[Dossier] Sukhoi Su-57 PAK FA, la relève de la garde?

PAK FA, c’est sous cet acronyme pour le moins barbare et casse-dents que se cache ce qui est actuellement le programme le plus fondamental pour l’avenir de l’armée de l’air Russe. Appelé à prendre la relève de la redoutable et prolifique famille Flanker; le Sukhoï Su-57 PAK FA sera le premier appareil de cinquième génération conçu, développé et entièrement mis au point en Russie.

Bien que le concept même de « cinquième génération » ne soit qu’une construction à caractère commercial des départements marketing de certains constructeurs (concept repris par leurs concurrents ensuite) souhaitant mettre en valeur la supériorité de leurs propres productions face à la concurrence, force est de reconnaître qu’un ensemble de caractéristiques techniques convergentes définissent ce qui sera nécessaire sur les appareils de combat du futur.

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Sukhoï Su-27 codé « 11 Rouge ». Photo@Wikipedia.com

Ces caractéristiques sont multiples et elles reprennent notamment la supercroisière, la fusion des données, une signature radar réduite, la capacité de travailler dans des environnements avec fort brouillage électronique, etc… Il est bien entendu évident que chaque pays a des besoins qui diffèrent et sont liés à divers facteurs (géographiques, politiques, techniques, économiques, etc…) ce qui a pour conséquence que la « cinquième génération » de l’un n’est pas celle de l’autre.

De plus, une arme ne se conçoit pas sans sa doctrine d’emploi. Dis autrement, l’emploi d’une tondeuse à gazon n’est pas le moyen le plus optimisé pour éplucher les pommes de terre. Ça peut fonctionner, bien évidemment. Mais ce n’est pas conçu dans ce but.

Il en va de même dans l’aéronautique, les Russes ont mis au point durant les trente dernières années une famille d’appareils optimisés pour remplir une large éventail de missions. Ces appareils, modernisés à différents standards, remplissent bien évidemment leurs tâches mais leurs chances de survie sur un front militaire moderne s’amenuisent avec les années et les évolutions technologiques.

Par conséquent, la Russie a décidé de se doter d’un appareil capable de prendre la relève du Sukhoï Su-27 Flanker, ce nouvel appareil devant devenir à terme la nouvelle « pointe de la lance » de l’armée de l’air Russe.

C’est le Sukhoï Su-57 PAK FA qui est amené à remplir cette mission. Avec la fin du programme d’essais qui se profile à l’horizon ainsi que la commande des premiers appareils de série en vue; il est temps d’aborder ce programme dans son ensemble.

Le programme PAK FA, rétroactes

Les programmes « PAK » sont un ensemble de programmes lancés dans le courant des années 2000 et amenés à assurer la relève des principaux appareils employés au sein des forces aériennes Russes. Citons notamment; le PAK DA (nouveau bombardier stratégique), le PAK TA (nouveau transporteur stratégique), le PAK Sha (nouvel appareil d’appui feu rapproché), le PAK DP (nouvel intercepteur à longue portée) et enfin le PAK FA. Ces programmes ont connus et connaissent encore une historique longue et tumultueuse qui est largement tributaire de la situation économique de la Russie ainsi que des besoins opérationnels concrets des militaires.

Le PAK FA ou Перспективный авиационный комплекс фронтовой авиации, répond à la logique suivante : remplacer le Su-27 Flanker grâce à une plate-forme polyvalente et évolutive capable d’ouvrir la voie à d’autres appareils dans le champ de bataille moderne. Le but poursuivi étant d’avoir une force aérienne composée de PAK FA, appareils considérés de cinquième génération, ouvrant la voie à des variantes modernes de Flanker qui sont des appareils considérés comme étant de génération 4++.

Mais revenons un peu en arrière.

Lorsque le Sukhoï Su-27 entre en service en 1982, les ingénieurs soviétiques travaillent déjà sur une version modernisée de ce dernier : le Sukhoï Su-27M. Cette nouvelle version doit apporter une plus grande polyvalence à l’appareil notamment via l’installation d’une avionique plus moderne et l’emploi d’une nouvelle configuration à trois plans avec des plans canards. Sans rentrer dans les détails, cette version ne sera jamais produite en série bien que plusieurs prototypes furent créés. Pour l’anecdote, signalons que certains des prototypes produits sont toujours employés actuellement comme banc d’essais volant pour les nouveaux moteurs en cours de développement.

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Un des prototypes Su-27M toujours actif comme banc d’essais en 2018! Photo@Alex S / Planespotters.net

Les premières réflexions et travaux préliminaires relatifs à une toute nouvelle génération d’appareils débutèrent déjà à la fin de 1979 (!) avec comme objectif une entrée en service à l’horizon de 1990. D’où le nom attribué au projet: I-90 (истребитель 1990-х годов). La tâche se révélait titanesque; il fallait créer les structures, les équipements, les moteurs, le radar, les équipements de communication et les matériaux modernes employés pour la construction. Bref, les ingénieurs devraient repartir presque d’une page blanche.

Au début des années 80, une résolution du gouvernement Soviétique marque le lancement du programme MFI (многофункциональный фронтовой истребитель) portant sur la création d’un appareil devant servir de réponse au programme ATF (Advanced Tactical Fighter) qui donnera naissance au F-22 Raptor ainsi que servir de remplacement au Su-27 qui commençait à rentrer en service. L’OKB Sukhoï étant déjà fort occupé avec le Su-27 et le Su-27M, c’est RSK MiG qui sera chargé de travailler sur ce programme.

Les ingénieurs de MiG mirent au point une double solution avec un intercepteur lourd (le MFI) et un intercepteur léger (le LFI): les deux design disposant d’un ensemble d’éléments constitutifs communs permettant de diminuer les coûts de développement. Cependant, au fur et à mesure de l’avancement des recherches, les coûts escaladèrent tellement que le gouvernement soviétique lorsqu’il passa les deux projets en revue en 1987 décida de n’en garder qu’un seul: l’intercepteur lourd, le MFI. Le projet reçut la dénomination Izd 1.42 et les ingénieurs de MiG se mirent à travailler avec les aérodynamiciens du TsAGI pour faire évoluer le projet MFI.

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Le MiG 1.44 vu ici lors du salon MAKS 2015. Photo@Kytescall

De part la suppression du projet LFI, le projet MFI/1.42 devait évoluer pour passer du rôle d’intercepteur à celui d’appareil multirôles pouvant assurer des missions air-air et air-sol. La construction d’un démonstrateur technologique, le MiG 1.44, fut lancée en 1990 et sa construction était réalisée à environ 50% lorsque l’URSS s’effondra. Une longue période d’incertitudes s’ouvrait et la disparition des budgets entraîna le report de son achèvement.

La situation politique incertaine du début des années 90 ne sera pas favorable à MiG qui aura du mal à résister sur le marché international avec ses productions et l’achèvement du MiG 1.44 ne sera plus une priorité. En outre, vu que le projet était classé secret défense, le bureau MiG ne pouvait pas le proposer à l’exportation! Finalement, le prototype sera achevé sur base de fonds propres et effectuera ses premiers tests de roulage en 1994. Finalement après un lobbying intense de MiG et le changement de la situation politique en Russie; le prototype MiG 1.44 prit l’air pour la première fois le 29 février 2000. Ce sera son seul et unique vol, il sera par la suite cloué au sol et employé par l’institut Gromov pour des tests sans pour autant voler à nouveau. Les technologies ayant évoluées et les besoins également, la Russie fit le choix de se lancer dans un tout nouveau programme.

De son côté l’OKB Sukhoï va repartir du Su-27 Flanker sur base duquel il crée un prototype disposant d’une configuration atypique ; une aile à flèche inversée. C’est le Su-47 Berkut. Ce prototype qui découle d’un programme lancé au début des années 80 par l’URSS avant d’être abandonné en 1988 puis relancé pour la Marine Soviétique qui l’envisageait pour ses porte-aéronefs sous le nom de Su-27KM sera arrêté à la chute de l’URSS.

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Le seul et unique Su-47 Berkut. Photo@?

L’OKB Sukhoï continua les travaux sur ce concept mais financé sur base de fonds propres et poursuivant deux objectifs: servir de démonstrateur technologique pour un ensemble de nouvelles technologies et pousser la Russie à passer commandes pour des appareils neufs permettant de faire vivre les usines.  Le Su-47 Berkut effectua son premier vol le 25 septembre 1997 et sera présenté au salon MAKS en 1999 et en 2001. Malgré l’existence du prototype, aucune commande ne sera signée mais une partie des technologies développées seront intégrées par la suite dans la modernisation du Su-27M: le futur Su-35BM qui donnera naissance plus tard à l’actuel Su-35S.

A l’aube des années 2000, la Russie se retrouvait donc avec une flotte d’avions vieillissante et n’ayant pas reçu les modernisations permettant de maintenir à niveau ses avions. De plus, les bureaux d’études n’ayant pas reçu de commandes nationales, les compétences acquises durant la période soviétique se perdirent rapidement ainsi que le savoir-faire. C’est pourquoi le gouvernement russe décida de lancer une réflexion à l’aube des années 2000 sur ce qui devait devenir le chasseur russe de nouvelle génération. La Russie lança donc un appel d’offres en vue de sélectionner un constructeur capable de lui fournir un chasseur pouvant tenir tête aux appareils occidentaux les plus modernes.

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Un des prototypes Su-35S, appareil russe le plus moderne d’ici à l’arrivée du Su-57. Photo@defensenews.com

L’histoire officielle du Su-57 débute le 26 avril 2002 avec la désignation de l’OKB Sukhoï en tant que vainqueur de l’appel d’offres de l’Etat Russe en vue de produire le chasseur de nouvelle génération pour ses forces armées. Cette annonce sera suivie par la signature du contrat de développement entre l’OKB Sukhoï et l’état Russe en date du 21 juillet 2013, ce dernier étant connu sous le nom de Stolitsa-1. C’est déjà en octobre 2004 que seront présentées aux représentants des VKS les premiers projets de design mis au point et c’est en décembre 2004 que le design définitif de l’appareil sera validé.

Cette première étape complétée, le travail de développement a pu se concentrer sur la définition et la mise au point des paramètres techniques de l’avion. Cette étape sera achevée en 2006 permettant le lancement de la construction des premiers prototypes en 2007.

L’historique des prototypes sera abordée plus loin dans ce dossier.

Le Sukhoï Su-57, description technique

La description technique d’un appareil aussi complexe que le Su-57 nécessite de subdiviser celle-ci en plusieurs parties vu le nombre important de sous-systèmes neufs et amenés à évoluer durant la mise au point de l’appareil.

Présentation générale

Le Sukhoï Su-57 PAK FA est un chasseur monoplace multirôle lourd. Bien qu’étant à la base prévu pour assurer des missions de supériorité aérienne et donc conçu et pensé pour un emploi principalement air-air, l’appareil est parfaitement capable d’assurer des missions air-sol et air-mer.

L’appareil est basé sur le concept de « blended body« ; c-à-d que les ailes, les canards et le fuselage ne forment qu’un seul ensemble intégré qui permet d’employer le fuselage pour générer plus de portance.  Les dérives sont monoblocs et inclinées à 25°, elles servent également d’aérofreins permettant de se passer de cet équipement sur le Su-57. Les empennages horizontaux sont également monoblocs et ils peuvent être activés simultanément ou en opposition, ceci étant géré automatiquement par les commandes de vol électriques.

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Dessin issu d’un brevet lié au PAK FA et permettant de voir le design général de ce dernier.

Les ailes ont une forme triangulaire avec un angle de flèche des bords d’attaque à 48° et un angle des bords de fuite de 10°; l’ensemble s’intégrant sans séparation nette avec le corps du fuselage. Les saumons d’ailes sont coupés et présentent un profil droit.

Le Su-57 dispose également de LEVCON (Leading Edge Vortex CONtrollers / ПЧН Поворотная Часть Наплыва); il s’agit d’extensions mobiles qui viennent se positionner en avant de l’aile, le long du fuselage et qui présentent une forme triangulaire. Ces pièces mobiles permettent de combiner l’effet des plans canards avec celui des extensions des bords d’attaques (LERX / Leading Edge Root eXtension) en permettant d’améliorer le comportement de l’appareil dans des angles d’attaque élevés et de permettre de récupérer l’appareil en cas de vrille avec perte de la poussée vectorielle. Gros avantage de ce système: vu qu’il est couplé aux ailes, il n’impacte pas la signature radar de l’appareil contrairement aux plans canards.

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Illustration issue d’un autre brevet lié au PAK FA et permettant de voir les lignes latérales et frontales de ce dernier.

Le fuselage présente des dimensions similaires au Su-27, les entrées d’air ont une forme en « S » et sont positionnées en-dessous de l’appareil. Un cône de queue est présent entre les tuyères des réacteurs. La structure de l’appareil est composée d’alliages métalliques modernes créés en vue de diminuer la masse de l’avion tout en lui conférant une grande résistance avec, de plus, l’emploi de matériaux composites en vue d’encore réduire la masse totale. Les estimations les plus crédibles indiquent la présence d’environ 25% de matériaux composites dans la structure et 70% des panneaux extérieurs du Su-57.

Un soin particulier a été apporté dans le design de l’appareil en vue de réduire fortement sa signature radar. En outre, les Russes restent fidèles à leur tradition de disposer de chasseurs hautement maniables. Cependant, ces deux concepts à atteindre (furtivité et maniabilité) entraînent des contraintes techniques antagoniques. Les ingénieurs Russes ont du réaliser des concessions dans la recherche de la furtivité « absolue » en vue de pouvoir offrir une grande maniabilité au Su-57. Mais nous reviendrons sur la furtivité un peu plus loin.

Le Su-57 est produit au sein de l’usine KnAAZ / KnAAPO de Komsomolsk-na-Amur qui se charge également de la production du Su-35S et qui – à terme – sera la seule usine à produire des avions de chasse en Russie.

Dimensions générales

Le Su-57 est un avion qui présente des dimensions fort similaires à son illustre prédécesseur avec comme différences notoires la hauteur de l’appareil qui est moins élevée ainsi qu’une surface alaire beaucoup plus importante (ce qui est logique au vu de la configuration aérodynamique des deux appareils).

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Cette photo du T-50-5 (055 Bleu) permet de voir la faible hauteur au sol du Su-57. Photo@defensereview.com

Les dimensions générales du Su-57 sont les suivantes;

  • Longueur: 20,1 m (premiers prototypes: 19,8 m),
  • Envergure: 14,1 m (premiers prototypes: 13,9 m),
  • Hauteur: 4,74 m,
  • Surface alaire: 78,8 m²,
  • Masse à vide: 18 tonnes,
  • Masse nominale au décollage: 25 tonnes,
  • Masse maximale au décollage: 35 tonnes

L’appareil repose sur un train d’atterrissage robuste conçu pour pouvoir être employé depuis des terrains sommairement aménagés. L’atterrisseur avant est composé d’une jambe sur laquelle sont montées deux roues équipées d’un pare-débris; il est implanté légèrement en recul en arrière du cockpit. Deux phares d’atterrissages à LED sont implantés sur la jambe de l’atterrisseur avant.

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Cette photo du T-50-9 permet de voir la configuration du train d’atterrissage du Su-57. Photo@Yandex.ru

L’atterrisseur principal est composé de deux jambes portant chacune une seule roue de grande taille et implantées en retrait entre les entrées d’air des réacteurs et les soutes à armements latérales.

Motorisation

Le Su-57 est propulsé par deux moteurs NPO Saturn Izd.117 (AL-41F1) disposant de poussée vectorielle. Les moteurs sont implantés sous le fuselage avec deux entrées d’air espacées implantées sur le dessous de l’appareil légèrement en recul par rapport aux extensions des bords d’attaques. L’espace ainsi dégagé entre les moteurs a permis l’implantation des deux soutes à armements principales.

Les entrées d’air sont de forme anguleuse celles-ci étant conçues pour participer à la réduction de la signature radar de l’appareil. De plus, leur design général est pensé pour permettre un apport d’air constant aux moteurs et ce durant toute les phases de vol même lorsque l’appareil est dans des phases de vol avec angle d’attaque extrêmement élevé.

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Moteur Izd.117. Photo@V.Kuzmin

Enfin, deux grilles internes mobiles sont positionnées dans les entrées d’air pour protéger les moteurs des corps étrangers durant les phases critiques du vol tel que le décollage.

Les moteurs équipant actuellement le Su-57 ne sont pas les moteurs définitifs, en effet l’Izd.117 actuellement employé est une variante fortement modernisée de l’AL-31F équipant le Su-27 Flanker et ce dernier est proche de l’Izd.117S équipant le Su-35S. La différence principale entre le moteur du Su-35S et celui du Su-57 résidant dans le système de contrôle de ce dernier: la gestion de l’Izd.117 du Su-57 est pleinement intégrée au sein du système de contrôle de vol de l’appareil, ce qui n’est pas le cas sur le Su-35S.

Bien que toujours performant, l’Izd.117 ne permet pas d’obtenir un des critères retenus pour la « cinquième génération » ; la supercroisière. Ce concept implique la capacité de voler en supersonique sans pour autant faire emploi de la postcombustion. Avec bien évidemment tous les avantages qui en découlent notamment du point de vue de la réduction de la consommation de l’appareil.

Le futur nouveau moteur du PAK FA répond au nom d’Izd.30 et est actuellement en cours de développement par UEC (United Engines Corporation). Permettant la supercroisière ainsi qu’offrant un rapport poids/puissance supérieur: ce dernier est une construction entièrement neuve qui a connu un développement long, complexe… et retardé.

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Le prototype T-50-2 (052 Bleu) est vu ici avec ses deux réacteurs différents: Izd.30 à gauche et Izd.117 à droite. Photo@UAC Russia

Dans un premier temps et jusque très récemment, il était prévu que les retards encourus dans la mise au point de l’Izd.30 auraient comme conséquence de voir les premiers appareils de série être équipés de moteurs Izd.117 également; il semble maintenant que le premier lot d’appareils de série (12 unités qui serviront à l’élaboration des doctrines d’emploi et à l’entraînement) pourrait disposer partiellement de moteurs Izd.30.

Le premier moteur Izd.30 a été monté sur banc en novembre 2016 et le montage d’un premier moteur sur un Su-57 était prévu dans le courant de 2017. Ce retard est bien évidemment dommageable pour le programme dans son entièreté mais l’emploi d’un moteur intermédiaire permet justement de continuer la mise au point de l’appareil tout en disposant de suffisamment de temps pour mettre au point correctement les nouveaux moteurs. Ces derniers étant d’une importance fondamentale pour l’industrie aéronautique Russe puisqu’ils sont appelés à prendre la relève de la prolifique famille AL-31 et variantes. Finalement, c’est à la fin de l’année 2017 que l’on a pu assister au premier vol d’un prototype T-50 (le T-50-2, 52 Bleu) doté d’un moteur Izd.30.

Au niveau des performances brutes des moteurs, même si les chiffres ne sont bien évidemment pas encore définitifs, on dispose déjà d’une vue parcellaire sur ceux-ci ;

  • Poussée sèche : 93,1 kN (Izd.117) / 107 kN (Izd.30)
  • Poussée avec post-combustion : 147 kN (Izd.117) / 167 kN (Izd.30)
  • Rapport poids/poussée : 1.02 (Izd.117) / 1.16 (Izd.30)

Il est évident que les performances attendues de l’Izd.30 sont sujettes aux plus grandes réserves puisque ce dernier est toujours en cours de mise au point. Il semble cependant évident que le moteur permettra un gain de puissance important pour le Su-57.

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Illustration indiquant la configuration supposée de l’Izd.30

Caractéristique que l’on peut considérer comme étant de série sur les chasseurs russes contemporains : la présence d’une poussée vectorielle en trois dimensions. Dans le but de conférer une grande manœuvrabilité à l’appareil, l’Izd.117 ainsi que l’Izd.30 sont équipés d’une poussée vectorielle travaillant sur les axes horizontaux et verticaux. Ce choix a bien évidemment un impact sur la forme de la tuyère des moteurs, une solution telle que celle retenue sur le F-22 (intégration fine de la tuyère au sein de l’architecture générale de l’avion) étant impossible à installer sur le Su-57.

Les tuyères employées sur le Su-57 sont actuellement de deux types et dépendent du moteur équipant l’appareil. Sur l’Izd.117, la tuyère est des plus classiques avec une extrémité « plate » qui permet à l’appareil d’employer la poussée vectorielle. Cependant cette formule présente le grand désavantage d’être très facilement détectable au radar. L’Izd.30 présente quant à lui une tuyère beaucoup plus travaillée en dents de scie qui a comme caractéristique principale de diminuer significativement la signature radar du moteur.

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La photo qui a affolé les forums spécialisés. Prise chez MMP Salyut, cette photo illustre une tuyère « supposée » appartenir à l’Izd.30. Photo@forum.keypublishing.com

On ne sait pas encore grand chose des caractéristiques techniques de l’Izd.30, cependant certaines informations ont déjà fuités dans la presse; contrairement à l’Izd.117, il s’agit ici d’un programme entièrement neuf mené en collaboration entre NPO Saturn et MMP Salyut qui vise à produire une motorisation offrant: une poussée accrue dans la catégorie des 16-17 tonnes tout en étant d’une masse réduite, une consommation réduite d’une marge de 5 à 6 %, une durée de vie plus importante et un coût d’exploitation moins élevé.

Au niveau de ses éléments constitutifs, la section froide du moteur disposera d’un compresseur à trois étages ainsi que d’une turbine simple étage tandis que la partie chaude sera composée d’un compresseur à cinq étages et d’une turbine simple étage. Le but recherché étant de simplifier l’architecture du moteur en vue de simplifier son entretien et de fiabiliser son fonctionnement.

Dernier détail à signaler, le Su-57 est équipé d’un groupe auxiliaire de puissance (APU) du type GTDE-117-1M développé par l’usine Octobre Rouge de Saint-Pétersbourg et ce groupe auxiliaire est implanté à l’arrière de l’appareil près du cône de queue.

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APU GTDE-117-1M qui équipe le Su-57. Photo@koavia.com

Performances

Le Su-57 peut emporter 10,3 tonnes de carburant en interne et il dispose d’une perche de ravitaillement en vol rétractable implantée latéralement à l’avant de l’appareil à la gauche du pilote. Cette perche une fois rétractée est parfaitement invisible et intégrée dans le fuselage; à l’inverse du Su-27.

De plus, l’appareil peut emporter deux réservoirs de carburant supplémentaire dans les soutes à armements ainsi que deux bidons externes sur des points « humides » sous voilure. Les réservoirs sous voilure ont une capacité de 1.400 L chacun tandis que ceux en soute sont d’une capacité de 1.500 ou 1.800 L (le contenu n’est pas encore connu avec précision).

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Le T-50-11 (511 Bleu) est vu ici avec deux réservoirs PTB de convoyage. Photo@Yurij Vladimirovich

Elément intéressant, l’existence d’une capacité d’emport de réservoirs supplémentaires dans les soutes principales qui permet à l’appareil d’augmenter son rayon d’action tout en ne modifiant pas sa « furtivité ».

Grâce à ces emports en carburant et sur base des moteurs Izd.117 équipant actuellement le Su-57; il dispose des caractéristiques suivantes;

  • Vitesse maximale: Mach 2
  • Vitesse de croisière supersonique: Mach 1,3 (avec moteurs Izd.30)
  • Autonomie: 3.500 Km en subsonique, 1.500 Km en supersonique, 5.500 Km avec deux réservoirs PTB externes
  • Endurance: jusqu’à 6 heures de vol

Encore une fois, comme tout programme toujours en cours de mise au point: ces chiffres sont amenés à évoluer.

Equipage et système de vol

L’équipage du Su-57 se compose d’un seul pilote, ce dernier dispose d’un cockpit spacieux qui a été conçu et pensé pour assurer une transition facile depuis le Sukhoï Su-35S avec lequel il partage une forte similitude.

L’accès au cockpit se fait par la verrière, cette dernière étant en deux parties: une partie frontale qui est fixe et une partie mobile qui coulisse vers l’arrière de l’avion. La partie mobile de la verrière a été légèrement modifiée durant le programme de tests: les premiers appareils disposaient d’une verrière avec un gros renfort métallique implanté au sommet, ce dernier a disparu sur les derniers prototypes. Ceci offrant au pilote une vue bien dégagée à 360°.

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On voit mieux ici le système d’ouverture de la verrière permettant d’accéder au cockpit. Photo@?

Le pilote dispose, au choix, d’une nouvelle combinaison de vol PPK-7 (utilisable jusqu’à des altitudes de 12 Km) ou d’une combinaison de vol VKK-17 (utilisable jusqu’à des altitudes de 23 Km), d’un masque à oxygène KM-36M ainsi que d’un casque ZSh-10; ces composants étant développés et mis au point par le spécialiste Russe en la matière NPP Zvezda.

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Prototype de casque ZSh-10. Photo@russiandefence.com

C’est également cette compagnie qui produit le siège éjectable employé: le K-36D5, ce dernier est une variante modernisée du siège K-36 employé sur les MiG-29, Su-27 et Tu-160 notamment. En outre, le Su-57 dispose d’un système de support de vie (life support system) du type SOZhE-50 qui contient un système anti-g permettant au pilote de supporter des manoeuvres à 9-G durant 30 secondes maximum ainsi qu’un système embarqué de génération d’oxygène KS-50 qui offre une capacité illimitée de génération d’oxygène.

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L’installation « type » du pilote de Su-57 avec son siège K-36D5, l’équipement de génération d’oxygène KS-50 et le casque ZSh-10. Photo@KeyPublishing

L’affichage des informations au pilote se fait via deux larges écrans LCD multifonctions de 38 cm identiques à ceux employés sur le Su-35S et auxquels s’ajoutent un troisième écran LCD de plus petite taille implanté latéralement à la droite du pilote et lui permettant de connaître l’état des armements embarqués. Ces écrans dénommés tout simplement MFI 1 et MFI 2  sont complétés par un afficheur tête haute (HUD) du type ShKAI-5 disposant d’un angle de vue de 20° x 30° ainsi qu’un viseur de casque NSTsI, développé par le bureau Geofizika-NV, qui est couplé au casque ZSh-10.

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Ceci est le cockpit du Su-35S, ce dernier étant identique à 95% avec celui du Su-57 (HUD différent et déplacement de l’écran LCD de gauche à droite): il permet de se faire une bonne idée de la configuration finale. Photo@pinterest.com

Le pilotage de l’appareil se fait selon le principe du HOTAS (Hands On Throttle And Stick), c-à-d que toutes les commandes principales se trouvent sur la manette des gaz implantée à la gauche du pilote ainsi que sur le manche de pilotage qui répond au nom de KRUSID et qui se trouve devant lui en position centrale.

Le Su-57 dispose d’un système de navigation inertielle BINS-SP2M conçu sur base d’accéléromètres à quartz et de gyrolasers qui permet à l’appareil de gérer automatiquement les informations de navigation et les paramètres de vol, tout en pouvant déterminer la position de l’avion en l’absence de navigation satellite. En outre, le système est capable de fonctionner avec le système GPS ainsi que, bien évidemment, le système GLONASS. Le BINS-SP2M est issu d’une collaboration entre le  Moscow Institute of Electromechanics and Automatics (MIEA) et Ramenskoye Design Company (RPKB) qui font tous les deux parties du consortium KRET.

Les commandes de vol de l’appareil sont électriques et multiplexées avec un système mécanique en back up permettant de ramener l’appareil à destination en cas de défaillance généralisée du système électrique. Le système gérant les commandes de vol porte le nom de KSU-50 et a été développé par MNPK Avionika de Moscou; c’est également cette société qui avait mis au point les commandes de vol du Su-35S. L’ensemble des commandes de vol, de la gestion des moteurs, des capteurs embarqués sont gérés par un calculateur central de nouvelle génération répondant au nom de IMA BK.

Alors que les premiers prototypes T-50 disposaient d’ordinateurs de bord du type Baget-53-31M, ces derniers étant quasi identiques à ceux employés sur le Su-35S; la Russie a décidé de mettre au point une nouvelle génération de processeurs capables de gérer plus d’informations et plus rapidement dans le but de pouvoir atteindre une fusion des données la plus efficace possible. Après pas moins de 4 ans de travaux, c’est le prototype T-50-8 qui a volé pour la première fois avec le nouveau calculateur IMA BK.

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Comparatif entre les deux calculateurs: Baget-53-31M à gauche, IMA BK à droite. Photo@UAC Russia

En ce qui concerne ce dernier, le peu de détails techniques communiqués permettent de savoir qu’il est composé de microprocesseurs multi-coeurs de conception nationale, d’un logiciel d’exploitation composé de 4 millions de lignes de code et le système est conçu dans une logique adaptative pour permettre de suivre les évolutions du Su-57. Enfin, les communications entre les composants de ce nouveau calculateur ne reposent plus sur des câbles en cuivre mais sur de la fibre optique, ce qui permet d’augmenter fortement la vitesse de transmission des données passant ainsi de 10-100 Mb/Sec à 8-10 Gb/Sec.

Enfin au niveau des systèmes de communication, la suite de communication S111-N mise au point par NPP Polyot dispose de deux radios cryptées UHF/VHF, un canal d’échange sécurisé d’informations entre appareils, un système de cryptage des communications de données radios et un système de transfert automatiques des données entre appareils au sein d’une même formation. Le système est conçu selon le principe de « l’architecture ouverte » qui permet d’ajouter des canaux de communication et d’augmenter les capacités de transfert en fonction des besoins.

Radar et contremesures

Le Su-57 dispose d’un système intégré développé par NIIP Tikhomirov qui porte le nom de Sh121 ou MIRES (Multifunction Integrated Radio-Electronic System) ce dernier est composé de deux ensembles de capteurs principaux:

  • L’ensemble de radars N036
  • Le L402 Himalaya

Le Su-57 dispose non pas d’un radar mais de pas moins de cinq radars qui ont chacun des fonctions bien spécifiques. Ces différents radars se répartissent de la manière suivante:

  • Le radar principal AESA en bande X (10 gHz) N036 Byelka (Белка)
  • Les deux radars AESA en bande X (10 gHz) N036B
  • Les deux radars AESA en bande L (1,4 à 1,5 gHz) N036L

Premier et principal radar, le N036 Byelka est un radar AESA (AFAR en Russe) implanté dans le nez de l’appareil et il dispose d’une antenne principale de 700 x 900 mm composée de 1.552 modules T/R et inclinée de 15° vers le haut.

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Antenne principale du radar N036. Photo@A.V. Karpenko

Implantés latéralement de chaque côté du fuselage juste en amont du cockpit, on retrouve deux radars AESA fonctionnant en bande X du type N036B. Ils sont composés de 358 modules T/R et leur installation permet d’accroître les angles de couvertures radar dans l’arc frontal.

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Radar latéral N036B. Photo@A.V Karpenko

En outre, on retrouve dans les bords d’attaques du Su-57 les deux radars AESA fonctionnant en bande L du type N036L qui sont employés notamment par le système IFF (Identification Amis-Ennemis) ainsi que pour la détection de cibles aériennes, les appareils furtifs étant les premiers ciblés par les radars en bande L.

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Antenne N036L intégrée au sein des bords d’attaque. Photo@?

Avec ces différentes implantations, les radars du Su-57 peuvent contrôler l’espace aérien sur 270° autour de l’appareil. Les performances précises des radars ne sont pas encore connues malgré tout les premiers chiffres parlent d’une capacité de détection montant jusqu’à 400 Km en air-air et en fonction de la taille de la cible avec la possibilité de détecter 62 cibles et d’en engager 16 simultanément en air-air tandis que le système pourrit assurer l’engagement de 4 cibles en air-sol simultanément. L’ensemble des radars sont gérés par l’ordinateur N036UVS qui centralise et gère les informations des différents capteurs.  Enfin signalons que c’est NIIP Thikomirov qui a produit les radars d’essais N036 mais que la production en série se déroulera chez GRPZ à Ryazan.

Le deuxième système employé est le L402 Himalaya qui est un système de contre-mesures disposant d’une antenne principale implantée dans le cône de queue entre les tuyères tout en étant également couplé au radar N036 en vue de renforcer son efficacité. Mis au point par Knirti et produit par l’usine Signal de Stavropol, le L402 a pour but de détecter, brouiller et contrer les émissions radar tout en travaillant sur plusieurs plages de fréquences. La grande force du système est son interaction avec le N036; lorsque le L402 et le N036 fonctionnent sur la même gamme de fréquences; les antennes du dernier sont employées par le L402 augmentant donc sa capacité de brouillage et sa zone d’action.

Guerre électronique

Le Su-57 dispose d’une suite de guerre électronique et de contre-mesures polyvalente et pointue, surtout si l’on compare aux productions Russes antérieures. Cette suite est composée de plusieurs systèmes intégrés qui se superposent tout en assurant une protection optimale contre l’ensemble des menaces les plus fréquemment rencontrées sur le champ de bataille.

Outre la suite Sh121 abordée plus haut comprenant l’ensemble de radars N036 et le système de contremesures L402, le Su-57 a reçu un système multirôles composé de plusieurs types de capteurs qui assurent chacun une mission spécifique et s’intégrant au sein d’un seul système: il s’agit de la suite optronique 101KS Atoll. Développée par Knirti et produite par l’usine Signal de Satvropol, la suite dispose des capteurs suivants:

  • 101KS-N (наземный / Terrestre)
  • 101KS-O (оборона / Défense)
  • 101KS-P (посадка / Atterrissage)
  • 101KS-U/01 (ультрафиолетовый / Ultraviolet)
  • 101KS-U/02 (ультрафиолетовый / Ultraviolet)
  • 101KS-V (воздух / Aérien)

Procédons par ordre alphabétique; le 101KS-N est un système de ciblage optimisé pour les missions air-sol ainsi que pour la navigation et installé dans un pod qui est monté sous la voilure du Su-57. Disposant d’une plate-forme stabilisée contenant un canal TV ainsi qu’une caméra thermique 3-5 μm (micromètre); les deux canaux emploient un équipement optique commun, un télémètre laser, un marqueur de cible ainsi qu’un système de suivi par laser. Le 101KS-N permet un suivi des cibles terrestres par tous temps et aussi bien de jour comme de nuit. Les formes du pod ont été étudiées pour avoir un impact minimal sur la SER du Su-57 lorsqu’il est emporté.

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Le pod de ciblage 101KS-N. Photo@?

Présents à raison de deux unités par avion, les 101KS-O sont des systèmes de brouillage infrarouge dirigé (DIRCM) implantés à l’avant de l’appareil avec une unité installée juste en arrière du cockpit sur l’extrados et une autre unité implantée sous le cockpit. Le principe de fonctionnement est assez simple puisqu’il consiste à diriger un faisceau laser vers le missile en approche de manière à brouiller son système de guidage voire de le rendre inopérant. L’implantation des tourelles permet donc de couvrir à la fois les hémisphères supérieur et inférieur de l’appareil.

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Sur cette photo du T-50-5 (055 Bleu), on voit entouré en bleu l’emplacement des deux DIRCM 101KS-O. Photo@Michael Polyakov

Le capteur suivant est le 101KS-P, ce capteur consiste en une caméra IR et UV employé comme aide au pilotage pour les vols à basse altitude ainsi que durant l’atterrissage. Il est implanté à l’avant de la soute à missile latérale.

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Le 101KS-P est vu ici à gauche de la photo. Photo@?

Deux groupes de capteurs forment les types 101KS-U, il s’agit des 101KS-U/1 et 101KS-U/2. Derrière ces dénominations se cachent en fait des systèmes MAWS (Missile Approach Warning System / Détecteur d’Alerte d’Approche de Missiles) employant la technologie ultraviolette. Les deux 101KS-U/1 sont implantés latéralement de part et d’autre du fuselage en arrière du cockpit tandis que les deux 101KS-U/2 sont respectivement implantés à raison d’un exemplaire sous le cockpit derrière le 101KS-O et un autre exemplaire implanté à l’arrière du fuselage sur l’extrados. Les 101KS-U/2 sont des capteurs dédoublés (présence de deux têtes opposées) permettant ainsi de couvrir une zone beaucoup plus large.

Les 101KS-U sont employés pour protéger l’appareil des missiles à guidage infrarouge, grâce à la technologie UV ils peuvent être employés par tous les temps et servent à guider les 101KS-O (DIRCM) en leur indiquant la direction et la distance de la menace. En outre, ils peuvent également servir de déclencheur pour le lancement des leurres.

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A gauche un 101KS-U/1 et à droite un 101KS-U/2. Photo@Piotr Butowski

Capteur le plus visible au premier abord, le 101KS-V est l’IRST (Infra-Red Search and Track / système de veille infrarouge) embarqué sur le Su-57. Implanté devant la verrière de l’appareil et légèrement décalée latéralement, le 101KS-V se retourne sur lui même lorsqu’il n’est pas employé de manière à ne pas impacter la détectabilité du Su-57; l’arrière du système étant recouvert d’un matériaux absorbant les ondes radar.

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Un dessin valant mieux qu’un long discours; l’implantation des différents composants de guerre électronique/contremesures du Su-57. Illustration@Piotr Butowski / Air & Cosmos

Enfin, c’est la société Vympel qui se charge de mettre au point le lanceur de leurres UV-50 qui, comme son nom l’indique, emporte 14 leurres de 50 mm ces dernières pouvant être de différents types selon le type de menace à contrer. Les trois lanceurs UV-50 sont implantés sous l’appareil dans le cône de queue.

Armements

Le Su-57 peut emporter son armement de deux manières soit en soute soit sous voilure.

L’appareil dispose de 4 soutes à armement ;

  • Deux soutes internes principales implantées en tandem entre les moteurs, ces dernières étant d’une longueur approximative de 4,6m et d’une largeur d’environ 1m. Vympel travaille sur deux types de lanceurs adaptés pour les soutes internes ; l’UVKU-50L pour les missiles pesant jusqu’à 300 Kg et l’UVKU-50U pour les missiles pesant jusqu’à 700 Kg.
  • Deux soutes internes latérales de section triangulaire implantées près de la base des ailes à l’extérieur des réacteurs; ces soutes peuvent renfermer chacune un missile à courte portée installé sur un rail de lancement VPU-50.

L’avantage des soutes internes réside bien évidemment dans la réduction de la traînée affichée par l’appareil (ce qui ne dégrade pas les performances lorsque l’armement est emporté en interne) et de plus l’absence d’emports sous les ailes permet de conserver les performances de « discrétion » de l’appareil.

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Photomontage qui illustre les emplacements des points d’emports. En rouge, les soutes internes et en bleu les points externes. Photo@?

Cependant, le Su-57 bénéficie également de la possibilité d’emporter des armement sous voilure. Pour ce faire, pas moins de 6 points d’emport externes viennent s’ajouter, si le besoin opérationnel se fait sentir, aux soutes internes. On le voit, les militaires auront tout loisir de choisir la configuration la plus optimale pour les missions à remplir : soit une configuration « lisse » et discrète avec un emport en interne de tous les armements soit une configuration « lourde » avec emports des armements sous voilure en plus des armements en interne.

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Photo du T-50-3 (053 Bleu) illustrant la configuration avec emports externes. Photo@?

En prenant en ligne de compte une configuration lourde où la furtivité n’est pas prioritaire, le Su-57 peut disposer de 12 points d’emports maximum: ces derniers étant répartis à raison de 4 points d’emport dans les deux soutes principales (2 x 2), deux points d’emport dans les soutes latérales (2 x 1), 4 points d’emport sous voilure (2 x 2) et 2 points d’emport sous les entrées d’air des réacteurs (2 x 1).

Au niveau des emports possibles pour le Su-57, il est donc nécessaire de faire la distinction entre les emports en soute et les emports sous voilure.

1. Emports en soute

En air-air :

  • K-74M2: missile à courte portée emporté dans chacune des soutes latérales et disposant d’un guidage à infra-rouge. Le missile dispose de la capacité d’accrocher la cible après son lancement. Un seul missile par soute latérale soit un maximum de deux missiles.
  • K-77M: missile à moyenne portée disposant d’un guidage à radar actif emporté dans les deux soutes principales, soit un total maximum de quatre missiles.
  • Izd.810: missile à longue portée (« Beyond Visual Range ») emportée à raison de deux par soutes soit un total de maximum quatre missiles.

En air-sol: 

  • Kh-38M: nouvelle génération de missiles aptes à frapper tous types de cibles maritimes et terrestres à une distance maximale de 40 Km.
  • Kh-58UShK: missiles anti-radar d’une portée maximale de 245 Km, variante du Kh-58 adaptée pour l’emport en soute.
  • Kh-59MK2: missiles prévus pour attaquer des cibles de petite taille et/ou blindées à des distances d’engagement montant jusqu’à 290 Km.
  • KAB-250: bombes guidées de 250 Kg, différentes versions existantes: les différences résidant dans les moyens de guidage employés.

2. Emports sous voilure

Le gros avantage des emports sous voilure réside dans la perte des contraintes liées au taille des soutes; par conséquent, le Su-57 sera à même d’emporter toute la panoplie de bombes lisses et guidées russes (en version 250 et 500 Kg) auxquelles viendront s’ajouter les missiles anti-navires Kh-31AD et Kh-35UE et enfin les missiles anti-radars Kh-31PD.

A terme, l’intégration du missile indo-russe BrahMos est envisagé mais au vu de la taille du missile et de sa masse, il ne pourra être emporté qu’en nombre réduit. L’intégration de la version de taille réduite BrahMos NG est du domaine des possibilités mais certainement pas dans l’avenir proche pour le Su-57.

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Version aérienne du BrahMos; on imagine aisément que l’emport d’une telle « bête » soit difficile à concevoir sur le Su-57. Photo@theaviationist.com

Enfin, un canon GSh-301 de 30 mm (index GRAU 9A1-4071K) est implanté à la droite du pilote près de la base de l’extension du bec de bord d’attaque (LEVCON), ce dernier, produit par le bureau Shipunov, étant une version modernisée du canon GSh-301 (index GRAU 9A-4071K) équipant notamment les MiG-29 et Su-27.

Il est à noter également que bien que les tests du Su-57 soient en cours depuis plusieurs années, il n’y a pas encore d’images de l’intérieur des soutes principales et latérales. Il faudra attendre une déclaration du MoD Russe en date du 25 mai 2018 que pour disposer – enfin – des premières images d’un tir de missile (en l’occurence un Kh-59MK2) au départ d’une soute interne de l’appareil. Le supposé tir aurait eu lieu lors de l’engagement d’un des prototypes au-dessus de la Syrie, mais rien ne permet de confirmer cette version tant qu’à présent.

Réduction signature radar

Il ne faut pas être devin pour voir à quel point le concept de « furtivité » est devenu central dans la liste des caractéristiques requises à tout chasseur moderne pour être inscrit au panthéon des comparatifs de performances entre avions.

Actuellement, il semble que ce soit le F-22 Raptor qui « donne le la » en matière de performances des chasseurs modernes et tout appareil qui veut prétendre à son titre supposé de « meilleur chasseur du monde » doit donc présenter les mêmes vertus cardinales que ce dernier, c-à-d:

  • Fusion des données
  • Supercroisière
  • Furtivité

Coupons court à cette idée: un avion est avant tout un outil qui répond à un besoin ce dernier faisant partie d’une doctrine qui structure les besoins de la force aérienne qui l’emploie. La Russie ne faisant pas exception et bien que ses besoins ne soient pas identiques à ceux des autres forces aériennes, notamment en matière d’endurance des avions, une partie des caractéristiques attendues par les appareils modernes sont quand même partagées entre tous les appareils qui répondent aux « critères » de la cinquième génération. Notamment en ce qui concerne la fusion des données et la supercroisière.

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Il est évident que les ingénieurs russes savent comment dessiner un bel avion. Photo@Artyom Anikeev

La furtivité qui « se dit d’un avion construit de manière à ne pouvoir être détecté que très difficilement par les radars » [Larousse] peut être de trois types:

  • Active, il s’agit d’un (ou des) système(s) embarqué(s) sur l’appareil qui ont pour but de leurrer/aveugler les radars
  • Passive, c’est la structure de l’appareil et son architecture qui doivent permettre de ralentir/empêcher sa détectabilité
  • Tactique, c’est l’emploi de l’appareil qui a pour but de le rendre invisible (exemple en l’employant en-dessous de la couverture radar)

Le but recherché étant de limiter la SER (Surface Equivalente Radar) soit en résumé la capacité d’un radar à détecter un objet. La Russie a bien évidemment travaillé sur cette question en mettant au point le Su-57. Il semble cependant que des compromis ont du être réalisé.

En effet, la recherche d’une SER la plus petite possible entraîne de fortes contraintes au niveau des matériaux et de l’architecture des appareils qui impacte sur les caractéristiques finales de ce dernier. La Russie ayant toujours voulu et ce surtout depuis le Su-27 disposer d’appareils hyper agiles, il n’était pas question pour les décideurs russes de disposer d’un appareil moins performant que son prédécesseur.

Le besoin de disposer d’un appareil à la SER réduite se mariant très mal avec le besoin de disposer d’un appareil très agile, des choix ont du être posés. La Russie a donc misé principalement sur une réduction de la SER frontale du Su-57 tout en lui conservant d’excellentes caractéristiques de manoeuvrabilité. Certes, l’appareil dispose également d’un design privilégiant la réduction de la SER latérale et arrière mais il semble quand même que l’accent ait été mis sur la meilleure adéquation possible entre les besoins (furtivité ET manoeuvrabilité) au lieu de ne cibler « que » la furtivité.

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Rien ne dépasse (ou presque); le nombre d’antennes protubérantes sur l’appareil a été réduit au strict minimum. Photo@russianplanes.net

La recherche de la furtivité sur le Su-57 est perceptible sur quatre points:

  • L’appareil présente un design où les formes de l’appareil se situent sur un même plan d’un point de vue frontal réduisant d’autant les directions dans lesquelles les ondes radars vont se refléter sur la cellule de l’appareil
  • L’IRST quand il n’est pas employé se retourne dans son carénage et présente une surface arrière constituée en matériaux absorbant les ondes radars
  • Le réacteur est placé derrière une entrée d’air en forme de S (S-duct intake) qui cache en partie ou complètement la soufflante et le compresseur
  • Une peinture absorbant les ondes radars est appliquée sur l’appareil, la verrière du cockpit recevant un revêtement spécifique ayant le même but
  • Le nombre d’antennes et de capteurs est réduit au strict minimum et/ou concentré de manière à réfléchir le moins possible les ondes radars

Il est clair que « comparaison n’est pas raison » et au moment de rédiger ces lignes, il n’existe aucun document officiel et/ou crédible qui permet d’évaluer et/ou comparer les SER du Su-57 avec celle des autres appareils modernes (F-22, J-20, etc…) néanmoins au vu des lignes générales du Su-57 et de certaines caractéristiques présentées par l’appareil, on voit qu’il y a eu une recherche effectuée et appliquée sur l’appareil relative à la réduction de la SER. On peut discuter des choix posés par la Russie, cependant le Su-57 a été conçu par rapport à certains besoins opérationnels et pensé en ce sens.

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Deux T-50 en vol en formation. Photo@Russianplanes.net

A l’instar du F-22 qui répond aux besoins des USA et a été construit en rapport à ceux-ci; la comparaison entre les deux appareils qui est régulièrement mise en avant n’a aucun intérêt puisque les besoins de base ne sont pas identiques. Chacun ayant ses qualités et ses défauts qui ne sont qu’une réponse à la doctrine d’emploi sous-jacente à chacun d’eux.

Les prototypes du PAK FA et les premiers appareils de série

La mise au point d’un programme aussi complexe que le Su-57 PAK FA nécessite de disposer de plusieurs prototypes capables de remplir l’intégralité des programmes de tests et les différentes phases de l’homologation de l’appareil; qui sont le prélude obligatoire à son introduction en unités opérationnelles.

Les prototypes du T-50 peuvent se ranger en deux grandes catégories:

  • Les prototypes statiques
  • Les prototypes actifs

Les prototypes statiques

En ce qui concerne les prototypes statiques, on en dénombre pas moins de trois, le T-50-0, le T-50KNS et le T-50-7. Ces trois prototypes ont pour but et mission de servir aux tests au sol des systèmes embarqués, à leur bon fonctionnement ainsi qu’à tester la résistance des cellules qui sont soumises à des batteries de tests certains pouvant aller jusqu’à la destruction partielle et/ou complète de cette dernière.

Premier prototype statique, le T-50-0 est le fruit d’une collaboration entre Sukhoï et le TsAGI et est employé pour tester la résistance des matériaux employés et de la structure ainsi que l’aérodynamique de la cellule.  Sa construction a débuté en 2007 et le prototype est prêt et utilisé depuis l’été 2009.

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Un des prototypes T-50 en cours de montage. Photo@?

C’est sous le nom de T-50KN que nous retrouvons le deuxième prototype statique, ce dernier étant spécialisé pour tester l’intégration des systèmes embarqués, le système des commandes de vol, le radar AESA, etc… en outre, il fut équipé de réacteurs de manière à tester le fonctionnement de ces derniers au sol. Le but recherché étant d’accélérer la mise au point en réalisant une partie des tests au sol.

Le prototype statique T-50-7 vient s’intercaler assez logiquement entre le T-50-6-2 et le T-50-8, l’utilité de ce prototype découle de la mise au point d’une version structurellement modifiée du T-50 suite aux soucis rencontrés durant la campagne d’essais. C’est pourquoi la mise au point d’une nouvelle cellule statique s’imposa pour tester au sol la pertinence des modifications structurelles apportées aux nouveaux prototypes. Nous y reviendrons.

La mise en service des prototypes actifs s’est étalée entre 2010 et 2017 et ceux-ci vont présenter différentes configurations résultant des besoins liés au programme de test ainsi qu’aux modifications découlant des constats et problèmes rencontrés durant les essais en vol et au sol.

Les prototypes actifs

Le premier prototype actif est très logiquement le T-50-1. Après avoir effectué ses premiers tests au sol à la fin de décembre 2009 et des essais de roulage à la mi-janvier 2010, c’est en date du 29 janvier 2010 à 11h19 (heure locale) que le T-50-1 décolla pour la première fois avec Sergey Bogdan (Pilote d’essais en chef pour Sukhoï) aux commandes. Le vol dura 47 minutes et eut lieu autour de l’usine KnAAZ de Komsomolsk-na-Amur, un Su-27UB accompagna ce premier vol.

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Le T-50-1 lors de son premier vol le 29/01/2010. Photo@sukhoi.org

Il faudra attendre le deuxième vol, en date du 12 février 2010, pour voir le T-50-1 disposer de sa livrée définitive qui est un mélange de trois tons à dominante bleu-gris. A cette occasion le prototype recevra d’ailleurs son numéro de Bort « 51 Bleu« . Signalons également que le T-50-1 sera présenté au Premier Ministre russe (et actuel Président) Vladimir Poutine en date du 17 juin 2010.

A l’instar de certains autres prototypes T-50, le 51 Bleu passera au camouflage « pixels » au début du mois de mai 2018 par la même occasion son numéro de Bort sera modifié pour devenir « 051 Bleu« .

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Le T-50-1 « 051 Bleu » avec son nouveau camouflage « pixels ». Photo@Denis Akimov

C’est en date du 3 mars 2011 que le deuxième prototype actif, le T-50-2 effectua son premier vol avec également Sergey Bogdan aux commandes. D’une durée de 44 minutes, ce premier vol se déroula sans difficultés et ce prototype, rigoureusement identique au T-50-1, reçut le numéro de Bort « 52 Bleu » qui deviendra « 052 Bleu » plus tard. Le T-50-2 est également le premier prototype de PAK FA à réaliser le premier vol d’un moteur Izd.30 et ce en date du 5 décembre 2017.

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Le T-50-2 (052 Bleu). Photo@Alex Beltyukov

A noter que les deux premiers prototypes ne disposaient pas encore du radar AESA prévu pour le Su-57. C’est le troisième prototype actif, le T-50-3, qui sera le premier à recevoir un prototype de radar N036 (absence des antennes latérales) ainsi qu’une partie de la suite 101KS. Il faudra attendre le 22 novembre 2011 pour voir ce troisième prototype prendre l’air pour la première fois avec, de nouveau, Sergey Bogdan aux commandes. Portant le numéro de Bort « 053 Bleu« , ce prototype est facilement reconnaissable à l’absence de perche montée sur son radôme. A partir du mois d’août 2012, il servira à réaliser les premiers tests opérationnels du radar N036, notamment les modes air-air et air-sol de ce dernier.

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Le T-50-3 (053 Bleu). Photo@russianplanes.net

C’est également durant le mois d’août 2012 que les premiers tests de ravitaillement en vol avec un IL-78M Midas furent effectués; d’abord avec des contacts « à sec » (sans transfert de carburant) et ensuite des ravitaillements complets.

Le prototype suivant est le T-50-4 qui porte le numéro de Bort « 054 Bleu« . Décollant de Komsomolsk-na-Amur pour la première fois en date du 12 décembre 2012 avec, comme de coutume, Sergey Bogdan aux commandes. Présentant une configuration technique quasi identique au T-50-3, il a en outre reçu l’antenne du L402 dans le cône de queue. Il sera donc transféré peu de temps après à Akhtubinsk où il est employé avec le T-50-3 pour les tests relatifs aux armements.

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Le T-50-4 (054 Bleu). Photo@Ilya the Nightingale

A noter que les prototypes T-50-3 et T-50-4 recevront également des pylônes externes en vue de tester les emports d’armements sous la voilure. Dernière adaptation en date en ce qui concerne le T-50-4; l’appareil a reçu dans le courant du mois d’avril 2018 un nouveau camouflage dit « pixels » à l’instar des T-50-11 et T-50-10.

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Le T-50-4 avec son nouveau camouflage. Photo@Yury Stepanov

C’est en date du 27 octobre 2013 que le T-50-5, portant le numéro de Bort « 055 Bleu » décolla pour la première fois. Equipé également du radar N036 mais dans une forme incomplète (présence uniquement de l’antenne principale), ce prototype disposait également de certains composants de la suite 101KS.

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Le T-50-5 (055 Bleu). Photo@Evegny Volkov

Le 10 juin 2014, ce prototype prit feu lors de son atterrissage durant un vol de démonstration et la décision sera prise de le reconstruire sur base de pièces prélevées sur le T-50-6-1 en cours de construction. La reconstruction de ce prototype va durer plus d’un an et c’est en date du 16 octobre 2015 que le « deuxième premier vol » aura lieu. L’appareil sera reclassé sous le type T-50-5R. A l’instar du T-50-4, le T-50-5R recevra également dans le courant du mois d’avril le nouveau camouflage « pixels ».

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Le T-50-5R (055 Bleu) peu de temps après sa remise en service. Photo@russianplanes.net

Le T-50-6-1 aurait du devenir le 6ème prototype actif de la série, cependant suite à l’incendie du T-50-5; sa finition ne sera jamais achevée et une bonne partie des constituants de l’appareil seront employés pour reconstruire le T-50-5.

Un deuxième « sixième prototype actif » va donc être crée pour remplacer l’appareil employé comme banque d’organes; il s’agit du T-50-6-2 qui porte le numéro de Bort « 056 Bleu« . Ce prototype va être le premier de ce que l’on pourrait appeler la « version 2 » des prototypes.

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Le T-50-6-2 (056 Bleu). Photo@KNAAPO

En effet, suite aux tests réalisés, les concepteurs ont réalisés que la structure interne de l’appareil nécessitait d’être renforcée à certains endroits en vue d’augmenter sa rigidité; ce renforcement déboucha notamment sur un léger agrandissement de la cellule avec une envergure qui passe de 13,9 à 14,1 m et une longueur qui passe de 19,8 à 20,1 m. De plus certains panneaux extérieurs de l’appareil sont remplacés par des nouveaux en matériaux composites.

Ces modifications apportées au design des prototypes ont retardé la mise au point et le premier vol du T-50-6-2, ce dernier ne prenant l’air qu’en date du 27 avril 2016. De plus, ce prototype présente quelques différences externes avec les prototypes antérieurs: notamment l’application de peinture RAM sur certaines zones ainsi que le montage de protections sur la face antérieure des moteurs.

Deuxième prototype actif de la « version 2 », le T-50-8 ne présente pas de modifications fondamentales par rapport à son prédécesseur. Il a effectué son premier vol le 17 novembre 2016, il porte le numéro de Bort « 058 Bleu« .

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Le T-50-8 (058 Bleu). Photo@Alexei Karpulev

Le T-50-9 a effectué son premier vol le 24 avril 2017, les premières images n’étant disponibles qu’à partir du 12 mai. L’appareil est codé « 509 Bleu » et il dispose d’un camouflage deux tons blanc et gris taupe mais dans une finition du type « digitale » (ou « pixels »).

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Le T-50-9 (059 Bleu). Photo@Maxim Golbraiht

Ce prototype est des plus intéressant; en effet, il s’agit du premier prototype de T-50 qui présente une configuration quasi-définitive. Disposant à la fois de la structure renforcée des prototypes qualifiés de « version 2 » ainsi que de l’intégralité des capteurs du système de tir et de la suite électronique: il ne lui manque plus que les moteurs Izd.30 pour être un Su-57 de présérie.

Le prototype suivant est, assez étonnement, le T-50-11. Ce dernier, codé « 511 Bleu » aurait effectué son premier vol le 06 août 2017 et il faudra attendre le 10 septembre 2017 que pour voir apparaître les premières photos de ce dernier. Suite à l’engagement de ce prototype en Syrie durant le mois de février 2018 il a perdu son numéro de Bort « 511 Bleu » mais a reçu un numéro de registre; en l’occurrence le RF-81775.

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Le T-50-11 (511 Bleu). Photo@Benjamin Ignatievich

Le dernier prototype est donc, en toute logique, le T-50-10. Ce dernier qui est codé « 510 Bleu » dans la suite logique des précédents a vu son premier vol se dérouler le 23 décembre 2017. Elément intéressant, son premier vol est confirmé par des documents officiels d’UAC Russia dès le mois de décembre 2017 cependant il faudra attendre le mois de mars 2018 pour voir apparaître les premières photos de cet appareil.

Pour ce qui l’est possible d’y voir, on est en présence d’un prototype « complet » exception faite des réacteurs Izd.30. L’appareil présente le même camouflage « digital » (ou « pixels ») T-50-11.

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Première photo connue du T-50-10 et datée du 7 mars 2018. Photo@Michael Polyakov

La mise au point des prototypes de tout nouvel appareil innovant est souvent un long chemin de croix parsemé d’embûches: le Su-57 ne fait pas exception à la règle. En effet, peu de temps après son premier vol, des problèmes structurels sont apparus sur le prototype T-50-1 en 2011 entraînant ce dernier dans une longue immobilisation entre août 2011 et septembre 2012 pour pose de renforts structurels. Ces problèmes concernant principalement la structure interne de l’appareil notamment au niveau des matériaux composites employés au sein de celle-ci en vue d’alléger l’avion.

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Le T-50-10 vu au retour d’un vol d’essais en avril 2018. Photo@Yury Stepanov

Des problèmes de motorisation ont également été constatés à plusieurs reprises dont notamment un qui fut fortement médiatisé lors du salon MAKS 2011. Lors de son décollage pour une représentation aérienne, le moteur droit du T-50-2 eut un décrochage de son compresseur lors du décollage ce qui entraîna une très belle et impressionnante flamme à la tuyère et une interruption du décollage. Autant dire que ce ne fut guère une bonne publicité pour l’appareil même si cet incident fut sans conséquences.

Autre problème beaucoup plus conséquent: l’incendie qu’a connu le prototype T-50-5 en date du 10 juin 2014. Revenant d’un vol de présentation devant une délégation indienne, l’appareil prit feu sur la piste d’atterrissage; cet incendie bien que rapidement circonscrit et laissant entrevoir – sur base des photos publiées – un retour en vol rapide nécessita pas moins de 16 mois de travaux. Il n’y eut, fort heureusement, aucun blessé durant cet incident mais la crédibilité de l’appareil fut fortement remise en doute suite à ce dernier.

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Le T-50-5 après son incendie du 10 juin 2014. Photo@foxtrotjalopnik

Cet incendie aura un impact plus important qu’on ne le pense puisqu’il faudra attendre plus de deux ans et demi entre le premier vol du T-50-5 et du T-50-6-2! Certes, les modifications liées à la « version 2 » ne sont pas étrangères à ce délai mais il s’agit d’un indicateur assez clair que la mise au point a été plus difficile que prévue et que le calendrier initial de développement a été clairement sous-évalué.

Sans titre

Les appareils de présérie

Après plusieurs annonces régulièrement postposées des suites d’une mise au point plus longue que prévue des prototypes; les premiers Su-57 de présérie sont maintenant attendus dans le courant de l’année 2018. Cette information ne pouvant être confirmée qu’une fois la commande des 12 Su-57 de présérie signée. Annoncée pour le début de 2018, la signature d’un premier lot entraînerait la mise en service des deux premiers Su-57 de présérie pour la fin de l’année 2018 voir le début de 2019.

Ces 12 premiers appareils seraient employés en priorité et aux côtés de certains des prototypes T-50 à l’élaboration des doctrines d’emplois, à l’entraînement et à la formation des instructeurs et pilotes ainsi qu’à l’élimination des inévitables maladies de jeunesse que rencontreront certainement les premiers appareils.

D’autres commandes suivront par la suite, mais il faudra certainement attendre l’horizon 2020 pour assister à la montée en charge du plan de production de Su-57 au sein de l’usine KnAAZ, cette production se réalisant au départ en parallèle avec celle du Su-35S et à terme au détriment de celui-ci. Vu les besoins russes et la capacité de production actuelle au sein de l’usine une production initiale d’environ 16 appareils/année n’aurait rien d’étonnant.

T-50? T-50S? Su-57? PAK FA?

Depuis le lancement du projet, une question lancinante est revenue régulièrement sur les forums et dans la littérature spécialisée; quelle sera la dénomination définitive du PAK FA? A l’instar du Su-27 qui est issu du prototype T-10, toutes les hypothèses ont été soulevées et finalement c’est le Su-57 qui a été retenu.

Cette dénomination n’est pas surprenante en soi, alors que la dénomination Su-50 avait fait l’objet de rumeurs récurrentes, la dénomination définitive répond à trois aspects: l’aspect anecdotique, l’aspect commercial et enfin l’aspect logique.

L’aspect anecdotique: prendre la relève du Su-27. Aucun autre appareil des 30 dernières années (sauf éventuellement le MiG-29) n’est plus représentatif de l’aéronautique contemporaine russe que le Sukhoï Su-27 Flanker. Bien qu’ayant évolué en différentes versions disposant chacune de leur propre dénomination; c’est le Su-27 qui est la base commune et l’origine de cette famille prolifique. En conservant une dénomination qui se rapproche de celle du Su-27; on garde une proximité « anecdotique » avec le Flanker. D’où la présence du Su-x7.

L’aspect commercial: on le sait, le Su-57 est « le » chasseur de 5ème génération russe. Si le concept même de « 5ème génération » est une invention marketing des constructeurs occidentaux pour justifier de la mise au point d’appareils répondant à certains critères, les Russes espérant vendre l’appareil à l’export se doivent de disposer d’un discours commercial pouvant être compris par tous.

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Le T-50-11 (511 Bleu) lors de son arrivée à Zhukovski. Photo@Vitaly Yurimov

L’emploi de l’argument de la 5ème génération – même si il peut sembler absurde sous certains aspects, les besoins n’étant pas les mêmes d’une force aérienne à une autre – permet aux clients potentiels d’y voir un appareil neuf répondant à certains critères et offrant des performances que les « vieux » appareils de génération 4, 4+ et 4++ ne permettent pas (ou tout du moins sont supposés) d’atteindre. Certes c’est de la rhétorique et on peut discuter longtemps de sa pertinence ou non, mais toujours est-il que le programme s’il veut s’exporter doit s’adapter aux contraintes du monde « moderne » et de sa logique commerciale. D’où le Su-5x, le 5 symbolisant la 5ème génération.

L’aspect logique: on a tendance à l’oublier mais les dénominations de l’OKB Sukhoï suivent un ordre beaucoup plus strict qu’on ne le pense. Nous avons signalé ci-dessus l’existence de nombreuses variantes du Su-27 et des dénominations liées mais le Su-57 ne fait que suivre l’arithmétique.

En effet, le Su-27 « Flanker » a été suivi par le Su-37 « Flanker-F » qui fut un prototype de Su-27 lourdement modernisé basé sur le projet de T-10M, codé « 711 Blanc » et qui effectua son premier vol le 2 avril 1996. L’appareil fut perdu en 2002 mais il servit à la mise au point de nombreuses modifications qui seront introduites par la suite dans les variantes du Su-27.

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Le prototype Su-37 codé 711 Blanc vu ici à Farnborough en 1996. Photo@Mike Freer

Toujours dans le domaine des prototypes: le célèbre Su-47 « Firkin » (« Berkut » en Russie). Ce prototype, basé sur le Su-27, présente une configuration aérodynamique particulière avec des ailes à flèche inversée. Ayant effectué son premier vol en date du 25 septembre 1997; il fut principalement employé pour la mise au point des commandes de vols électriques et des matériaux composites. Aucun de ces deux projets ne déboucha sur une commande en série; la Russie de l’époque n’ayant tout simplement pas les moyens de se payer ses appareils.

L’appareil suivant n’est autre que… le T-50. Faisant suite au Su-27, Su-37 et Su-47, il reçoit donc la dénomination Su-57. Quoi de plus logique?

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Le T-50-1 (51 Bleu) au retour de son premier vol. Photo@Sukhoi.org

On peut quand même ajouter le fait – pas si négligeable qu’il n’y paraît – que l’attribution d’une dénomination définitive à l’appareil implique quand même que ce dernier se rapproche rapidement de la fin de la 1ère phase des tests d’homologation étatique. Il était prévu que le Président Russe signe l’acte authentifiant (signature symbolique bien entendu) la fin de cette phase lors du salon MAKS 2017: mais ce ne fut pas le cas.

Voilà qui permet de boucler la boucle: certes, on peut sourire devant certains des arguments soulevés mais ils sont tous logiques et aisés à comprendre. Cependant, ceci n’est qu’une dénomination, qu’il s’appelle T-50, Su-57 ou XW-7685, l’appareil reste strictement le même!

Cependant, il convient de clarifier un dernier point sur les dénominations; T-50 est la désignation des prototypes, T-50S est la dénomination du constructeur pour les appareils de présérie et enfin Su-57 est la dénomination officielle pour l’armée russe de l’appareil.

Le PAK FA au sein de la force aérienne Russe

Le point a été soulevé plusieurs fois auparavant, le Su-57 est amené à prendre la relève du Su-27 au sein de la force aérienne Russe. Alors qu’initialement les différentes sources parlaient d’une commande de 250 appareils, il semble que l’approche envisagée et la cible totale aient été modifiées.

Si le remplacement à quantités égales des Su-27 était l’idée de base, la mise au point d’un appareil aussi complexe technologiquement a un coût non-négligeable qui se répercute notamment sur le coût d’acquisition: la cible a été très nettement revue à la baisse. Le premier lot d’appareil dont la commande doit être passée en 2018 avec une mise en service à l’horizon 2019-2020 ne comportera que 12 avions.

Est-ce pour autant un enterrement de première classe pour le Su-57? Bien évidemment que non. Certes, si l’on en croit certaines sources sur internet; c’est un aveux d’échec de la part des Russes car l’appareil ne répondrait pas aux attentes… à croire que certains auteurs ne peuvent envisager le monde que de leur point de vue, où une certaine prudence est assimilée à un échec. Nous pourrions leur répondre que toutes les armées du monde n’ont pas le luxe de pouvoir se payer 300 prototypes construits à des standards différents et dont une partie ne serait même pas pleinement exploitable à terme…

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Le T-50-2 (52 Bleu). Photo@Russianplanes.net

La Russie a préféré miser pour des raisons à la fois économiques et opérationnelles sur une flotte mixte: composée à la fois d’appareils hyper-modernes acquis en nombre réduit et d’appareils “un peu” moins modernes mais tout aussi pertinents dans la guerre aérienne moderne. On ne peut pas envisager la guerre aérienne contemporaine comme une joute médiévale où deux nobles chevauchent leurs plus fiers destriers avant de s’envoyer au sol après une charge héroïque. Les technologies évoluent ainsi que l’art de pratiquer la guerre; c’est ce que les Russes ont décidés de faire avec le Su-57. Faire évoluer leur modèle pour s’adapter aux nouvelles menaces et enjeux.

Le Su-57 est donc amené à devenir la “pointe de la flèche” qui ouvrira la voie à la cavalerie lourde qui le suivra. Cavalerie lourde qui sera constituée d’un mélange d’appareils de génération 4++ (Su-30SM, Su-34, Su-35S) qui assureront le cœur des missions: les frappes au sol, à la mer, ou dans l’air.

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Le Su-30SM codé 55 Noir. Photo@wikipedia.com

Le Su-57 sera bien évidemment apte, comme nous l’avons vu ci-dessus, à assurer un large éventails de missions par lui-même et en groupe mais ses configurations techniques possibles font qu’il sera l’appareil le plus adéquat pour ouvrir la voie au sein d’espaces aériens fortement contestés et/ou protégés par des systèmes anti-aériens modernes.

Indéniablement, le Su-57 sera acquis en plus grand nombre que seulement 12 appareils, mais les Russes travaillent de manière rigoureuse et prudente – à l’instar de ce qui se fit avec le Su-27 auparavant – et en attendant d’avoir une vue précise et définitive sur les forces et faiblesses du Su-57 (l’arrivée de l’Izd.30 devrait déjà modifier la donne); l’acquisition de plusieurs modèles d’appareils sera la norme en matière d’acquisitions militaires pour les forces aériennes russes.

Le prochain GPV actuellement en cours de négociations finales a déjà consacré cette option avec des commandes supplémentaires de Su-30SM/Su-34(M)/Su-35S en plus d’une première commande de Su-57. Est-ce pour autant que l’on ne verra l’appareil n’être acquis qu’en nombre réduit? C’est peu probable.

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La force aérienne russe du futur, ce ne sera pas que des Su-57. Le Su-34 aura également son mot à dire. Photo@russianplanes.net

Après tout, le Su-57 est amené à rester en service pour les 30 ans à venir avec une MLU d’ici 15 ans (si l’on suit la logique Russe) donc le nombre d’appareils sera beaucoup plus important qu’on ne peut le lire parfois avec cette seule différence que les achats seront étalés dans le temps et équilibrés sur base des autres appareils acquis. Même si il ne faut pas se faire d’illusions sur le fait que les variantes de Flanker, même modernisées, ne dureront pas éternellement.

Le rééquipement complet de l’usine de production KnAAZ, avec les coûts liés, en vue de la production du Su-57 est un indicateur clair et précis sur le niveau des ambitions Russes en la matière. Si l’on prend en considération les variantes éventuelles de l’appareil, il est assez évident que l’avenir du Su-57 et de sa production peuvent s’envisager sereinement. Le principal facteur limitant au niveau de la production du Su-57 sera la capacité financière que l’état russe sera disposé à consacrer pour sa production.

Perspectives d’évolution du PAK FA

On l’a vu auparavant, le Su-57 est conçu et pensé pour être un chasseur multirôles monoplace. Bien que capable grâce à son armement embarqué d’assurer des frappes air-air, air-mer et air-sol : il est optimisé pour la chasse et l’interception.

Il est clair que le Su-57 est une plate-forme qui évoluera et se déclinera en variantes optimisées pour certaines missions et emplois.

Une première variante qui a déjà été présentée (de loin) est la version navale de l’appareil. Dans le cadre du toujours hypothétique futur porte-avions Russe de nouvelle génération, l’appareil principal embarqué à son bord serait le PAK FA.

Présentant une configuration fort proche de la variante terrestre avec, bien évidemment, la crosse d’appontage et les ailes repliables. La taille réduite de l’appareil (la hauteur notamment) comparativement à un Su-33 est une bonne chose pour un porte-avions où chaque cm² compte.

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Maquette de l’hypothétique futur porte-avions russe. Avec des MiG-29K et… des Su-57!

Le MiG-29K/KUB est actuellement le seul appareil naval produit en Russie et il ne fait plus le poids face aux concurrents occidentaux donc si la Russie veut garder un part de ce marché ; le développement d’une variante navale va s’imposer à terme.

Une deuxième variante est la variante d’entrainement et/ou à deux places. Dans le cadre du projet FGFA, il était initialement prévu la mise au point d’une variante à deux places (en tandem) du Su-57 pour répondre aux demandes des Indiens.

Cependant, au vu du surcoût engendré par la mise au point de cette version et au vu des fréquents atermoiements indiens en ce qui concerne le projet FGFA : l’idée est passée aux oubliettes.

Il semble cependant des plus logique qu’une variante à deux places sera développée à terme ; que ce soit pour des missions d’entrainement des pilotes (bien que le Su-35S remplisse imparfaitement ce rôle) ou pour disposer d’un appareil « à la Su-30 » qui peut devenir une sorte de « poste de commandement local » au plus près du champ de bataille : cette version serait la plus pertinente à développer dans un premier temps.

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Photomontage d’une version à deux places du Su-57. Montage@weaponews.com

Les Russes n’ont encore rien communiqué sur une telle version, mais il est plus que probable qu’elle suivra une fois la mise au point de l’Izd.30 et son intégration achevée.

En effet, le surcroît de puissance offert permettra de compenser l’alourdissement de l’appareil que constituerait un deuxième membre d’équipage et les systèmes embarqués supplémentaires. A condition de vouloir conserver les mêmes performances globales, bien entendu.

Une troisième variante envisageable à moyen-terme est une version de bombardement tactique du Su-57. Le Su-34 est un excellent appareil et la mise au point d’une version modernisée à partir de 2018-2019 permet d’envisager un remplacement des appareils les plus anciens à l’horizon 2030.

Avec sa capacité d’emport importante, la possibilité de rajouter des armements en externe ainsi que des systèmes embarqués plus performants : le Su-57 constitue une bonne plate-forme de base pour en dériver une telle variante. Cependant, il faudra voir si la structure de l’appareil principalement faite en composites dispose d’une capacité de croissance en taille et résistance pour embarquer l’ensemble des senseurs nécessaires à une variante optimisée pour l’air-sol.

Il reste à voir si les militaires Russes (ou étrangers !) seront intéressées par une telle idée. La logique n’est pas toujours là où on croit la trouver. Le facteur économique jouant aussi un rôle important ; une grosse majorité des forces aériennes veulent une flotte standardisée et polyvalente au lieu d’assumer les coûts plus importants d’une flotte mixte spécialisée.

Et après ? « Avec des si on met Paris en bouteille » comme le dit la maxime populaire. D’autres variantes sont envisageables : guerre électronique, interception, sans pilote, etc… Mais nous n’irons pas plus loin sur ce sujet, les possibilités sont multiples et rien ne permet de dire actuellement dans quel sens l’appareil évoluera.

PAK FA ? FGFA ? Et Cætera ?

Qu’en est-il des chances à l’export de l’appareil ? Si on se base sur le Su-27 (et variantes) on est légitimement en droit de penser que le Su-57 à toutes ses chances au niveau de l’exportation.

Appareil moderne, bien conçu et, avantage non négligeable, certainement moins coûteux que ses homologues occidentaux ; il permettrait à certains pays «non-alignés» de faire l’acquisition d’un appareil de cinquième génération pour un montant moins important que chez d’autres fournisseurs tout en disposant d’un appareil excessivement performant.

Quels seraient les pays susceptibles de s’intéresser au Su-57? Au regard des opérateurs actuels du Flanker, plusieurs prospects potentiels et crédibles sont envisageables. Il est bien entendu évident que le Su-57 n’en étant qu’au début de sa carrière, il s’agit ici des éventualités que l’on peut considérer comme étant les plus crédibles et aucunement de commandes concrètes.

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La force aérienne russe de première ligne du futur? Su-57 et Su-35S. Photo@russianplanes.net

Commençons par le plus « important » (en terme de volume potentiel) : l’Inde. Ce pays discute depuis plusieurs années avec la Russie en vue de la mise au point d’une variante « locale » du Su-57. Repris sous le nom de projet FGFA (Fifth Generation Fighter Aircraft), ce dernier « serait » un PAK FA doté d’équipements d’origine locale. Les médias locaux parlent parfois d’une quarantaine de modifications par rapport à la version Russe de l’appareil mais sans donner plus de détails.

Le FGFA serait amené à devenir le nouveau chasseur lourd de l’IAF devant d’abord suppléer avant de supplanter les Su-30MKI actuellement en service. Les Indiens espérant suivre le même principe que pour le Su-30MKI : une partie de la production du FGFA se déroulant chez HAL.

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Su-30MKI codé SB 175 de l’IAF. Photo@sputniknews

Cependant, l’Inde étant ce qu’elle est et les décideurs locaux étant ce qu’ils sont : le projet est continuellement retardé depuis plusieurs années… pas étonnant diront les mauvaises langues. Entre le nombre d’appareils qui varient constamment, les versions envisagées qui changent, les budgets qui apparaissent et disparaissent : inutile de préciser que les choses n’avancent pas ou presque.

Les Indiens n’ont d’ailleurs pas été avares de déclarations antagoniques au sujet du projet disant tout et son contraire sur une même journée… alors quid ? Est-ce que les Indiens finiront par faire l’acquisition des 144 FGFA souvent annoncés ? Nul ne peut encore le dire. Des annonces récentes qui font suite à un « rapprochement diplomatique » entre les USA et l’Inde penchent de plus en plus vers un abandon pur et simple du programme FGFA par l’Inde et ceci en vue de favoriser d’autres programmes en cours et/ou à lancer.

Il est évident qu’à terme les Su-30MKI nécessiteront un remplacement, ceux qui ne passent pas au standard « Super 30 » tout du moins. Mais il semble que les Indiens jouent le tout pour le tout en vue d’obtenir le maximum de technologies et d’appareils et ce pour le prix le moins élevé possible. C’est bien évidemment de bonne guerre surtout dans le contexte économique actuel russe mais les décideurs indiens semblent passer à côté du fait qu’Inde ou non, le programme est en cours de mise au point et ils ne sont aucunement une condition nécessaire pour la bonne réalisation de celui-ci.

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Le Su-30MKI codé SB 065 de l’IAF. Photo@Alan Wilson

À force de trop jouer avec le feu, New Delhi risque de rater une opportunité intéressante en matière d’appareils « 5G »; aucun autre constructeur n’étant actuellement en mesure et/ou volontaire pour leur fournir ce types d’appareils. Certes, les industriels Russes ne cracheraient certainement pas sur une rentrée de devises liées à une telle vente, mais ils ne braderont aucunement leurs technologies les plus pointues. Les leçons de la grande braderie des technologies durant les années 90 ont été durement apprises… Et contrairement à ce qui est régulièrement annoncé: l’Inde n’a tant qu’à présent investi qu’un montant minimum dans le projet (295 millions d’USD), ce montant étant consacré à la mise au point d’une version adaptée aux besoins locaux et finalement abandonnée entre-temps… ce qui en dit long sur la fiabilité de ce prospect potentiel…

Dans les prospects plus fiables, on peut également envisager l’Algérie. Bien que disposant d’un parc partiellement modernisé avec des Su-30MKA et envisageant l’acquisition de Su-35S et Su-34; ce pays fait partie des clients les plus fidèles des constructeurs Russes et ce depuis de longues années.

La flotte aérienne locale est constituée d’un mélange hétéroclite de MiG-25, MiG-29, Su-24M/MK/MR et de Su-30MKA. Une bonne partie de ces appareils nécessiteront d’être remplacés à moyen terme et si il est raisonnable de penser qu’une commande de 12 (?) Su-34 (Su-32 dans sa dénomination export) soit pertinente à terme pour remplacer les Su-24M/MK/MR ainsi qu’une commande de Su-35S pour remplacer les MiG-25; la question de l’acquisition d’un appareil de 5ème génération ne manquera pas d’être abordée.

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Su-30MKA algérien codé KF-49. Photo@Russianplanes.net

Au vu de la posture adoptée par le pays et de l’importance du budget militaire, il semble peu probable voire utopique de voir l’Algérie changer de fournisseur à l’avenir: la voie semble donc toute tracée pour l’acquisition de Su-57 d’ici 10 à 15 ans peut-être pour envisager le remplacement des premiers Su-30MKA?

Autre client potentiel mais pas dans un proche avenir: le Kazakhstan. Faisant partie de la CEI et par conséquent fort proche de la Russie, ce pays riche dispose d’un budget militaire bien alimenté et a fait le choix de réduire la taille de sa flotte héritée de l’ex URSS pour se concentrer sur l’acquisition d’appareils neufs et modernes ainsi que sur la modernisation d’une partie des appareils disponibles.

Ayant débuté le renouvellement de sa flotte de chasse il y a quelques années; la force aérienne locale reçoit actuellement une série de 11 Su-30SM avec pas moins de 12 appareils supplémentaires en commande. Avec un parc de MiG-31 vieillissant et une flotte de Su-27 qui ne durera pas éternellement, il y a fort à parier que le Kazakhstan devra se tourner vers un autre appareil une fois la production du Su-30SM achevée. De part l’appartenance à la CEI et malgré – dans une certaine mesure – la diversification des sources d’approvisionnement, il semble assez clair que le Su-57 devrait être en haut de la liste d’achat lorsque le pays en exprimera le besoin.

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Su-30SM codé « 01 Rouge » de l’armée de l’air du Kazakhstan. Photo@Astanatimes

Gageons que la Russie n’oubliera pas de faire « un prix d’amis » à l’instar de ce qui s’est fait avec les Su-30SM.

Autre client historique et régulier des productions Russes: le Vietnam. Exploitant déjà des Su-30MKV ainsi que des Su-22M3 et un reliquat de MiG-21; la force aérienne locale nécessitera dans quelques années de nouveaux appareils. Si les généraux vietnamiens accordent toujours toute leur confiance aux productions Russes à tous les niveaux (air/terre/mer) et vu la “menace” que représente la Chine aux yeux du pouvoir local; il y a fort à parier que la prochaine commande d’appareils en vue de rajeunir la flotte locale se fera probablement en Russie.

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Le Su-30MKV codé 8584 de la force aérienne vietnamienne. Photo@viettimes.com

Avec la sortie de production du Su-30MKV, le Vietnam devra donc se poser la question du modèle d’appareils à acquérir. Face à la Chine s’équipant d’appareils modernes de toute dernière génération (aux capacités réelles toujours inconnues, ceci dit) et avec un territoire maritime important (et disputé) à couvrir; un appareil avec une grande allonge et polyvalent sera nécessaire. Reste à voir si le Su-57 pourra être financé par le budget vietnamien, ce dernier étant soumis à forte pression par les militaires vu le besoin de renouvellement d’une partie des équipements à disposition. L’achat d’un appareil de génération 4++ est une autre possibilité bien que l’acquisition de Su-35S par la Chine ait un peu “barré la route” à cette option.

Bon client récent des productions Russes mais en situation de quasi faillite, le Venezuela aurait pu être jusque récemment un candidat potentiel à moyen terme pour le Su-57, vu qu’une partie de son parc d’avions n’est pas de première jeunesse. Cependant, l’acquisition de Su-35S souvent annoncée mais jamais concrétisée en dit long sur la capacité financière de Caracas, la crise politique que traverse actuellement le gouvernement Maduro ne laisse présager d’aucunes commandes militaires à court et moyen terme.

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Le Su-30MK2 codé 0564 de la force aérienne du Venezuela. Photo@Wikipedia.com

Et l’Indonésie? Bien que l’acquisition de Su-35S par ce pays relève du soap opéra traînant en longueur, il semble que les productions aéronautiques russes aient du succès d’un point de vue local. Après avoir fait l’acquisition de Su-27, Su-30 et être en négociations finales pour des Su-35S; le Su-57 pourrait être un candidat potentiel à moyen/long-terme. Il restera toujours le même problème: le financement d’un tel appareil semble budgétairement intenable pour les finances locales. Les difficultés à boucler le financement de l’acquisition des Su-35S en disent long sur la question. De plus, l’Indonésie lorgne actuellement sur des appareils d’occasions et neufs sous la forme de F-16 à différents standards d’équipements; si ces commandes venaient à se matérialiser, il est évident que ça diminuerait d’autant les chances du Su-57 à court/moyen-terme.

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Le Su-27SK codé TS-2703 appartenant à la force aérienne indonésienne. Photo@alert 5

Et après? On n’est jamais à l’abri d’une surprise et où d’une commande “inattendue” à l’instar des Su-30MK2 commandés par l’Ouganda. Si il est illusoire d’envisager une commande de Su-57 par un des pays membres de l’OTAN pour d’évidentes raisons politiques et techniques tout comme une hypothétique commande chinoise au vu de leurs productions locales, rien n’interdit cependant de voir des pays plus « exotiques » passer commande d’un petit lot de Su-57 en vue de posséder une certaine supériorité technique par rapport à des voisins faiblement équipés.

La grande question actuellement reste la réaction du Moyen-Orient et de ses alliés proches par rapport au Su-57. Si l’Iran pourrait être un client crédible, les actuelles sanctions en vigueur et la politique du pays rendent illusoire toute acquisition de matériel neuf dans un proche avenir. L’Arabie Saoudite ne sera certainement pas cliente pour un appareil russe sauf si elle décide de financer l’acquisition par un pays allié (l’Egypte?) de Su-57. Reste à voir si un des émirs au pouvoir dans le Moyen-Orient en quête de protection ne cherchera pas à acquérir quelques appareils non pas pour répondre à un besoin opérationnel mais bien pour s’acheter avant toute chose un soutien politique.

Il reste donc à voir jusqu’où le gouvernement russe sera prêt à aller dans sa recherche de devises étrangères et dans la vente de ses technologies les plus pointues tout en sachant qu’il existe une option « de repli » crédible pour certains clients: le Su-35S. Ceci devant en outre être mis en parallèle avec les besoins russes qui seront toujours prioritaires au niveau de la capacité de production.

Et demain ?

On l’a vu tout au long de cet article, le développement et la mise au point du Su-57 ne furent et ne sont pas une promenade de santé.

Entre les retards, les problèmes techniques rencontrés durant la mise au point, les changements d’avis du monde politique et la contraction des budgets alloués aux programmes militaires : le programme n’a pas pu progresser au rythme initialement espéré. Ceci dit, c’est une constante en URSS et en Russie que de connaître des temps de mise au point extrêmement long.

Si on se penche plus en avant sur la question, on remarque quand même deux choses fondamentales;

  • Contrairement aux autres programmes PAK, le PAK FA n’a jamais été remis en cause
  • Le développement du PAK FA entraîne dans son sillage la mise au point d’un large ensemble de briques technologiques réutilisables dans d’autres projets

Et c’est toute la force de ce programme, le développement du PAK FA tire derrière lui l’ensemble de l’industrie aéronautique Russe.

Entre les nouveaux moteurs, les nouveaux systèmes de guerre électronique, le radar AESA ainsi que l’intégration de l’ensemble de ces systèmes : c’est tout une industrie qui a du se rééquiper, recruter et entraîner son personnel, apprendre à ses bureaux d’études à travailler en collaboration et mettre au point des systèmes capables de fonctionner collectivement.

Rétrospectivement, et au vu de l’état de déliquescence de l’industrie aéronautique Russe au cours des années 90 ; la création d’un tel appareil relève du tour de force magistral. Il est évident que l’explosion des budgets dans le courant des années 2000 a fortement aidé les industriels mais l’argent ne fait pas tout.

Il faut quand même rester prudent, en effet certaines grandes questions relatives au T-50 sont toujours en suspens. Quelles seront les performances de l’appareil avec l’Izd.30 ? Quelle sera la qualité et l’efficacité de la fusion des données ? L’appareil sera-t-il à même de remplir l’ensemble des missions envisagées par l’armée Russe ?

Autant de questions qui ne trouveront réponses que dans plusieurs années.

Néanmoins, le PAK FA semble être promis à un bel avenir : remplaçant le vénérable et littéralement increvable Su-27 (et variantes), la plate-forme évoluera et elle devrait également donner naissance à une famille prolifique d’appareils capables de remplir un vaste éventail de missions.

Le coût de l’appareil (ainsi que les besoins opérationnels) feront en sorte qu’il ne sera probablement pas acquis en aussi grande quantité que son prédécesseur mais au vu de la durée de vie envisagée de l’appareil et des variantes potentielles à venir : le PAK FA est et sera assurément l’appareil représentatif des forces aériennes Russes pour les 30 ans à venir.

Nous reviendrons régulièrement sur ce sujet.

6 réflexions sur “ [Dossier] Sukhoi Su-57 PAK FA, la relève de la garde?

  1. Bravo pour cet article très fouillé sur le Su 57, et je suppose le plus fouillé sur cet avion de la sphère francophone. Votre site est excellent. On sent que vous savez de quoi vous parler. Vos autres articles sont aussi très fouillés notamment celui sur le char T-14 Armata. Félicitations !

  2. Bonjour

    Un bel article, qui est éclairant. Ne pas toujours se fier aux déclarations des occidentaux… LockMart et ses F-35 n’ont qu’à bien se tenir.

    Est-ce que vous pourrez nous donner plus d’informations sur la SER de l’avion au niveau des entrées d’air en S?

    Merci

    1. En l’état actuel des choses non, il faudra attendre l’arrivée de l’Izd.30 (le réacteur définitif) pour en savoir plus sur la configuration au niveau des entrées d’air. Et vu qu’on peut lire tout et son contraire à ce sujet, je préfère attendre et regarder tranquillement.

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