[Dossier] Le Tupolev Tu-142; l’Ours marin

Appareil au look aussi inimitable que caractéristique, régulièrement confondu avec son grand frère bombardier stratégique Tu-95; le Tu-142 est un appareil spécialisé en lutte anti-sous-marine à long rayon d’action déployé par l’Aéronavale Russe ainsi que jusque très récemment par la Marine Indienne. Alors que la question de la modernisation des Tu-142MK/MZ avait déjà été soulevée à plusieurs reprises sans déboucher pour autant sur un début de concrétisation, une annonce effectuée durant le salon Army-2018 confirme qu’un premier Tu-142MK/MZ est en cours de modernisation chez Beriev à Taganrog.

Cette modernisation sur laquelle peu d’éléments sont communiqués comporterait notamment l’installation du système de ciblage SVP-24 développé par Gefest, en outre elle devrait permettre d’offrir une « plus grande polyvalence » à l’appareil; l’ajout d’une capacité anti-navires de surface n’est pas précisée mais elle serait logique dans le cas d’une modernisation censée apporter plus de polyvalence.

Bien qu’il faudra attendre encore patienter quelques semaines/mois pour en savoir plus sur la question, nous allons profiter de l’occasion pour nous pencher plus en avant sur la variante navale du célèbre « Bear » ainsi que sur certaines de ses variantes moins connues.

Le Tu-142; aperçu historique

Basé sur le célèbre bombardier stratégique Tupolev Tu-95 (nom de code OTAN: Bear), le Tu-142 est l’appareil de lutte anti-sous-marine et de patrouille maritime à long rayon d’action russe par excellence. Créé pour compléter l’Ilyushin IL-38 (nom de code OTAN: May) cantonné à des missions de proximité près des côtes soviétiques, le Tu-142 est chargé d’assurer la lutte anti-sous-marine à longue distance et/ou nécessitant un temps sur station important.

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L’IL-38 codé 01 Bleu. Image@Nikita Zhuravlev

L’origine du programme Tu-142 remonte à la fin des années 1950, lorsque l’US Navy lance le programme de missile balistique UGM-27 Polaris pouvant être déployé à partir d’un sous-marin nucléaire lanceur d’engins (SNLE). Ce missile étant capable de frapper à 1.800 Km du point de tir, l’URSS était très inquiète de cette arrivée et décida donc de lancer un programme permettant de contrer cette menace. Le programme Polaris fut déclaré opérationnel en date du 15 novembre 1960.

Vu la complexité inhérente (voire l’impossibilité) résidant dans l’interception d’un missile balistique en plein vol, le gouvernement Soviétique demanda aux différents bureaux d’études de se lancer dans la mise au point d’un appareil spécialisé en lutte anti-sous-marine: le but évident étant d’éliminer le vecteur (ou tout du moins de le tenir à distance des côtes soviétiques ou de ses alliés) avant qu’il n’ait eu la possibilité de tirer ses missiles. Par conséquent, de ce prérequis découla les deux besoins principaux de cette nouvelle plate-forme:

  • une endurance importante (autonomie et temps de patrouille sur station)
  • une charge utile conséquente

Plusieurs bureaux d’études travaillèrent sur ce projet mais c’est Tupolev qui disposait à l’époque de la plate-forme cadrant le mieux avec ces besoins: le bombardier stratégique à long rayon d’action Tu-95 Bear. Sur base de ce dernier le bureau d’études Tupolev va donc dériver une première variante pour la Marine Soviétique: le Tupolev Tu-95PLO (Protivolodochnaya Oborona) qui devait disposer d’une charge offensive de 9 tonnes avec une endurance maximale de 10,5 heures. Le projet est cependant abandonné alors que l’appareil était encore sur les planches à dessins; la principale raison de cet abandon étant l’impossibilité (ou presque) de monter l’ensemble des équipements nécessaires sur cette plate-forme sans grever fondamentalement les performances attendues de l’appareil. En outre, le concept du Tu-95PLO était particulier car il s’appuyait sur un tandem; le Tu-95PLO devait remplir le rôle de « transporteur de l’armement » tandis qu’un Antonov An-22 modifié servait à transporter les radars nécessaires qui fourniraient les informations au Tu-95PLO ce dernier assurant la mise en œuvre des armements. Il est assez évident que la complexité inhérente à l’emploi de deux appareils pour remplir une telle mission a joué un rôle non-négligeable dans l’abandon du projet.

Le Tu-95RTs Bear-D; un Tu-142 avant l’heure?

Dans le courant des années 1960, l’URSS se retrouve confrontée à un épineux problème; la nouvelle génération de missiles anti-navires déployés par ses sous-marins lanceurs d’engins (P-6/4K88) ainsi que par les navires de surface (P-35/AK44) dispose d’une autonomie supérieure aux capacités de détection et de suivi des cibles des radars disponibles.

Or, quelle est l’utilité de lancer un missile si il n’est pas possible d’en assurer un guidage correct ainsi qu’un recalage en cours de route pour suivre la cible? Aucun.

Les ingénieurs soviétiques vont donc venir avec une solution originale; l’emploi d’un appareil équipé d’un radar assez puissant et surtout d’un système de transmission des données en temps réel permettant d’assurer le guidage et les corrections nécessaires en cours de route desdits missiles. Pour ce faire, le besoin de disposer d’une plate-forme avec une endurance importante ainsi que d’un gabarit conséquent (l’électronique soviétique n’a jamais été réputée pour son côté compact et léger) a imposé de facto l’emploi du Tupolev Tu-95 Bear.

Cette nouvelle version du Tu-95, reprise sous le type Tu-95RTs (Razvedchik-Tseleoukazhatel / Разведчик – Целеуказатель) (code projet Izd. VTS / classification OTAN: Bear-D) est un appareil pouvant assurer des missions de reconnaissance ainsi que le guidage en cours de route des missiles P-6 et P-35. Pour ce faire, tous les équipements liés aux fonctions de bombardements ont été enlevées et on fait place au système de reconnaissance/guidage Uspekh-U (Успех-У) qui comprend notamment un radar de recherche à 360° Uspekh-U1A monté sous le fuselage dans un carénage massif ainsi qu’un système de transfert d’informations Akoula-S (Акула-С).

Le premier prototype de Tu-95RTs fut transformé au départ d’un Tu-95M et il effectua son premier vol durant l’automne 1962, la production en série débutera en 1963 et s’achèvera après la sortie du cinquante-deuxième appareil en 1969; l’ensemble des Tu-95RTs étant affectés à la Marine Soviétique au sein des AV-MF.

La production des appareils se déroula selon les lots suivants:

  • Trois avions en 1963
  • Quatre avions en 1964
  • Dix avions en 1965/1966/1967/1968
  • Cinq avions en 1969

Les derniers Tu-95RT survivants seront retirés du service en date du 1er décembre 1993 (ils étaient en service au sein du 392 ODRAP de la Flotte du Nord et 304 GvODRAP de la Flotte du Pacifique).

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Une image typique de la guerre froide: interception d’un Tu-95RTs par un English Electric Lightning. Image@?

Cependant, en date du 28 février 1963; le Conseil des Ministres d’URSS publia une directive dans laquelle il chargeait l’OKB Tupolev de développer un appareil de lutte anti sous-marine à long rayon d’action.

L’OKB Tupolev est donc reparti – de nouveau – sur base du Tu-95 et plus précisément sur base du Tu-95RTs; mais cette fois-ci le projet était beaucoup plus complet et ambitieux que dans le cas du Tu-95PLO, il est vrai que les progrès accomplis en matière de miniaturisation des équipements et les débuts de l’informatisation permirent d’envisager plus sereinement la création de l’appareil tout en n’impactant pas fondamentalement les performances attendues de ce dernier et surtout en concentrant l’ensemble des équipements nécessaires dans une seule plate-forme. Le nouvel appareil étant repris sous le nom de Tupolev Tu-142 (Izd. VP); le nom de code OTAN attribué à cette variante étant Bear F (dérivé du même nom de code que celui du Tu-95).

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Un des premiers Tu-142, aisément identifiable à ses atterrisseurs principaux à 12 roues et son système d’imagerie thermique Gagara-1 sous le nez. Image@Yefim Gordon

Bien que reprenant les grandes lignes et les caractéristiques techniques du Tu-95RTs, le Tu-142 diffère sur plusieurs points: enlèvement des tourelles défensives dorsales et ventrales, installation d’un système d’imagerie thermique Gagara-1 sous le nez, modification du profil de l’aile et des volets pour augmenter sa superficie à 290 m², installation de nouveaux réservoirs à carburant et enfin mise en place d’un atterrisseur principal à 6 roues en remplacement de celui à 4 roues hérité du Tu-95RTs. Le remplacement de l’atterrisseur principal par une nouvelle version à douze roues sera une mesure très controversée notamment au niveau de l’impact sur la cellule ainsi que sur les nacelles moteurs des modifications nécessaires pour loger le train. En outre, la mesure découlait d’une demande particulièrement absurde, même pour l’époque, les décideurs de la Marine souhaitaient pouvoir déployer l’appareil depuis des terrains sommairement aménagés ce qui, vu la masse et la taille de ce dernier, nécessitait le montage d’un train encombrant et très complexe à mettre en oeuvre.

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L’atterrisseur principal à douze roues des premiers Tu-142. Image@Igor Bubin

Le premier prototype de Tu-142 sort de l’usine de production située à Kuibyshev (actuellement Samara) en 1968, où est déjà produit le Tu-95RTs, et il effectue son premier vol en date du 18 juin de la même année. Rapidement il apparut que le fuselage n’était pas assez grand que pour abriter l’ensemble des équipements nécessaires pour assurer les missions anti-sous-marine. Le deuxième prototype sortit d’usine le 3 septembre 1968 et il bénéficia d’un allongement du fuselage de 1,7 m qui sera standardisé sur tous les Tu-142. Un troisième prototype disposant de l’intégralité des systèmes offensifs rejoignit le programme de développement le 31 octobre 1969. En mai 1970, la Marine Soviétique reçut les premiers Tu-142 de série (classification OTAN Bear-F mod.1) en vue d’effectuer les essais opérationnels.

Entre 1968 et 1972, 18 Tu-142 seront produits à Kuibyshev; les appareils disposent du radar Berkut-95 qui remplit les fonctions de recherche et de ciblage sur 360°; ce dernier étant une variante du radar installé sur l’IL-38. Le système de navigation de l’appareil fut intégré au sein du Berkut-95 ce qui permettait à l’appareil d’assurer un suivi automatique des cibles. Le Tu-142 équipé du système Berkut-95 sera admis officiellement au service au sein de la Marine Soviétique en date du 14 décembre 1972 via le décret n°853-292 du Conseil des Ministres d’URSS. A noter que le train d’atterrissage à douze roues sur chacun des atterrisseurs principaux sera finalement abandonné après la production de douze appareils vu la complexité du système et son inutilité complète, les appareils suivants récupérèrent les atterrisseurs principaux renforcés à quatre roues employés sur le Tu-114.

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Le deuxième prototype Tu-142 (C/n 4201) à Lugansk. Image@Andrey Tsymbal

En 1971, la décision fut prise par le ministère de la planification sans même consulter les responsables militaires de déplacer la production du Tu-142 de Kuibyshev à Taganrog près de la Mer Noire. Cette décision surprenante qui induisit un retard supplémentaire dans la production de l’appareil nécessita le rééquipement complet de l’usine de Taganrog (dont la majorité des équipements dataient encore des années 1930) avec la construction de nouveaux halls de production, la formation du personnel et enfin la construction d’une piste de décollage adaptée aux avions produits au sein de l’usine!

C’est en date du 25 juillet 1975 que le premier Tu-142 produit à Taganrog effectua son premier vol; l’usine ne se contenta pas uniquement de produire sur base des plans fournis par l’OKB Tupolev mais elle apporta des modifications jugées utiles et pertinentes au design. Ceci explique que le premier appareil présentera plusieurs différences avec celles des appareils produits à Kuibyshev dont notamment un nouvel allongement de 30 cm du fuselage, un nouveau cockpit plus spacieux pour améliorer la visibilité et un train d’atterrissage modifié. Modifié de la sorte, le Tu-142 fut repris sous la dénomination de Tupolev Tu-142M (Izd. VPM) tandis que le nom de code OTAN est Bear-F mod.2.

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Le premier prototype Tu-142M produit à Taganrog. Image@Tupolev PLC

Pas moins de dix-huit Tu-142M furent produits entre 1968 et 1972 se répartissant de la manière suivante:

  • Deux avions en 1968
  • Cinq avions en 1969
  • Cinq avions en 1970
  • Cinq avions en 1971
  • Un avion en 1972

Du Tu-95 au Tu-142 pour en revenir au Tu-95MS; l’oeuf ou la poule?

Le développement du Tu-142 est, comme déjà abordé à plusieurs reprises ci-dessus, intrinsèquement lié aux évolutions du Tu-95 mais la réciproque est également valable. Les deux appareils (Tu-95 et Tu-142) sont d’ailleurs régulièrement confondus dans la presse généraliste et ceci est facilement compréhensible vu la très forte similitude entre les deux (bien que leurs missions soient radicalement opposées).

Le lecteur attentif aura déjà remarqué qu’au début de l’évolution du projet Tu-142, se trouve le Tu-95; ce dernier fournissant ses éléments structurels principaux (fuselage/moteurs/ailes) au Tu-142. Néanmoins, durant la mise au point du Tu-142 plusieurs éléments vont être modifiés; la longueur du fuselage est augmentée à deux reprises tout comme le cockpit est redessiné de manière à accroître la taille ainsi que le confort de l’équipage. Ces évolutions structurelles qui vont influer significativement sur l’esthétique générale de l’appareil ne vont pas se limiter au Tu-142M.

En 1974, les USA lancent le projet de missile de croisière à lancement aérien AGM-86 devant être emporté par les B-52G et B-52H Stratofortress, l’URSS ne voulant pas être distancée réagit en accélérant le tempo des travaux (lancement officiel du projet le 8 décembre 1976) sur le projet de missile Kh-55 (les premiers travaux étaient en cours depuis 1971) dont le vecteur envisagé vu sa taille était le – toujours en développement – Tupolev Tu-160. Vu les délais impartis pour mettre au point le Tu-160, le besoin de disposer d’un autre vecteur pour transporter le Kh-55 s’imposa.

Et les ingénieurs soviétiques n’allèrent pas chercher très loin pour trouver le vecteur adéquat; c’est le Tu-142M qui va servir de base à la mise au point de cette nouvelle variante de Tu-95 (on pourrait parler de Tu-95 version 2.0). C’est en juillet 1977 qu’est décidée la transformation du Tu-142M pour servir de base à la mise au point du Tu-95 pouvant embarquer le missile Kh-55. La principale modification envisagée au Tu-142M consistait à l’équiper de deux lanceurs rotatifs MKU-6-5 dans deux soutes pouvant embarquer chacun six missiles Kh-55; néanmoins vu les problèmes liés au centre de gravité et aux performances impactées par le placement d’une telle masse cumulée, un seul lanceur rotatif dans une seule soute sera installé.

La nouvelle version du Tu-95 sera reprise Tu-95MS et la production de l’appareil se déroulera entre 1981 et 1992. La Russie dispose actuellement de 63 Tu-95MS en service au sein de sa flotte de bombardement stratégique, un programme de modernisation étant d’ailleurs en cours de réalisation.

On le voit donc dans ce rapide aperçu que le Tu-95 a donné naissance au Tu-142 qui est devenu le Tu-142M ce dernier étant le père du Tu-95MS. La boucle est donc bouclée!

Le Tu-142M devait, de plus, emporter un nouveau système de lutte anti sous-marine en remplacement du Berkut-95. Cependant, ce nouveau système dénommé Korshun-K eut une mise au point longue et difficile; par conséquent les premiers Tu-142M produits reçurent encore l’ancien système Berkut-95. Les premiers Tu-142M produits avec le système Korshun-K reçurent une nouvelle dénomination: le Tupolev Tu-142MK (Izd. VPMK) était né. Son nom de code OTAN étant Bear-F mod.3. Ce nouvel appareil est aisément identifiable de loin: une perche de détection d’anomalies magnétiques (MAD) du type MMS-106 (produite par Ladoga) dirigée vers l’arrière de l’avion est implantée en haut de la dérive.

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Un Tu-142MK des AV-MF survolant l’Admiral Kuznetsov. Image@Sergueï Skrynnikov

Tout ne se passa pas sans difficultés et les tests étatiques d’homologation de l’appareil mirent en lumière le manque de fiabilité du système Korshun-K. Cependant, au vu de l’importance de l’appareil pour les AV-MF; il fut quand même déclaré apte au service en date du 19 novembre 1980 alors que les maladies de jeunesse du système n’étaient pas encore éliminées et qu’il faudra patienter encore plusieurs mois pour voir ces dernières traitées définitivement. Au total, il y eut vingt-cinq de Tu-142MK construits dont la production s’est étalée de la manière suivante:

  • Huit avions en 1978
  • Huit avions en 1979
  • Neuf avions en 1980

Ultime variante réalisée du Tu-142 et dont la mise au point découle d’une directive du Conseil des Ministres d’URSS datée du 4 janvier 1977, le Tupolev Tu-142MZ (Izd. VPMK-Z) est doté d’un équipement revu et complété par rapport à son prédécesseur; le Tu-142MZ sera produit au compte-gouttes entre 1985 et 1994 à moins de 20 exemplaires. Les principales différences avec la version antérieure concernent le montage du système Korshun-N (variante plus évoluée du Korshun-K) couplé au système de gestion des bouées Zarechye (qui a donné le suffixe -Z dans la dénomination de l’avion) qui dispose de bouées plus performantes en matière de détection des nouvelles générations plus silencieuses de sous-marins.

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Le premier prototype Tu-142MZ. Image@Tupolev PLC

Le Tu-142MZ a reçu le nom de code OTAN Bear-F mod.4. Dans la droite ligne de ses prédécesseurs, la mise au point de l’appareil pris plus de temps qu’initialement envisagé ce qui, couplé aux difficultés économiques rencontrées par l’URSS puis la Russie, ne permit d’admettre officiellement au service le Tu-142MZ qu’en 1993.

Sans titre

En mars 1984, un programme de recherche et développement fut lancé en vue d’équiper les Tu-142 d’armements anti-navires de surface; en effet, avec l’arrivée des missiles Kh-31 et Kh-35 pouvant servir à des missions anti-navires ou anti-radars, le MoD soviétique souhaita équiper le Tu-142 avec ces nouveaux missiles ainsi qu’un nouveau système de guerre électronique. Vu les différences que ce nouvel appareil allait présenter par rapport au Tu-142M, il reçut la dénomination de Tupolev Tu-146. Les performances attendues tablaient sur un rayon d’action de 4.500 Km avec la possibilité de frapper des sous-marins ainsi que des navires de surface ayant un déplacement maximal de 5.000 tonnes; alors que les premiers projets tablaient sur l’emport du Kh-31 et du Kh-35, la version finale présentée en octobre 1984 tablait sur l’emport d’un maximum de huit missiles Kh-35 sous les ailes. Au final malgré un avis positif du MoD soviétique, le projet ne dépassa pas la table à dessins.

Les deux variantes méconnues du Tu-142

Et oui, lorsqu’on pense avoir enfin (!) passé en revue toutes les variantes possibles du Tu-142, il s’avère qu’il y en a d’autres peu connues qui ont existé même si elles sont peu documentées.

La première, reprise sous le type Tu-142LL était un laboratoire volant qui fut employé pour tester trois réacteurs différents:

  • Le NK-25 du Tu-22M3
  • Le RD-36-51A du Tu-144D
  • Le NK-32 du Tu-160

Deux appareils furent modifiés pour remplir ce rôle: il s’agissait d’un Tu-142 (C/n 4200) ainsi que d’un Tu-142M (C/n 4243). La principale modification consista à monter un système de supports mobiles hydrauliques au droit de la soute à armement principale sur lesquels étaient monté le réacteur à tester. En vol ce système était déployé sous le fuselage pour tester le fonctionnement du moteur. Le réacteur était ensuite « rétracté » partiellement dans le fuselage de manière à libérer la garde au sol permettant à l’appareil de se poser. Le premier Tu-142LL sera détruit dans les années 1980, le deuxième exemplaire l’étant au milieu des années 1990.

La deuxième variante sur laquelle on ne dispose que de peu d’informations est le Tu-142MP qui fut un prototype (C/n 4262) ayant testé la nouvelle suite de lutte anti-sous-marine Atlantida, version modernisée du Berkut-95 disposant d’un nouveau software permettant l’emport des missiles anti-sous-marins APR-2 ainsi que des torpilles AT-3. Malgré les tests effectués, ce prototype n’eut pas de suite.

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Le deuxième Tu-142LL (C/n 4243) est vu ici à Zhukovski en 1993. Image@Rob Schleiffert

La production de Tu-142 (toutes versions confondues) s’achèvera en 1994 après une centaine d’appareils sortis des chaînes, signalons à titre anecdotique qu’il s’agit de l’ultime version du Bear à avoir été produite. Les Tu-142 seront tous employés par la Marine Soviétique avant d’être repris par la Marine Russe en 1991. Les changements politiques et la perte des budgets ont poussés la Marine Russe à retirer du service les variantes les plus anciennes de Tu-142 et à ne conserver que les appareils les plus récents et ceux en meilleur état, c-à-d: les Tu-142MK et les Tu-142MZ ainsi que les Tu-142MR.

La décennie 1990: la mort de l’aviation navale russe? 

Il est parfois difficile d’appréhender le repli capacitaire massif auquel a été confronté la Russie dans la période qui suivit la fin de l’URSS; bien évidemment l’armée soviétique était un colosse aux pieds d’argiles avec un inventaire qui sur papier apparaissait comme étant colossal mais dont la disponibilité et l’efficacité réelles n’étaient qu’une fraction des chiffres annoncés. En effet, sur la fin de l’URSS, l’économie soviétique s’était tellement contractée qu’il devenait impossible pour le pays de maintenir en état une force militaire aussi importante que le souhaitait les dirigeants du pays.

Le but de cet article n’est pas d’analyser ce repli capacitaire à l’inverse, il est intéressant de regarder la situation de l’aviation navale russe lors de sa création. Héritière d’une force importante et pléthorique aux missions bien définies; les MA-VMF lors de leur création reçurent 1.702 appareils répartis en 52 régiments et 10 escadrons indépendants, la répartition entre appareils étant la suivante:

  • 372 bombardiers lanceur de missiles
  • 966 avions tactiques (bombardiers tactiques, chasseurs, reconnaissance)
  • 455 hélicoptères

Très rapidement la flotte va connaître un sérieux écrémage avec la disparition des:

  • Bombardiers lanceurs de missiles les plus anciens (Tu-22M2 et Tu-16)
  • Hélicoptères Mi-14 et Ka-25
  • Avions de reconnaissance (Tu-16 et Tu-22)
  • Avions STOL/VTOL (Yak-38)
  • Avions d’attaque les plus anciens (Su-17)
  • Hydravions (Be-12)
  • Ravitailleurs (Tu-16N et Tu-16Z)

Pour donner une idée un peu plus tangible de cette réduction de taille; en 2011, les estimations indiquaient que les MA-VMF disposaient d’un peu moins de 300 avions dont environ 130 étaient disponibles en permanence. En outre, la capacité de frappe anti-navires de surface à long rayon d’action qui était du ressort des Tu-22M3 (environ 50 appareils) fut transférée en 2011 des MA-VMF vers les VKS diminuant d’autant les capacités de la Marine Russe.

On le voit donc assez clairement, les MA-VMF ne sont que l’ombre des AV-MF et même si la situation s’est légèrement améliorée; la réduction en taille et capacité a été drastique (même en se basant sur les chiffres bruts qui ne reflètent pas précisément la disponibilité opérationnelle de l’époque soviétique) et permet de mieux appréhender les défis qui se posent à cette branche de la Marine Russe eu égard aux missions qu’elle doit (et sera amenée à) remplir.

L’usine Beriev de Taganrog est toujours employée en 2019 pour assurer entre-autre les révisions générales des Tu-142MK/MR/MZ ainsi que des Tu-95MS tout comme elle se charge également des programmes de modernisation en cours pour les deux variantes survivantes de Bear.

Le Tu-142MK/MZ, présentation technique

Appareil spécialisé dans la lutte anti-sous-marine à long rayon d’action ainsi que la recherche et le sauvetage en mer, le Tu-142MK/MZ est un appareil massif qui ne peut aucunement renier ses origines; vu la grande similitude entre cet appareil et le Tu-95MS, ces derniers sont d’ailleurs régulièrement confondus dans les médias généralistes malgré des différences extérieures permettant une identification aisée de ceux-ci.

La nécessaire distinction entre la lutte anti-sous-marine et lutte anti-navires de surface en URSS 

Comme indiqué ci-dessus, malgré sa taille, le Tu-142 est un appareil spécialisé dans la lutte anti-sous-marine uniquement et ce alors que sa taille et ses systèmes de détection embarqués feraient de lui le candidat idéal pour assurer également la lutte anti-navires de surface. Or il n’en fut rien bien que des projets en ce sens furent étudiés. Pourquoi?

En fait l’explication est assez simple; l’AV-MF (Авиация военно-морского флота / l’Aéronavale soviétique) disposait d’appareils spécialisés pour chacune de ses missions principales. Ainsi, la lutte anti-navires de surface était l’apanage des Tu-16K et Tu-22M3 qui emportaient les missiles supersoniques (notamment les Kh-22) tandis que la lutte anti-sous-marine relevait des IL-38 et Tu-142 d’où l’absence de capacités de missiles anti-navires sur ces derniers.

A noter que cette tradition perdure en Russie, puisque la lutte anti-navires de surface est toujours l’apanage des Tu-22M3 (même si ces derniers sont repassés dans le giron des VKS enlevant de facto cette capacité à l’aéronavale russe) tandis que les IL-38(N) et Tu-142 se chargent de la lutte ASW même si dans le cadre de leur modernisation, il est probable que ceci soit amené à évoluer.

Outre les quatre turbopropulseurs à hélices contra-rotatives, l’appareil présente des dimensions imposantes, que ce soit au niveau de sa longueur, de sa hauteur ainsi que de son envergure qui lui donnent une silhouette caractéristique et inimitable. Par convention et vu le nombre de versions existant de cet appareil, nous prendrons comme référence technique de base le Tu-142MZ; les différences avec les Tu-142MK étant indiquées à titre informatif entre parenthèses.

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Tu-142MZ codé 63 Noir. Image@bonsai

Description et design

Le Tu-142MZ est un appareil composé d’un long fuselage métallique sur lequel sont fixées des ailes en position médiane présentant un angle de flèche important (33°); en outre la dérive est haute avec un détecteur d’anomalies magnétiques (MAD) implanté à son sommet ainsi que deux stabilisateurs horizontaux implantés à la base de la dérive.

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Le fuselage présente une section tubulaire d’un diamètre constant sauf vers les extrémités de l’avion où il se rétrécit; il est décomposé en cinq sections principales, sur lequel vient se fixer les ailes en position médiane ainsi que la dérive. Les sections dont question sont numérotées F1 à F5;

  • Nez vitré du poste du navigateur
  • Partie avant pressurisée (comprenant le cockpit et les postes des opérateurs)
  • Partie centrale non-pressurisée comprenant la première soute et le caisson central de fixation des ailes
  • Partie arrière non-pressurisée où se trouve la deuxième soute et la fixation de la dérive
  • Le poste du mitrailleur arrière qui est pressurisé

La structure du fuselage est composée d’acier 30HGSA et 30HGSNA (pour certaines pièces de structure, de blindage ainsi que de jonctions d’éléments de fuselage) tandis que du duralumin ainsi que de l’aluminium (et alliages d’aluminium D16 et B95) composent le reste de l’appareil dont l’assemblage est fait avec des rivets; l’emploi des alliages visant à obtenir la meilleure résistance structurelle avec une masse totale réduite tout en offrant une protection importante à la corrosion. Le fuselage dispose de renforts sur tout son long permettant d’encaisser les contraintes structurelles importantes induites par les différents profils de vols induits par les missions de lutte anti-sous-marine.

Comment identifier facilement un Tu-142?

De part l’existence d’une plate-forme commune aux trois variantes survivantes de Tu-142; les erreurs d’identification entre celles-ci ainsi qu’avec leur frère Tu-95MS sont courantes dans la presse. Certes, on peut se questionner sur l’intérêt de passer son temps sur ce genre de détails, cependant il est quand même toujours utile d’être en mesure de faire la différence entre un bombardier stratégique, un appareil de relais et de communications et enfin un appareil de lutte anti-sous-marine.

Malgré les similitudes évidentes entre ces avions ceux-ci ne remplissent absolument pas les mêmes missions.

  • Tu-95MS: Nez plein, radôme circulaire sous le nez abritant le radar Obzor-M, trappe latérale installée à la base de la dérive et antenne circulaire tournée vers l’arrière implantée au sommet de la dérive. Absence de radar ventral.
  • Tu-142MK: Nez vitré, radôme massif abritant le radar de recherche sous le fuselage implanté en aval de l’atterrisseur avant, perche de détection d’anomalies magnétiques (MAD) installée au sommet de la dérive pointant légèrement vers le haut et tournée vers l’arrière.
  • Tu-142MZ: Nez vitré, petit radôme monté sur la pointe du nez vitré abritant une antenne du système de brouillage SPS-161, carénage installé sous le nez abritant des systèmes de guerre électronique et de communication, radôme massif abritant le radar de recherche sous le fuselage implanté en aval de l’atterrisseur avant, perche de détection des anomalies magnétiques (MAD) installée au sommet de la dérive pointant légèrement vers le haut et tournée vers l’arrière.
  • Tu-142MR: Nez plein, radôme installé en sur le nez abritant le radar météo Groza-134VR, carénage installé sous le nez abritant des systèmes de guerre électronique et de communication, carénage abritant une antenne rétractable de 7.680 m installée sous le fuselage à l’emplacement de la soute à armements, antenne de communication satellite placée sur le dessus du fuselage au droit de la jonction ailes/fuselage et enfin antenne de communication en forme de pointe implantée au sommet de la dérive mais tournée vers l’avant de l’avion.

Le cas du Tu-95MSM ne sera pas abordé dans ce comparatif puisque le standard définitif de ce dernier n’existe pas encore; il est donc impossible de comparer les implantations des antennes et radômes avec les appareils existants.

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De haut en bas: Tu-95MS, Tu-142MK, Tu-142MZ et Tu-142MR. Images@russianplanes.net / Montage@RS

Les ailes du Tu-142 sont fixées au fuselage au droit d’un caisson central faisant partie intégrante du fuselage et qui contient également des réservoirs à carburant. Les ailes qui sont de section trapézoïdale présentent un angle de flèche important à 33°33′ sur l’aile interne et 32°15′ sur l’aile externe et sont divisées en cinq sections, les matériaux employés pour la structure de l’aile étant des alliages d’aluminium et de magnésium. Les moteurs sont fixés à raison de deux par ailes dans des nacelles implantées en avant de l’aile, la nacelle la plus proche du fuselage étant allongée pour servir de logement à l’atterrisseur principal.

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Cette vue rapprochée du Tu-142MR codé 17 Rouge, permet de mieux voir l’aile et ses caractéristiques. Photo@Mil.ru

Via l’emploi de volets dits « à double fentes » (double-slotted flaps) à commande électromécanique, les ailes du Tu-142 disposent d’une portance accrue offerte par l’existence d’un espace entre l’aile et le volet, ce système étant dédoublé sur le Tu-142 puisqu’il existe deux fentes entre l’aile et les volets d’où le nom du système. En outre, les ailes disposent de trois « wing fences » (Lit. clôtures d’ailes) sur l’extrados des ailes qui permettent de mieux canaliser le flux d’air sur la partie supérieure de l’aile dans les cas d’un vol avec un fort taux d’incidence. A noter que l’intrados est équipé de boucliers en alliage de titane près des tuyères des moteurs en vue de protéger thermiquement l’aile. Chaque aile dispose d’ailerons divisés en trois parties dont le débattement est de +/-25° pilotés par des vérins hydrauliques GU-54M permettant de piloter chaque partie d’ailerons indépendamment.

L’empennage est composé d’une dérive de grande taille disposant d’une gouverne de direction composée d’une seule pièce dont le débattement est limité à +/-25° et pilotée par des vérins hydrauliques du type GU-62M. Les empennages horizontaux sont fixés à la base de la dérive et présentent un angle de flèche de 38°; ils consistent en deux stabilisateurs horizontaux sur lesquels sont fixés deux gouvernes de profondeur qui sont également pilotées par des vérins hydrauliques. L’empennage du Tu-142 se caractérise par une perche de détection d’anomalies magnétiques (MAD) Ladoga MMS-106 tournée vers l’arrière et donnant à l’appareil un look caractéristique.

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Encadré en orange la perche MAD tandis que l’encadré bleu azur permet de mieux voir la configuration des volets à double fente. Image@Dmitriy Ryazanov / Montage@RS

Contrairement aux premiers appareils qui disposaient d’un atterrisseur principal à douze (!) roues, le Tu-142MZ dispose de deux atterrisseurs principaux repris sur le Tu-114 et composés de quatre roues freinées (par disques) du type KT-25Sh de dimensions 1,45 x 0,45 m montés sur une jambe principale avec trois points d’appuis; les atterrisseurs principaux se replient dans un carénage qui se situe dans le prolongement de la nacelle moteur. L’atterrisseur avant qui présente également une configuration avec trois points d’appuis dispose de deux roues du type KN-2-4 non freinées présentant les dimensions suivantes: 1,140 x 0,35 m; il se replie sous le poste de pilotage et vu la taille des pneus, les trappes de puits sont légèrement bombées pour s’adapter à ceux-ci. Chose intéressante sur les Tu-142MK/MZ, la jambe de l’atterrisseur avant dispose d’un phare rouge pour indiquer au personnel au sol de ne pas s’approcher de l’appareil lorsque le radar Korshun-K/-N est actif au sol.

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Le phare rouge indiquant au personnel si le système Korshun est actif ou non. Image@Sergey Ablogin / Montage@RS

Le Tu-142 dispose de deux systèmes hydrauliques indépendants: le haute pression et le basse pression. Le système hydraulique haute pression, commandé par une pompe hydraulique indépendante, est employé pour le freinage des pneus (normal ou en urgence), permet la libération et la giration de l’atterrisseur avant, actionne les essuies-glaces ainsi que l’ouverture/fermeture de la trappe d’accès au cockpit. Le système basse-pression, commandé par deux pompes hydrauliques indépendantes installées dans les moteurs, est employé pour alimenter les servomoteurs hydrauliques du système de contrôle de vol.

Dimensions générales

D’un point de vue des dimensions générales, le Tu-142MZ présente les caractéristiques suivantes, à noter que les caractéristiques en question sont globalement identiques à celles du Tu-142MK;

  • Longueur : 51,55 m / 53,2 m (avec perche de ravitaillement incluse)
  • Hauteur : 14,5 m
  • Envergure : 50,04 m
  • Masse à vide : 91,8 tonnes
  • Masse maximale au décollage : 185 tonnes
  • Surface alaire: 290 m²
  • Équipage : 10 personnes (5 pour le pilotage, 4 pour les missions tactiques et 1 mitrailleur de queue)
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Le Tu-142MK codé 95 Noir porte le nom de baptême Cherepovets. Image@Bonsai

Motorisation

La motorisation du Tu-142MZ consiste en quatre turbopropulseurs Kuznetsov NK-12MP (NK-12MV pour le Tu-142MK) de 14.795 Cv qui entraînent chacun deux hélices contrarotatives quadripales du type AV-60K. Les moteurs sont numérotés, fort logiquement, de 1 à 4; le sens de numérotation débutant à gauche et allant vers la droite dans le sens du vol.

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Quatre moteurs, huit hélices, une aile en flèche prononcée et une perche MAD: pas de doute possible, c’est un Tu-142MK! Image@Alexey Reznichenko

Le NK-12MP est un moteur pour le moins imposant qui présente les dimensions suivantes:

  • Masse: 3,5 tonnes
  • Longueur: 4,84 m
  • Diamètre: 1,62 m
  • Taux de compression variant de 9:1 à 13:1 en fonction de l’altitude

D’un point de vue technique, il s’agit d’un moteur à arbre unique qui comprend un compresseur axial à 14 étages, une chambre de combustion annulaire, une turbine à 5 étages qui actionne les hélices et le compresseur, une tuyère fixe et un différentiel (rapport de transmission 0,0882). L’ensemble est monté en nacelle fixée en avant des ailes via un système de fixation composé de 4 bielles couplées à un système anti-vibrations (dont l’efficacité est « discutable »).

Chaque turbopropulseur dispose de son propre réservoir d’huile, fonctionnant en circuit fermé, d’une capacité maximale de 210 litres contenant de l’huile MN-7.5 U. A noter que la consommation en huile des moteurs est très importante et ceci se voit extérieurement par les traces noires qui maculent régulièrement les flancs des moteurs NK-12 équipant les Tu-95MS et Tu-142.

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Hélices AV-60K d’un Tu-142M. Photo@Mikhail Fetisov

Les hélices quadripales AV-60K à pas variable qui équipent les Tu-142MK/MZ sont dotées d’un système de mise en drapeau automatique en cas de dommage au moteur ainsi que d’un système de dégivrage électrique intégré. Pour les amateurs de détails signalons que sur chaque moteur le sens de rotation des pales est identique: la pale « avant » tourne vers la droite tandis que la pale « arrière » tourne vers la gauche, ceci étant à considérer dans le sens du vol. Les pales sont en aluminium et pèsent chacune 96 Kg, la masse de l’hélice avant est de 518 Kg, celle de l’hélice arrière est de 637 Kg tandis que les deux hélices sont séparées de 65 cm; le diamètre des hélices est de 5,6 m.

Enfin, vu l’ensemble des équipements embarqués présents à son bord, le Tu-142MZ nécessite de disposer d’une importante capacité de génération électrique; deux réseaux existent (un en courant alternatif et un en courant continu) qui alimentent chacun des équipements spécifiques. Le réseau en courant continu est alimenté par un ensemble de générateurs GS-18M (28.5 V) installés sur les moteurs à raison de huit unités, l’ensemble débitant 144 kW. Le système de courant alternatif est composé de générateurs SGO-30U installés sur les moteurs à raison de quatre unités. De plus, le Tu-142MZ dispose de trois réseaux triphasés (36 volts) qui sont alimentés par des transformateurs auxquels viennent s’ajouter six batteries (nickel / cadmium) qui servent comme source d’énergie en cas d’urgence.

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Les tuyères des moteurs NK-12MP avec les traces noires caractéristiques ainsi que les boucliers thermiques. Image@Alexander Lebedev

En outre le système est conçu pour permettre à l’avion de continuer à fonctionner à 100% de ses capacités dans le cas de la défaillance d’un moteur; en cas d’extrême urgence avec perte totale d’énergie, l’avion reste pilotable. Ce qui n’est pas le cas des autres systèmes embarqués bien entendu.

Performances

En vue d’atteindre un rayon d’action et un temps en station conséquent, le Tu-142MZ emporte pas moins de 84 tonnes de carburant répartis dans huit réservoirs intégraux placés dans les ailes à raison de quatre dans chaque aile (les réservoirs sont numérotés 1 à 4) pouvant alimenter n’importe quel moteur via des vannes d’alimentation croisées, ces derniers étant complétés par deux réservoirs implantés dans le caisson d’aile central (réservoirs n°6) et un réservoir implanté à l’arrière du fuselage (réservoir n°5). Le ravitaillement au sol se fait via une centrale à carburant centrale disposant de quatre branchements; il existe également la possibilité de ravitailler directement dans les réservoirs d’ailes via des points disposés sur l’extrados.

L’emport en carburant offre les performances suivantes à l’appareil;

  • Rayon d’action: 4.000 Km
  • Distance franchissable : 10.050 Km
  • Vitesse maximale : 800 Km/h
  • Vitesse de croisière : 705 Km/h

En outre, une perche de ravitaillement est implantée sur le dessus du nez de l’appareil en avant du cockpit; cette dernière est partiellement rétractable (la commande de celle-ci se trouve sur le manche du pilote) et pointe légèrement vers le bas (angle de 4°) pour compenser la tendance à l’appareil de voler avec le nez qui pointe en haut. Le carburant transféré lors du ravitaillement en vol (entre 28 et 35 tonnes de carburant transféré en environ 30 minutes) passe dans une canalisation latérale dont le carénage est visible le long du fuselage entre le cockpit et l’aile.

Enfin, en cas d’urgence, un système d’évacuation d’une partie du carburant est installé permettant de diminuer la masse de l’appareil; celui-ci permet de vidanger par gravité les réservoirs 2 et 4 tandis que des pompes sont employées pour vidanger les réservoirs 5 et 6 de l’appareil.

Equipage et système de vol

Pour piloter et commander un appareil de la taille du Tu-142, il faut un équipage nombreux; ce sont pas moins de dix membres d’équipage (avec la possibilité d’en embarquer un onzième) répartis dans deux compartiments distincts qui prennent place dans un Tu-142. Les deux compartiments qui sont pressurisés sont:

  • le cockpit et son prolongement implanté à l’avant de l’appareil
  • le poste du mitrailleur de queue

L’équipage est réparti dans l’appareil selon ses missions: la zone comprenant le cockpit et son prolongement peut se diviser en deux parties; la partie de « pilotage et navigation » et la partie de « lutte anti-sous-marine ». A noter que dans les avions du système de contre-mesure électroniques Sayany-M (soit les Tu-142MZ et certains Tu-142MK) embarquent d’office onze membres d’équipage, le onzième étant l’opérateur dudit système.

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Le poste du navigateur dans le nez de l’appareil. Image@Andrey Bagirov

Dans la première partie de « pilotage et navigation » se trouvent le commandant de l’appareil (le pilote) et le co-pilote qui prennent place à l’avant tandis que le navigateur prend place entre eux dans le nez vitré de l’avion, derrière les pilotes et tournés vers l’arrière de l’appareil se trouvent l’ingénieur de vol et l’opérateur radio. A eux cinq, ils se chargent de l’ensemble des actions liées au vol et à la navigation de l’appareil, de plus, il existe un strapontin derrière le siège du commandant où peut prendre place un instructeur ou un pilote en formation.

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Le poste de travail de l’ingénieur de vol. Image@Andrey Bagirov

Dans la deuxième partie de « lutte anti-sous-marine » se trouvent quatre opérateurs dont deux tournés vers l’avant de l’avion qui sont les opérateurs des systèmes sonars tandis que les deux derniers opérateurs sont tournés vers l’arrière de l’appareil et se chargent de la navigation en rapport avec la lutte anti-sous-marine, un des deux étant le chef navigateur.

L’accès au cockpit de l’avion se fait via une échelle qui traverse le puits de l’atterrisseur avant et permet d’accéder directement au cockpit et aux postes des opérateurs via une trappe qui permet d’assurer la pressurisation du cockpit. L’équipage ne dispose pas de sièges éjectables mais en cas d’urgence il existe la possibilité d’évacuer l’appareil par des « sorties de secours » disposées près des postes des opérateurs.

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Cette vue d’un Tu-142MZ permet de voir l’échelle d’accès en arrière de l’atterrisseur avant. Image@Oleg Podkladov

L’autre compartiment pressurisé est le poste du mitrailleur arrière dont l’accès se fait via une échelle qui permet d’accéder à une trappe qui donne accès au poste défensif.

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Les deux zones encadrées en bleu sont les zones pressurisées pour l’équipage. Illustration@Mike Badrocke / Montage@RS

Le Tu-142MZ dispose d’un système de vol et de guidage NPK-VPMK qui détermine la position de l’avion, sa direction, sa vitesse et son altitude. Le NPK-VPMK est contrôlé par un ordinateur Orbita-10TS-42 qui gère notamment un pilote automatique AP-15PS, un système de guidage en vol Bort-42, de deux ordinateurs Orbit-10, d’un système de guidage Rumb-1B, un système astro-inertiel L14MA ainsi qu’un radar météo Groza-134VR, d’autres sous-ensembles viennent s’ajouter mais leur liste est longue et peu utile dans le cadre de cet article. Le système NPK-VPMK offre des modes de vol semi-automatique et automatiques qui selon les besoins de l’équipage peuvent suivre un plan de vol préétabli ou alors suivre un plan de vol en fonction de la position des bouées larguées.

Les commandes de vol sont du type électro-hydromécaniques, le pilote et le copilote disposant chacun d’un manche à balais ainsi que de deux pédales (palonniers) pour assurer le guidage de l’avion. Les commandes des pilotes sont relayées par des câbles qui disposent de servomoteurs hydrauliques en vue de diminuer les efforts à transmettre par les pilotes aux surfaces de contrôles de vol, c-à-d: les ailerons, la gouverne de direction et les gouvernes de profondeur. Les surfaces de contrôles de vol sont compensées (trim) ce qui signifie qu’elles disposent d’un « système permettant de maintenir une surface de contrôle dans une position qui permet l’équilibre de l’avion« , en outre, lorsque l’avion est au sol, elles sont bloquées mécaniquement via l’action d’un interrupteur de commande dans le poste de pilotage.

Le cockpit de l’avion ainsi que le poste de pilotage sont pour le moins spartiates et épurés; en effet, les pilotes disposent d’une planche de bord classique composée d’indicateurs analogiques, la seule touche de modernité dans le poste de pilotage étant l’écran de situation tactique du type KN IV-405 qui se trouve à la gauche du pilote (sur certains appareils l’écran tactique semble avoir été remplacé par une variante plus moderne). Les principaux instruments sont – comme de coutume en URSS/Russie – encadrés en blanc sur la planche de bord; à noter que le poste de pilotage présente une configuration typique pour les Bear et Bear-F: un accès traverse la planche de bord qui permet au navigateur de rejoindre son poste qui se trouve en partie sous les pilotes. L’accès au poste du navigateur pouvant être « masqué » par un rideau.

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Cockpit d’un Tu-142MZ, on distingue le couloir d’accès au poste du navigateur ainsi que l’écran de situation tactique à la gauche du pilote. Image@Andrey Bagirov

L’équipage dispose d’un vaste espace vitré dans le cockpit qui dégage bien le champ de vision de l’équipage, ce qui découle en grande partie de la nouvelle configuration mise au point par les équipes d’ingénieurs de Taganrog. Les trois vitres du poste de pilotage qui sont directement en face du pilote/copilote sont en verre triplex disposant d’un chauffage électrique intégré.

Repris sous le nom Strela-142M se cache en réalité le système de communication de l’avion qui comprend notamment deux radios HF R-857G, une radio HF R-866, deux radios UHF R-832M ainsi qu’un système d’échange de données.

Les Tu-142 et ses variantes de cockpits

Un élément relatif aux Tu-142 qui passe souvent inaperçu concerne le cockpit de l’appareil et les changements que ce dernier a connu durant son évolution au fil des années. Comme déjà abordé auparavant, le Tu-95 a donné naissance au Tu-142 qui a lui-même évolué en Tu-142M avant de servir de base pour créer le Tu-95MS: au fil du temps les cockpits (au niveau de la forme et des dimensions) ont évolués pour répondre aux besoins et surtout aux critiques des équipages par rapport aux missions qui leurs étaient dévolues. Cette évolution s’inscrit dans le même cadre que les évolutions des longueurs du fuselage étant intervenues durant le développement des différentes évolutions de l’avion.

Le cockpit du Tu-142 d’origine est rigoureusement identique à celui du Tu-95M avec comme différence notoire l’implantation d’une perche de ravitaillement en vol devant la verrière sur le dessus du nez. Les premiers équipages ayant testé l’appareil se sont rapidement plaint du manque de visibilité ainsi que de gros problèmes de réflexion du soleil limitant fortement le champ de vision lors de vol en basse altitude au-dessus de la mer. En outre, les équipages de Tu-95 se plaignaient régulièrement de l’exiguïté et du manque de confort du cockpit sur les vols de longue durée; c’est pourquoi lorsque la production du Tu-142 fut déménagée de Kuybishev à Taganrog, les techniciens de Beriev redessinèrent le cockpit et allongèrent l’appareil pour loger tout l’équipement nécessaire tout en accroissant le confort de l’équipage.

Le cockpit redessiné se caractérise notamment par un élargissement de sa largueur de 18 cm, d’un plafond rehaussé améliorant la visibilité frontale ainsi que d’un pare-brise moins fortement incliné; en outre de nouveaux sièges ont été installés participant à l’amélioration du confort général de l’équipage. Ces modifications qui sont apparues sur le premier Tu-142M produit à Taganrog seront généralisées sur la suite des Tu-142 produits ainsi qu’elles seront reprises sur les Tu-95MS.

On le voit donc à nouveau, les deux appareils sont intimement liés et les solutions techniques apportées sur l’un des deux ont fini par trouver leur chemin sur l’autre.

Enfin, le Tu-142 dispose d’un système d’air conditionné qui assure la pressurisation de l’appareil au-delà de 2.000 m, l’air nécessaire étant prélevé aux étages 9 et 14 du compresseur de manière à maintenir une pression constante dans l’appareil en fonction de son altitude; deux flux séparés (air chaud et air froid) existent et sont mélangés selon les besoins pour obtenir la température souhaitée dans l’avion. En outre, la pressurisation dispose de deux modes de fonctionnement: normal et combat, dans le cas du mode « combat », l’appareil est maintenu en légère sous-pression de manière à éviter une décompression explosive en cas de dommages sur l’avion.

Radar et systèmes de guerre électronique

Partie de l’appareil qui a le plus évolué durant le développement du Tu-142 et de ses variantes, le radar de recherche est le coeur du système et le principal capteur employé par le Tu-142 pour détecter ses cibles. Alors que les premières versions de l’appareil employaient un système dénommé Berkut-95 développé par Leninets et employé sur l’IL-38, le Tu-142MZ dispose du système Korshun-N (Korshun-K sur le Tu-142MK) qui consiste en un radar de détection et de recherche à 360° Korshun installé dans un carénage ventral implanté en amont de la soute à armements, de plus ce radar est également employé pour la navigation.

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Le radôme du radar Korshun est encadré ici en rouge. Image@Bonsai / Montage@RS

Le système de recherche et de ciblage Korshun-K est couplé au système sonar Kaïra-P (d’où le -K dans Korshun-K) permettant notamment de corriger le défaut majeur du Berkut-95, l’absence de suivi automatique d’une cible et ce dernier, vu sa complexité, nécessita de longues années de mise au point. En outre, les bouées employées avec le système Kaïra-P sont renouvelées par des modèles offrant des capacités de détection accrues par rapport aux Tu-142(M). Le Tu-142MZ va corriger un autre problème présent sur le Tu-142MK, la faible capacité de gestion et suivi des cibles détectées; en effet, le système Korshun-K était limité dans sa capacité de suivi de plusieurs cibles simultanément ce qui découlait en partie des performances insuffisantes des ordinateurs soviétiques. Disposant d’un système de recherche et ciblage modernisé, le Korshun-N couplé au système sonar Zarechye, l’ensemble étant intégré au sein de la suite Nashatyr-Nefrit (d’où le -N dans le Korshun-N), le Tu-142MZ offre une puissance de calcul supérieure, ainsi qu’un ensemble de bouées plus performantes qui  accroissent la quantité d’informations traitées ainsi que la précision de celles-ci. Les estimations parlent d’une efficacité accrue d’environ 2 à 2,5 fois par rapport au Korshun-K.

Le système Korshun-N couplé avec le système de bouées Zarechye ainsi que la perche de détection d’anomalies magnétiques Ladoga MMS-106 permet de détecter un sous-marin immergé jusqu’à une profondeur de 800 m et par une mer de Force 5.

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Encadré en vert, une des antennes du système Sayany-M et encadré en bleu une des boules du MAK-UT. Image@Oleg Ivanchenko / Montage@RS

A l’inverse du Tu-142MK qui bénéficiait d’un équipement réduit en la matière, le Tu-142MZ dispose d’une suite d’auto-défense relativement moderne eu égard à l’époque de production de l’appareil, cette suite est composée de:

  • Lance-leurres APP-50 disposant de cartouches thermiques PRP-50 ou PPI-50 de 50 mm; ces lance-leurres sont implantés dans le prolongement des nacelles moteurs près des puits des atterrisseurs principaux
  • Brouilleur SPS-161 Geran disposant d’antennes réparties latéralement sur le fuselage
  • Système de contre-mesures électronique Sayany-M
  • Système infrarouge d’alerte missile L-083 MAK-UT composé de « boules » caractéristiques implantées sur le dessus et le dessous du fuselage
  •  Système d’alerte radar SPO-15LM (L-006LM) Beryoza indiquant l’arrivée ainsi que la direction d’approche d’un missile ciblant l’appareil
Air Power Australia Website
Le système MAK-UT présent sur les Tu-95MS et les Tu-142MZ. Image@?

Les systèmes d’auto-défense de l’appareil peuvent fonctionner soit automatiquement, soit être desservis manuellement par l’équipage de l’avion. A noter que les avions dotés du système Sayany-M disposent d’un opérateur supplémentaire dédié à ce système. Enfin sur base de photos, on peut voir que certains Tu-142MK ont reçus une partie des systèmes d’auto-défense des Tu-142MZ lors des révisions générales.

Armements

Le Tu-142 peut emporter une charge offensive maximale de 8,845 tonnes répartie dans deux soutes implantées en arrière des ailes sous le fuselage; la première soute emporte les armes offensives tandis que la deuxième soute est spécialisée dans l’emport des moyens de détection, c-à-d: les bouées hydroacoustiques.

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Ce montage permet de voir l’emplacement (en rouge) de la soute à armements principale ainsi que de la soute des bouées (en orange). Image@Vladimir S. / Montage@RS

La soute principale dispose de quatre portes pouvant être actionnées indépendamment les unes des autres; ceci permettant notamment de n’ouvrir qu’un seul côté de la soute selon les besoins. La soute est de grande taille et profonde ce qui permet de ranger les armements sur trois rangées parallèles.

Les configurations opérationnelles du Tu-142

Le Tu-142 (version de base dotée du Berkut-95) dispose de deux configurations de base:

  • La configuration de patrouille maritime / recherche
  • La configuration de recherche et destruction,

En fonction de la configuration choisie avant la mission, la charge utile emportée va différer.

Pour donner une idée des différences entre les configurations, on peut indiquer qu’en configuration de patrouille maritime, le Tu-142 peut embarquer jusqu’à 440 bouées RGB-1.

En configuration recherche et destruction le Tu-142 voit son emport répartis entre 176 RGB-1, 13 RGB-2, 4 RGB-3 au niveau des bouées auxquelles s’ajoutent 3 torpilles (ou missiles APR-1) ainsi que 14 bombes PLAB-250-120 et 14 bombes employées pour le marquage des cibles.

Ces emports ont évolués au fur et à mesure de la mise au point des variantes plus modernes que sont les Korshun-K et Korshun-N mais les fondements restent les mêmes; le gros défaut du Berkut-95 étant l’absence d’un mode de suivi automatique des cibles qui rendait la tâche des opérateurs particulièrement complexe.

On peut faire la distinction entre trois types d’emports pour le Tu-142MZ:

  • Les emports offensifs (torpilles)
  • Les emports de détection (bouées)
  • L’armement défensif

Premier type d’armements déployé par le Tu-142; les bouées hydroacoustique largables dont le type ainsi que les capacités vont évoluer avec les variantes de l’appareil; le Tu-142 pouvant emporter un stock maximum de 440 bouées installées dans ses soutes, ce maximum étant atteint au détriment des autres armements.

Le Tu-142MZ peut déployer les bouées du type;

  • RGB-16: bouées acoustiques passives non-directionnelles
  • RGB-26: bouées acoustiques passives non-directionnelles
  • RGB-36: bouées acoustiques passives/actives directionnelles

Ces trois types de bouées sont spécifiques au système Zarechye néanmoins les modèles antérieurs employés par les Tu-142MK peuvent toujours être mis en oeuvre, il s’agit des modèles RGB-15, RGB-25, RGB-55 et RGB-75.

Deuxième type d’armements déployé, les armes qu’on peut qualifier d’offensives et qui sont emportées dans la première soute de l’appareil; leur but étant de procéder à la destruction des sous-marins ennemis. Le Tu-142MZ dispose d’un viseur NKBP-7 employé avec les bombes anti-sous-marines; la charge offensive de l’avion va varier selon la configuration de vol sélectionnée, cependant le Tu-142MZ peut mettre en oeuvre quatre types d’armements offensifs (avec entre parenthèses les armements issus des variantes antérieures):

  • Torpilles anti-sous-marines: UMGT-1 et (AT-1, AT-1M, AT-2, AT-2M)
  • Roquettes anti-sous-marines: APR-2, APR-3E et (APR-1)
  • Bombes anti-sous-marines: PLAB-50, PLAB-250-120
  • Mines: PM-1, PM-2, UDM

En ce qui concerne les armements à charge nucléaire un système de codage embarqué est présent à bord de l’appareil de manière à ne pas déployer un armement nucléaire involontairement avec les funestes conséquences que ceci impliquerait.

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La tourelle arrière avec son sas d’accès ouvert. Image@Oleg Podkladov

Troisième type d’armements déployé, les Tu-142 disposent d’une capacité défensive implantée en queue à la base de la dérive et consistant en une tourelle équipée d’un canon bitube GSh-23L de 2×23 mm alimenté à raison de 2 x 600 obus; le système comprend un radar de tir PRS-4 Krypton implanté dans un radôme au-dessus de la tourelle couplé à un ordinateur balistique VB-153 qui servent d’aide au ciblage pour l’opérateur.

Les Tu-142 en service

Le Tu-142, à l’instar du Tu-95 est un appareil aux dimensions imposantes répondant à un besoin précis; ceci signifiant que sa mise en oeuvre nécessite des installations adaptées et que ses coûts d’exploitation sont relativement importants. C’est pourquoi, abstraction faite du contexte géopolitique de l’époque, seulement deux pays ont mis en service cet appareil: la Russie et l’Inde.

  • Russie

On dénombre actuellement – et selon les sources – 27 Tu-142MK/MZ en service/stockés en Russie qui sont actifs au sein de l’aéronavale russe: les MA-VMF (МА ВМФ / Морская авиация Военно-морского флота). Les appareils étant répartis sur deux bases à raison de huit appareils par escadrilles où ils sont complétés par les Tu-142MR qui sont intégrés au sein des escadrilles de lutte anti-sous-marine. Les deux bases qui détiennent des Tu-142 sont:

  • Kipelovo (Flotte du Nord) hébergeant le 73 OAE
  • Kamenniy Ruchey (Flotte du Pacifique) hébergeant le 568 GvOMSAP

Tous les appareils en service actuellement en Russie sont issus de l’AV-MF (АВ-МФ / Авиация военно-морского флота) et ils disposent de zones d’action déterminées qui ne sont que la transposition des zones couvertes par les appareils durant la période soviétique, ainsi les zones d’actions couvertes sont les suivantes:

  • Mer de Barents, Mer de Norvège et Atlantique Nord pour les appareils de Kipelovo
  • Mer d’Okhotsk, Mer du Japon et Pacifique Nord pour les appareils de Kamenniy Ruchey

A noter que la zone arctique qui était peu couverte à l’époque de l’URSS a vu son importance croître ces dernières années avec le réchauffement climatique et la période de disponibilité annuelle accrue de la Route du Nord suite à la fonte des glaces; fort logiquement, les russes se sont engouffrés dans la brèche en envoyant les Flottes disposant de Tu-142MK/MZ s’entraîner plus régulièrement dans cette zone.

Si il est difficile d’obtenir des informations précises sur les appareils en service et ceux qui sont stockés; les estimations les plus faibles tablent sur une petite vingtaine d’appareils actifs répartis entre les deux bases citées ci-dessus. Il est à noter qu’au vu de la difficulté de disposer d’une vue précise des appareils stockés de ceux qui sont en service et outre le fait que des appareils stockés de longue date peuvent être remis en service, le tableau récapitulatif considère « tous les appareils actifs » même si ce n’est pas le cas.

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Alignement de Tu-142MK à Kipelovo. Image@Evgeny Volkov

Admis officiellement au service actif au sein des MA-VMF (branche aéronavale de la Marine Russe) en 1993, les Tu-142MZ sont arrivés en première ligne au pire moment de l’histoire russe contemporaine. Ayant perdu son « ennemi naturel » (et donc sa raison d’être), en manque de fonds pour assurer le minimum minimorum en matière d’entraînement des équipages; la flotte récupérée de l’AV-MF, composée de 15 Tu-142, 39 Tu-142M/MK et 14 Tu-142MZ (dont la moitié était considérée en « réserve ») a été drastiquement réduite avec le retrait de service achevé en 1996 des Tu-95RTs, Tu-142, Tu-142M et la conservation d’une flotte réduite de Tu-142MK et de Tu-142MZ. La fin de la production des Bear-F à l’usine Beriev de Taganrog ayant lieu en 1994.

A noter pour l’anecdote que certains Tu-142MK et Tu-142MZ stationnés en Ukraine y sont restés après l’indépendance de ce pays; les appareils en question ont été soit retournés à la Russie, soit ferraillés sur place (la Marine Ukrainienne n’ayant ni les moyens d’exploiter, ni l’utilité d’un tel appareil) et quelques uns ont survécu dans les musées du pays. De plus, le stationnement permanent (ayant débuté à l’époque soviétique en 1982) de Tu-142 sur la base de Cam Ranh (Vietnam) au sein de l’escadron 362 GvOSAE fut supprimé en date du 1er décembre 1993 bien que la base continua encore d’être employée sporadiquement avant de s’interrompre définitivement en 2002 avec le retour de la base en pleine possession vietnamienne. De la même manière, le déploiement régulier de deux à douze Tu-95RTs et Tu-142 à Cuba sur les bases de La Havane (aéroport José Martí) et de San Antonio de los Baños qui avait débuté de manière régulière en novembre 1981 s’acheva en 1992 peu après la fin de l’URSS.

Une particularité locale: le Tu-142MK codé 56 Rouge

Nous l’avons vu ci-dessus, les différences externes entre Tu-142MK et Tu-142MZ permettent d’identifier facilement les deux modèles. La principale différence entre les deux appareils résidant dans l’embarquement (ou non) du système Zarechye de gestion des bouées.

Cependant, les ingénieurs soviétiques ont eu envie de complexifier les choses pour les amateurs d’aéronautique. En effet, le Tupolev Tu-142MK portant le numéro de Bort 56 Rouge des MA-VMF basé à Kipelovo (Flotte du Nord) dispose d’un fuselage de Tu-142MZ (présentant donc toutes les caractéristiques externes du Tu-142MZ) tout en bénéficiant des équipements internes du Tu-142MK (absence du système Zarechye et présence du Korshun-K). Par conséquent, l’appareil est à classer dans la catégorie des Tu-142MK et non des Tu-142MZ.

Comme si cela ne suffisait pas, il existe un deuxième Tu-142MZ basé à Kamenniy Ruchey (Flotte du Pacifique) qui porte également le numéro de Bort 56 Rouge!

En résumé, les MA-VMF disposent de:

  • Tu-142MK (fuselage Tu-142MZ), 56 Rouge (ex 56 Noir), RF-34063, C/n 6603930, base de Kipelovo, Flotte du Nord
  • Tu-142MZ, 56 Rouge, RF-34109, C/n 0604215, base de Kamenniy Ruchey, Flotte du Pacifique

Pas étonnant au final que l’on finisse par s’y perdre dans le suivi des appareils actifs!

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La décennie 1990 fut des plus catastrophique pour les équipages russes, entre les départs naturels, la réduction en taille de l’aéronavale russe, les manques de financements et l’absence de pièces détachées pour assurer l’entretien des appareils ont débouché sur un effondrement de la disponibilité des avions. En outre, un autre problème inattendu s’est présenté à la Russie: le seul centre d’entretien apte à assurer la maintenance des Tu-142 se trouvait en Ukraine. Et au vu des changements politiques post-1991, il n’était donc plus aussi aisé pour les russes d’assurer l’entretien des appareils; une solution à ce problème sera dégagé par la suite: l’usine Beriev où furent produits les appareils devint le centre technique chargé de l’entretien et des révisions générales des Tu-95/Tu-142. Dans le même registre d’idée, l’entraînement des équipages de Tu-142 se faisait au sein du 33 TsBP i PLS de Nikolayev en Ukraine, la fin de l’URSS fit donc également perdre le centre d’entraînement de ses équipages, ceci sera résolu par l’ouverture de l’unité 444 TsBP i PLS d’Ostrov en 1994.

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Le Tu-142MK codé 51 Noir. Image@Maxim Khusainov

Pour donner une idée de la situation dans laquelle se trouvait les forces militaires russes, en 1993 au sein du 76 OPLAP (Kipelovo) alors que la dotation en appareils (Tu-142MK et MR) était respectivement de 20 et 8 avions seulement trois de chaque type était actif! Ce taux va encore diminuer puisqu’en 1997 le taux de disponibilité moyen des appareils survivants dans les inventaires était de 35%! Ce manque de disponibilité, couplé à des approvisionnements en carburant largement inférieurs à la demande (un comble pour un pays comme la Russie) firent qu’à l’aube des années 2000: seulement 1/3 des équipages étaient aptes au combat, le solde ne disposant même plus des minimas de compétences requis pour voler! Les chiffres d’époque parlent d’un temps de vol annuel moyen de 14 heures par équipage engagés dans les missions de lutte anti-sous-marine, sachant que l’IL-38 est moins onéreux à déployer, ce dernier a eu la priorité des budgets/fournitures à l’époque pour maintenir un minima de compétences. L’absence de pièces de rechange aura également un impact concret sur la flotte d’appareils: en vue de maintenir quelques appareils en état de vol d’autres servirent de banques d’organes et furent simplement abandonnés sur place en l’absence de moyens pour les réactiver ce qui fort logiquement réduisit encore un peu plus la flotte d’avions disponible.

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Le Tu-142MZ codé 59 Rouge. Image@SAP

Enfin, en l’absence de budgets pour le maintien des compétences ainsi que pour les formations des nouveaux équipages; en 2001, l’âge moyen des pilotes aptes au combat dépassait les 40 ans et les pilotes et navigateurs expérimentés partaient à la retraite sans avoir de remplaçants prêts à assurer la relève. Une des solutions qui sera déployée pour maintenir un minimum de capacités sera de réemployer les équipages retraités à Yeysk (centre de formation des pilotes de l’aéronavale) en tant que civils pour former les nouveaux équipages.

La variante perdue: le Tu-142MRTs

Cette version du Tu-142 fut conçue dans le courant des années 1980 en vue d’assurer la relève des Tu-95RTs (Ту-95РЦ) dont la fin de vie active s’approchait rapidement. Devant assurer des missions de reconnaissance et de recherche des cibles au-delà de l’horizon, c’est un Tu-142MK qui servira de base à la création du prototype de cette nouvelle version reprise sous le type Tu-142MRTs (Ту-142МРЦ). Le réemploi de certains composants du Tu-95MS pour servir de base à cette nouvelle version du Tu-142 explique notamment son code de projet (Izd.342T) qui diffère du code projet des autres Tu-142 (Izd.VPxx) mais suit la logique des Tu-95MS (Izd.342).

Le développement de l’avion fut envisagé en deux étapes:

  • Mise au point des capacités de détection et d’identification des cibles
  • Intégration d’une capacité offensive avec emport des missiles Kh-32

Le développement sera lancé au début des années 1980 mais il faudra près de dix ans pour mettre au point le système. Conçu autour du système de ciblage Uspekh-UAV qui comprenait un radar Uspekh-1AV implanté sous le fuselage dans un carénage massif, l’appareil était aisément identifiable grâce à son radôme qui était identique à celui d’un Tu-95MS.  Le prototype sortira de l’usine Beriev en 1994 mais ne volera jamais; le contexte économique de l’époque ainsi que les changements doctrinaux font que le programme sera abandonné et l’appareil détruit sur place après avoir servi de banque d’organes. La Russie envisagea par la suite de déployer des équipements de ciblage sur des Tu-204/Tu-214 avant de se tourner sur une option satellitaire pour assurer cette mission.

C’est peu après le changement de siècle que la situation des Tu-142 va commencer à s’améliorer; le retour des budgets militaires, les approvisionnements réguliers en carburant, l’entrée en formation de nouveaux équipages ainsi que le lancement des révisions générales sur les appareils ayant dépassés les dates limites font que les activités du Tu-142 vont reprendre progressivement de l’ampleur. Un autre facteur déterminant dans ce lent retour au premier plan réside dans le contexte géopolitique changeant; les relations entre la Russie et les pays occidentaux se dégradant inexorablement, les patrouilles de sous-marins dans les eaux internationales proches des côtes russes se firent de plus en plus régulières poussant donc la Russie à remettre en état sa capacité de lutte anti-sous-marine apte à détecter et pister les navires en question.

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Le Tu-142MK codé 95 Noir. Image@Dmitriy Pichugin

Le retour des Tu-142 en activité ainsi que l’intérêt accru de la Russie pour le grand nord ainsi que l’Arctique font qu’un premier vol de Tu-142 provenant de Kipelovo à destination du Pôle Nord eut lieu le 5 septembre 2006 suivi à peine quatre jours plus tard d’un vol de longue durée accompagnant le déploiement d’un sous-marin en exercice près du Pôle Nord. En janvier 2008, un vol longue distance vit un Tu-142MK de la Kipelovo revenir patrouiller dans le Golfe de Gascogne, zone désertée par ces appareils depuis la fin de l’URSS.

Au niveau de l’entrainement des équipages, un changement va intervenir le 1er décembre 2009 avec la dissolution du 444 TsBP i PLS d’Ostrov et la mise en place du 859 TsBP i PLS de Yeysk où sont concentrés l’entraînement de tous les équipages de l’aéronavale russe. Un peu plus tôt la même année, en juin 2009, eurent lieu les premiers exercices de ravitaillement en vol entre IL-78M Midas et Tu-142MK/MZ de Kipelovo, ce qui était une première dans l’histoire de cet appareil; malgré la présence de la perche cette compétence n’avait jamais été testée ni validée par les équipages. A noter que la Marine Russe ne disposant pas d’une capacité de ravitaillement en propre, elle est tributaire du bon vouloir des DA pour bénéficier de ravitailleurs en vol. Il reste à voir comment la situation évoluera à l’avenir avec l’arrivée de ravitailleurs en vol supplémentaires en Russie.

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Le Tu-142MZ codé 59 Rouge. Image@Bonsai

Malheureusement selon l’adage qui veut que « l’on ne fait pas d’omelettes sans casser des oeufs »; l’aéronavale russe va l’apprendre à ses dépends avec la perte d’un appareil en date du 6 novembre 2009. Le Tu-142MZ codé 55 Rouge appartenant au 568 GvOMSAP de Kamenniy Ruchey participait à une mission d’entraînement au-dessus de la Mer du Japon lorsqu’il s’est écrasé à 24 Km de la base lors de son retour vers celle-ci. Ce crash se solda par la perte des onze membres d’équipage, après récupération des boîtes noires la cause du crash fut attribuée à une erreur de pilotage sans plus de détails pour autant.

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Le Tu-142MZ codé 56 Rouge. Image@SAP

Enfin, les patrouilles de Tu-142MK et MZ sont de plus en plus fréquentes et les interceptions de Bear-F de Kipelovo par les avions de l’OTAN se multiplient en Mer Baltique et en Mer du Nord tandis que le MoD japonais publie de fréquents bulletins avec les vols accomplis (et interceptés) par les appareils de Kamenniy Ruchey près et autour du Japon et ce que ce soit escortés par des Su-35S des VKS ou en solitaire. Au vu de ce qui a été écrit ci-dessus, il apparaît de manière assez claire que les MA-VMF exploitent de manière régulière leur flotte de Bear-F et que les équipages sont maintenus à un niveau d’entraînement élevé; ceci se vérifie notamment par le passage régulier des appareils en révision chez Beriev dans le but de les maintenir dans un état opérationnel satisfaisant, il semble également (mais ceci reste à confirmer) que certains appareils immobilisés dans le courant des années 1990 ont été réactivés après passage à Taganrog.

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  • Inde

C’est en 1976 que la Marine Indienne mis en service un escadron de Lockheed L-1049G Super Constellation adapté pour assurer la surveillance maritime. Ces avions, bien que déjà anciens, assurèrent cette mission jusqu’à leur retrait de service en 1983. L’Inde disposant d’une superficie importante avec des zones côtières très étendues; l’utilité d’un appareil capable d’assurer la surveillance des côtes ne se discutait pas. Le vide laissé par le retrait de service des Super Constellation devait être comblé au plus vite.

L’expérience acquise via l’exploitation d’appareils multi-moteurs poussa la Marine Indienne à se tourner vers cette configuration pour son nouvel appareil de surveillance maritime et de lutte anti sous-marine. C’est là que l’Ours va entrer en piste. En 1981, la Marine Indienne consciente que les Super Constellation sont en fin de carrière décide de leur chercher un remplaçant. Au vu des bonnes relations existantes à l’époque entre l’URSS et l’Inde; c’est vers Moscou que les Indiens vont se tourner.

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Le Tu-142ME codé IN318 en bonne compagnie avec un F-14 Tomcat; Image@?

L’URSS va d’abord proposer à la vente quelques Tu-142M remis à niveau en lieu et place d’appareils neufs. Cependant, l’Inde va refuser cette offre arguant du fait qu’ils voulaient des appareils neufs. En outre, l’Inde s’inquiétait du fait que le Tu-142MK est un appareil lourd et massif qui nécessite des bases adaptées d’où il peut être déployé. Après de longues négociations, un contrat portant sur l’acquisition de 8 Tu-142MK modifiés aux spécifications indiennes est signé en décembre 1984.

Le Tu-142MK vendu à l’Inde dispose d’un système Korshun-K-E avec des capacités réduites par rapport au Korshun-K équipant les appareils Soviétiques. Par conséquent, l’appareil reçoit la dénomination de Tu-142ME (Izd. VPMK-E). C’est en mai 1987 que l’Inde envoya les 40 premiers pilotes et observateurs ainsi que 16 techniciens à Riga (actuellement en Lettonie) en vue de s’entraîner pour pouvoir prendre en main le Tu-142ME; l’entraînement d’une durée de 11 mois culmina avec l’arrivée des trois premiers Tu-142ME en date du 30 mars 1988 à la base INS Hansa (Goa). Les appareils ayant effectué leur vol de convoyage au départ de la base de Gvardeyskoye (en Crimée).

En date du 13 avril 1988, deux Tu-142ME suivants furent livrés et à la fin octobre de la même année; les trois derniers appareils furent réceptionnés. Les appareils sont numérotés dans la série IN311 à IN317 et déclarés officiellement aptes au service en date du 16 avril 1988; ils forment l’escadron INS 312 qui reçut le nom d’Albatros. Par extension, le nom de l’escadron fut également attribué aux appareils: ces derniers portent d’ailleurs un Albatros peint sur les flancs.

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Le Tu-142ME codé IN313 avec l’Albatros peint sur le nez de l’avion. Image@Beriev

Les Tu-142ME furent employés pour assurer la protection des côtes indiennes, pour assurer le suivi des sous-marins pakistanais ainsi que pour superviser les opérations de recherches et de secours en mer. En mai 1992, l’escadron et les appareils sont déplacés de la base INS Hansa (Goa) vers la base INS Rajali (Arrakonam). Cette base construite en 1942 et abandonnée après guerre sera intégralement reconstruite à la fin des années 80 pour pouvoir déployer les Tu-142ME. L’inauguration officielle de la base eut lieu le 11 mars 1992 et à titre d’anecdote on peut préciser que la piste de décollage de cette base est actuellement la plus longue d’Asie (4.103 m).

En 2004, les appareils vont connaître deux changements importants;

  • Passage en révision générale chez Beriev à Taganrog avec extension de la vie résiduelle des cellules à 16 ans.
  • Modernisation de l’équipement embarqué en collaboration avec IAI et Elbit (Israël) qui verra notamment l’installation du radar Elta EL/M-2022A (V3) en remplacement du Korshun-K-E. Les suites de communication, de guerre électronique et de surveillance seront intégralement renouvelées également augmentant de manière conséquente les capacités de l’appareil.
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Le Tu-142M codé IN313. Image@?

Le début de la fin pour les Tu-142ME débutera en 2012 avec l’arrivée progressive de 8 Boeing P-8I Neptune (variante locale du P-8A Poséidon équipée notamment d’une perche MAD); ces appareils étant appelés à remplacer les gourmands et coûteux en entretien Tu-142ME, tout en offrant des performances décuplées et des contraintes techniques réduites vu la taille moins importante des appareils. Le dernier P-8I de la première commande fut livré en 2015 et l’appareil déclaré apte au service en date du 13 novembre 2016; ils sont regroupés au sein de l’escadron INS 312-A qui vient en renfort de l’INS 312 composé des Tu-142ME.

Un Tu-142MK en version tanker?

Lorsque la Marine Indienne décida de moderniser les Tu-142ME en service, plusieurs projets furent étudiés en collaboration avec la Russie; les ingénieurs de chez Tupolev faisant plusieurs propositions complètes de modernisation des appareils ainsi que d’accroissement des capacités offensives. Les modifications suivantes étant sur la table:

  • Capacité d’emport du missile BrahMos avec renforcement des ailes
  • Capacité d’emport des missiles Kh-35E montés sur des doubles pylônes sous voilures
  • Nouvelle électronique embarquée avec réduction de l’équipage de 11 à 8
  • Nouvelle suite de recherche et ciblage « Sea Dragon » identique à celle employée sur les IL-38SD
  • Nouvelles hélices AV-60T
  • Extension de la durée de vie de l’appareil
  • Nouvelles installations de confort pour l’équipage
  • Ajout d’un APU

Ce projet repris sous le nom de Tu-142ME (Tu-142MSD) ne connaîtra pas de suite tangible, la modernisation des appareils s’effectuant avec les israéliens d’IAI et d’Elbit. Cependant un deuxième projet sera proposé par les ingénieurs de chez Tupolev, le Tu-142ME (2) en version de ravitaillement en vol!

L’idée était assez séduisante sur le papier, il s’agissait de fournir à l’Inde un Tu-142 adapté pour le ravitaillement en vol disposant de trois points (pods Upaz-1 ou FRL Mk.32) implantés à raison de deux sous voilure et un latéralement) à l’arrière du fuselage. Cette version reprise sous le nom de Tu-142ME (2) aurait été employée pour assurer le ravitaillement des Tu-142ME existants ainsi que pour assurer le ravitaillement des MiG-29K/KUB acquis par l’Inde pour équiper l’INS Vikramaditya; les estimations tablaient sur une capacité de ravitaillement de 30 tonnes sur une distance de 2.000 Km et/ou la possibilité de ravitailler un Tu-142ME ou six MiG-29K/KUB) en une seule sortie.

Pas plus que la première version du projet de modernisation Tu-142ME, cette option ne sera validée par l’Inde, le projet restant sur la table à dessins.

Les premiers Tu-142ME ont été retirés du service au fur et à mesure de l’arrivée des P-8I et il ne restait en date du 29 mars 2017 que 3 Tu-142ME actifs en Inde. Il est à noter qu’au cours de presque 30 ans de carrière et pas moins de 30.000 heures de vol; aucun accident grave n’a été déploré sur la flotte de Tu-142ME!

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Trois Tu-142ME sont conservés en monument dont un à INS Raji, un à INS Hansa et un à l’académie navale d’Ezimala.

Un cas à part: le Tu-142MR

Dans la longue liste des versions de Tu-142 se trouve un cas à part, l’appareil de communication et de relais de transmissions dérivé du Tu-142MK: le Tu-142MR Bear J.

A la fin des années 1960, le développement et la mise en service de sous-marins nucléaires lanceurs de missiles balistiques des classes Navaga et Navim (Izd.667A / 667AU, Yankee) posa un problème nouveau à la Marine Soviétique: le besoin de disposer de moyens de communications à longue distance entre les vecteurs et le centre de commandement stratégique. Si l’emploi de base de relais à terre émettant en très basse fréquence permit de régler partiellement le problème, ce moyen de communication nécessitait le déploiement de larges (et donc vulnérables en cas d’attaques) antennes dont le signal pouvait en outre être perturbé par le passage dans l’eau. Bref, le besoin de disposer d’équipements aptes à assurer lesdites transmissions de manière plus sécurisée ainsi que sur de plus longues distances s’imposa.

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Le Tu-142MR codé 17 Rouge et registre RF-34073. Image@Mil.ru

Encore une fois, c’est le désormais incontournable Tu-142 qui s’imposa comme plate-forme de choix; de part son existence au sein de la flotte des AVMF ainsi que ses performances techniques en matière de rayon d’action, endurance et charge utile: il s’agissait du candidat idéal pour assurer les missions de relais des communications en cas de destruction des stations au sol. Le système de transmission des communications, connu sous le nom d’Oryol fut développé par le bureau d’études NPP Polyot.

C’est en date du 3 octobre 1972 que le bureau d’études Beriev fut chargé de créer l’appareil qui allait emporter le système Oryol ainsi que d’assurer l’intégration de l’équipement à bord de la plate-forme employée; cependant la mise au point du système Oryol se révéla être une tâche ardue qui nécessita de longues années de travaux. Se basant sur une plate-forme de Tu-142MK, cette nouvelle version fut classifiée sous le type Tu-142MR (Izd. VPMR) et se différenciait fortement des Tu-142MK. Equipé du système R-826PL Fregat permettant les communications avec les SNLE, ce système consiste notamment en un système de radio à très basse fréquence qui comprend une longue antenne déployable de 7.680 m de long et 7,5 mm de diamètre implantée dans un carénage peu gracieux sous le fuselage de l’appareil. Un système hydraulique supplémentaire a été installé sur l’appareil, ce dernier étant dédié au déploiement de l’antenne du système Fregat; à noter qu’en cas d’urgence, l’opérateur du système dispose de la possibilité de « couper » l’antenne.

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Le Tu-142MR codé 12 Rouge, la photo permet de mieux voir le carénage massif abritant l’antenne du système Fregat. Image@Dmitriy Ryazanov

Un premier prototype fut créé en mars 1977 sur base de la conversion d’un Tu-142MK qui sera employé pour tester notamment la procédure de déroulement (37 minutes) et de bobinage de l’antenne (48 minutes) ainsi que l’impact de cette dernière sur les performances de vol lorsqu’elle était déployée; le premier vol dudit prototype aura lieu en juillet 1977 mais il faudra attendre décembre 1980 pour voir la fin des essais étatiques de l’appareil. La mise au point du système Oryol prendra encore plusieurs années et ce n’est qu’en 1985 que le premier Tu-142MR de série sera livré, ce dernier se différenciant du prototype par un radôme ayant perdu toute surface vitrée: l’emplacement du nez vitré étant occupé par un radar météo Groza-134VR. La suite défensive est identique à celle du Tu-142MZ.

Fort logiquement l’ensemble des équipements liés à la lutte anti-sous-marine n’étant d’aucun intérêt sur cette variante, ils furent enlevés. A leur place fut installé un ensemble de systèmes de communication UHF/VHF/Satellite du type BKSR-A permettant d’assurer le relais des communications vers les autres bâtiments et installations russes en cas de guerre. Un circuit électrique renforcé et indépendant fut installé à bord en vue d’assurer l’alimentation (plus gourmande) des équipements embarqués ainsi qu’un APU du type TA-12 pour permettre l’alimentation des équipements au sol sans faire tourner les moteurs.

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L’extrémité de l’antenne Fregat installé sous le fuselage d’un Tu-142MR. Image@Oleg Podkladov

Les deux premiers appareils rejoindront la base de Kipelovo en date du 1er août 1985 avant de débuter les opérations le 1er janvier 1986; l’admission officielle au service ayant chose faite en juin 1986. Quinze appareils de série sortiront des chaînes entre 1985 et 1994 et sont repris au sein des inventaires des AVMF puis des MA-VMF où ils se trouvent toujours actuellement, répartis entre les bases de Kipelovo et de Kamenniy Ruchey et intégrés au sein des escadrons de Tu-142MK/MZ.

Quel avenir pour les Tu-142 russes?

Les prévisions les plus pessimistes tablaient sur un retrait du service des Tu-142MK/MZ d’ici à la fin de 2020. Cependant, ceci partait du principe que les avions ne connaîtraient pas de remise à niveau. Or il existe depuis le début des années 2000 un projet de modernisation de l’intégralité de la flotte de Tu-142MK/MZ qui est en cours d’élaboration; vu les contraintes budgétaires frappant la Marine Russe, la modernisation des IL-38 au standard IL-38N a été priorisée au détriment des Tu-142MK/MZ.

Bien que peu de détails ne filtrent au sujet de la modernisation, il semble qu’elle permettra de traiter les principales obsolescences rencontrées par l’appareil ainsi que d’y adjoindre des capacités d’attaque de navires de surface via l’emploi de missiles. L’installation de la suite Novella P38 identique à celle installée sur l’IL-38N était évoquée initialement mais selon certaines sources, c’est la suite Kasatka produite par Radar MMS qui serait sélectionnée dans la configuration finale.

Les projets antérieurs de modernisation du Tu-142 pour la Marine Russe

La modernisation des Tu-142MK/MZ n’est pas une idée récente, en effet les ingénieurs soviétiques puis russes de l’OKB Tupolev ont émis plusieurs propositions dans le courant des années 1980 et des années 1990 pour moderniser les équipements embarqués des Tu-142 ainsi que l’armement que ces derniers auraient à déployer; voici un rapide aperçu des modernisations proposées:

  • Tu-142MN: version modernisée disposant d’une nouvelle suite de recherche Novella et pouvant emporter huit missiles Kh-35(U) sous voilure ou une version aéro-lancée du 3M55 Yakhont.
  • Tu-142MK avec NK-93A: version modernisée devant disposer de nouveaux turbopropulseurs NK-93A en remplacement des NK-12MV.
  • Tu-142MM-E: modernisation en deux étapes qui consiste dans le montage d’une suite Novella, de nouveaux armements (Kh-35U/Yakhont), nouvelle suite défensive, montage d’un APU, extension de la durée de vie à 30 ans.

Ces projets ne dépassèrent pas la table à dessins, en effet avec la disparition de l’URSS en 1991 et des budgets militaires liés, la priorité fut accordée au maintien en condition et à la modernisation des IL-38 au standard IL-38N(ovella).

Les appareils modernisés de la sorte passeraient au standard Tu-142MKM/MZM (à confirmer) et on parle parfois de 2022 pour l’admission au service d’un premier appareil. Cependant, cette date est à envisager avec la plus grande prudence en l’absence de déclarations récentes allant en ce sens.

L’idée d’une modernisation si elle est en soi bonne, permettant pour un coût réduit (par rapport à un appareil neuf) de disposer d’une flotte encore crédible une bonne dizaine d’années supplémentaires ne corrigera pas le défaut fondamental du Tu-142MK/MZ; son coût d’exploitation. Les quatre turbines qui sont caractéristiques du Bear et de ses variantes sont techniquement complexes et coûteuses à exploiter (bien que fiables), en outre l’équipement de bord de l’appareil est complexe à mettre en oeuvre et nécessite un temps de préparation important. De plus, le Tu-142MK/MZ est un appareil lourd et massif qui nécessite des bases adaptées pour son déploiement, ce qui limite la souplesse d’exploitation de celui-ci.

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Le Tu-142MK codé 54 Noir est sorti de révision générale chez Beriev avec certains équipements du Tu-142MZ. Image@Beriev

D’un autre côté, le Bear-F dispose d’un rayon d’action imposant qui font de lui le candidat idéal pour assurer la surveillance des vastes étendues de l’océan Pacifique ou de l’Arctique ; les Russes ne s’y sont pas trompés en répartissant les appareils toujours actifs sur deux bases permettant de couvrir les zones susmentionnées. Avec une flotte de 27 appareils existants dont une partie est stockée inactive (mais pouvant être réactivée si nécessaire), il est évident que la Marine Russe dispose d’une très faible marge de manoeuvre en matière de disponibilité des appareils: entre les appareils en entretien, les appareils employés pour les entraînements ainsi que les éventuelles pannes longue-durée, il ne reste plus beaucoup de Tu-142 disponibles pour assurer les missions de base.

La situation ne va pas aller en s’améliorant vu que la Russie ne dispose pas encore de plate-formes aptes à assurer le remplacement des Tu-142 sur des profils de missions nécessitant une endurance importante. La Marine Russe est donc contrainte de s’appuyer sur le Tu-142 pour lesdites missions et le passage par l’étape modernisation se justifie pleinement; il est à espérer qu’au vu des budgets attribués qui sont en général moins élevés que ceux attribués aux forces aériennes, la modernisation des Tu-142 ne soit pas « que » cosmétique et que les capacités des appareils soient fondamentalement améliorées et augmentées. Il est même à espérer qu’une certaine similitude technique avec la modernisation des Tu-95MS au standard Tu-95MSM soit recherchée, ce faisant il permettrait à la Russie de rationaliser (un peu) la chaîne logistique des appareils, de diminuer les coûts et surtout d’avoir des composants uniques pour les deux avions.

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IL-38N et Tu-142MK, les spécialistes de la lutte ASW russe contemporaine. Image@?

Enfin, avec la modernisation de la base de Severomorsk-1 qui s’achève et au vu de son positionnement idéal au niveau du Nord de la Russie, il ne serait pas illusoire de voir les moyens ASW de la Flotte du Nord (IL-38/Tu-142) concentrés au sein de cette base qui dispose de vastes installations modernes et adaptées pour les conditions climatiques locales. A l’inverse la base de Kamenniy Ruchey va nécessiter de gros travaux vu l’état apparent de ses installations donc il risque d’y avoir également du changement à moyen terme du côté de la Flotte du Pacifique.

En conclusion

La flotte de Tu-142MK/MZ/MR en service au sein de la Marine Russe dispose encore d’un nombre important d’atouts pour justifier de leur maintien en service à moyen-terme au sein des VMF; design rustique (mais onéreux à exploiter), faible nombre d’heures de vol, appareils stockés pouvant être facilement remis en service, stock quasi infini de pièces de rechange (vu les similitudes avec le Tu-95MS), bref les arguments pour le maintien en service de cette dernière ne manquent pas. 

Repartis au sein des deux flottes principales de la Marine Russe (Flotte du Nord et du Pacifique), les Tu-142 souffrent d’un défaut important (outre son coût d’exploitation): le faible nombre d’appareils disponibles. La Russie n’étant pas fondamentalement une puissance navale, on peut raisonnablement penser qu’elle n’a pas besoin de disposer de ce type d’appareils en grand nombre. Rien n’est moins vrai. En effet, avec la composante navale de la dissuasion nucléaire russe qui repose sur l’emploi de SNLE; il est crucial pour le pays de disposer de capacités de détection et de lutte ASW avancées modernes aptes à éliminer les menaces sous-marines avant qu’elles n’atteignent les « bastions » ou aptes à protéger les SNLE durant leur déplacement vers les zones de tir éloignées.

Certes, on peut arguer du fait que la Russie dispose également des IL-38(N), cependant ces derniers sont des appareils de « proximité » qui viennent compléter les Tu-142 dans certains profils de missions mais ils sont également disponibles en quantité limitée (environ 25 appareils actifs). Vu le kilométrage de côtes à couvrir, l’importance stratégique de certaines routes commerciales (pensons à la route du nord notamment) ainsi que l’accroissement des tensions en mer du Japon: la nécessité de disposer d’un appareil de lutte ASW à long rayon d’action s’impose de lui-même. 

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Quatre Tu-142 (MK/MR) soit un ensemble de 16 moteurs et 32 hélices… inutile de préciser que le son doit être encore plus impressionnant que l’image. Image@Chen Xiangyu

Le Tu-142 répond imparfaitement à ce besoin; le rayon d’action de l’appareil ne souffre d’aucune contestation à l’inverse de ses capacités qui sont restreintes par une électronique embarquée obsolète ainsi que des emports offensifs peu performants. La Russie est consciente de ses limitations et la modernisation de l’appareil est censée lui apporter plus de polyvalence ainsi qu’une efficacité accrue dans l’accomplissement de ses missions; la possibilité de l’ajout du missile Kh-35(U) au sein de sa dotation d’armes n’est pas à exclure bien que non confirmée pour l’instant. Si cet ajout venait à se confirmer, il consacrerait le retour partiel au sein de l’aéronavale d’une capacité de frappe à longue portée anti-navires de surface: cette capacité ayant été perdue suite au passage des Tu-22M3 du giron des MA-VMF vers celui des VKS.

Sans successeur désigné pour l’instant (on parle parfois du PAK DA pour assurer ce remplacement même si le MS-21 ou le CR929 pourraient également être envisagés pour ce rôle), avec une modernisation qui en est à ses débuts et grâce à des cellules encore jeunes: il est parfaitement évident que la silhouette typique et pour le moins massive de « l’ours marin » sera encore visible de très longues années et ce à plus ou moins grande proximité des côtes russes. 

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Ce dossier n’ayant pas la prétention d’aborder l’ensemble des détails relatifs aux Tu-142, les lecteurs intéressés pour en apprendre plus sur les Tu-95/Tu-142 peuvent sans hésitation faire l’acquisition du livre Tupolev Tu-95 & Tu-142 dans la collection Famous Russian Aircrafts rédigé par Y.Gordon et D.Komissarov, Crecy publishing.

7 réflexions sur “ [Dossier] Le Tupolev Tu-142; l’Ours marin

  1. Bonjour,
    merci pour ce superbe article, dont je n’ai pas encore fini la lecture. J’en suis à la moitié environ au niveau « Radar et systèmes de guerre électronique » et au second paragraphe il manque … la fin !
    Je cite:
    « . Disposant d’un système de recherche et ciblage modernisé, le Korshun-N couplé au système sonar Zarechye, l’ensemble étant intégré au sein de la suite Nashatyr-Nefrit (d’où le -N dans le Korshun-N), le Tu-142MZ offre une puissance de calcul supérieure, ainsi qu’un ensemble de bouées plus performantes qui accroissent la quantité d’informations traitées ainsi que la précision de celles-ci. Les estimations parlent d’une efficacité »
    Efficacité dont nous ne connaissons pas encore l’amélioration ^^

    Je poursuis ma lecture 😉
    Passez un bon matin.

  2. Eh bien il ne reste plus qu’à indiquer que je viens de terminer ce formidable article.
    Et que je n’ai pas relever d’autres soucis de passage manquant (mais vue l’heure ici … je ne me ferais pas 100% confiance).
    Et donc je tacherais de ne plus faire l’erreur que je faisais, de confondre tu 95 et tu 142, aussi allégrement que nos journalistes. Encore merci pour votre travail.

  3. Superbe article et analyse. merci. une question cependant : pourquoi les russes n’installent t-ils pas une avionique et un cockpit digne de ce nom dans ce superbe appareil ? ils en ont les capacités techniques quand on voit ce qu’ils peuvent produire avec d’autres appareils ?

  4. Monsieur, votre dossier est passionnant, quel avion fantastique . Un point m’a néanmoins surpris, vous indiquez une vitesse maximale de 800 km/h or il me semble que cette classe d’avion dépasse les 900 km/h . les TU 95 et 142 ne sont ils pas les avions à hélice les plus rapide du monde ? (hors avion expérimentale)
    Bien à vous

Répondre à Benoit ChouvierAnnuler la réponse.

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