[Actu] L’avenir de RSK MiG?

Alors que des rumeurs persistantes faisaient état récemment d’une fusion/absorption de RSK MiG par l’OKB Sukhoï au sein d’UAC Russia; les points viennent d’être remis fermement en place sur les -i.

C’est le directeur général de MiG, Ilya Tarasenko, qui se charge de détailler les projets en cours ainsi que les perspectives d’avenir du célèbre bureau d’étude; le tout étant relayé par le journal Russe Kommersant dans une longue interview datée du 14 juin.

Décryptage et analyse.

MiG-29/MiG-35

Commençons par le début : le MiG-29 et ce qui apparaît comme une évidence, il n’y a pas de commandes supplémentaires prévues en ce qui concerne le MiG-29K/KUB par l’armée Russe. Ceci signifiant notamment que l’appareil perdu lors du déploiement du Kuznetsov ne sera pas remplacé.

De plus, avec la fin des livraisons à l’Inde ; il n’y a pas de prospects crédibles pour l’appareil à moyen et court-terme. Bien que l’Inde ait lancé récemment la procédure d’acquisition de nouveaux appareils en vue de constituer la dotation des porte-avions en cours de construction (Classe Vikrant), il est peu probable que le MiG-29K/KUB soit un concurrent crédible. La Russie proposera l’appareil mais vu les choix indiens récents, sa sélection paraît improbable.

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Le MiG-29K « 810 » de la Marine Indienne. Photo@indiannavy.nic.in

Ceci étant, cette fin de production – si elle se concrétise – n’est pas définitive en soi ; Ilya Tarasenko laisse quand même savoir que si la Russie ou un autre client exprime le besoin de commander des MiG-29K/KUB supplémentaires, la production serait relancée.

Par contre, il y a une production qui s’arrête définitivement: celle du MiG-29 « classique ». Avec la livraison des derniers MiG-29SMT commandés par les VKS, la Russie n’achètera pas d’avions de ce type supplémentaires.

Plusieurs informations relatives au MiG-35 ressortent de cette interview ; la première étant que la Russie n’a pas encore commandé l’appareil pour équiper les VKS. C’est une information intéressante puisque plusieurs sources indiquaient récemment que la commande était actée. Voilà qui vient remettre les pendules à l’heure.

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Prototype de MiG-35 lors de la présentation officielle de l’appareil. Photo@theaviationnist.com

Il y a par contre confirmation que la commande est en cours de discussions et que cette dernière ne sera validée que dans le cadre du GPV 2018-2025. La quantité d’appareils à commander n’est pas définie non plus (le chiffre de 37 appareils est souvent cité) et c’est le cadre budgétaire fixé par le GPV qui déterminera le nombre à acquérir.

Manifestement, vu les cycles de production: il ne faudrait à MiG qu’un an à dater de la signature du contrat pour livrer le premier avion au client. De plus, la configuration technique définitive de l’appareil est fixée… sans cependant en savoir plus sur le radar employé par le MiG-35.

En outre, le CEO confirme que des négociations sont en cours avec des clients étrangers concernant la vente de MiG-35. Bien évidemment, aucun nom n’est cité mais il ne serait pas étonnant de voir des annonces plus précises avoir lieu lors du salon MAKS 2017. Il apparaît que des discussions sont actuellement en cours avec le Kazakhstan.

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De nouveaux MiG-35 pour remplacer les MiG-29 Kazakhs? Photo@planespotters.net

Il semble également que les marchés d’Amérique Latine et du Moyen-Orient sont les deux cibles potentielles pour le MiG-35. Il ne serait pas absurde de voir l’Egypte acheter des MiG-35 pour compléter les MiG-29M/M2 dont la livraison va bientôt débuter: après tout les différences entre les deux appareils relèvent plus de la sémantique commerciale que de la réalité technique.

MiG-31/PAK DP

En ce qui concerne le MiG-31, l’interview confirme une autre évidence : la modernisation approche de son terme. Avec actuellement 102 appareils portés au standard -BM, les travaux seront achevés sous peu. Surtout qu’aucun contrat supplémentaire n’est prévu, en l’état actuel des choses.

Cependant, bien que ne relevant pas du cadre strict de cette interview, plusieurs photos sont apparues récemment sur l’internet Russe parlant d’une modernisation plus poussée du MiG-31BM corrigeant certains problèmes non traités par le standard -BM. Il s’agirait notamment du montage d’un véritable système ECM (le Vitebsk) ainsi que du remplacement de certains équipements mécaniques en vue d’alléger l’appareil.

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Le MiG-31 « 70 Bleu » en approche pour être ravitaillé en vol. Photo@Wikipedia

Cette « mise à jour » de la modernisation n’étant pas encore officielle bien que déjà entendue à plusieurs reprises : l’information doit être prise avec les réserves qui s’imposent. Cependant, il est évident que le standard -BM ne corrige que très partiellement les lacunes du MiG-31.

Ilya Tarasenko laisse quand même sous-entendre que si le besoin s’en faisait sentir, MiG est parfaitement capable d’offrir une nouvelle modernisation à l’appareil. Tout dépendra des demandes du MoD Russe. Faut-il y voir un lien de cause à effet? Nous vous laissons juger par vous-mêmes.

Autre information importante; le développement d’un remplaçant pour le MiG-31 est en cours sur base d’une initiative personnelle du constructeur. Si il est acquis que l’Etat Russe ne finance pas – pour l’instant – le programme PAK DP (intercepteur à long rayon d’action devant remplacer le MiG-31), le bureau d’études travaille en collaboration avec ses sous-contractants sur l’établissement du concept et du design de l’appareil.

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Le MiG-31 « 09 Bleu » en instance de ravitaillement. Photo@airrecognition.com

Il est bien entendu évident que les études n’en sont qu’à leurs débuts et qu’il faudra un budget fédéral conséquent pour disposer un jour d’un prototype exploitable. Le timing idéal envisagé par le CEO de MiG étant de disposer d’un appareil de nouvelle génération pour remplacer le MiG-31 lorsque ce dernier aura atteint la fin de sa vie opérationnelle. Ce qui nous donne une estimation minimale de 10 ans…

UAV (appareils sans pilotes)

Le troisième axe de développement dans lequel travaille MiG c’est le domaine des appareils sans pilotes (UAV). Si il est assez clair que la Russie présente de sérieuses lacunes dans ce domaine par rapport aux pays occidentaux; les Russes travaillent d’arrache-pied pour rattraper leur retard. L’expérience récente de la Syrie ayant confirmé qu’il est impossible de mener un conflit « moderne » sans disposer de ce type d’appareils.

Les pistes de développement sur lesquelles travaillent MiG concernent un drone d’attaque, un drone de guerre électronique et un drone de reconnaissance: le but étant d’arriver à un drone capable d’effectuer ses trois sortes de missions.

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Non, le programme de drone « Skat » de MiG n’est pas relancé. Photo@?

Les travaux en cours se font sur base des fonds de la société et des prototypes ont déjà été créés cependant, le CEO reconnaît qu’il faudra une source de financement pour compléter les projets en cours.

Structure de la société et situation économique

Si l’option d’une fusion entre Sukhoï et MiG a bel et bien été envisagée, c’est l’option d’une collaboration plus forte entre les bureaux d’études au sein d’UAC Russia qui a prévalu avec une répartition des tâches entre les bureaux au sein de la holding.

Les Russes ont – enfin – décidés de rationaliser le fonctionnement des bureaux d’études et des usines de production…la situation économique actuelle du pays ne devant pas être étrangère à cette décision.

RSK MiG va donc travailler dans trois domaines bien précis: les MiG-29M/-35 et modernisations de ceux-ci, l’intercepteur à long rayon d’action et les UAV. L’OKB Sukhoï travaillera sur ses deux produits phares: le Su-35S et le T-50. Les choix posés auront comme conséquence de voir certaines branches des constructeurs disparaître et/ou être absorbées par d’autres constructeurs.

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Premier MiG-29M2 égyptien. Photo@russianplanes.net

Au niveau de la charge de production, RSK MiG annonce en l’état actuel des choses avoir du travail jusqu’en 2025, son chiffre d’affaires en 2016 était de 56,7 milliards de Roubles et son bénéfice net de 5,6 milliards de Roubles. La croissance attendue pour 2017 est estimée à 15-17%; l’entreprise employant une partie des bénéfices de l’année pour financer les programmes de développement en cours.

En conclusion

On l’a vu ci-dessus, cette interview aborde plusieurs sujets importants pour RSK MiG; ses programmes en cours, sa structure et l’avenir de la société et sa situation économique.

Ce n’était guère un secret de polichinelle de dire que le bureau d’étude était en perte de vitesse et que sa fermeture et/ou fusion était dans les cartons du gouvernement Russe. Avec une situation économique difficile pour la Russie et la volonté de rationaliser le fonctionnement d’un outil de production complexe et pléthorique cette interview vient remettre plusieurs pendules à l’heure avec différentes informations intéressantes.

Il est évident que la publication de cette interview n’est pas anodine et qu’il s’agit également d’un moyen de remettre l’entreprise sur le devant de la scène tout en envoyant un signal clair aux autres constructeurs: il va falloir simplifier l’outil de production en vue de le rendre plus efficace, ce mouvement ayant déjà commencé chez MiG. D’autres constructeurs sont dans cette situation, c’est notamment le cas chez Ilyushin par exemple.

Il reste à voir ce qu’il ressortira de toutes ses bonnes intentions et annonces: après tout, le MiG-35 n’a pas encore de client « ferme », le remplacement du MiG-31 n’a pas de budget fédéral de développement alloué et les UAV sont en cours de développement. Reste que les discussions avec les EAU pour le développement d’un chasseur léger de 5ème génération sont toujours en cours et que la production de l’IL-114 pourrait être sous-traitée chez MiG donnant une masse de travail supplémentaire sur le long terme.

Enfin, il y a à boire et à manger dans cette interview mais force est de constater qu’en peu de temps la situation qui semblait quasi désespérée de ce constructeur semble enfin commencer à s’inverser et que ce dernier a trouvé une voie dans laquelle il vient compléter sans concurrencer son adversaire de toujours: l’OKB Sukhoï.