[Dossier] MiG-35; MiG contre-attaque?
Après avoir été présentés en date du 26 janvier au Président et au Ministre de la Défense Russe, c’est en date du 27 janvier qu’ont été présentés les MiG-35S et MiG-35UB devant un large panel de représentants militaires et politiques étrangers.
Si les MiG-35S/UB ne sont pas une révolution à proprement parler vu que les deux appareils empruntent beaucoup aux MiG-29M2/K(UB) existant, il est intéressant de se pencher sur eux vu qu’ils marquent l’arrivée de la variante ultime (?) du MiG-29.
MiG-35S/UB, rétroactes
Il faut remonter aux années 80 pour trouver les origines du MiG-35. A cette époque, le gouvernement soviétique avait lancé le développement d’une version aéronavale: le MiG-29K (Izd 9.31) et une version terrestre polyvalente: le MiG-29M (Izd 9.15). Les deux appareils étaient basés sur une nouvelle cellule qui bien que ressemblant à celle du MiG-29 « Vanilla » (Izd 9.12/9.13) en différait fortement. Le MiG-29M effectua son premier vol le 25 avril 1986 tandis que le premier MiG-29K décolla le 23 juin 1988. En 1992, peu après la fin de l’URSS, les deux projets furent abandonnés: le MiG-29K céda sa place au Su-33 préféré par la marine soviéto-russe. Cependant, le MiG-29M sera présenté au salon de Farnborough en 1994 sous le nom de MiG-33 (désignation comerciale); cette tentative n’aura aucune suite.
C’est la vente de « l’Admiral Gorshkov » (porte-aéronefs STOBAR classe Kiev) qui va relancer le projet de MiG-29K. En effet, durant les longues négociations qui ont précédé la vente finalement conclue en date du 20 janvier 2004, les Indiens évaluèrent les Su-33 et le MiG-29K (Izd 9.31). Finalement, ils portèrent leur choix sur le MiG-29K avec une commande portant sur 12 MiG-29K et 4 MiG-29KUB.
Les ingénieurs de RSK MiG se mirent au travail rapidement et développèrent une variante profondément remaniée et redessinée: les MiG-29K (Izd 9.41) et du MiG-29KUB (Izd 9.47). Les deux appareils se distinguaient notamment par une cellule entièrement retravaillée avec notamment usage accru de matériaux composites, une aile redessinée avec de nouvelles surfaces de contrôle, un nouveau système de commandes de vol électriques quadruplexées (FBW), des moteurs plus puissants et une électronique de bord entièrement revue. Nous y reviendrons.
Les Indiens passèrent une deuxième commande en mars 2010 portant sur 29 MiG-29K supplémentaires; cette commande étant ensuite suivie en février 2012 par une pour les VMF (la Marine Russe) portant sur 16 MiG-29KR (Izd 9.41R) et 4 MiG-29KUBR (Izd 9.47R).

Sur base de la nouvelle plate-forme « marine », les ingénieurs de chez MiG dérivèrent deux versions basées à terre: les MiG-29M et MiG-29M2. Le MiG-29M (Izd 9.41S) est tout simplement un MiG-29K dont l’équipement lié aux opérations aéronavales a été enlevé; le MiG-29M2 (Izd 9.47S) est exactement dans le même cas; à cette seule différence que l’appareil emporte deux membres d’équipage au lieu d’un pour le MiG-29M.
Le premier MiG-29M, codé « 741 Bleu » (le 741 étant une référence au code projet Izd.9.41S) effectua son premier vol en date du 3 février 2012 tandis que le premier MiG-29M2, codé « 747 Bleu » effectua son premier vol en date du 24 décembre 2011. Cette version ne connut pas le succès en Russie mais elle fut vendue en 2015 en Egypte à raison de 46 exemplaires pour une valeur estimée de 2 milliards d’USD.
La première apparition du MiG-35 remonte à l’époque où les Indiens (encore eux!) lancèrent l’appel d’offres pour le MMRCA (Medium Multi-Role Combat Aircraft) portant sur l’acquisition de 126 appareils. Les Russes présentèrent une offre basée sur un MiG-29M (Izd 9.41S) doté d’un radar AESA Zhuk AE; le nom fut changé en MiG-35 pour des raisons de marketing. Deux prototypes furent réalisés; le MiG-35 (Izd 9.61) « 961 Bleu » qui est un MiG-29K modifié en MiG-35 et le MiG-35D (Izd 9.67) codé « 967 Bleu » qui présente les mêmes caractéristiques mais peut emporter 2 membres d’équipage.

Finalement, c’est le Dassault Rafale qui emporta la mise: avant de la perdre puisque le MMRCA fut annulé suite aux atermoiements et à l’indécision chronique des responsables Indiens. L’état Indien fit l’acquisition de 36 Rafales « off the shelf » par la suite… mais c’est une autre histoire qui n’a aucun intérêt ici.
Finalement, après de longues négociations et de nombreux reports; une version purement « Russe » (aux spécifications des VKS) du MiG-35 fut développée; le MiG-35S qui est suivi par une version à deux places le MiG-35UB. Ce sont ces deux appareils qui ont été présentés hier et aujourd’hui. Le MiG-35S est codé « 702 Bleu » tandis que le MiG-35UB est codé « 712 Bleu ».

MiG-35S et MiG-35UB; description technique
C’est sur la base de la cellule du MiG-29K qu’ont été réalisés les MiG-35S et MiG-35UB; faisant d’eux des chasseurs « légers » comparativement aux autres appareils en dotation en Russie. C’est d’ailleurs ainsi que l’appareil est présenté et se positionne dans les projets Russes.
Les MiG-35 (et par truchement les MiG-29K/M) ont comme caractéristique fondamentale intéressante que les versions monoplace et biplace partagent une cellule rigoureusement identique; idem en ce qui concerne la verrière du cockpit. L’emplacement du deuxième siège est occupé par un réservoir à carburant supplémentaire sur la version monoplace. Cette décision surprenante s’envisage sous deux aspects: MiG a travaillé au plus « facile » en créant une cellule unique qui est adaptée selon les versions souhaitées, d’un point de vue logistique: l’entretien des appareils s’en trouve simplifié.
Mais, cette décision implique aussi que les MiG-35 présentent un train d’atterrissage renforcé (hérité des besoins du MiG-29K) et du système de repliage des ailes (ce qui ne lui est d’aucune utilité); bref l’appareil est un peu plus lourd que nécessaire.

Les MiG-35 ont une envergure de 12m, une longueur de 17,3m, une hauteur de 4,7m, une masse à vide de 11 tonnes, une masse normale au décollage de 19,2 tonnes pour le MiG-35S et de 19 tonnes pour le MiG-35UB et une masse maximale au décollage de 24,5 tonnes. L’appareil peut emporter 6,5 tonnes d’armement répartis sur 9 points; 8 points sous les ailes et un point situé entre les moteurs.
L’appareil est piloté via des commandes de vol électriques quadruplexées, la propulsion étant assurée par deux réacteurs RD-33MK. Ces moteurs, qui présentent les mêmes dimensions générales que leurs prédécesseurs RD-33, offrent 7% de puissance supplémentaire par rapport au RD-33, sont pilotés par un système FADEC et offrent une durée de vie augmentée à 4.000 heures de vol. Par contre, ils ne disposent pas de poussée vectorielle.
Disposant d’une capacité de carburant totale de 5.720 Litres de fuel sur les réservoirs internes, l’appareil peut également emporter 4 réservoirs supplémentaires ainsi qu’un pod PAZ-MK sur le point central pour assurer le ravitaillement d’autres appareils. Bien évidemment, les MiG-35 peuvent également être ravitaillés en vol. La capacité en carburant offre un rayon d’action avec armement air-air et trois réservoirs largables de 1.000-1.400 Km, un rayon d’action avec armement air-sol et trois réservoirs largables de 800-1.100 Km et enfin une distance franchissable en convoyage de 3.100 Km (avec trois réservoirs largables).

Au niveau de l’armement, les MiG-35 disposent d’un canon de 30 mm GSh-30-1 et ils sont capables d’emmener les R-37 et R-77 (ainsi que le RVV-AE) pour les frappes Air-Air ainsi que les missiles Kh-31P, Kh-31PK, Kh-35E, Kh-35UE et Kh-38MLE ainsi que les bombes guidées KAB-500Kr en plus de la panoplie de bombes « classiques » non-guidées pour les frappes Air-Sol.
Les MiG-35S/UB présentent également un cockpit intégralement revu avec 3 grands écrans LCD multifonctions pour le pilote et 4 écrans LCD pour l’officier du système d’armes, les commandes sont du type HOTAS (Hands On Throttle And Stick): avec ces afficheurs et ce système, le travail de l’équipage s’en trouve grandement simplifié.
C’est au niveau de l’électronique qu’il y a pas mal de changements; tout d’abord une grosse déception… le radar. Alors qu’il a toujours été annoncé que les MiG-35 seraient les premiers chasseurs Russes équipés de série d’un radar AESA (Zhuk AE); il n’en est rien. Les appareils seront équipés d’un radar Zhuk ME tout ce qu’il y a de plus classique. Ce dernier dispose de la capacité de suivre 10 cibles et peut en attaquer 4 simultanément; sa capacité de détection est de 120 Km pour une cible avec un RCS (Radar Cross Section) de 5m².

Le constructeur annonce quand même le montage a posteriori d’un radar AESA (Zhuk AE ou AME) mais sans indiquer les modalités ainsi que le timing nécessaire pour ce faire. Pourtant ce type de radar deviendra une nécessité vu les performances « possibles » offertes par ces derniers en comparaison avec le Zhuk ME.
Le système d’armes est également complété par un système opto-électronique OLS-UEM monté devant le cockpit qui assure l’allumage et la désignation des cibles via infrarouge notamment, le système est complété par l’OLS-K installé en-dessous des réacteurs et qui assure une détection améliorée vers le sol. Ce système peut également être monté sur les autres membres de la famille MiG-29K/M.

Les MiG-35 disposent d’une suite électronique complète avec système L-150M-02 (variante modernisée du L-150 Pastel), un système MAWS (Système d’avertissement d’approche de missiles) couvrant l’entièreté de l’appareil, un système de brouillage MSP-418KE ainsi que des cartouches chaff/flares implantées en containers sur les côtés des réacteurs à l’instar de ce qui se faisait déjà sur les MiG-29SMT.
Le MiG-35, pour faire quoi? Pour qui?
Si il se confirme bien qu’une première commande portant sur 30 MiG-35S/UB (le détail de la répartition n’est pas encore connu) sera actée par l’Etat Russe sous peu (les plans initiaux parlaient de 37 appareils); Dimitri Rogozin a déclaré lors de la présentation de l’appareil l’intention d’acquérir jusqu’à 170 appareils à terme.
Le but déclaré étant de remplacer les « chasseurs légers » dans l’inventaire des VKS par les MiG-35. Cette annonce a de quoi laisser perplexe surtout que jusque très récemment; les décideurs Russes ne cachaient pas leur intention de standardiser la flotte sur des chasseurs « lourds » même pour remplacer les MiG-29 survivants.
Ceci étant, on ne peut que se féliciter de voir la Russie exploiter à fond le MiG-29K et ses variantes: même si l’appareil, dans sa forme actuelle, n’est pas au maximum de son potentiel (le manque d’un radar moderne l’handicape franchement) il n’en reste pas moins un adversaire efficace capable de remplir tout un éventail de missions pour lequel un « Flanker » serait clairement de trop.
De plus, il est également intéressant de voir que l’Etat Russe semble redécouvrir l’existence de son deuxième grand constructeur national. Alors que jusque récemment on pouvait s’attendre à voir le nom de MiG apparaître dans la rubrique nécrologique; le MiG-35 et les annonces liées semble indiquer un revirement dans la politique industrielle Russe.
Cependant, il ne faut pas non plus y voir une preuve d’un certain « angélisme politique »; la sauvegarde de MiG est un calcul rationnel par le monde politique. Avec un budget militaire qui connaît une réduction de 5% prévue pour 2017 et les années suivantes jusque 2020; l’acquisition d’appareils plus légers et donc moins cher permettent de « faire le nombre » et d’assurer le renouvellement de la flotte.
La Russie n’a jamais voulu lâcher définitivement RSK MiG de peur de se retrouver avec un seul constructeur (l’OKB Sukhoï) en position monopolistique. En conservant MiG et ses compétences; l’état Russe se conserve la possibilité de faire jouer la concurrence (dans une certaine mesure, bien entendu) entre ses champions nationaux et accessoirement elle permet à MiG de développer les compétences pour un toujours hypothétique LMFS de génération 5 qui viendrait en renfort du PAK FA. Les budgets décideront de l’avenir.
Et au niveau de l’export? Le nerf de la guerre en réalité… grâce aux devises. Il n’est pas nécessaire de rappeler que les finances Russes subissent de plein fouet les conséquences des restrictions économiques Occidentales. La possibilité de vendre des appareils sur le marché de l’export est un bon moyen de faire rentrer des devises.
Mais, malgré les belles performances offertes (et à offrir): le MiG-35 souffrira toujours du même handicap… avoir deux moteurs. Là où la concurrence en présente généralement un. Si ce défaut n’est certes pas rédhibitoire, il augmente de manière conséquente les coûts et la complexité de l’entretien. Certains pays dans les clients « historiques » seraient certainement intéressés par le MiG-35 en remplacement de leurs MiG-29 et ou en complément de MiG-29M(2) en commande mais il ne faut pas s’attendre à des ventes massives à l’export.

L’arrivée progressive d’appareils de 5ème génération et d’appareils « économiques » (JF-17) prive de marchés le MiG-35 qui se retrouve entre deux chaises avec certaines caractéristiques d’un chasseur lourd (les deux moteurs) combinés avec les caractéristiques d’un chasseur léger (rayon d’action et emport). Et même la grande souplesse d’intégration d’équipements étrangers dans leurs productions n’aidera pas les Russes à vendre l’appareil.
On assiste donc bien à un retour de MiG sur le devant de la scène, mais ce retour risque de n’être limité qu’à la scène nationale pour le moment. La préservation de l’outil de production permet aussi à MiG de préparer son avenir et de se positionner pour l’appareil léger de 5ème génération et/ou le projet PAK DP si ces derniers finissent par être lancés.
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