[Actu] Sukhoï Su-30MKI: un crash de plus

La nouvelle est tombée aujourd’hui: un Sukhoï Su-30MKI sortant de production à l’usine HAL et destiné à la Bhāratīya Vāyu Senā (Force Aérienne Indienne / IAF) s’est écrasé vers 11h00 et peu avant son atterrissage sur l’aéroport de Nashik après un vol de pré-livraison. Il était piloté par le Wing Commander Prashant Nair accompagné par le Squadron Leader L Biswal; ces derniers ont pu s’éjecter en toute sécurité.

Variante développée et financée par l’Inde du Su-30; le Su-30MKI est un appareil de supériorité aérienne lourd et polyvalent employé par l’IAF et produit par IAPO (Irkutsk) en collaboration avec HAL (Bangalore).

Su-30_MKI_SB_065.jpg
Le Su-30MKI codé SB 065. Photo@wikipedia.com

Ce programme, lancé en 1995, par l’OKB Sukhoï reprend comme base le Su-30 développé à la fin de l’URSS auquel a été ajouté une partie des technologies développées dans le cadre du démonstrateur Su-37; il s’agit notamment de:

  • Radar PESA N011M Bars
  • Configuration avec plans canards
  • Réacteurs avec poussée vectorielle
  • Cockpit modernisé avec configuration « tous écrans » (écrans LCD multifonctions)
  • Emploi de certaines technologies occidentales (France et Israël) ainsi que de technologies indiennes

Recevant le nom de Sukhoï Su-30MKI (le -I étant le suffixe du client), l’appareil devait initialement être produit en Russie avant de passer à l’assemblage de kits en Inde. Par la suite, l’Inde passerait à la production des appareils directement chez HAL (Hindustan Aeronautics Limited) sur base des matières premières reçues de Russie. Outre la production du Su-30MKI, HAL fut également chargé d’assurer l’entretien ainsi que les modifications/modernisations que ce dernier viendrait à recevoir.

Une première commande d’une valeur de 1,462 milliard d’USD et portant sur 50 appareils fut signée en date du 30 novembre 1996; il est intéressant de noter que les 18 premiers appareils produits ne seront pas au standard définitif -MKI (ce dernier étant toujours en cours de mise au point) mais au standard Su-30K (pour faire clair un Su-30 « basique » sans les plans canards). Les appareils au standard Su-30K furent reçus entre décembre 1996 et novembre 1999; n’étant pas au standard voulu, l’IAF se débarrassa de ceux-ci en juillet 2011. Pour l’anecdote, les 18 Su-30K furent récupérés (pour des raisons fiscales) par la Biélorussie et les appareils revendus à l’Angola qui les reçoit progressivement après passage des appareils en révision générale.

SU-30MKI_India_(cropped).jpg
Un Su-30K indien. Photo@Wikipedia.com

Le solde des 32 appareils seront quant à eux au standard définitif Su-30MKI, leur mise en service s’échelonnera entre 2002 et 2004 au sein de l’IAF. Il ne faudra pas attendre la livraison des premiers appareils pour voir l’Inde signer en décembre 2000 un accord de transfert de technologie et de licence de production avec IAPO portant sur 140 Su-30MKI. Cet accord prévoyait également un phasage permettant d’augmenter progressivement la part de « contenu indien » dans l’appareil au niveau de l’assemblage de ceux-ci avec production « complète » de l’appareil sur le sol indien dès 2013. De plus, HAL est responsable du montage sur place des moteurs AL-31FP nécessaires pour exploiter les Su-30MKI.

L’Inde, visiblement satisfaite de son acquisition et vu le montant investi dans le projet continua les achats réguliers de Su-30MKI:

  • En 2007: 40 Su-30MKI supplémentaires
  • En juin 2010: 42 Su-30MKI supplémentaires

Amenant donc le total d’appareils commandés à 272 (50+140+40+42); en sachant que les 18 premiers Su-30KI sont retirés du service et qu’il reste environ une petite quarantaine de Su-30MKI à livrer; l’IAF aurait reçu 238 appareils et disposerait donc de 220 Su-30MKI en service; ces derniers équipant actuellement pas moins de 13 escadrons. Il s’agit, ni plus ni moins, de l’appareil le mieux représenté au sein de l’ORBAT de l’IAF.

SU-30_MKI_Idaho.jpg
Le Su-30MKI codé SB 045. Photo@wikipedia.com

Cependant, il n’est pas un mystère que l’armée de l’air indienne connaît un taux de pertes élevé pour une force aérienne moderne et le Su-30MKI ne fait aucunement exception au sein de la flotte locale. En moins de 10 ans, ce sont pas moins de 8 appareils (avec celui d’aujourd’hui) qui ont été perdus! Si ces pertes sont le résultats d’avaries et de causes diverses, il n’en reste pas moins qu’un taux de pertes aussi élevé n’a jamais été constaté chez les autres opérateurs de Su-30 (peu importe la variante concernée).

Passons en revue les pertes de Su-30MKI de l’IAF;

La première perte recensée a eu lieu le 30 avril 2009 dans la région de Pokhran; l’appareil s’est écrasé peu après son décollage pour une sortie de routine tuant un des deux pilotes. Alors que les premières informations faisaient état d’une défaillance du système de commandes de vol électriques; il s’avéra que le crash fut causé par le mauvais positionnements de contacteurs (dont un qui contrôle le système des commandes de vol) placés en-dehors du champ de vision des pilotes.

Sukhoi_Su-30MKI-3_'SB_138'_(20311901620)
Le Su-30MKI codé SB 138 au décollage. Photo@Wikipedia.com

Le deuxième crash enregistré suivra de peu, puisque c’est le 30 novembre 2009 qu’un appareil sera perdu à Jaisalmer suite à une alarme incendie au niveau des moteurs. L’entièreté de la flotte de Su-30MKI fut clouée au sol suite à cet accident mais il s’avéra que c’est l’ingestion d’un corps étranger par un des réacteurs qui provoqua la perte de l’appareil.

Il faudra attendre – heureusement! – presque deux ans pour assister au crash suivant; c’est en date du 13 décembre 2011 qu’un Su-30MKI parti de la base de Lohegaon près de Pune s’écrasa 20 Km plus loin, de nouveau suite à une défectuosité du système de commandes de vol électriques. Les deux pilotes purent s’éjecter en toute sécurité.

C’est durant les répétitions pour l’exercice Iron Fist en date du 19 février 2013 que le Su-30MKI suivant fut perdu. A la fin d’une mission d’entraînement, l’aile droite de l’appareil explosa mais aucune raison précise pour cette perte ne fut communiquée. Les deux pilotes s’en sortirent en toute sécurité.

fb0326c8e4a6922a042ce7810822c5b3
Le Su-30MKI codé SB 109. Photo@?

Certainement l’accident le plus étonnant de cette liste, en date du 14 octobre 2014 un Su-30MKI (codé SB 050) s’écrasa à environ 20 Km de la base de Lohegaon (près de Pune) après que le pilote et l’officier du système d’armes aient été éjectés de leur appareil purement et simplement; le tout sans avoir initié la séquence d’éjection!

Une équipe de techniciens russes dépêchée sur place en novembre 2014 décela un défaut sur le système d’éjection des sièges Zvezda de l’appareil concerné sans pour autant entrer dans les détails en ce qui concerne la nature et la cause du défaut.

69664_1413361555
Le Su-30MKI codé SB 050 après son crash du 14/10/2014. Photo@JetPhotos.net

Les accidents vont s’espacer un peu puisque c’est en date du 15 mars 2017 qu’un Su-30MKI sera perdu dans le district de Barmer (Rajasthan) blessant trois villageois mais l’équipage pût s’éjecter en toute sécurité. Aucun détail n’est disponible sur les causes du crash.

627632
Le Su-30MKI codé SB 042 au roulage. Photo@?

Le 7ème et pénultième (pour l’instant?) crash se déroula peu après puisque c’est en date du 23 mai 2017 qu’un Su-30MKI sera perdu à environ 60 Km de la base Salanbari avec malheureusement la perte des deux membres d’équipage.

Le crash d’aujourd’hui est donc le 8ème et chose intéressante il concerne un appareil qui sort à peine de production. Il est bien évidemment trop tôt que pour tirer des conclusions et le rapport d’enquête permettra d’en savoir plus sur les causes de cet accident. Cependant la réputation de HAL qui est régulièrement remise en cause par rapport à un certain manque de rigueur et de sérieux vient donc d’en prendre un coup supplémentaire. En outre ça tombe mal pour HAL qui voyant approcher la fin de la production des Su-30MKI pousse l’idée d’un achat d’appareils supplémentaires pour l’IAF; ces derniers seraient adaptés dès la construction pour emporter le missile BrahMos.

699314-sukhoi-11
Une photo du site du crash d’aujourd’hui. Photo@Zee News

Certes, nous l’avons vu ci-dessus: tous les crash ne sont pas systématiquement la conséquence de causes techniques mais il est quand même symptomatique de constater que certains problèmes rencontrés par la flotte indienne (commandes de vol électriques notamment) semblent inconnus aux appareils similaires exploités dans des pays présentant des conditions opérationnelles/météorologiques similaires (pensons à la Malaisie et ses Su-30MKM ou l’Algérie et ses Su-30MKA).

L’appareil parfait qui ne connaît jamais de problèmes techniques n’existe bien évidemment pas et aucune force aérienne n’est à l’abri de soucis techniques mais il est néanmoins curieux de constater que l’IAF connaît globalement un taux de pertes plus élevé (dans le cas d’espèce, on parle quand même de 8 appareils en moins de 10 ans sur environ 220 appareils en service) que la moyenne.

Problème logistique? Problème de compétence? Faute à malchance? Autre? Nous ne répondrons pas à ces questions mais elles nécessitent clairement d’être creusées… tout du moins par l’IAF si elle souhaite diminuer son attrition; cette dernière étant loin d’être négligeable. La question est moins anodine qu’elle n’y paraît puisque l’Inde va connaître une phase de retrait de service des chasseurs plus anciens qui ont atteint l’âge de la retraite et pour lesquels, le remplacement tarde à venir…

Nous reviendrons plus en détails sur le Su-30MKI avec un dossier complet sur cet appareil d’ici quelques semaines.