbations extérieures. Enfin, en cas d’arrêt, le HRG peut retrouver ses caractéristiques initiales une fois le système redémarré.

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Un composant doté d’un HRG qui serait installé dans les stabilisateurs du T-14. Photo@Victor Ivanovich (Vim), Otvaga2004.

Enfin, le T-14 sera doté d’un petit drone de reconnaissance pour améliorer sa représentation du champ de bataille et détecter les cibles à l’amont par le char. Le drone, désigné Pterodaktyl, est relié au char par un câble qui l’alimente en énergie : le drone n’a donc pas à embarquer de batteries et possède une autonomie illimitée. En revanche, il possède une marge de mouvement assez faible, de l’ordre de quelques dizaines de mètres en hauteur et de 50 à 100m de distance du char.

Le drone pourra embarquer des capteurs thermiques et peut potentiellement recevoir un radar, ce qui devrait permettre au Pterodaktyl de pouvoir observer le champ de bataille sur environ 10Km de distance, ce qui améliorera d’autant les capacités de détection et de reconnaissance du T-14.

Mobilité

Le T-14 serait propulsé par le moteur diesel – bien que différents types de carburant pourraient être employés – avec architecture en X du type 12N360 (aussi désigné comme A-85-3A), conçu par l’Usine de Tracteur de Chelyabinsk / Uraltrak (ЧТЗ-УРАЛТРАК) cette dernière faisant également partie du consortium UVZ. Les pots d’échappements du moteur, au nombre de deux, sont disposés sur les côtés du char.

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Le moteur 12N360. Photo@Alexey Khlopotov.

L’architecture en X, conçue pour rendre plus compact le moteur à nombre de cylindre équivalent par rapport à une configuration en V classique, a déjà été développée pour l’Объект 187 – un projet de remise à niveau du T-72B datant de la fin de l’URSS – à partir du quatrième prototype.

Le nombre de chevaux délivré par cette nouvelle motorisation semble s’établir sur une valeur de base de 1200ch avec la possibilité de grimper jusqu’à 1500ch au prix d’une réduction de la durée de vie du moteur.

La mobilité accordée au T-14 dépendra alors de sa masse réelle. En effet, avec une masse s’établissant à près de 48 tonnes, le char aurait donc un rapport puissance/masse compris entre 25 (à 1200ch) et 31 avec la puissance maximale de 1500ch, ce qui serait gage d’une mobilité très satisfaisante, voire exceptionnelle. En revanche, ces rapports tomberaient respectivement à 21 et 27 pour un chiffre de 55 tonnes, valeurs qui restent globalement similaires à celles de la plupart des MBT actuels et amplement suffisantes.

Par ailleurs et selon ses concepteurs, le T-14 pourrait à l’avenir voir sa puissance moteur poussée à 1800ch au maximum; ce qui lui accorderait et ce indépendamment de la masse, une mobilité inédite pour un char de combat. En revanche, il est fort probable que le moteur poussé à une telle puissance connaisse une réduction drastique de sa durée de vie, donc ce gain de puissance pourrait n’être qu’employé uniquement en cas de nécessité sur le champ de bataille.

Cette motorisation devrait permettre au T-14 d’atteindre une vitesse d’environ 70-75Km/h sur route; le compteur de vitesse du panneau de contrôle du moteur du T-14 affichant quant à lui une vitesse maximale de 85Km/h. Cependant même si le T-14 était en mesure d’atteindre cette dernière vitesse, il est peu probable que le char puisse conserver cette allure très longtemps sans augmenter significativement l’usure prématurée du char et de ses composants mécaniques tel que les suspensions.

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Le panneau de contrôle du moteur du T-14. Image@TV Zvezda.

On peut également supposer que la vitesse en marche arrière du T-14 soit grandement améliorée, ce qui serait un pas en avant par rapport aux chars domestiques plus anciens, où elle se situe aux alentours de 5 Km/h ; ce défaut est corrigé sur les dernières modernisations de ces chars, comme le T-72B3 obr.2016 et le T-90M, dotées d’une transmission robotisée.

En ce qui concerne la transmission du T-14 cette dernière est désormais intégrée au moteur pour simplifier les travaux de maintenance, elle semble également être du type robotisée, combinant alors la possibilité de passer les rapports de manière automatique pour garder le moteur dans sa plage de fonctionnement optimale tout en conservant la capacité de repasser en mode manuel si le besoin s’en fait sentir, et est dotée de 8 rapports avant et de 8 rapports arrière.

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Le GMP du T-14 Armata dans l’usine UralVagonZavod de Nizhny Tagil. Image@TV Zvezda.

Enfin, la capacité des réservoirs de carburant est de 1615L dont 816 sont partiellement intégré à la caisse pour améliorer leur protection, auquel peut se rajouter 400L supplémentaires via des réservoirs externes. Cette capacité en carburant permet au T-14 de disposer d’une autonomie similaire à celles des autres chars en service, à savoir aux alentours de 500Km sur route.

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Sur cette image, des supports pour les réservoirs externes sont montés à l’arrière du char. Image@btvt.info.

Protection

Basé sur les retours d’expériences des différents conflits militaires de la Russie post-soviétique et des engagements récents des chars de combat, le T-14 Armata est doté d’une protection multi-couches devant permettre au char de résister aux différentes armes anti-chars présentes sur le champ de bataille tout en améliorant les chances de survie de l’équipage en cas d’impact critique.

Pour débuter, l’agencement et la conception du T-14 couplés à un revêtement spécial devrait permettre, selon le constructeur UVZ, de réduire sa signature thermique et radar, rendant sa détection plus difficile par les viseurs thermique des blindés et des systèmes anti-chars ennemis tout en améliorant sa discrétion face à l’aviation.

Sans tomber dans l’exagération de certains médias qui parlent d’un char « furtif », le gain de discrétion apporté doit permettre au T-14 de réduire les chances d’être pris trop rapidement pour cible en premier et donc d’avoir un gain d’initiative sur le champ de bataille.

Depuis les années 90, les différents conflits militaires ont mis en évidence la dangerosité des roquettes et missiles anti-chars pour les blindés de tous types. Équipés avec des matériels possédant une puissance de feu de plus en plus importante et étant difficilement repérables à temps, les opérateurs de ces armes ont prélevés un lourd tribut sur les blindés lors des conflits contemporains.

Même si un bon nombre de ces engins n’avaient pas une protection adéquate pour espérer y résister, beaucoup de tirs ont été réalisés sur les points vulnérables des chars de combat, comme les flancs, la toiture ou le capot-moteur : dans ces conditions, un char aussi lourdement protégé soit-il peut difficilement encaisser de tel coup.

En vue de faire face à ces menaces, les MBT les plus récents sont progressivement équipés de systèmes de protection actifs devant neutraliser ces projectiles avant qu’il ne touchent le blindé. Pionnière dans ce domaine sous l’ère soviétique avec le système de protection actif Drozd, testé sur des T-55 modifiés -désignés T-55AD- au début des années 80 la Russie n’en a pas fait l’impasse sur le T-14, avec l’intégration d’un système de protection actif moderne désigné Afganit.

L’APS (Active Protection System) Afganit est composé de 4 détecteurs UV disposés sur chaque coin de la tourelle et deux boîtiers, intégrés dans le carénage de tourelle et qui devraient comprendre un radar AESA, chacun permettant la détection des projectiles et notamment les départs d’obus, leur orientation et la distance à laquelle ils se trouvent du blindé en vue d’employer la riposte la plus adéquate face au type de menace détectée. Des systèmes de détection d’alerte laser sont également présents sur le char, permettant d’identifier et de localiser les sources laser illuminant le T-14.

Le système peut en effet employer des lances-grenades fumigènes, composés de deux blocs de 12 lanceurs orientables et de deux autres blocs de 12 lanceurs chacun insérés dans le toit de tourelle pour dissimuler le char à la vue des tireurs ennemis ou perturber les systèmes de visée adverse avec des munitions bloquant la gamme des infrarouges utilisé entre autres pour le guidage des missiles, ce genre de grenade étant déjà en service pour le 902V Tucha avec la munition 3D17. Ils pourraient également s’agir de lanceurs Hard-Kill destinés à mettre en échec les munitions ciblant la partie supérieure du char (les munitions « Top-Attack » ou les ATGM tirés depuis un hélicoptère), mais il n’y a pas d’informations plus précise pour le moment.

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Un récapitulatif des différentes systèmes du T-14 Armata. En revanche, la place des radars AESA (5) et des caméras UV/systèmes opto-électroniques (7) semble inversé par rapport aux informations et images actuellement disponibles. Image@IHS Jane’s ; Andrey Kryuchenko et Nikolai Novichkov.

L’Afganit met aussi en œuvre un système devant cette fois-ci neutraliser directement la munition (aussi appelé Hard-Kill), représenté par les 10 lanceurs situés au bas de la tourelle. Une fois que les radars ou les détecteurs d’alerte laser ont identifiés un projectile en approche du char, la tourelle est orientée en direction de la menace et les lanceurs vont tirer un projectile pour mettre en échec la munition avant qu’elle ne touche le blindé. En revanche, le mode d’action de la munition de l’Afganit est pour le moment inconnu, bien que certaines informations penchent vers une charge EFP (Explosively Formed Penetrator).

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Vue globale de la tourelle, où l’on peut voir une partie des composants du système Afganit : les lanceurs hard-kill au plus bas de la tourelle, les lances-grenades fumigènes orientables, les caméras UV (les rectangles noirs) et un bloc comprenant le radar AESA (entre la première caméra UV et les lanceurs hard-kill). Photo@Vitaly.V.Kuzmin.

Ce système pourrait intercepter non seulement les roquettes et missiles anti-chars, mais aussi des obus APFSDS, ce qui fournirait un moyen de protection supplémentaire face aux obus perforants employés par les véhicules blindés et autres MBT.

Lors d’un reportage de TV Zvezda portant sur le T-14, il a été fait mention d’un système de protection actif dont le rôle est de brouiller les missiles en approche du char, à l’instar des brouilleurs infrarouges OTShU-17 équipant les T-90, de même qu’un système devant neutraliser les mines magnétiques; cependant, au vu du peu d’informations disponibles actuellement, nous ne développerons pas plus ces systèmes. Néanmoins, si ces équipements sont réellement implantés ils renforceraient significativement la protection face aux missiles tout en prenant en compte la menace causée par les mines anti-chars.

Egalement pour la lutte contre les mines, la partie inférieure de la caisse peut voir l’installation de rouleau anti-mine TMT-K, visant à faire détoner les mines avant le passage du char.

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Le rouleau anti-mine TMT-K monté sur un T-80UE-1. Photo@Vitaly.V.Kuzmin.

En ce qui concerne la protection passive, le T-14 voit tout d’abord la pose d’un blindage réactif de dernière génération conçu par NII Stali. Si cette protection a été désigné jusque-là Malakhit, reprenant alors la même dénomination qu’un modèle développé pour équiper l’Объект 187, une interview en date du 28 novembre 2017 de Dmitry Kupryunin, le PDG de la JSC Nii Stali indiquerait que cette protection réactive serait finalement appelée Monolith.

Cette protection recouvre l’avant du char et la toit de la caisse au niveau des trappes destinées à l’équipage, le toit de la tourelle de manière à contrer les missiles top attack comme le FGM-148 Javelin et les flancs du véhicule (sous forme de caissons).

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Gros plan sur l’avant de la caisse, où l’on peut voir le blindage réactif Monolith sur la partie supérieure de la caisse; le Monolith recouvre également une partie de la caisse inférieure. On peut également voir les supports pour le système TMT-K et les lames d’enfouissement. Photo@Vitaly.V.Kuzmin.

Selon Dmitry Kupryunin, ce blindage réactif contient peu d’explosif, ce qui est compensé par le fait que le matériau contenu possède une plus forte énergie : de cette manière, la solution retenue doit non seulement permettre de réduire la masse du kit complet de l’ERA (Explosive Reactive Armor), mais aussi réduire les risques d’endommager les autres panneaux d’ERA ou de blesser l’infanterie se trouvant à proximité.

Le Monolith doit logiquement apporter une meilleure protection que les anciens modèles de blindage réactif comme le Relikt et devrait théoriquement pouvoir mettre en échec un obus APFSDS DM63 équipant les chars de combat Leopard 2 tout en pouvant neutraliser les munitions à charge creuse en tandem comme le missile 9M133M-2 du lance-missiles anti-chars 9K135 Kornet-EM.

Par ailleurs, un blindage-cage couvre une partie des flancs du char, au niveau du GMP permettant de protéger celui-ci face aux roquettes anti-chars et un blindage de ce type pourrait être installé à l’arrière du char comme sur le T-90M.

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Blindage-cage protégeant le compartiment moteur du T-14. Photo@Vitaly.V.Kuzmin.

Outre la protection apportée par le blindage réactif Monolith sur les flancs du T-14, les cotés de la caisse sont eux même blindés, apportant alors une protection supplémentaire pour les parties latérales de l’engin. Cette solution avait auparavant été testé sur l’Объект 477.

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Vue du coté droit de la caisse du T-14, où l’on peut observer que la structure de celle-ci est blindée. Photo@?

Le T-14 peut également recevoir en supplément une protection destiné au combat urbain pour les flancs du char sous forme de sacoche, identiques à celle conçu pour les T-72B3 obr.2016 et le BMPT Terminator envoyé en Syrie à l’été 2017; alors que le contrat de modernisation des T-72B3 indique que ces sacoches contiennent des éléments de blindages réactifs, une discussion entre un chef de char et le photographe Vitaly.V.Kuzmin indiquerait plutôt que ces sacs sont remplis de sable et contiennent aussi deux éléments en plastique devant compacter le sable et donc le rendre plus dur,  l’objectif serait alors alors d’éroder le dard de la charge creuse avant d’atteindre le reste de la protection du char

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Un élément en plastique intégré dans les sacs destinés à la protection supplémentaire en combat urbain, ici sur un T-72B3 obr.2016. Photo@Vitaly.V.Kuzmin.

Le blindage brut du T-14 est un blindage de type composite de nouvelle génération. Si la composition exacte et l’épaisseur totale de cette protection sont bien évidemment tenues secrètes, il est en revanche connu qu’elle intègre un certains nombres de matériaux comme la céramique et un acier à blindage de conception récente réalisé par l’aciérie Krasny Oktyabr, basée à Volgograd, dénommé 44S-SV-SH et développé là encore par NII Stali pour les blindés de nouvelle génération dont le T-14. Ce blindage doit aussi permettre de protéger les systèmes de combat externes du T-14.

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Un échantillon d’acier 44S-SV-SH employé pour des tests de résistance. Photo@NII Stali.

Grâce à l’emploi d’une nouvelle structure et d’un nouveau procédé de fabrication de l’acier, celui-ci voit sa dureté améliorée tout en conservant une bonne ductilité, c’est-à-dire sa capacité à se déformer sans rompre : cette conception permet, à protection égale, d’économiser de 10 à 15% de masse en moyenne (voire jusqu’à 30% dans certains cas) par rapport aux aciers utilisés précédemment. Cette protection est aussi conçue pour garder son efficacité y compris dans des environnements connaissant des pics de température négatif important; l’emploi du véhicule dans les conditions polaires n’est certainement pas étranger à cette capacité.

Dans le cas où une munition vient à pénétrer la protection du T-14, l’équipage voit ses chances de survie fortement améliorées. En effet, celui-ci est donc installé dans une cellule blindée à l’avant du char, qui offre non seulement une protection importante supplémentaire face aux projectiles, mais qui permet surtout d’isoler l’équipage en cas d’impact critique amenant à une mise hors de combat violente du char, que ce soit par un impact dans les munitions, défaut qui a été fatal à de nombreux T-64, T-72 et T-80 et à leurs équipages, ou dans les réservoirs de carburant. De cette manière, quand bien même le char serait mis hors de combat, l’équipage serait en mesure de l’évacuer sain et sauf.

Pour réduire d’autant plus les risques que l’équipage soit blessé en cas d’impact, l’intérieur du véhicule est recouvert d’un revêtement pare-éclats composé de matériau comme le kevlar, qui doit prévenir et limiter les conséquences des éclats de métal causés par l’impact d’un projectile sur le blindage.

Enfin, bien que plus anecdotique mais toutefois important, un système de lutte contre les incendies plus récent et plus sensible a été installé pour le T-14, et plus globalement sur les autres blindés russes contemporains, devant prévenir et parer les départs de feux qui se déclencheraient dans le char.

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Le système de lutte contre les incendies des blindés de nouvelle génération, dont le T-14. Image@TV Zvezda.

Le T-14 Armata possède donc une panoplie de moyens de protection complète et inédite au regard des chars qu’il doit remplacer à terme, lui permettant d’évoluer sur le champ de bataille avec des chances de survie plus importantes pour lui et son équipage.

Le T-14 au sein de l’armée russe

Les annonces initiales laissaient entendre l’acquisition de pas moins de 2.300 T-14 Armata par l’armée russe en vue de renouveler sa flotte de chars de bataille d’ici à 2020. Cependant, entre les annonces et leur concrétisation, il y a une réalité économique qui est venu rappeler ses contraintes et réalités aux décideurs.

Si le nombre de 2.300 véhicules peut sembler important, il doit être mis en parallèle avec le nombre de chars de bataille à remplacer. On l’a vu auparavant, la masse de T-72 (et variantes) ainsi que des T-80 restant à remplacer font qu’une production de 2.300 véhicules n’est absolument pas surprenante. La Russie semble avoir mis au point un plan d’acquisition plus en phase avec sa réalité budgétaire; le GPV 2018-2025. Ce dernier consacre effectivement la poursuite et l’accélération des acquisitions de T-14 tout en maintenant l’acquisition – dans un premier temps – de variantes modernes de T-90.

L’acquisition, déjà actée, d’un premier lot de 100 T-14 (une cinquantaine est également avancée) va en ce sens: les véhicules seront employés au sein des unités d’entraînement pour mettre au point les doctrines d’emploi et traiter les inévitables maladies de jeunesse qui vont se présenter tout en permettant de dégager du temps pour que la chaîne de production se mette en place (ce qui est en cours actuellement chez UVZ à Nijniy Tagil) ainsi que de permettre aux ingénieurs de travailler à certaines évolutions du T-14.

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Un T-14 testé au sein de la 1ère Armée blindée de la Garde. Photo@Zvezda.

L’armée russe réfléchit actuellement à deux modifications potentielles du T-14 qui devrait faire évoluer sensiblement le véhicule en lui-même: l’installation du canon 2A83 de 152 mm (déjà exposé plus haut) ainsi que la mise au point d’une version drone du véhicule. Certes, ces deux évolutions s’inscrivent dans une perspective à moyen/long-terme mais elles témoignent des attentes importantes qu’ont les militaires russes dans ce nouveau véhicule.

A l’instar du domaine aéronautique russe qui se renouvelle actuellement avec le projet Su-57 qui jette les bases d’une nouvelle famille d’appareils aptes à moderniser radicalement la force aérienne; le T-14 formera la base d’une famille de véhicules amenés à prendre la relève des productions d’origine soviétiques (et leurs multiples variantes) formant le noyaux des forces terrestres russes.

Outre le T-14, le châssis de l’Armata doit servir de base à terme aux véhicules suivants:

  • Le véhicule de combat d’infanterie lourd T-15 (BMP)
  • Le véhicule de combat de soutien de chars Terminator-3 (BMPT)
  • Le canon automoteur 2S35 Koaltsiya-SV
  • Le véhicule de dépannage T-16 (BREM)
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Le T-15, un BMP lourd basé sur la plate-forme Armata. Photo@Vitaly.V.Kuzmin.

Certes ces projets sont à différents stades de réalisation et il reste encore beaucoup de travail à effectuer pour les voir entrer au service actif au sein des unités de première ligne; cependant il est assez symptomatique de voir que la Russie veut rentabiliser son investissement et exploiter au maximum les concepts (cellule de survie, équipements de défense, etc…) mis au point avec la plate-forme standardisée Armata.

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Le T-16, un véhicule de dépannage (BREM) basé sur la plate-forme Armata (ici sur le calendrier de UKBTM de 2017). Image@UKBTM.

Outre la simplification logistique résultant de l’emploi d’une plate-forme standardisée, la Russie a également fait le choix d’investir massivement dans l’usine UVZ qui devient ainsi de facto le champion du véhicule blindé en Russie. Cet investissement massif qui consiste en la mise en place de la chaîne de production en série du Koalistiya-SV et du T-14 n’est certainement pas étranger à la reprise de la société par l’état russe en date du 27 décembre 2016 et son incorporation au sein du holding Rostech.

La Russie connaît actuellement une situation économique difficile qui pourrait impacter durablement les projets militaires en cours; on l’a vu précédemment, les intentions initiales relatives au T-14 ont été revus à la baisse et/ou avec un calendrier plus espacé. Cependant, il est absurde de penser que la Russie a investi autant d’argent dans le programme Armata pour se imiter à la production d’à peine 100 véhicules.

L’acquisition simultanée de variantes modernisées de T-90 en parallèle avec le T-14 permet donc à la Russie de renouveler son parc de chars de combat aussi bien d’un point de vue de la quantité que de la qualité tout en conservant encore pour quelques années des véhicules revalorisés (T-72B3 obr.2016, T-80BVM et T-90M) aux côtés des véhicules neufs qui peuvent assurer la protection de secteurs moins exposés. Le tout permet de limiter l’impact budgétaire d’un tel programme de renouvellement massif.

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Un T-90M, un T-80BVM et une colonne de T-72B3 obr.2016 lors de l’exercice ZAPAD-2017. Ce trio formera pendant un certain temps l’ossature des MBT modernes russes. Photo@LostArmour

La mise en place de la production en série du T-14 au sein de l’usine UVZ de Nijniy Tagil à l’horizon 2020 devrait permettre de diminuer le coût unitaire du T-14 et les projets déjà actés de véhicules basés sur cette plate-forme et les évolutions potentielles envisagées laissent préjuger d’un augmentation progressive de la charge de travail qui débouchera sur des diminutions supplémentaires du coût de production de cette plate-forme permettant à l’Etat Russe d’augmenter la cible de ses acquisitions à long-terme. Il se confirme d’ailleurs que la priorité budgétaire accordée à l’armée de l’air et de terre au sein du GPV 2018-2027 permettront à la Russie de prioriser les commandes de T-14 pour l’armée de terre. Il faudra attendre la fin des tests étatiques à l’horizon de 2020 et la livraison des 100 premiers véhicules au sein des unités d’évaluation pour assister au lancement des commandes importantes de véhicules de série.

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Les futurs locaux pour la fabrication des blindés de la plate-forme Armata.  Photo@prokatmontazh.rf.

Le T-14 à l’exportation

Le T-14 ne sera pas disponible à l’exportation à court terme : en effet, outre le fait qu’il doit d’abord obtenir l’autorisation gouvernementale pour pouvoir être exporté, la production du T-14 sera consacrée en priorité pour satisfaire les besoins des forces terrestres russes.

Cependant, le T-14 pourrait déjà montrer un intérêt pour certain client, et tout particulièrement l’Inde. En effet, devant la « difficulté » de mettre au point ses chars de combat nationaux Arjun Mk1 et Mk2, celle-ci a récemment émis un appel d’offre afin de remplacer son parc de char Ajeya, une version produite sous licence du T-72M adaptée aux exigences indiennes qui se révèlent aujourd’hui obsolètes. L’appel d’offre porterait sur environ 1770 chars devant être produits sous licence en Inde.

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Un Arjun Mk2. Photo@defenceupdate.in

Bien qu’il n’y ait pas encore de candidats officiel pour cet appel d’offres, on peut fortement supposer que le T-14 soit de la partie, d’autant plus qu’il possède un certain nombre d’avantages par rapport à ses potentiels concurrents qui pourrait faire pencher la balance en sa faveur; que ce soit par une plate-forme universelle pouvant être reprise pour différents véhicules (qui sont par ailleurs déjà développés ou en développement pour les forces armées russes), une configuration originale maximisant la protection du char et de l’équipage et un coût nettement moindre que ses concurrents : les modèles de séries devraient voir leur coût unitaire s’établir à 250 millions de roubles selon le PDG d’UralVagonZavod Oleg Siyenko en 2015 (soit 3,7 millions de dollars en 2015 et environ 4,5 millions de dollars au cours actuel); les prototypes et modèles de préséries coûteraient quant à eux environ 6,5 millions de dollars.

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Deux Ajeya lors d’un défilé. Photo@V.K.Singh, MoD photo division.

De plus, la Russie disposant d’une coopération militaire importante avec l’Inde depuis l’époque de l’URSS (bien qu’il puisse y avoir quelques points de discordes ces derniers temps) en ce compris dans le domaine des véhicules blindés avec notamment la production sous licence des T-90 Bhishma; le T-14 aurait tout à fait ses chances de pouvoir remporter le contrat….mais il faudra attendre un petit moment avant d’en savoir plus. Outre les traditionnels atermoiements indiens, les premiers exemplaires du vainqueur de la compétition ne sont pas attendus avant 2025 et 2027, si l’appel d’offre et le contrat qui en découlera se déroulent sans accrochage.

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Des T-90 Bhishma lors d’un défilé. Photo@Money SHARMA.

L’Egypte, actuellement équipée de M1A1 Abrams produit sous licence, aurait aussi par ailleurs montré un intérêt pour le T-14 dès 2015.

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Un déploiement de M1A1 Abrams égyptiens. Image@MbKS15

Bien qu’il y ait peu d’information pour le moment, au regard de l’intérêt croissant des égyptiens pour l’équipement militaire russe avec notamment la future production sous licence de T-90S et T-90SK, ceux-ci pourraient tout à fait s’intéresser à l’achat de T-14 dans le futur d’autant plus que des officiels égyptiens ont eu l’occasion d’observer un prototype du T-14 exposé en septembre 2015.

D’autres clients peuvent aussi être envisagés pour une future acquisition de T-14 Armata, même s’il ne s’agit pour le moment que de suppositions.

Cliente traditionnelle de la Russie en ce qui concerne le matériel militaire russe, l’Algérie pourrait devenir un opérateur potentiel pour ce char de combat. Actuellement, le gros du parc de char algérien se compose de T-72M et de ses versions modernisées comme le T-72M1M et de T-90SA, une version adaptée aux besoins de l’Algérie (notamment au niveau de la climatisation) du T-90S.

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Un T-90SA. Photo@Alexey Khlopotov.

Bien que le T-14 ne soit pas une priorité à court terme, l’Algérie ayant reçu ses derniers T-90SA à la fin 2016 et le char étant jugé suffisant au regard du parc de blindé des états voisins et du nombres d’exemplaires en service (environ 565 T-90SA en service aujourd’hui), le pays pourrait aisément passer commande de T-14 à l’avenir si elle estime nécessaire de renforcer ou moderniser ses forces terrestres.

En ce qui concerne le Moyen-Orient, plusieurs candidats potentiels pourraient manifester un intérêt pour le T-14.

A commencer par l’Irak. Si durant les années qui ont suivi la chute de Saddam Hussein les forces armées irakiennes se sont approvisionnées en matériel occidental (et aussi en matériel d’Europe de l’Est), le conflit contre Daech à partir de 2013 et la remontée en puissance de la Russie au Moyen-Orient va voir un revirement sur les fournisseurs de l’armée irakienne. L’arme blindée va profiter de cette situation en passant commande de 73 T-90S à la fin juillet 2017, et dont le premier lot de 36 exemplaires a été livré en février.

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Un T-90S irakien à l’usine UralVagonZavod de Nizhny Tagil. Image@Rossiya1.

Ce renouveau de coopération pourrait, dans les années 2020, amener à l’achat de matériel russe de dernière génération par l’Irak, et une commande de T-14 ne serait pas quelque chose d’irréaliste si les budgets sont disponibles, la région risquant d’être toujours en proie à de fortes tensions dans le futur.

L’Iran pourrait se poser en client potentiel, une fois les sanctions de l’ONU portant sur les achats d’armements révoquées. Cependant, l’Iran cherche à moderniser et à concevoir son propre matériel, les sanctions en cours n’étant pas étrangères à cette politique . En ce qui concerne les véhicules blindés, cela se traduit notamment avec le programme Karrar, une lourde modernisation du T-72S (une version produite sous licence du T-72B) pour le rapprocher des standards modernes (on notera d’ailleurs la forte ressemblance avec le T-90M…).

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Le MBT Karrar lors d’une exposition à des officiels. Photo@defanews.ir.

Et bien que ce ne soit pas totalement le cas, du fait d’un manque d’accès à certaines technologies, la volonté d’obtenir une indépendance sur le plan de l’armement est bien présente : l’Iran a d’ailleurs décliné un achat potentiel de T-90S du fait de son programme en cours. L’achat de T-14 pourrait alors être envisagé sous forme de production sous licence (si les russes veulent bien l’accepter), ce qui permettrait en même temps à l’Iran de continuer à développer son industrie militaire de manière plus autonome.

En Europe, le candidat le plus probable pourrait être la Biélorussie. Etant l’un des pays européens les plus proches de la Russie sur le plan politique, membre de la CEI et dont une part de son équipement provient de Russie, la fourniture de T-14 n’est pas improbable, d’autant plus que la Biélorussie peut en tant qu’alliée proche bénéficier d’un « prix d’ami » pour l’achat de matériel militaire. Le T-14 remplacerait alors les T-72B les plus anciens et ces derniers serviraient de concert avec les T-72B3 obr.2016 en dotation (une trentaine à terme pour le moment).

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Des T-72B biélorusses lors d’une parade pour la Fête de l’Indépendance de la Biélorussie. Photo@newsbel.by

La liste potentielle de pays pouvant acquérir dans le futur des T-14 pourrait être plus vaste suivant les besoins et les budgets disponibles (on peut notamment citer le Viet-Nam entre autres), et le renforcement actuel des exportations d’armes russes, y compris sur des marchés jusque-là considérés comme « chasse-gardée » des industriels occidentaux, pourrait mener à des commandes inattendues pour les chars T-14.

Conclusion

Tranchant radicalement avec les productions antérieures, le T-14 représente un bond en avant important dans le développement des chars de combat russes et doit permettre aux Сухопутные войска (Suhoputnye voyska, les forces terrestres russes) de bénéficier d’un matériel de dernière génération en raccord avec ses besoins et ses contraintes opérationnelles.

En effet, il n’est plus question de l’époque soviétique et ses dizaines de milliers de chars de combat de tous types et produits par différents constructeurs : la Fédération de Russie n’ayant ni les capacités industrielles ni les ressources économiques et humaines pour se le permettre.

D’autant plus que les conflits depuis les années 1980 montrent que les chars de combat doivent bénéficier d’améliorations devant leur permettre d’augmenter leurs capacités et leur chance de survie dans certains types d’environnement comme les combats urbains où les chars connaissent des difficultés à tirer pleinement parti de leur potentiel.

Fruit de ces retours d’expériences et des développements de char de combat prometteur de nouvelle génération sous l’URSS et la Fédération de Russie, le T-14 Armata doit ainsi répondre à ces problématiques en avançant une conception originale pour un char produit en série dont l’objectif est de protéger au maximum le char et son équipage et avec l’intégration de composants modernes devant augmenter l’efficacité au combat du blindé.

Mais le T-14 ne consiste pas seulement en un char de combat : comme c’est le cas pour les engins de dernières générations en Russie, la plate-forme du T-14 est partagée avec d’autres engins, qu’ils soient développés ou en développement. Cette caractéristique permet de réduire les temps et les coûts de conceptions tout en facilitant la logistique, deux paramètres qui ne sont pas des luxes pour une armée, qui plus est pour la Russie qui doit – et devra – entretenir un parc blindé assez conséquent.

Cependant, le programme du T-14, et plus généralement des nouvelles plates-formes blindées, est encore au stade du développement à l’heure actuelle: il est trop tôt pour pouvoir connaître l’efficacité réelle du T-14, d’autant plus que le programme a subi quelques retards et qu’il faille pour l’heure attendre avant de voir le T-14 équiper les unités en nombre important, la livraison de la première commande de 100 exemplaires de série étant attendue pour 2020.

Et si son emploi sera – dans un premier temps – couplé avec d’autres matériels plus anciens en attendant la mise en service d’un grand nombre d’exemplaire, il est évident que le T-14 – conçu pour répondre aux contraintes des champs de bataille actuels – deviendra un élément primordial au sein des forces terrestres russes et qu’avec la mise en service de matériel de dernière génération dans les autres branches de l’armée, les forces armées russes posséderont un outil militaire plus efficient dans le futur.

Nous aurons l’occasion à l’avenir de pouvoir observer les avancées du développement de ce char sur ce blog.

2018-04-07
Le futur visage de l’arme blindée russe? Image@TV Zvezda.

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